26 Sep

Choker, un Blade Runner à la sauce Ben McCool et Ben Templesmith

Les affaires de Johnny « Choker » Jackson ont beau être florissantes, son ex-boulot de flic lui manque sacrément. Aussi, lorsque le patron de la police locale, Milton Ellis, lui propose de récupérer son insigne, son arme et dans le même temps sa licence d’emploi de la brutalité, il lui était forcément difficile de refuser. Adieu l’agence Jackson Investigations, retour au bercail et tant pis si l’uniforme est désormais un peu trop juste pour lui. On s’encroute vite dans le civil ! Tant pis aussi si son nouvel équipier, une équipière, a plus d’une tueuse que d’une représentante de la loi. Mais voilà, il y a un petit service en contre-partie. Johnny Jackson est chargé de traquer Hunt Cassidy, un baron de la drogue qui vient juste de s’échapper de la prison. Et ce n’est vraiment pas un cadeau…

Après le loup-garoutesque Bienvenue à Hoxford, Ben Templesmith nous revient avec un polar, glauque, déjanté, violent à souhait et légèrement futuriste signé de l’Anglais Ben McCool. Le scénario est en béton armé et, visuellement, Ben Templesmith nous régale une nouvelle fois avec des planches d’une esthétique impeccable et bluffante, un graphisme alliant dessin et peinture le tout retravaillé numériquement et rehaussé de couleurs vives. Une touche de beauté dans un monde de brutes ! EGuillaud

Choker, de Ben Templesmith et Ben McCool. Editions Delcourt. 14,95 euros

24 Sep

Un polar dans le Pigalle des années 50 signé Loustal et Götting

D’un geste mécanique, forcément dérisoire, l’homme passe un morceau de chiffon sur ses lunettes avant de les poser sur son nez et de rédiger une lettre d’adieu. Quelques secondes plus tard, l’homme se suicide. On apprendra plus tard que cet imprimeur d’Auxerre venait d’être ruiné par un certain Robert Mondcamp, un escroc de Pigalle. En arrivant sur Paris, Antoine, se promet de venger son père. Il s’arrange pour approcher Mondcamp et se faire embaucher par lui le temps de quelques petites embrouilles. Plongé dans le monde de la nuit et de la petite arnaque, Antoine se demande s’il aura finalement le courage de tenir sa promesse…

On ne présente plus Jacques de Loustal, pas plus que Jean-Claude Götting. Tous deux mènent depuis les années 80 une carrière parallèle particulièrement féconde. Ils se trouvent réunis ici autour d’un polar, Loustal aux pinceaux, Götting à la plume, un polar qui transpire le Paris des années 50, le Pigalle de la nuit, des petits escrocs et des prostituées. Les atmosphères, le graphisme très pictural, les personnages de premier et de second plan, les lumières, les textes off… tout concourt à faire de cet album un petit chef d’oeuvre du genre. Coup de cœur ! EGuillaud

Pigalle 62.27, de Götting et Loustal. Editions Casterman. 15 euros

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L’info en +

A noter dans vos agendas, deux expositions autour de cet album se tiendront à Paris, à la galerie Barbier & Mathon du 11 au 31 octobre, et à Bruxelles, à la galerie Champaka, du 3 au 21 octobre.

22 Sep

Un peu de bois et d’acier, le nouvel album de Christophe Chabouté

Des jeunes, des vieux, des amoureux, des clochards, des comédiens, des musiciens, des intellectuels, des ouvriers, des sportifs, des actifs, des retraités, des gourmands, des chiens aussi, et beaucoup de passants indifférents qui s’arrêteront peut-être un jour. S’ils avaient des yeux, voilà ce que les bancs publics pourraient voir. Et s’ils avaient des oreilles, ils entendraient toutes les histoires du monde. Christophe Chabouté en a ici imaginé quelques-unes, des joyeuses, des tristes, des fugaces, des tenaces, des histoires qui appartiennent au quotidien. « J’avais envie de rendre important le futile… », confie l’auteur, « mettre en avant ces petits détails anodins, tellement communs et insignifiants que l’on ne les voit plus… essayer de rendre assourdissant le bruit d’une feuille morte qui tombe, guetter le léger et le frivole, et tenter de rendre l’ordinaire extraordinaire… ».

