30 Mai

Le Travail m’a tué : une descente aux enfers signée Grégory Mardon, Hubert Prolongeau et Arnaud Delalande

On le sait, le monde du travail n’est pas celui des Bisounours. À tous les échelons, dans tous les services, pour tous les métiers, c’est un peu le même cocktail explosif d’ambitions, de luttes, de pressions, de haines, de souffrances qui peuvent parfois mener à l’irréparable. Le Travail m’a tué en offre une illustration concrète et effrayante avec une histoire basée sur des faits réels et une enquête journalistique…

Il s’appelle Carlos Pérez, de parents espagnols débarqués en France en 1974. Une famille modeste, ouvrière, mais des études brillantes, un diplôme d’ingénieur en poche et une embauche à la clé dans une des plus grandes entreprises de l’industrie automobile. Le rêve, son rêve !

Carlos se fait employé modèle, consciencieux, travailleur, tout lui réussit, tout lui sourit… mais les choses ne sont jamais inscrites dans le marbre. Un déménagement du siège, un changement de direction, une nouvelle équipe, de nouvelles méthodes, des missions à l’étranger alors qu’il vient d’être papa, le harcèlement moral d’une supérieure hiérarchique… Carlos sombre lentement mais sûrement dans la dépression et finit par se suicider.

C’est ce parcours, cette véritable descente aux enfers, que raconte Le Travail m’a tué, un récit parfois romancé mais largement basé sur l’enquête Travailler à en mourir d’Hubert Prolongeau et Paul Moreira (Flammarion) réalisée après une vague de suicides chez Renault et France Télécom.

Le travail des auteurs est ici remarquable tant au niveau du scénario qui illustre parfaitement l’implacable mécanique du harcèlement et du born out, que du dessin vif et spontané signé par le talentueux Grégory Mardon (L’Extravagante comédie du quotidien, Votez le Teckel, Prends soin de toi…). Captivant !

Eric Guillaud

Le travail m’a tué, de Mardon, Prolongeau et Delalande. Futuropolis. 19€

@ Futuropolis / Mardon, Prolongeau & Delalande

26 Mai

Une Famille en guerre : la nouvelle saga de Piatzszek et Espé

Après L’ïle des Justes qui mettait en lumière le rôle souvent méconnu des Corses pendant l’Occupation, le tandem Piatzszek-Espé se reforme autour d’une saga familiale qui se déroule à la même époque mais au cœur du vignoble alsacien…

Si vous avez séché ou oublié vos cours d’histoire, alors voici un petit récapitulatif qui ne serait être inutile. L’Alsace n’a pas toujours été française. Elle l’a été du milieu du XVIIe siècle jusqu’en 1870, date à laquelle elle est annexée par l’Empire allemand, récupérée par la France à l’issue de la guerre de 14/18, annexée une nouvelle fois par l’Allemagne lors de la seconde guerre mondiale en 1940 et finalement récupérée par la France à la Libération.

Tout ça pour vous dire que dans le contexte de la seconde guerre mondiale, forcément, l’Alsace tient une place à part. Plus qu’une occupation, la région est soumise à une annexion avec soumission au Reich, interdiction de parler le français ou l’alsacien et à partir de 1942 incorporation de force dans la Wehrmacht des jeunes Alsaciens. Les fameux malgré-nous !

Obéir ou résister ? Dans la famille Engel, des viticulteurs de père en fils installés du côté de Colmar, chacun devra choisir son camp, comme dans toutes les autres familles alsaciennes. Mais pour le moment, le père, Alfred, est occupé à murer une partie de sa cave, là où sont entreposés ses meilleurs crus. Nous sommes en juin 1940, son fils Antoine prisonnier des Allemands sera bientôt relâché, sa fille Fina, institutrice obligée de faire le salut nazi en début de cours, a bien du mal à cacher ses réticences et François, le petit dernier, adhérera à la HitlerJugend, la Jeunesse hitlérienne.

