30 Oct

Nemo : la série du Nantais Brüno rééditée en intégrale chez Treize Etrange

C’est peut-être la série qui l’a révélé à la critique et au public. Le Nantais d’adoption Brüno déjà responsable et coupable de plusieurs albums chez des éditeurs indépendants, tels que Mais que fait la police? ou les excellents Wanted et Cold Train, s’attaque au début des années 2000 à l’écriture de Nemo, un récit très librement inspiré de Vingt mille lieues sous les mers écrit par un autre Nantais, de naissance celui-ci, Jules Verne. Ce récit paraît en quatre volumes chez Treize Etrange entre 2001 et 2005 avant d’être réédité en intégrale noir et blanc et aujourd’hui en intégrale couleurs. La boucle est bouclée. Et Treize Etrange nous permet de découvrir ou redécouvrir une nouvelle fois, mais on ne s’en lasse pas, une oeuvre singulière au graphisme à la fois inspiré de la ligne claire d’Hergé et de l’expressionnisme d’un Muñoz ou d’un Breccia. Une bonne porte d’entrée pour aller vers les albums plus récents de Brüno, Commando colonial, Junk ou le magnifique Atar Gull paru en 2011 chez Dargaud. EGuillaud

Nemo, Intégrale couleur. Editions Treize Etrange. 20 euros

Spécial Jeunesse #1

Le Grand Paris de la BD n° 4

Nouveauté de la rentrée 2012 : les vacances de la Toussaint durent plus longtemps ! Voici donc une sélection de trois albums, une tri-thérapie d’humour contre la grisaille de cet automne hivernal …

Game Over – Cold Case t8 de Midam & Adam – Madfabrik

Beaucoup de parents pourraient hésiter à acheter une bande dessinée sans paroles ou presque. Certes les phylactères sont rares dans les aventures de ce petit Barbare, l’avatar de kid Paddle dans le monde du jeu vidéo, un autre personnage du dessinateur Midam. Un petit Barbare qui vit dans l’espoir, renouvelé à chaque planche, de sauver sa princesse Brindille. Deux personnages dont la fin est toujours connue, puisque toujours la même : Game Over – une fin de partie où ils se retrouvent écrabouillés, décapités, dévorés, voire plus si affinités. A partir de cette trame narrative des plus simples, les deux scénaristes font preuve d’inventivité pour charmer leurs lecteurs, de sorte que le rire est systématiquement au rendez-vous. D’ailleurs si vous même avez des idées de gag, n’hésitez pas à leur en faire part : nombreux sont les internautes à avoir proposé une planche. Alors, pourquoi pas vous ? Si cela vous tente : gameoverforever

Grrreeny – Vert un jour, Vert toujours de Midam – Madfabrik

Midam encore, avec un nouveau venu dans la galerie des personnages de sa Mad Fabrik, sa propre maison d’édition. Une sorte de cousin de Kid Paddle, un cousin de la jungle, un tigre devenu vert après avoir nagé dans un lac radioactif. L’idée de départ est séduisante : alerter sur les risques écologiques de la planète. Mais cette bonne intention ne suffit pas pour que le message soit compris. Dès que la démarche est trop ouvertement militante, cela ne fonctionne plus. Le discours environnemental plaqué bloque le rire. Quelques gags sont néanmoins réussis, souvent les moins bavards, comme celui où Grrreeny multiplie les cadeaux à base d’objets récupérés et qui se voit offrir au final un container pour trier et recouvrer. Gageons que si l’auteur murit une suite à ce premier album encore un peu trop vert, il saura s’entourer de gagmen ou fera peut-être appel, comme pour Game Over, aux internautes. La préservation de notre caillou commun le mérite.

Titeuf :  A la folie t13 de ZepGlénat

La bonne nouvelle de cette rentrée. Titeuf a refait son apparition dans nos cours de récréation. Treizième album, celui de la maturité. Cela se sent que son auteur Zep a fait l’école buissonnière pendant quatre ans. Celle d’Happy Sex, suivi de deux rééditions : Happy Rock et Happy Girls. Trois univers adultes où la liberté de ton est assumée, comme dans ses carnets intimes.

