08 Nov

Carnage : un super-méchant qui tient bien son nom

Chez les super-héros, il y a toujours eu des super-méchants (forcément). Mais maintenant, il y a des super-super-méchants. Effrayants, sadiques, surpuissants et carrément flippants. Dont Carnage, monstre peu connu du public français mais ici mis à l’honneur à l’occasion de sa première apparition cinématographique.

Maintenant que le géant Marvel a au cinéma quelques sagas bien établies (Spiderman, Avengers…) mais aussi sur le petit écran (Loki, Wanda Vision), il a désormais les coudées franches et peut se permettre de tenter des ‘coups’, quitte à se planter. Même en cherchant bien, vous aurez par exemple du mal à trouver un spectateur ayant vu l’adaptation ciné des nouveaux Mutants par exemple mais bon, ils retentent ici leur chance avec un personnage a priori mineur de la mythologie maison. Sur les écrans depuis le 20 Octobre dernier, Venom : Let There Be Carnage est donc non seulement le deuxième film tournant autour de l’antihéros Venom mais aussi le premier à faire entrer dans la danse Carnage, son demi-frère en quelque sorte et l’un des méchants les plus sadiques jamais engendrés par la Maison des Idées. Cela valait donc bien quelques petites rééditions et sorties opportunes, histoire que le public français se souvienne à qui il a affaire.

© Panini Comics / Marvel

Déjà, commençons par le commencement, c’est-à-dire par Venom lui-même. Â la base, tout est parti du premier gros crossover de Marvel au milieu des années 80, ces fameuses Guerres Secrètes où, transportés dans un lointain univers, toute une ribambelle de héros et de super-méchants s’écharpaient sous l’œil amusé du Beyonder, être omniscient. Spiderman était de la partie bien sûr et vu que la série était alors en perte de vitesse, ses créateurs en avaient profité pour lui refiler un nouveau costume plus ‘seyant’ noir et blanc, lui offrant aussi au passage des pouvoirs supplémentaires. Sauf qu’avec le temps, cette nouvelle enveloppe s’être révélée être une entité extra-terrestre vivant en symbiose avec son hôte pour mieux le ronger de l’intérieur, comme une sorte de super parasite. Lorsque Spiderman réussit enfin à s’en débarrasser, la bestiole jette alors son dévolu sur un journaliste raté du nom d’Eddie Brock. Ensemble, ils deviennent Venom, reflet hypertrophié et toutes dents acérées de son modèle. Le seul but sur terre de ce monstre schizophrénique parlant toujours de lui-même à la première personne du pluriel ? Tuer le monte-en-l’air.

© Panini Comics / Marvel

Une confrontation qui donne lieu à quantité d’aventures, jusqu’à ce que Brock se retrouve finalement sous les verrous. C’est en prison qu’il rencontre alors un dangereux tueur-en-série, Cletus Kasady. Infecté à son tour, Kasady devient une espèce de démon à l’agressivité décuplée du nom de Carnage. Voilà. Oui, on sait, niveau pitch on a déjà fait largement plus inspiré mais au final, cette volonté d’aller droit au but et de ne pas donner de grandes explications sur les motivations de ce méchant XXL leur a permis de concentrer leurs efforts sur ces exactions. Et c’es là où Carnage, beaucoup plus que son ‘papa’ Venom en somme, tranche avec ses collègues.

Pour faire simple, Marvel n’avait jamais fait avant, ou depuis, de bad guy aussi pervers et violent. Carnage, c’est le monde des super-héros passé en mode Seven. Ou encore le Joker mais sans les vannes et avec plus de rouge dedans. Sorte de vision cauchemardesque de Spiderman et un être uniquement intéressé par la violence et dont l’alter-ego, le dénommé Cletus Kasady, paraît finalement presque fade.