Dans un style graphique réaliste, Une Famille en guerre nous embarque dans la tourmente des années 39/45 avec ses héros et ses ordures, ses bravoures et ses lâchetés, ses familles déchirées, et avec en sus ici des questions identitaires propres à l’Alsace. À suivre…

Eric Guillaud

Le pays perdu, Une Famille en guerre (tome 1), de Piatzszek et Espé. Glénat. 14,50€

@ Glénat / Piatzszek & Espé

22 Mai

Bug : La fin de l’humanité selon Enki Bilal acte 2

Tout a disparu, tous les réseaux sociaux, tous les disques durs du plus gros serveur à la plus petite clé USB, toutes les données, toutes les archives, toute la mémoire du monde, nous sommes en présence d’un Bug Numérique Généralisé. Conséquence directe et immédiate, l’humanité est dans la merde!

« L’humanité est dans la merde et on imagine mal à quel point », déclare un protagoniste de ce récit signé Enki Bilal. Et c’est vrai qu’on a du mal à imaginer les conséquences d’une fin brutale du règne numérique. On a réussi à s’en passer pendant des siècles, des millénaires, serions nous capables de nous en passer aujourd’hui et encore plus demain ? Pas sûr du tout.

Et si on a du mal à imaginer ce monde replongé dans l’obscurité, Enki Bilal, lui, l’imagine très bien dans ce récit incroyable, un thriller d’anticipation qui nous embarque en 2041. 24 ans nous séparent, le numérique a fini par s’imposer partout dans notre quotidien. Plus une vie ne passe à côté. Il enseigne, il soigne, il nourrit, il cultive, il transporte, il garde en mémoire… et puis c’est le bug, le black-out, le chaos. Ascenseurs bloqués, automobiles à l’arrêt, banques attaquées, bijouteries pillées, aéronefs en perdition, le monde est paralysé, pire, il est amnésique.

Dans ce chaos, un homme, le cosmonaute Kameron Obb, unique survivant d’une mission sur Mars, revient sur Terre avec un alien en lui, un espèce de bug extraterrestre qui s’est posé sur ses cervicales. Et surtout, l’homme souffre d’une hypermnésie singulière, comme si toutes les données numériques, toute la mémoire du monde avaient migré dans son cerveau. C’est Internet à lui tout seul !

Et c’est là que le récit de science fiction tourne au thriller car, bien sûr, cet homme devient l’objet de toutes les convoitises, le monde entier le réclame et certains par des moyens radicaux comme ce groupe de mafieux vénitiens qui a enlevé sa fille…

On avait dit ici même beaucoup de bien du premier volet, on ne change rien pour le deuxième. Un scénario forcément très concernant par les temps qui courent, de quoi filer des sueurs froides à tous les geeks et aux autres.

Eric Guillaud

Bug tome 2, de Bilal. Casterman. 18€

Le rapport W, l’histoire vraie d’une infiltration au coeur du camp d’Auschwitz signée Gaétan Nocq

Il suffit parfois d’un album un seul pour révéler un auteur. Ce fût le cas avec Soleil brûlant en Algérie publié en 2016. Gaétan Nocq y abordait avec talent et singularité la guerre d’un bidasse nommé Alexandre Tikhomiroff. Il nous revient aujourd’hui avec Le Rapport W, l’histoire incroyable d’un officier de l’armée secrète polonaise qui se laisse volontairement interner à Auschwitz…

Avec le recul, on pourrait le prendre pour un fou mais il ne l’était pas, Witold Pilecki était un officier de cavalerie, membre de l’armée secrète polonaise et c’est à ce titre qu’il s’est laissé interner à Auschwitz avec l’objectif d’y organiser un réseau de résistance.

Avec tous les dangers que cela impliquait, Witold Pilecki est parvienu à construire un réseau et même à faire sortir des rapports sur la situation dans le camp. Entre les tortures, les chambres à gaz, les atrocités de toutes sortes, celui qui ne s’est jamais considéré comme un prisonnier mais bien comme un soldat en mission témoignait ainsi du quotidien d’Auschwitz. En avril 1943, il s’évadait du camp. Il fit partie des premières personnes à informer les alliés sur les atrocités commises à Auschwitz.