Pour notre pré-ado à la houppe rebelle, c’est donc un retour en grande forme. Comme le suggère le sous-titre A la folie, Titeuf est encore amoureux, mais plus de Nadia, la bêcheuse qui lui distribue beigne sur beigne depuis toujours. Une nouvelle demoiselle fait son apparition dans la classe : Ramatou, une migrante échappée de la misère et de la guerre d’un pays qui pourrait être l’Angola. Le moment le plus gracieux de la rencontre entre ces deux ados naissants, c’est – au sens littéral – quand ils décollent pour marcher sur les nuages. Un subtil instant de poésie graphique. Que les amateurs de « caca prout », marque d’humour consubstantielle du monde de l’enfance, se rassurent. Cet ingrédient est toujours là, dès les premières cases : un long récit ouvre l’album. Titeuf n’est plus un gars, il est confronté à l’angoisse ultime de la perte du zizi. Cela fera 20 ans en décembre que Titeuf a trouvé sa place dans tous les cartables. Un plaisir renouvelé à partager en famille.

Quelques planches à découvrir de Titeuf

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Zep - Glénat

29 Oct

Versailles – le Crépuscule du Roy t1 de Eric Adam, Didier Convard & Eric Liberge – Glénat

Le Grand Paris de la BD n° 3

Versailles T1 Le Crépuscule d'un Roy Glénat

Si Versailles m’était dessiné ou comment le 9ème art fait une entrée remarquée dans un des plus grands symboles de l’Histoire de France.

Un scénario de science fiction sous les ors de la royauté, l’idée est belle : transformer le Château de Versailles en un univers où « ses habitants ont perdu tout contact avec la réalité du monde qui les entoure », pour une histoire où passé et futur ne se distinguent plus vraiment.

Didier Convard et Eric Adam, les deux scénaristes, sont partis de la réalité historique connue de tous : le « Roy » (son nom n’est pas donné mais tout évoque le règne du Roi Soleil) et sa Cour, ses complots et ses intrigues galantes.

« Versailles, plus qu’un château : un monde », dans lequel apparaissent peu à peu des éléments incongrus (des lames tranchantes jaillissent des manches des valets), anachroniques (la géolocalisation d’une marquise égarée) ou irréels (le doyen de la Cour a 263 ans)

Versailles de Liberge/Convard/Adam - Glénat

La plume des auteurs sait nous égarer et brouille les pistes au fur et à mesure que l’histoire progresse. Ils ont eu accès à toutes les pièces du palais et toutes ses archives en lien avec le comité scientifique de Versailles. Cela se sent dans les dessins d’Eric Liberge : chaque détail est rendu avec précision pour mieux nous prendre au piège, jusqu’à la révélation finale.

C’est un des avantages de ce pari original entre les éditions Glénat et le Château de Versailles, un partenariat pour une trilogie : trois albums, trois époques – futur, présent et passé. Et la bonne idée, c’est de ne pas avoir fait une énième BD patrimoniale, souvent assommante pour les enfants et un achat obligé pour les adultes en fin de visite du monument.

Versailles de Liberge/Convard/Adam – Glénat

A vous de juger si cette nouvelle orientation de la Bande Dessinée vous séduit ou si ce n’est qu’une façon de faire venir encore plus de touristes dans un des lieux les plus visités en France.

Car ce n’est que le début. En plein essor dans l’édition d’art, les partenariats entre éditeurs et institutions publiques touchent depuis peu le monde de la BD. En novembre, paraitra aussi Les fantômes du Louvre, promenade en 22 portraits d’Enki Bilal, coédition entre Futuropolis et le musée du Louvre.

Les trois tomes du triptyque annoncé sont indépendants. Le deuxième marchera sur les traces d’Alexandre Dumas et de son Chevalier de Maison-Rouge en jouant sur les paradoxes temporels entre notre époque et celle de Marie-Antoinette. Quant au troisième il mettra en scène Molière et le Masque de fer.