Et de fait, sur plus de 300 pages, Christophe Chabouté nous offre comme un long plan séquence dans lequel se jouent une multitude de portions de vies, des scénettes toutes teintées de poésie, de tendresse, d’humanité et de joie de vivre. « Contrairement à de précédents livres où mes histoires laissent généralement  un goût amer et où l’humour est grinçant, j’avais envie pour celui-ci de décrocher de petits sourires au lecteur, à la manière d’un Tati, faire preuve d’une certaine légèreté, d’humour tendre, arriver à ce que le drôle ne soit pas caustique mais touchant… ». Après les magnifiques Henri-Désiré Landru, Terre Neuvas et Construire un feu, tous parus aux éditions Vents d’Ouest, Christophe Chabouté poursuit l’édification d’une oeuvre singulière, très personnelle, qui donne la priorité à l’imaginaire. EGuillaud

Un peu de bois et d’acier, de Chabouté. Editions Vents d’Ouest. 30 euros

17 Sep

Mégabras ou le super-héros façon Guillaume Bouzard

Guillaume Bouzard, auteur de bandes dessinées de son état, est un garçon d’ordinaire plutôt gentil. On pourrait même dire un garçon serviable, attentionné. Mais depuis quelques temps, Guillaume ne se contrôle plus. Les petites contrariétés le mettent vite dans une colère noire et, surtout, transforment son bras droit en mégabras hyper-musclé. Imaginez une transformation genre « Hulk » mais sans la peinture verte et affectant qu’une partie du corps. Maintenant, pour Guillaume, la question est simple : que faire de ce super-pouvoir ? Changer de métier et devenir maçon ? Et pourquoi pas docker ? Non, il faut mettre ce bras au service de la veuve et de l’orphelin. Dorénavant, Guillaume sera un super-héros…
Ce n’est pas la première fois que Guillaume Bouzard se met en scène dans ses albums (voir The Autobiography of me too aux Requins marteaux), ce n’est pas non plus la première fois qu’il parle de super-héros (voir Plageman l’homme-plage, publié chez 6 pieds sous terre) et enfin ce n’est pas la première fois qu’il parle de bras (voir Le Bras qui bouge chez Fluide Glacial). Cet album serait-il pour autant un concentré des obsessions de l’auteur ? Une seule chose est sûre, Mégabras est un concentré d’humour… brutal ! EGuillaud

Megabras, de Bouzard. Editions Fluide Glacial. 14 euros

Zone blanche, un polar façon Jean-C. Denis, Grand prix d’Angoulême 2012

C’est un polar. Sans vraiment l’être. Un récit singulier en tout cas, plus intimiste que spectaculaire comme peuvent l’être les albums de Jean-C. Denis. L’auteur de la série Luc Leroi, de L’Ombre aux tableaux, de Quelques mois à l’Amélie ou encore de Tous à Matha est un pilier du Neuvième art, un chef de file de ce qu’on a appelé la nouvelle bande dessinée française apparue dans les années 70. Du haut de ses 30 ans de carrière, de ses dizaines d’albums, de ses nombreux prix aussi, dont le prestigieux Grand Prix d’Angoulême reçu en 2012, Jean-C. Denis peut s’enorgueillir d’avoir construit une oeuvre homogène,  riche, encrée dans son époque, avec la réalité pour témoin et la rencontre pour thématique récurrente. Zone blanche est aussi l’histoire d’une rencontre, un soir de panne générale d’électricité. Pas banal ! D’un côté, Serge Guérin, la cinquantaine, électro-sensible, une vie de douleurs et de solitude et un digicode qui l’empêche de rentrer chez lui. De l’autre, Claire, une femme pas vraiment belle, pas vraiment laide, naufragée elle-aussi de la panne d’électricité, une femme qui dégage aucune mauvaise onde. Et c’est important pour Serge. La soirée se prolonge et se termine dans un lit sans qu’il soit question d’amour. Non, il s’agit plutôt d’un acte qui scelle un accord entre les deux, un accord qui va changer leur vie… EGuillaud

Zone blanche, de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16 euros

L’info en +

Jean-C. Denis sera le président de la prochaine édition du festival d’Angoulême en janvier 2013.

11 Sep

Le Bureau des complots, le nouvel album de Jérémy Mahot

Si vous avez dévoré Les frères Zimmer contre le reste du monde, alors vous devriez logiquement aimer Le Bureau des complots. Même si ce nouvel album de Jérémy Mahot avance avec un humour plus masqué, plus cynique aussi, vous retrouverez ici l’atmosphère savoureusement décalé du premier album ainsi que le graphisme minimaliste, géométrique, rigide, en un mot glacial, qui devient la marque de fabrique de l’auteur. Et l’histoire ? Justement l’histoire… Jérémy Mahot part des attentats du 11 septembre et des différentes théories du complot pour imaginer l’existence d’une agence secrète qui serait à l’origine de toutes les catastrophes de l’histoire : l’assassinat de Kennedy, le tsunami en Thaïlande et, donc, le 11 septembre. Si le sujet est grave, particulièrement à l’approche du jour anniversaire, Jérémy Mahot parvient à traiter l’affaire avec finesse. Le héros principal de cette « politique-fiction », patron de l’agence et instigateur direct de l’attentat contre le World Trade Center, est un petit bonhomme sec et froid, absolument dépourvu d’humanisme… C’est le deuxième album de l’auteur ! EGuillaud

Le Bureau des complots, de Jérémy Mahot. Editions Delcourt. 9,95 euros.