A l’instar de ses albums précédents, Soleil brûlant en Algérie et Capitaine Tikhomiroff, Le rapport W est basé sur une histoire vraie, il s’agit en fait de l’adaptation du Rapport Pilecki rédigé en 1945 et publié en France en 2014 aux éditions Champ-Vallon.

« J’ai été absorbé par ce récit… », explique Gaétan Nocq, « cette véritable histoire d’espionnage avec un évasion à la clé. La mission de cet officier de l’armée secrète polonaise qui infiltre le camp d’Auschwitz pour y construire un réseau de résistance en vue d’un soulèvement était plus qu’intrigante. J’avais entre les mains une aventure humaine dans un lieu inhumain ».

@ Daniel Maghen / Nocq

Et une histoire d’hommes au coeur de la grande histoire, c’est ce que l’auteur aime par dessus tout raconter en bande dessinée. Soleil brûlant en Algérie, son premier album racontait l’histoire du soldat Alexandre Tikhomiroff pendant la guerre d’Algérie. Capitaine Tikhomiroff, le deuxième, relatait la révolution d’octobre d’Alexandre Tikhomiroff père. Deux histoires où l’humain et l’inhumain cohabitent.

« C’est un témoignage très fort, qui correspond à ce que je veux développer en bande dessinée : ce tissage entre petite histoire et grande histoire. Et ce récit est d’autant plus fort qu’il est factuel. Mais tout était à faire pour en sortir une bande dessinée. L’action se déroule dans le camp d’Auschwitz, dont le nom à lui tout seul évoque l’effroi et l’inhumanité ». 

@ Daniel Maghen / Nocq

Un an et demi de travail fût nécessaire pour mettre cette histoire en images. Mais le résultat est là, un magnifique album de 250 pages, au graphisme, aux couleurs, aux ambiances qui racontent tout autant que le scénario.

« Le carnet de voyage ma permis de développer une pratique du dessin sur le vif, avec l’énergie de l’urgence, où l’impression générale du sujet l’emporte sur sa description. Mon travail en bande dessinée – qui se fait en atelier – réinvestit cette démarche. Mon dessin est un mouvement, un tempo. Le dessin, c’est de l’action ! Je travaille d’abord par surfaces de couleurs (au pinceau-brosse et à l’acrylique) avant de préciser les figures par le trait, aux crayons de couleurs ».

@ Daniel Maghen / Nocq

Afin de l’aider dans sa tâche, Gaétan Nocq a fait appel à Isabelle Davion, Maîtresse de conférence à La Sorbonne. « Quand je me suis engagé dans ce projet, il était incontournable pour moi d’avoir l’expertise d’Isabelle Davion. Isabelle à suivi mon travail dans son évolution. Elle répondait à toutes mes questions, même celles qui pouvaient paraître anecdotiques ».

Non seulement, elle l’a aidé mais elle a aussi été à l’origine de l’adaptation comme elle l’explique dans une longue et passionnante postface. « Gaétan aimait par dessus tout dessiner le voyage, comment allait-il supporter de contraindre ses paysages aux limites de l’univers concentrationnaire ? Mais lui qui s’attachait à l’aventure humaine, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il allait être servi (…) Il m’appelait après une nuit de lecture, et comme tous ceux qui ont côtoyé le témoignage inouï du rotmistrz (capitaine de cavalerie) Pilecki, il était embarqué dans ce récit d’effroi et d’humanité ».

Un album incroyable à tout point de vue, un témoignage essentiel sur notre passé commun à découvrir dès le 23 mai.