Pour aller plus loin à la rencontre des auteurs :

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La BO de l’album à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir : Dustin O’Halloran « Opus 17 » le musicien classique contemporain découvert à travers le film « Marie Antoinette » de Sofia Coppola.

Les liens pour découvrir les premières planches :

Les éditions Glénat & Le Château de Versailles

Cézembre, de Nicolas Malfin : le destin de quatre adolescents pris dans la tourmente de la libération de Saint-Malo

Voici un grand écart qui ne devrait pas passer inaperçu. Nicolas Malfin, le talentueux dessinateur de la série d’anticipation Golden City vient de sortir un récit de guerre ayant pour décor la ville de Saint-Malo. Cézembre, du nom d’une île située dans la baie, raconte la destinée de quatre ados qui comptent bien participer à la libération de leur cité en intégrant la Résistance. Nous sommes en aout 1944, les forces alliées ne sont plus qu’à quelques kilomètres de là mais la bataille décisive se prépare aussi à l’ombre des remparts.

Dessinateur ET scénariste de ce nouveau projet, Nicolas Malfin fait donc un bond de plus de cent cinquante ans en arrière pour nous offrir un récit de fiction ancré dans la réalité historique. Et son trait fluide et élégant qui a participé à l’immense succès de Golden City fait également merveille dans ce genre, admirez notamment les pages de combats aériens ! Côté scénario, une première pour Nicolas, le résultat est plutôt convaincant malgré peut-être quelques longueurs. La suite au prochain épisode… EGuillaud

Cézembre (première partie), de Malfin. Editions Dupuis. 16,50 euros

A découvrir le site de l’auteur

27 Oct

Le magasin des Suicides d’Olivier Ka & Domitille Collardey – Delcourt

Le Grand Paris de la BD n°2

Ne cherchez pas, une boutique comme celle ci vous ne la trouverez pas sur les Champs Elysées, quand bien même, si pour les grecs anciens, ces champs étaient une succursale des enfers. Ils considéraient même le suicide comme une souillure. L’iconoclaste romancier Jean Teulé sait nous surprendre, avec lui, le suicide devient une activité commerciale fort lucrative. Depuis 10 générations, la famille Tuvache propose des kits pour finir sa vie, succès garanti. « Le Magasin des Suicides » est le livre le plus vendu de son auteur Jean Teulé, traduit en 19 langues, un auteur qui s’est aussi fait connaître avec ses bandes dessinées à base de photos retouchées. Cette fois ci ce n’est pas lui qui est au pinceau, et cet album n’est pas d’avantage une déclinaison papier de l’adaptation papier du film d’animation adapté par le cinéaste Patrice Leconte, lui aussi auteur de BD à ses débuts.

Le magasin des suicides planche 3

C’est en fait à l’auteur de inspiré de « Pourquoi j’ai tué Pierre » Olivier Ka que l’on doit cette version BD. Les gags mis en cases font toujours autant mouche : « Vous avez raté votre vie ? Réussissez votre mort ! » L’humour est servi noir : « Payer à crédit ? Vous plaisantez ! Pourquoi pas une carte de fidélité ! » Mais n’y voyez pas une ode au suicide, bien au contraire, sous le crayon de Domitille Collardey, Alan le dernier né de la famille Tuvache prend vie en couleur. Ses parents ont choisi son prénom en hommage à Alan Turing, un suicidé célèbre considéré comme le père fondateur des premiers ordinateurs à qui Apple pourrait rendre hommage avec sa pomme croquée. Mais Alan est très différent de son frère Vincent (référence au peintre suicidé Van Gogh) et de sa sœur Marilyn (Monroe). Lui est dessiné en couleur, quand eux sont sombres et suicidaires, lui est plein de vie et va bousculer toute la vie de la famille. Ce qui n’est vraiment pas bon pour les affaires. Le dessin suit se bouleversement et le cadre des cases disparaît, la mise en planche rappelle la liberté dont faisait preuve Winsor McCay pour « Little Nemo ».