© Panini Comics / Marvel

Comme avec chaque sortie de film, l’éditeur Panini a compilé plusieurs de ses apparitions dans Je Suis Carnage, livre ne cachant d’ailleurs pas ses débuts un peu hésitants. Le hasard fait que la même année (1992) Todd McFarlane avait dégainé de son côté Spawn à qui Carnage fait d’abord invariablement penser et la comparaison penche alors clairement du côté du premier (tiens d’ailleurs, qui retrouve t’on d’ailleurs au dessin sur la série Venom au milieu des années 90 si ce n’est McFarlane lui-même ?). Mais rendons à César ce qui lui appartient. Progressivement, le symbiote a pris de l’épaisseur en devenant plus pernicieux, plus complexe, moins caricatural et surtout de plus en plus effrayant. L’ouvrage collectif se termine d’ailleurs par l’histoire d’introduction de l’excellente mini-saga Absolute Carnage : Le Roi Du Sang publiée il y a quelques mois et qui en 2019 a remis les choses à plat. D’abord en faisant revenir sur scène un Eddie Brock désormais passé du côté des bons. Puis en introduisant Knull, dieu des symbiotes et véritable père en quelque sorte de Carnage. Le tout donne une dimension cosmique dantesque à l‘ensemble, parfaitement mise en valeur par le trait de Ryan Stegman. Au point que le ‘Marvel-Verse’, ces livres à petit format et petit prix piochant dans les archives une poignée d’histoire autour du même personnage, consacré à Venom paraît bien gentillet en comparaison. Bref, si vous aimez les bad guys XXL et vous n’avez pas peur de l’hémoglobine…

Olivier Badin

Je Suis Carnage, collectif,  26€. Absolute Carnage : Le Roi Du Sang de Danny Coates et Ryan Stegman, 22€. Marvel-Verse : Venom, collectif,  6,95€. Panini Comics/Marvel.

07 Nov

Retour à l’école : 10 BD jeunesse pour aider à faire passer la pilule

Finies les vacances, retour au boulot pour les uns, à l’école pour les autres. Avec un long mois de novembre gris et pluvieux devant nous. Autant prendre des forces tout de suite avec cette sélection de bandes dessinées d’humour sucré et d’aventures vitaminées.

Donald aussi a le droit à des vacances. Et il ne supporte plus le bruit des éboueurs qui passent bien évidemment au petit matin, le rugissement des moteurs de voitures, les aboiements des chiens et les miaulements des chats. Bref, Donald attrape son sac à dos, saute dans sa petite voiture, direction la campagne, le bon air pur, la nature, les vaches, les joies du camping, le repos… enfin presque. Car bien sûr, la nature a aussi ses petits perturbateurs, ours, marmottes, castors, écureuils… qui ont décidé d’enrichir le séjour de notre ami Donald. Aucun texte, aucun dialogue, uniquement des images qui parlent d’elles-mêmes pour un récit aussi fougueux qu’un dessin animé des années 40 et 50, années de référence pour les auteurs et fans de Dysney Frédéric Brrémaud et Federico Bertolucci. (Les vacances de Donald, de Frédéric Brrémaud et Federico Bertolucci. Éditions Glénat)

Il a fait un carton avec les aventures de Kid Paddle, Midam continue avec Game over, pas loin de deux millions d’exemplaires vendus et un vingtième opus toujours basé sur le principe du gag muet en une page autour d’un personnage, Le Petit Barbare, tout droit sorti de l’univers des jeux vidéo. Au menu, 43 gags, autant de façons de mourir bêtement, écrasé, broyé, découpé, haché menu, fondu. Autant de façons aussi de mourir de rire ! (Game over, tome 20, de Midam. Éditions Dupuis)