Eric Guillaud

Le rapport W, Inflitré à Auschwitz, de Gaétan Nocq. Daniel Maghen. 29€

21 Mai

Little Bird : de la SF dystopique et flamboyante boostée aux hallucinogènes, rencontre avec son dessinateur Ian Bertram

Little Bird est l’un des chocs visuels de ce printemps, une BD ouvertement influencée par des visionnaires comme Jean Giraud alias Moebius et toute la bande de déglingos du magazine ‘Métal Hurlant’, soit une science-fiction dédouanée de ses canons hollywoodiens pour mieux laisser éclater les couleurs mais aussi la violence…

Il faut dire que l’attelage à l’origine de ce roman graphique est inhabituel, entre le scénariste Darcy van Poelgeest et surtout le dessinateur new-yorkais Ian Bertram, formé à la School of Visual Arts et qui travaille à l’ancienne, au stylo d’un trait parfois intimiste, souvent épique et ensanglanté.

On parle ici de ‘dystopie’, c’est-à-dire d’un futur alternatif particulièrement effrayant et pourtant crédible, un futur où le continent nord-américain vit sous l’égide d’un gouvernement totalitaire et théocratique nommé le Vatican. Une résistance essaye pourtant tant bien que mal de se prendre en place. Son seul espoir ? Une petite fille de douze ans appelée ‘Little Bird’ (‘petit oiseau’) dont la famille est, sans qu’elle le sache, au cœur de toute cette tragédie. Un point de départ somme toute assez classique mais qui s’amuse assez rapidement à brouiller les pistes, impression amplifiée par une explosion de couleur et le trait très viscéral de Bertram où l’organique est trituré, hypertrophié et exposé avec une énergie sans cesse renouvelée.

Oui,Little Bird est parfois assez gore mais jamais d’une façon grossière ou gratuite. Pire, quitte à s‘attirer les foudres de ceux qui n’aiment pas ça, lorsque la violence s’y étale, c’est toujours d’une façon presque… Belle on oserait dire, en tous cas grandiose et toujours empreinte de cette mystique christique que l’on retrouve tout le long du récit. On a rencontré son dessinateur au début du mois de Mai dans la capitale, où il a passé quinze jours à « flâner et boire des cafés en terrasse en fumant des cigarettes comme un vrai parisien » mais aussi dessiner, vu qu’il ne se sépare jamais de son carnet de croquis et de ses crayons…

Olivier Badin

Little Bird de Ian Bertram, Darcy van Poelgeest et Matt Hollingsworth. Glénat. 22 euros

19 Mai

Moh, Palestinien mais presque : une immersion au coeur du conflit israélo-palestinien signée Céline de Gemmis et François Bégnez

Ne vous fiez pas au titre et à son jeu de mot, Moh Palestinien mais presque ne fait pas franchement dans l’humour même si certaines scènes peuvent légèrement faire sourire. Ce livre publié par La Boîte à Bulles raconte une histoire vraie, celle de Mohamed, un jeune Cisjordanien de 13 ans qui décide un beau jour de s’engager politiquement et défendre la cause palestinienne…

Moh aurait pu avoir une adolescence presque ordinaire, grandir tranquillement entouré par sa famille dans un environnement progressiste, se concentrer sur ses études, laisser la politique aux autres. Mais le destin et la curiosité en ont décidé autrement en le plaçant au mauvais endroit au mauvais moment.

« J’avais interdiction de traîner après l’école, de me mêler aux mouvements de rue. Mais j’avais besoin de réponses… Alors, je me suis laissé aller à la curiosité! ».

Et c’est comme ça que le jeune Moh se retrouve un jour à la sortie de l’école, le cartable sur le dos, dans une manifestation pro-palestinienne. Pas bien longtemps mais juste assez pour se faire arrêter par des soldats israéliens et embarquer manu-militari.

« A cet instant, ma vie à basculé. J’ai cessé d’être un gosse ».

Il aura beau répéter qu’il sortait de l’école, se trouvait là par hasard, Moh écope de 8 mois de prison. C’est derrière les barreaux, au contact d’autres prisonniers palestiniens que Moh découvre l’engagement politique. Il commence par écouter ses camarades de cellule, lit, se forge une opinion et devient activiste en rejoignant une fois libéré une organisation politique marxiste-léniniste.