Alors si cette nouvelle version du « Magasins des suicides » convainc par son invention graphique, le scénario démarre fort avec la reprise du catalogue drôle des mille et une façons de mourir, mais cela ne suffit pas à compenser la faiblesse de la seconde partie. Reste ce qui fait la force du roman : une invitation à vivre.

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Dominique A « Rendez nous la lumière » de l’album « Vers les lueurs »

Pour découvrir les premières planches de l’album :

Editions Delcourt

Le point de vue de la presse spécialisée

bdgest.com

actualitte.com/critiques-bd

sceneario.com/bd

La bande annonce du film de Patrice Leconte sortie en salle mercredi 26 sept 2012 :

Buck Danny, Tif et Tondu… aventures en intégrale.

Changement d’époque, changement de style. Will, le grand Will, l’immense Will décide d’arrêter à l’aube des années 90 les aventures de Tif et Tondu pour se consacrer, comme bon nombre d’auteurs à l’époque, à une bande dessinée moins classique, plus adulte. Beaucoup de ces auteurs d’ailleurs, publiés chez Dupuis se retrouveront dans la collection Aire Libre. Will et Desberg, son scénariste, les suivront et y publieront La 27e Lettre et Le Jardin des désirs. Quoiqu’il en soit, la succession est ouverte, difficile, tant les mythiques Tif et Tondu sont indissociables de celui qui a animé leurs aventures pendant plus de 40 ans. Finalement, ce sont Alain Sikorski au dessin et Denis Lapière au scénario qui reprennent la série et lui donnent un sacré coup de jeune. Dans ce douzième et avant dernier volume de l’Intégrale Tif et Tondu sont réunis les trois récits Prise d’otages, A feu et à sang, L’Assassin des trois villes soeurs et le traditionnel cahier graphique.

Après Tif et Tondu, voici un autre personnage mythique de la bande dessinée franco-belge : Buck Danny. Lancées au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, les aventures de notre super aviateur se poursuivent dans le ciel tibétain sur fond d’espionnage industriel. Ce septième recueil de l’Intégrale Buck Danny sorti ce mois-ci réunit les quatre récits Top Secret, Mission vers la vallée perdue, Prototype FX-13, Escadrille ZZ et bien entendu le cahier graphique qui revient sur le contexte de création et notamment sur les autres séries lancées à l’époque par Jean-Michel Charlier pour le tout nouveau magazine Pilote : Jacques Le Gall avec Mi’Tacq, Tanguy et Laverdure avec Uderzo, et Le Démon des Caraïbes avec à nouveau Victor Hubinon. Une période très riche qui annonce un renouveau pour la bande dessinée franco-belge. EGuillaud

Crimes ordinaires, Intégrale Tif et Tondu (tome 12), de Sikorski et Lapière. Editions Dupuis. 24 euros

Intégrale Buck Danny (tome 7), de Hubinon et Charlier. Editions Dupuis. 24 euros

25 Oct

Masqué – Bienvenue à Paris Métropole t1&2 de Serge Lehman & Stéphane Créty – Delcourt

Masqué 2 Le jour du Fuseur

Le tome 2 de la tétralogie est signé Serge Lehman et Stéphane Créty. C’est un Grand Paris noir et angoissant qui est la toile de fond de cette aventure de super-héros.

Le Grand Paris : une capitale à la mesure des grandes mégapoles mondiales. Tel est le décor que Serge Lehman et Stéphane Créty ont choisi pour dérouler les aventures d’un nouveau super-héros : l’Homme Masqué.