Une lettre d’amour retrouvée dans une maison abandonnée, une pellicule de photos non développée dénichée chez un brocanteur… autant de façons pour Tania, Alban et Théo, de partir à l’aventure. À eux trois, ils forment la Brigade des souvenirs et passent leur temps libre à enquêter sur leurs découvertes, remonter sur des décennies pour retrouver leurs auteurs ou leurs descendants, au risque parfois de réveiller des souvenirs et quelques lourds secrets de famille. Les deux premiers volets de cette nouvelle série ont paru simultanément en septembre, des récits à l’ancienne qui mêlent aventure et découverte de notre histoire, en l’occurrence ici la Première guerre mondiale, et notamment la place de la femme à cette époque, ou l’affaire des enfants de la Creuse dans les années 60/70, une sombre affaire de déportation d’enfants réunionnais vers des départements métropolitains affectés par l’exode rural. (La Brigade du souvenir, tomes 1 et 2, de Carbone, Cee Cee Mia et Marko. Éditions Dupuis)

La série qui a lancé les éditions Bamboo il y a quelques années maintenant est de retour avec un 17e volet inscrit dans la lignée des précédents. Au menu : des gags en une page mettant en scène avec beaucoup de bienveillance et d’humour la vie quotidienne d’une brigade. Cette fois, en fil rouge, Clovis Corbillac, avec un B, grand acteur de cinéma débarque pour s’immerger quelques semaines au sein de la brigade histoire de préparer son prochain film où il jouera un gendarme. Avec à la clé, des situations plutôt cocasses. (Les Gendarmes, tome 17, de Cazenove, Sulpice et Jenfèvre. Éditions Bamboo)

Impossible d’ignorer Les Légendaires, la série culte aux 24 tomes parus, aux 7 millions d’exemplaires vendus et aux cinq séries parallèles menées de front par un Patrick Sobral débordant d’imagination. Et ce n’est pas fini, avant Les Légendaires – Stories qui permettra à des scénariste et dessinateurs fans de l’univers de réaliser leur propre album, paraît en ce mois d’octobre Les Légendaires – Résistance, une nouvelle série située dans la continuité directe de la saga originelle, 20 ans après pour être précis, avec au programme un cataclysme terrestre, une succession de catastrophes et une nouvelle génération de héros qui va se dresser face aux dieux responsables de tout ça… (Les Légendaires – Résistance, tome 1, de Sobral et Jenny. Éditions Delcourt)

Suite et fin de cette chronique d’une enfance chinoise signée Golo Zhao et Bayue Chang’an. Un récit tout en douceur qui aborde les questionnements de la pré-adolescence, l’école, les petits copains, les copines, le corps qui commence à changer… et les premiers signes de l’amour. Un manhwa au format européen avec de grandes cases et un graphisme simple mais efficace, des personnages trognons, des couleurs chaleureuses et beaucoup d’émotion. (Le monde de Zhou Zhou, tome 6, de Golo Zhao et Chang’an. Éditions Casterman)

Émilienne est une gamine de 11 ans comme les autres et elle compte bien le rester. Malheureusement pour elle, son père vient d’être élu président de la République, alors, forcément, ça change quelques petites choses. D’autant que Guy Carnut qui a fait campagne contre son père avec le slogan implacable La France à coups de trique digère mal sa défaite et compte bien se venger comme il peut, le plus simple étant de s’en prendre à la gamine. Un bon scandale et hop à lui l’Élysée… Drôle, frais mais pas pour autant naïf, La Fille du président permet une entrée dans le monde pas très tendre de la politique et de la direction d’un Etat avec les yeux d’un enfant. (La Fille du président, tome 1, de Vincent Cuvellier et Olivier Deloye. Éditions Auzou)

Prenez un classique de la littérature enfantine, en l’occurrence Cabot-Caboche de Daniel Pennac, et un auteur devenu maître dans l’art de la narration en bande dessinée, Gregory Panaccione, responsable de plusieurs merveilles du genre, de Toby mon ami, déjà une histoire de chien, à Chronosquad, en passant par Un Océan d’amour ou Match et vous obtenez ce très bel album paru aux éditions Delcourt Jeunesse. 128 pages qui déroulent la vie – pas toujours facile – d’un petit chien, bâtard pur race, assez laid, mais qui finira par trouver une maîtresse et la dresser. Un trait expressif et nerveux, une histoire pleine de vérité et de drôlerie sur nos amis les bêtes et sur nous-mêmes. Coup de cœur ! (Cabot-caboche, de Grégory Panaccione d’après le roman de Daniel Pennac. Éditions Delcourt)