C’est cet engagement que raconte le livre de Céline de Gemmis et François Bégnez, cette prise de conscience d’un gamin comme les autres, pas vraiment porté sur la religion, issu d’un milieu plutôt progressiste, mais révolté par les injustices au quotidien dont souffre le peuple palestinien. Mohamed refera de la prison, goûtera même à la torture avant de finalement partir pour la France où il est aujourd’hui chercheur.

Moh Palestinien mais presque est un portrait sincère et émouvant en même temps qu’un de ces témoignages utiles sur le conflit israélo-palestinien, de ceux qui éclairent sans attiser la haine, la violence et les discours obscurantistes mais en montrant l’importance de l’instruction, de la connaissance, du discernement. Une narration fluide, un dessin dynamique, des rappels historiques bienvenus… Good job comme dirait Donald Trump !

Eric Guillaud

Moh, Palestinien mais presque, de Céline de Gemmis et François Bégnez. La Boîte à Bulles. 16€

@ La Boîte à bulles / Begnez & De Gemmis

15 Mai

Mes héros ont toujours été des junkies : une histoire d’amour ou presque d’Ed Brubaker et Sean Phillips où l’on parle de Billie Holiday, Gram Parsons et même de Jean-Paul Sartre

Le tandem de choc Ed Brubaker / Sean Phillips est de retour avec une histoire d’amour entre deux camés en cure de désintoxication, le tout sur fond de littérature, de musique… et de meurtre.

Ed Brubaker et Sean Phillips. Ces deux-là ne se lâchent plus. Et ils ont bien raison. Ensemble, ils ont signé une bonne poignée de séries, Fatale, Fondu au noir, Kill or be killed ou encore et bien sûr Criminal. Ils ont aussi au passage ramassé quelques Eisner Awards et mine de rien marqué le monde du comics d’une empreinte indélébile.

Alors qu’une suite à la série Criminal vient d’être lancée aux États-Unis par les deux compères, voici que débarque de ce côté-ci de l’Atlantique Mes Héros ont toujours été des junkies, un projet qui s’appuie sur l’univers de Criminal mais propose une histoire un peu différente, une histoire d’amour – enfin on peut y croire – sur fond de came, de littérature, de musique… et de meurtre. On ne les refera pas !

Dans le rôle des amoureux, Skip et Ellie, deux camés en cure de désintoxication, tous les deux avec un passé pareillement compliqué qu’ils dévoilent au fil des pages. S’aiment-ils vraiment ? Vont-ils s’aider mutuellement pour s’en sortir ou s’entraîner vers le fond ? Réponse dans les toutes dernières pages…

En attendant de les retrouver dans la suite de Criminal, cet album ne fait que confirmer l’immense talent du tandem avec ici un dessin différent, moins précis, plus jeté, et une mise en couleur plus légère signée par le propre fils de Sean Phillips, Jacob Phillips. Que du bon !

Eric Guillaud

Mes Héros ont toujours été des junkies, de Sean Phillips, Ed Brubaker et Jacob Phillips. Delcourt. 12€

@ Delcourt / Ed Brubaker & Sean Phillips

13 Mai

La Maison de la plage : un récit familial iodé de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Les murs ont-ils une mémoire ? Certains le pensent, d’autres non, mais ici pas question d’ésotérisme ou de paranormal, Séverine Vidal et Victor L. Pinel signent un récit familial traditionnel avec pour décor une maison de vacances en bord de mer…

Traditionnel ? pas tout à fait ! Car dans cette maison située sur la côté ligérienne, subsiste une surpenante trace du passé, un morceau de mur qui n’a jamais été repeint depuis les années 60 à la demande expresse de la grand mère Lucette aujourd’hui décédée. Pourquoi ? Personne ne le sait vraiment et en ce début de vacances, les préoccupations sont ailleurs pour toute la famille. L’oncle Albert souhaite en effet vendre la maison pour récupérer sa part. Il a besoin d’argent.

C’est le choc ! Surtout pour Julie qui vient de perdre son mari Thomas dans un accident de la circulation. Il rentrait d’une soirée, il était ivre, il ne connaîtra jamais sa fille. Lui aussi hante la maison maintenant. Chaque pièce, chaque endroit rappelle à Julie tous ces moments de vie, de partage, avec Thomas.