L'Observatoire de Meudon

« Paris Métropole » : nombreux sont ceux qui en rêvent. Le Grand Paris : une capitale à la mesure des grandes mégapoles mondiales. Tel est le décor que Serge Lehman et Stéphane Créty ont choisi pour dérouler les aventures d’un nouveau super-héros : l’Homme Masqué. « We don’t need another Hero », chantait Tina Turner en 1985. Si les Etats-Unis en disposent à profusion, la France est toujours à la recherche de la cape d’un super-homme. Si Gotlib, avec Jacques Lob, avaient tenté de relever le défi en 1972 avec Super-Dupont, c’était dans une veine parodique, pas de quoi forger un nouveau mythe moderne.

Tel est donc le défi que s’est lancé Serge Lehman pour le scénario de sa tétralogie « Masqué ». Dans le premier tome toutes les bases et le contexte de la création d’un nouveau mythe sont posés.

L’histoire, c’est celle du militaire Braffort (la traduction en français d’Armstrong, une référence au héros de l’espace) qui après avoir été blessé dans une mission dans le Caucase, regagne Paris. Il découvre la capitale transformée en une métropole rétro-futuriste. Dans son dessin, Stéphane Créty inscrit la ville entre deux références, l’actuel mouvement Steam-punk, en mixant les époques et le gigantisme de l’architecture de Blade Runner, le film de Ridley Scott des années 80. Paris compte désormais dans ses arrondissements La défense, Saint-Denis, ou encore la colline de Meudon et son Observatoire, le décor d’ouverture de ce second tome.

Le préfet Beauregard

La métropole est gérée par le préfet Bauregard, un préfet de Police inspiré de l’actualité francilienne, auquel s’oppose Michèle Caprice, le maire du premier district, Parisville, correspondant au Paris intra-muros actuel. L’histoire s’inscrit dans une contestation sociale, proche de celle des « Anonymous », augmentée par l’apparition d’anomalies, « des êtres-machines  qui s’auto-assemblent et évoluent ». Apparaît alors le super-héros : le sergent Braffort chargé d’une énergie qu’il découvre dans les entrailles de Montmartre, reprend les habits du Fantôme, le Fantômas original du feuilleton de la Belle Epoque, rendu célèbre par le cinéaste Louis Feuillade.

En deux albums, les auteurs réussissent déjà à développer une vision stupéfiante d’un Grand Paris. A la croisée de Tardi, pour la précision dessinée de la géographie des lieux, et de Bilal, pour l’imaginaire débridé, cette bande dessinée propose une approche nouvelle de notre capitale dans le choc anachronique volontaire des objets et des époques.

Reste à trouver un véritable nom à ce nouveau super héros français :« l’Homme Masqué» est un peu court. Le tome 3 à paraitre cet automne donnera peut être une réponse.

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>> Masqué – tome 2 – « Le jour du fuseur » aux Editions Delcourt .
Un scénario de Serge LEHMAN sous la plume de Stéphane Créty

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Caravane Palace « Rock it for me »

Pour plus d’informations : éditions Delcourt

Portrait de Serge Lehman sur France 3 IDF

23 Oct

Terreur sainte, de Frank Miller : les super-héros américains en lutte contre le terrorisme…

Frank Miller est un auteur de génie qui a marqué de son empreinte le Neuvième art. C’est incontestable. Mais son dernier album, Terreur Sainte paru chez Delcourt, ne peut que nous mettre mal à l’aise. Au point de se demander si Delcourt fait bien de le publier, la presse d’en parler et le lecteur au final de l’acheter. Graphiquement, aucun souci, les planches à l’italienne de l’album sont sublimes. Le découpage, le traitement graphique, la mise en scène, le noir et blanc… Frank Miller maîtrise ses pinceaux avec style, énergie, fureur même. Mais du côté de la plume, c’est une autre histoire. L’auteur entre autres de Sin City, 300, Batman: The Dark Knight Returns, a cru bon ici d’envoyer les super-héros se battre contre des terroristes islamistes. L’affaire se passe dans une ville imaginaire, certes, une ville nommée Empire City mais l’ennemi est lui bien identifié, Al Qaïda. L’éditeur à beau préciser qu’il s’agit là d’une « réponse hargneuse au 11 septembre… » et que « …malgré les positions radicales de l’auteur, Terreur Sainte se garde de condamner l’islamisme pour ne foudroyer que le terrorisme », on est en droit de rester circonspect. Et les dialogues sont loin de nous rassurer comme cet extrait : « Bon, Mohammed, tu m’excuseras si je t’appelle Mohammed mais tu admettras que les chances sont grandes pour que ce soit ton prénom… ». Et que dire de cet phrase d’ouverture que l’auteur attribue à Mahomet « Si tu croises l’infidèle, tue l’infidèle » ? C’est franchement limite et on ne voit pas un dessin, on ne lit pas une ligne qui nous autorise à penser que Frank Miller fait la part des choses entre l’intégrisme et l’islam. Au final, Terreur Sainte est un album ultra-violent et manichéen à lire – si vous y tenez vraiment – l’esprit éveillé ! EGuillaud