Un pour tous, tous poulains est le titre de ce nouvel épisode, déjà le huitième, de la série emmenée par Laurent Dufreney et Miss Prickly. On y retrouve tous les pensionnaires habituels du centre équestre, Flash, Bijou, Cookie, Rafal… un nouveau venu, Chocco, et quelques humains dans une succession de gags sur une page. Pour les amoureux et amoureuses du cheval ! (À cheval, de Laurent Dufreney et Miss Prickly. Éditions Delcourt)

Et de neuf pour les aventures de Louca, neuf albums et un beau succès éditorial pour une série qui parle football mais pas que. Apparu dans les pages du journal Spirou en 2012, le héros de Bruno Dequier est une véritable catastrophe ambulante, paresseux, nul à l’école, nul sur un terrain de foot, menteur et maladroit avec les filles. Rien d’un super héros en somme !  Mais il va voir sa vie changer grâce à Nathan, un fantôme qui lui veut du bien et lui a confié une mission : la constitution d’une équipe de football. Pour cela, il doit convaincre des joueurs qui se sont détournés du football pour d’autres sports. Et l’exercice n’est pas toujours des plus faciles… (Louca, tome 9, de Bruno Dequier. Éditions Dupuis)

Éric Guillaud

À l’heure où les dieux dorment encore : voyage au cœur de la création en compagnie de Cosey

Tous ceux qui connaissent un tant soit peu l’œuvre de Cosey savent combien il est capable de nous emmener d’un coup de crayon en voyage. C’est à nouveau le cas ici, même s’il ne s’agit pas d’une bande dessinée mais d’un recueil d’illustrations…

Les éditions Daniel Maghen nous ont habitué depuis des années maintenant à nous concocter de très beaux livres, tant dans le domaine de la fiction que dans celui de la biographie ou monographie. Vous ne serez pas déçus par celui-ci, un recueil situé quelque part entre le carnet de route et le journal intime conçu par Vincent Odin et consacré à l’un des plus grands auteurs de la bande dessinée contemporaine, Grand Prix du Festival d’Angoulême 2017, le Suisse Bernard Cosendai, dit Cosey.

Sur plus de 300 pages, le livre réunit des dessins de voyage, des aquarelles, des esquisses, accompagnés de commentaires, de réflexions, d’anecdotes, de précisions techniques, notamment autour des couleurs, de quoi aller au plus près du travail de l’auteur qui depuis plus de quatre décennies nous enchante de son trait et de son écriture.

Entre les années 70, époque des premières planches publiées dans le journal Tintin, et aujourd’hui, l’auteur a développé un univers très personnel qui nous invite au voyage avec une approche intimiste et en même temps suffisamment universelle pour que ses récits résonnent en chacun de nous. On pense bien évidemment à la divine saga Jonathan bercée par les philosophies orientales mais aussi au diptyque À la recherche de Peter Pan, Le Voyage en Italie ou plus récemment Calypso.

Alors que paraît l’ultime volet de Jonathan aux éditions du Lombard, cet épais bouquin vient nous offrir un complément bienvenu pour comprendre et apprécier à sa juste mesure la démarche de l’auteur qui a commencé à dessiner le Tibet d’après le peu de documentation disponible, avant de pouvoir s’y rendre lui-même à l’ouverture des frontières et d’en ramener photographies, dessins d’observation… ainsi qu’une fascination définitive pour cette région du monde et d’une façon plus générale pour le voyage.

Tibet, Birmanie, Inde, Espagne, Grèce, Japon, Chine, États-Unis… Cosey n’aura de cesse de nous ouvrir les yeux et l’esprit sur le monde et ceux qui le font. Un voyage permanent !

