Quarante-quatre albums composent la sélection officielle du 52ᵉ Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déroulera du 30 janvier au 2 février 2025. Un chiffre modeste au regard de la production foisonnante de l’année, mais largement représentatif de la richesse, de l’audace graphique, de l’inventivité narrative et de la diversité des scénarios. En voici un aperçu…
On se demande parfois comment certains albums peuvent nous échapper. Le manque de temps, d’argent, de curiosité, une pochette qui ne capte pas l’attention, sans oublier la surproduction qui finit par tout noyer. Oui, les raisons sont multiples, mais heureusement, le hasard fait parfois bien les choses. La présence de Ballades dans la sélection officielle du prochain Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême me permet au final de découvrir une véritable pépite, un conte médiéval aussi drôle qu’original.
Et quand je dis drôle, je devrais dire complètement délirant, déjanté, tant le scénario, le dessin, d’une élasticité à toutes épreuves, les dialogues, mélange de vieux français et de mots inventés, les couleurs, écarlates, les personnages, tous plus délicieux les uns que les autres, les situations, burlesques à souhait, et les clins d’œil malicieux aux contes traditionnels font corps pour nous offrir un petit ovni éditorial.
Mais derrière cette apparente légèreté, Ballades nous parle aussi, entre les lignes et entre les cases, de notre monde et de notre époque, du féminisme, de la démocratie, de l’émancipation des femmes et des peuples… Bref, pour un premier album, l’autrice Camille Potte frappe fort, très fort. Une belle découverte, un bonheur absolu ! (Ballades, de Camille Potte. Éditions Atrabile. 22€)
Il faut bien l’admettre : nous sommes nombreux, de ce côté-ci de l’Atlantique, à ignorer l’histoire du Québec, et encore davantage l’histoire du mouvement indépendantiste. Pourtant, la mémoire collective a retenu la célèbre phrase « Vive le Québec libre ! » lancée par le général de Gaulle en juillet 1967, lors de son discours historique à Montréal. Une déclaration percutante qui eut des répercussions non seulement sur les relations entre le Canada et la France, mais aussi au sein même du Canada, où le rêve d’un Québec libre nourrissait déjà les passions et un idéal révolutionnaire en quête de son Che Guevara.
C’est précisément cet idéal révolutionnaire que raconte Chris Oliveros dans le roman graphique Mourir pour la cause. S’il s’est appuyé sur une documentation historique rigoureuse pour développer son récit, il a choisi de lui donner la forme d’un documentaire fictif de la CBC, censé avoir été tourné en 1975 et retrouvé bien plus tard. Avec un style graphique simplifié, pour ne pas dire simpliste, et une tonalité quasi-burlesque qui, tout en n’atténuant pas la gravité du contexte, allège quelque peu le propos, Chris Oliveros illustre les premières années du Front de Libération du Québec, évoquant ses actions, ses échecs, ses hommes, souvent animés par un amateurisme déconcertant. Ce premier volet paru en janvier 2024 couvre les années 1960, le second se penchera sur octobre 1970 marqué par une série d’enlèvements de personnalités politiques. (Mourir pour la cause, Révolution dans le Québec des années 1960, Chris Oliveros. Pow Pow. 24€)
Trois histoires distinctes composent ce roman graphique. Trois histoires, mais un seul lieu où tout commence et tout s’achève : un appartement situé au septième et dernier étage d’un immeuble parisien, une mansarde. Et à chaque fois par un été caniculaire.
Pour le reste, ce roman graphique, largement inspiré des Contes de la Crypte et des Contes du Chat perché de Marcel Aymé nous propose un univers fantastico-horrifico-réaliste urbain et contemporain qui explore les problématiques universelles que sont la solitude, l’amour, la vieillesse et la mort.
Fil rouge de ces contes, une vieille femme au comptoir d’un bar de quartier – Les Deux Magots tout de même – introduit chacune des histoires avec un brin d’humour, de quoi alléger la tonalité de l’ensemble qui reste finalement assez sombre avec des histoires qui finissent tragiquement !
Au dessin, Iris Pouy insuffle au récit une atmosphère intimiste portée par un trait que l’on pourrait qualifier de sobre et contemporain. Quant au scénario, Elizabeth Holleville a été récompensée pour cet album par le Prix René Goscinny du jeune scénariste 2025.
L’album Contes de la mansarde figure dans la sélection officielle ainsi que dans la sélection Fauve des lycéens. (Contes de la mansarde, d’Iris Pouy et Elizabeth Holleville. L’Employé du Moi. 22€)
Eric Guillaud