Terreur sainte, de Frank Miller. Editions Delcourt. 25,50 euros

22 Oct

La couleur de l’éternité, le deuxième volet de Shrimp signé Burniat, d’Aoust et Donck

Déjà 145.567.893 kilomètres parcourus. Les camarades dignitaires peuvent se féliciter. Leur vaisseau, véritable arche de Noé à la chinoise, devrait se poser sur la planète Xing-Xiang avec 3 heures d’avance, soit précisément dans 21 ans 289 jours et 17 heures. Et le projet de Nouvelle Chine sera dès lors une réalité. En attendant, Albert, le roi de la croquette aux crevettes, embarqué clandestinement sur ce fameux vaisseau doit prouver ses talents culinaires sous peine d’être éjecté dans l’espace. Et les choses ne se présentent pas sous les meilleurs auspices…

Connaissez-vous la couleur de l’éternité ? Et la taille de la perfection ? Non ? Alors, un conseil, lisez le second volet de Shrimp, crevette en français. Non seulement, vous aurez les réponses à ces deux questions fondamentales mais vous passerez un agréable moment en compagnie de notre roi de la croquette aux crevettes et de ses mésaventures intergalactiques imaginées par un trio belge, bruxellois même, composé de Mathieu Burniat au dessin, Benjamin d’Aoust et Matthieu Donck au scénario. Une série franchement drôle et inventive ! EGuillaud

La couleur de l’éternité, Shrimp (tome 2), de Burniat, d’Aoust et Donck. Editions Dargaud. 11,99 euros.

18 Oct

La Grande Odalisque, un album de Vivès, Ruppert & Mulot chez Dupuis

Apprendre que votre moitié vous quitte par texto n’est déjà pas agréable en soi mais l’apprendre alors que vous êtes occupé à voler un tableau de maître au musée d’Orsay tient presque de l’offense. En tout cas, la belle Alex est effondrée et le cambriolage est à deux doigts de tourner au carnage. Carole, sa partenaire, est d’ailleurs blessée. Impossible de continuer ainsi, Alex et Carole ont besoin d’un renfort d’autant que leur prochain coup est encore plus gros et dangereux. Après un rapide casting, leur choix se porte finalement sur une autre femme, Sam. L’équipe est maintenant constituée, objectif  La Grande Odalisque, un tableau de Ingres exposé au Louvre…

D’un côté Bastien Vivès, l’auteur remarqué et remarquable de Polina, Le Goût du chlore ou encore de Pour l’empire, de l’autre Ruppert & Mulot, deux auteurs habitués à travailler ensemble dans la bande dessinée dite indépendante, notamment pour L’Association… Un trio de choc pour un trio chic et déjanté, des nanas prêtes à tout et surtout à l’impossible pour parvenir à leur but. C’est fin, c’est léger et ça se mange sans faim comme les aventures de nos historiques Drôles de dames de la télé et du cinéma auxquelles on l’aura compris Vivès, Ruppert et Mulot rendent ici un hommage appuyé !  EGuillaud

La Grande Odalisque, de Vivès, Ruppert & Mulot. Editions Dupuis. 20,50 euros.