Eric Guillaud

À l’heure où les dieux dorment encore, de Cosey, Éditions Daniel Maghen. 49€

26 Oct

Inès : un récit au cœur des violences conjugales signé Dauvillier et D’Aviau

Elle s’appelle Inès mais elle pourrait aussi bien s’appeler Mathilde, Louise, Louna, Rosa ou encore Sarah, l’histoire de ce livre est l’histoire de quelque 220 000 femmes qui sont chaque année victimes de violences physiques ou sexuelles au sein de le leur foyer…

220 000 femmes victimes de violences chaque année, 146 tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2019. Le constat est terrible, les chiffres énormes et effrayants montrent l’ampleur du phénomène mais ne décrivent pas ce que ces femmes vivent au quotidien dans leur chair, la peur, la honte, les humiliations, la douleur…

L’album Inès de Loïc Dauvillier et Jérôme d’Aviau raconte justement ce qu’on ne voit pas, ce dont on ne se doute pas, en faisant pénétrer le lecteur dans le foyer d’un couple comme les autres, du moins en apparence. En se déshabillant, Inès laisse entrevoir des bleus un peu partout sur le corps, les marques de son enfer quotidien. Son mari est un homme violent, par les mots et les gestes. Alors elle s’enferme dans les toilettes ou se réfugie dans le lit de sa fille, en espérant que les choses se passent et que son mari se calme. Mais il ne se calme jamais !

« Le quitter ? Pour quoi ? Pour où ? Et si je suis obligée de revenir ? »

La problématique est la même pour beaucoup de ces femmes, rester malgré tout, parfois pour le pire.

Avec un dessin en noir et blanc qui suit l’intensité du récit, une mise en page simple mais efficace, Loïc Dauvillier et Jérôme d’Aviau nous font ressentir toute la violence de ces situations et la difficulté pour les femmes de s’en sortir, de refuser l’inéluctable. Inès est un récit choc qui bouleverse autant qu’il exaspère. Pourquoi au XXIe siècle en sommes-nous encore à ce stade primitif ?

Pour prolonger et compléter ce très bon récit, la sociologue Pauline Delage nous apporte son éclairage dans un dossier de quelques pages, suivi de quelques ressources utiles en cas de violences sexistes et sexuelles ainsi que de références bibliographiques. Un livre utile !

Éric Guillaud

Inès, de Dauvillier et D’Aviau. Éditions Glénat. 17,50€

© Glénat / Dauvillier & D’Aviau

24 Oct

Et à la fin, ils meurent : Lou lubie vous dit tout ce que vous avez toujours voulu savoir – ou pas – sur les contes sans jamais oser le demander

Vous croyez encore aux contes de fée ? Et vous souhaitez continuer à y croire ? Alors, surtout, ne lisez pas ce livre, Lou Lubie dévoile l’envers du décor, le côté sombre de ces belles histoires qui nous font rêver depuis des lustres…

Il est pourtant beau cet album ! Un format roman, vert et doré en couverture, doré sur la tranche des pages, bref de quoi y aller en confiance s’il n’y avait ce titre, Et à la fin ils meurent, et ce dessin d’une princesse sans bras accompagné d’un prince qui n’a plus rien de charmant. Il faut lire le sous-titre La Sale vérité sur les contes de fées, pour saisir pleinement qu’il ne s’agit pas ici d’une belle histoire d’amour tendance Et à la fin ils eurent beaucoup d’enfants mais bien d’une déconstruction de nos croyances les plus naïves.

Et elle y va Lou Lubie, elle y va sans ménagement, dévoilant toute la vérité sur Cendrillon, Barbe Bleu, Raiponce, le Petit Chaperon rouge ou encore La Belle au bois dormant, en remontant aux origines des contes et en s’intéressant au passage à la place qu’y occupent le racisme, la religion, le sexisme, l’antisémitisme…

Dans un esprit libre et drôle, Lou Lubie, à qui l’on doit notamment Goupil ou Face aux éditions Vraoum et L’Homme de la situation chez Dupuis, signe ici une exploration originale de notre imaginaire collectif. Et si vous n’avez pas assez des 248 pages de l’album, sachez que des bonus numériques en réalité augmentée sont accessibles via l’application Delcourt Soleil +.