04 Sep

Prix de l’audace à Angoulême en 2012 pour Teddy Beat, Morgan Navarro revient avec L’endormeur

Merlin n’en peut plus ! Il rêve d’être seul, seul au milieu d’une plage immense, de s’allonger et de dormir, dormir, dormir… Et c’est compréhensible. Cela fait trois semaines qu’il n’a pas fermé les yeux plus de deux heures de suite. Son fils, Samo, refuse de faire ses nuits. Il hurle en permanence et transforme les nuits du père en cauchemar. A bout, Merlin décide de faire appel à l’Endormeur, un être très étrange mais qui se déplace gratuitement le soir pour endormir les bébés et le matin pour les réveiller. Oui mais voilà, si l’Endormeur a finalement bien endormi Samo, il ne pourra décemment plus le réveiller. L’Endormeur a été assassiné ! Désemparé, Merlin va devoir trouver une solution…

Auteur de quelques albums dans le milieu des éditeurs indépendants, parmi lesquels Malcom Foot, Flipper le flippé ou encore Teddy Beat (Prix de l’audace au festival d’Angoulême 2012), Morgan Navarro nous offre ici un récit totalement surréaliste et drôle avec des personnages plus extravagants les uns que les autres et des situations pour le moins cocasses. Un album conseillé pour tous les parents qui auraient quelques soucis avec leur progéniture, histoire de prendre un peu de recul ! EGuillaud

Château rose, L’Endormeur (tome 1), de Morgan Navarro. Editions Delcourt. 14,95 euros

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L’info en +

Découvrez le blog de Morgan Navarro ici-même !

03 Sep

Les Petits hommes, La Patrouille des castors, Jerry Spring… la rentrée se dessine en intégrale

Finies les vacances, les légendes du journal Spirou reprennent du service pour une nouvelle saison d’intégrales. Et ce mois-ci, ce sont Jerry Spring, La Patrouille des Castors et Les Petits hommes qui s’y collent. Trois volumes, une bonne douzaine de récits, des pages et des pages d’aventures…

Et pour commencer, honneur au plus ancien d’entre eux, le cowboy Jerry Spring. Apparu dans les pages du journal Spirou au milieu des années 50, Jerry Spring s’impose très vite comme un personnage incontournable de la légende du Far West. Ses récits influenceront quantité d’auteurs, de Jean Giraud à Hermann, en passant par Derib. Dans ce cinquième et dernier volume de l’intégrale sont réunis cinq aventures, et non des moindres, publiées entre 1966 et 1977 : Jerry contre KKK, Le Duel, L’Or de personne, La Fille du canyon et Le Grand calumet. Un cahier documentaire replace chacun de ces récits dans le contexte de l’époque, un contexte marqué par la fin d’un modèle, celui du gentil héros, propre et poli, face au méchant, sale et grossier. Les anti-héros prennent le pouvoir et modifient profondément et durablement le paysage culturel européen. De son côté, Jerry Spring vit ses dernières heures. Son créateur, Jijé, décède en 1980. Il faudra attendre les années 90 pour que notre cowboy remonte à cheval pour une ultime chevauchée sous la plume de Festin et le pinceau de Franz…

La Patrouille des castors fait son apparition dans le journal Spirou quelques mois seulement après Jerry Spring. Nous sommes en novembre 1954 et le scoutisme a encore de belles heures devant lui. La série emmenée par MiTacq au dessin et Jean-Michel Charlier au scénario passera d’ailleurs le cap des quarante ans de longévité et disparaîtra avec la mort de son créateur MiTacq. Ce troisième volume de l’intégrale réunit quatre récits, Le Traite sans visage, Le Signe indien, Les Loups écarlates, Menace en Camargue, et un cahier graphique avec nombre d’illustrations inédites, de croquis, de photographies…

Petits par la taille mais grands par la notoriété, les habitants de Ravejols, village touché par la chute d’une mystérieuse météorite, reviennent pour trois nouvelles aventures, initialement publiées entre 1976 et 1978 dans le journal Spirou. Il s’agit de Les Ronces du Samouraï, Le triangle du diable et Le Peuple des abysses. Très proche graphiquement de Franquin, le dessinateur Seron devient à cette époque un pilier « discret » de la rédaction du journal Spirou et Les Petits hommes une des séries phares. Preuve en est ce mini récit également publié dans les pages de cette intégrale mettant en scène une rencontre au sommet entre les Petits hommes et les fameux Schtroumpfs de Peyo. Toute une époque ! EGuillaud

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Dans le détail :

Jerry Spring (Intégrale 5), de Jijé, Lob et Philip. 24 euros

La Patrouilles de Castors (Intégrale 3), de MiTacq et Charlier. 28 euros.

Les Petits hommes (Intégrale 4), de Seron, Mitteï et Desberg. 24 euros