Le décor est planté, c’est l’été, l’heure des châteaux de sable, des bringues entre amis, des soirées barbecue… Séverine Vidal et Victor L. Pinel peuvent dérouler leur histoire, remonter le temps. 2018, 1968, 1959 puis retour à la case départ. La boucle est bouclée et le secret de ce mur, véritable passage temporel, est levé. Un scénario et un dessin simples mais efficaces, des personnages attachants et une maison de famille comme on peut tous en rêver, bref de quoi passer un bon moment, les pieds dans le sable ou ailleurs…

Eric Guillaud

La Maison de la plage, de Séverine Vidal et Victor L. Pinel. Marabulles. 17,95€

10 Mai

Torpedo reprend du service avec Abuli au scénario et Risso au dessin

Vous avez aimé Torpedo 36 ? Alors vous aimerez Torpedo 72. Le tueur à gages a certes pris de la bouteille mais n’a rien perdu côté gâchette. Question de caractère…

Bon ok, il a pris des rides et du bide, laissé filer pas mal de blé, emmagasiné quelques regrets éternels et même chopé la tremblotte mais il est toujours debout notre Lucas Torelli aka Torpedo. Il est même préférable de se tenir à bonne distance et surtout de ne pas lui chercher des poux dans la tête. Tueur à gages un jour, tueur à gages toujours !

C’est ce que va apprendre à ses dépens un journaliste tendance branquignol en enquêtant sur un meurtre vieux de 30 ans, celui du mafieux Piero Caputo. Histoire d’abreuver le peuple en histoires bien sordides, le journaliste en question balance dans un de ses articles le nom de Torpedo comme étant celui du meurtrier. Alors, forcément, ça fait rapidement désordre dans le milieu…

On ne l’avait pas vu dans de nouvelles aventures depuis 18 ans mais le revoici enfin, dans un contexte autre, après celui des années 30 celui des années 70, avec au scénario, comme au bon vieux temps, Enrique Sanchez Abuli et au dessin, prenant la relève de Jordi Bernet, l’Argentin Edouardo Risso (Fulu, 100 Bullets…). Pas de – mauvaises – surprises, Torpedo 72 est un petit bijou de polar bien noir et jouissivement irrévérencieux à consommer en noir et blanc et/ou en couleurs. À vous de voir!

Eric Guillaud

Torpedo 1972, de Abuli et Risso. Vents d’Ouest. 12,50€

@ Vents d’Ouest / Abuli & Risso

08 Mai

Rahan fête ses cinquante ans avec une nouvelle intégrale aux éditions Soleil

C’est peut-être l’un des héros de bande dessinée les plus populaires. Son nom en tout cas est connu de tous. Rahan revient avec une nouvelle intégrale réunissant l’ensemble de ses aventures. 26 volumes à paraître tout au long de l’année…

Si vous étiez un fidèle lecteur de Pif Gadget dans les années 70/80 alors vous connaissez forcément Rahan. Ce personnage est apparu dans les pages du numéro 1239 du 24 février 1969, premier de la fameuse formule Pif Gadget qui remportera immédiatement un succès considérable, avec des tirages évoluant entre 500 000 et 1 million d’exemplaires en fonction du gadget.

Cette période correspond à l’âge d’or du journal et constitue bien évidement une belle rampe de lancement pour notre héros humaniste au cheveux longs et au collier de griffes évoluant dans un univers préhistorique imaginaire.

Bien sûr sa notoriété dépassa très vite et largement le seul cadre du journal grâce à ses albums parus chez divers éditeurs à partir de 1973 et notamment chez Soleil qui en propose une version en intégrale dès 1992.

Prévue en 26 tomes, cette nouvelle version a été remaquettée et préfacée par Louis Cance, l’un des dessinateurs et scénaristes des aventures de Pif le Chien. Toute une époque !

Eric Guillaud

Rahan, de Lécureux et Chéret. Soleil. 18,95€ le volume