Eric Guillaud

Et à la fin ils meurent, de lou Lubie. Éditions Delcourt. 24,95€ (en librairie le 3 novembre)

© Delcourt / Lou Lubie

22 Oct

Utopiales 2021 Nantes : une sélection de BD de science-fiction à lire avant le festival

Après la traversée d’un trou noir pandémique en 2020, le festival international de la science-fiction se posera à nouveau à la cité des congrès de Nantes du 29 octobre au 1er novembre. En attendant, voici déjà de quoi voyager dans le temps et l’espace avec notre sélection de lectures…

À quoi pourraient ressembler les lendemains de l’humanité ? Si quelques indices nous permettent d’en imaginer facilement certains aspects, tout n’est pas encore écrit et laisse de beaux jours aux scientifiques, auteurs et artistes en tout genre pour en donner leur propre vision. Dans ces dix albums subjectivement sélectionnés, dont deux figurent parmi la sélection pour le Prix Utopiales 2021, tous les futurs sont encore possibles avec une approche tantôt réaliste, tantôt surréaliste ou fantaisiste, tantôt spectaculaire, tantôt philosophique ou intimiste.

La suite ici

 

16 Oct

Ténébreuse : un magnifique conte pour les grands signé Mallié et Hubert

Libérer une princesse ! Qui pourrait refuser une telle mission surtout lorsque la princesse en question est d’une beauté incroyable. Arzhur n’a pas refusé, il s’est même empressé d’aller à son secours. Mais la vie n’a parfois rien d’un conte de fée…

Il était une fois un prince charmant qui libéra une belle princesse des griffes d’une monstrueuse créature… Enfin ça, c’est le scénario idéal. En ce qui nous concerne ici, le prince charmant est un simple chevalier, déchu qui plus-est pour faute grave, et la belle princesse retenue contre son gré, une princesse, certes, mais volontairement recluse dans un château abandonné, pour se protéger de son père et de sa mère avec une grosse bestiole pour animal de compagnie.

Alors forcément, lorsque Arzhur, le fameux chevalier déchu, débarque, tue son animal pour la libérer, l’histoire est bien mal emmanchée pour qu’il y ait des remerciements et que tout ça se termine par un mariage et une poignée d’enfants.

© Dupuis – Mallié & Hubert

Toutefois, oui toutefois, les deux jeunes gens vont se rendre compte que l’un peu aider l’autre pour reprendre en main leur vie respective et vont finalement accepter de faire un petit bout de chemin ensemble…

Alliance magique que celle-ci entre le regretté Hubert à qui l’on doit déjà quelques beaux scénarios dont le très primé Peau d’homme avec Zanzim au dessin, et Vincent Mallié qui nous avait déjà ébloui avec Le Grand Mort, Les Aquanautes et deux albums de La Quête de l’oiseau du temps. Le diptyque médiéval dont ils nous offrent ici le premier volet est d’une beauté graphique et d’une intelligence scénaristique exemplaires. Une immersion dans le monde médiéval avec un conte qui prend à rebrousse-poil les codes du genre pour nous parler de la femme et de la famille. Magnifique !

A noter le magnifique travail du coloriste étonnement non crédité sur l’album, Bruno Tatti, qui a su s’approprier l’histoire et nous offrir des atmosphères bluffantes.

Eric Guillaud

Ténébreuse, de Mallié et Hubert, couleurs de Bruno Tatti. Éditions Dupuis. 19,95€ (en librairie le 22 octobre)

© Dupuis – Mallié & Hubert

14 Oct

Joker vs The Mask : un sacré petit jeu de massacre

The Mask, un vrai-faux méchant drôle que pour les enfants ? Vous allez pouvoir réviser vos classiques, grâce à la réédition de cette double rencontre explosive… Attention, ça défouraille sec !

Pour le grand public, le personnage de The Mask restera éternellement associé à Jim Carrey et à sa prestation hystérique dans l’adaptation cinématographique en 1994 du même nom. Sauf que comme l’a rappelé récemment l’excellente anthologie parue chez Delirium et rassemblant ses toutes premières escapades, The Mask est avant tout une bande dessinée complètement délirante profitant à fonds de son postulat de départ – un masque aux origines mystérieuses confère à celui qui le porte des pouvoirs quasi-infinis tout en pervertissant subtilement sa personnalité – pour mieux partir dans des délires dignes d’un cartoon sous acide.

Or vu la personnalité du Joker – a-t-on besoin de vous rappeler que ‘joker’ peut être traduit par ‘bouffon’ ? – les deux étaient forcément faits pour se rencontrer un jour. Et c’est finalement arrivé dans ce crossover– The Mask est chez Dark Horse alors que le Joker est bien sûr l’une des têtes de gondole de DC Comics – datant du début des années 2000.

Oui, Batman apparaît sur la couverture (il faut bien attirer le chaland ma bonne dame) mais pour être franc, il fait ici limite de la figuration, histoire de mettre l’accent sur le combat entre les deux méchants. Combat intérieur si l’on peut dire car toute l’intrigue tourne autour d’un Joker trouvant par hasard ce masque ancien lors d’un casse improvisé du musée de Gotham avant de l’endosser pour devenir une espèce de mélange des deux.

© DC Comics – Dark Horse – Urban Comics / collectif

Autre potentiel malentendu : oui, le graphisme emprunte clairement aux séries animées contemporaines mettant en scène ses différents personnages et destinés, à la base, aux enfants. Sauf qu’ici ce ne sont pas vraiment nos bambinos qui sont visés mais plutôt leurs grands frères, vu comment tout ce petit monde tournant à 200 à l’heure redouble d’ingéniosité pour s’égosiller dans tous les sens.

Le résultat est assez réjouissant. Déjà, c’est franchement assez drôle, à condition d’aimer l’humour assez acide lancé à toute berzingue. Et puis il y a cette façon si particulière qu’a The Mask de se mettre constamment en scène, de changer de forme et de costumes ou de multiplier les clins d’œil aux lecteurs auxquels il semble constamment s’adresser directement, nous rappelant donc que le grand public a sûrement oublié combien ce anti-héros n’était pas si mignonnet et politiquement correct que ça.

© DC Comics – Dark Horse – Urban Comics / collectif

C’est d’ailleurs encore plus flagrant dans le bonus pas si anodin que cela rajouté en seconde partie, cet autre crossover autant si ce n’est encore plus explosif avec Lobo, le bad boy chasseur de primes intergalactique si populaire dans les années 90 mais aujourd’hui hélas un peu oublié. Ici, vous pouvez oublier le style plus enfantin de la rencontre avec le Joker et surtout, lâchez les chiens ! Les scénaristes assument complètement leur parti-pris de rapidement se débarrasser de toute intrigue alambiquée avec un point de départ des plus basiques : payé par un consortium d’aliens baveux, le flingueur à gros cigares débarque sur Terre pour envoyer à la casse The Mask. Voilà, c’est tout. S’ensuit baston sur baston à coups de délires visuels et gore adorant foutre ses doigts purulents dans son nez en disant des gros mots. Un véritable feu d’artifice où Tex Avery croise Evil Dead et LA pépite de ce volume plus subversif qu’il n’y paraît…

Olivier Badin

Joker vs The Mask de Henry Gilroy, John Arcudi, Alan grant, Ramon F. Bachs et Douge Mahnke. DC Comics/Dark Horse/Urban Comics. 23 euros

13 Oct

Extension du domaine de la loose : le ticket gagnant de Pascal Valty

Ne cherchez pas un rapport quelconque avec le livre de Houellebecq, il n’y en a pas si ce n’est une partie du titre et peut-être un certain regard sur la France, celle qui ne gagne pas mais s’échine à ne pas trop perdre. Et c’est déjà pas mal…

Pour ceux qui ont moins de cinq ans, même s’ils doivent être logiquement peu nombreux à lire ces lignes, et ceux qui ont plus de 120 ans et n’auraient pas eu anglais première langue à l’école, une petite explication linguistique est peut-être nécessaire. La loose se caractérise par le manque de chance. Par extension, un looser est un malchanceux, un perdant.

Antoine n’est pas un looser à proprement parler, ou alors un looser volontaire, un gars qui ne rêve pas de se faire remarquer, d’avoir du succès, de briller dans les soirées mondaines. Non, son truc à lui, c’est qu’on lui foute la paix, qu’on l’oublie.

Il a pourtant un nom pas franchement minable notre Antoine. Doisneau, oui Doisneau comme le photographe. Et un job qui fait chouette sur une carte de visite : enseignant dans une école de design. Oui mais voilà, Antoine n’est pas le genre de gars brillant à faire émerger des idées neuves. Ou alors sur un malentendu.

Malgré tout, Antoine se retrouve un beau jour à la tête d’un partenariat de premier plan avec une grosse société chinoise. De quoi le laisser sur le flanc, lui qui ne fait que fuir les responsabilités avec une certaine réussite de ce côté-là. Et ce n’est rien par rapport à ce qui l’attend…

Bienvenue dans le monde de la France qui ne gagne pas, qui n’a pas de Rolex à 50 ans et qui n’en veut pas. Un bon petit bouquin rafraichissant signé par un auteur qui n’a à priori rien d’un looser et qui a le souci du travail soigné !

Eric Guillaud

Extension du domaine de la loose, de Pascal Valty. Editions La Valtynière. 15,90€ (disponible le 20 octobre)

10 Oct

FIBD. Fauve Prix de la série 2022 : Spirou L’Espoir malgré tout d’Émile Bravo

Spirou est de retour pour le troisième et avant-dernier volet d’une saga unanimement saluée par la presse et plébiscitée par le public, une fiction à haute valeur de témoignage sur les heures les plus sombres de notre histoire contemporaine…

Il a beau être de papier, le célèbre héros au costume de groom né en 1938 sous les crayons de Rob-Vel a vraiment connu la guerre, laissant en transparaître les prémices dans ses aventures de l’époque, avant d’être mis au repos par la censure en septembre 1943 et de finalement réapparaître plus vaillant que jamais à la Libération. Oui, Spirou a traversé la seconde guerre mondiale, comme Fantasio d’ailleurs, personnage créé en 1942.

Le fait de le retrouver, de les retrouver, au coeur de ces années noires pour un récit fleuve signé Émile Bravo n’a donc rien d’un illogisme. Grâce à un travail de documentation acharné et à la reconstitution d’un contexte au plus juste, l’auteur donne à cette fiction la force d’un témoignage sur ce que fût cette période, les privations de liberté, la peur, la faim, la haine, la mort…

© Dupuis / Bravo

C’est ce que souhaitait l’auteur en démarrant cette quadrilogie, plonger Spirou, personnage simple auquel tout le monde peut s’identifier, dans le quotidien atroce de la guerre, de l’occupation, de la shoah, et le transmettre aux jeunes générations pour qu’elles n’ignorent pas le monde d’hier et comprennent le monde d’aujourd’hui.

Mission remplie, ce troisième volet débute dans un train qui roule en direction d’Auschwitz. À son bord, beaucoup de femmes, enfants et vieillards, tous juifs, et Spirou venu sauver Suzanne et P’tit Louis… Un épisode encore plus sombre que les précédents, plus personnel aussi reconnaît l’auteur, magnifiquement mis en images et en couleurs. Et toujours très instructif.

Eric Guillaud

L’Espoir malgré tout, troisième partie, d’Émile Bravo. Editions Dupuis. 17,50€

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