29 Nov

Les Ignorants d’Etienne Davodeau – Futuropolis

Le Grand Paris de la BD n° 7

Couverture Les Ignorants - DR Futuropolis

Rencontre inhabituelle dans un théâtre parisien. Richard et Etienne vivent dans le même village de la campagne angevine. Le premier est vigneron, le second auteur de bandes dessinées. Tous les deux sont au début ignorants ou presque du métier de l’autre. Cet album est le fruit d’une rencontre qui donne lieu à une initiation croisée. A l’origine d’un double plaisir pour le lecteur qui, au travers des deux personnages, tour à tour candides et spécialistes, découvre toute la richesse de leur art respectif.

Richard Leroy (à gauche) avec Etienne Davodeau (à droite) DR Futuropolis

L’auteur, Etienne Davodeau, s’est fait connaître avec des polars dessinés, puis des récits à hauteur d’homme et de femme, comme Lulu femme nue. Il n’est pas le premier à repousser les limites de la bande dessinée classique franco-belge. Cabu avait par exemple dessiné des ses reportages pour Charlie Hebdo, il ya plus de 30 ans. Mais avec ses chroniques du réel, comme Rural et Les Mauvaises Gens, Etienne Davodeau a montré toute la force de son récit en s’impliquant à la première personne et se mettant en scène dans ses planches. Trois niveaux de narration se superposent : ce que ses personnages disent, ce que le personnage dessinateur dit et ce que l’auteur raconte en voix off, sans oublier la mise en abyme où le dessinateur présente ses planches à ses personnages pour vérifier avec eux qu’il ne leur fait pas dire de bêtises.

Les Ignorants - DR Futuropolis

Les Ignorants s’inscrit dans cette lignée. C’est l’histoire de sa rencontre avec son voisin vigneron Richard Leroy, qui a donné cet album publié en 2011. Mais ici, Etienne Davodeau n’est plus le chroniqueur, observateur du monde des agriculteurs ou de celui des ouvriers. Il devient un protagoniste à part entière. Cela lui permet de mettre en scène de manière vivante son univers d’auteur de BD et de proposer au lecteur un parcours condensé et historique de la BD contemporaine.

Ce qui lui permet aussi de mettre en scène le monde de la viticulture dite bio, celui de Résistants face à une économie productiviste dominante.

Le projet n’est pas que sociologique ou didactique : il retrace aussi la naissance d’une amitié, le lecteur découvre deux hommes, deux individualités. Une amitié qui s’est prolongée bien au delà du projet d’écriture, qui les conduit à aller ensemble à la rencontre de leur public.

Pour aller plus loin, les éditions Futuropolis ont donc proposé aux deux compères de traverser la page. Cela a eu lieu dans un théâtre parisien, le théâtre des Mathurins, le mercredi  21 novembre 2012. Ce qui frappe et trouble de prime abord, c’est la justesse du dessin d’Etienne Davodeau. Dans le réel, « Son vigneron », dès qu’il se met à parler, est bien tel qu’il l’a représenté, lui et sa façon de travailler sa vigne avec passion.

Richard Leroy, ce vosgien a fait des études de sciences économiques et n’a aucun vigneron dans sa famille. Il ne vient même pas d’une région viticole. Avant il travaillait dans la banque, un monde économique qu’il a quitté pour un nouveau projet de vie. Il est allé vers le vin par passion. Il s’est installé dans la vallée du Layon, à Rablay-sur-Layon au milieu des années 1990, avec l’achat de sa première parcelle sur le lieu-dit les Noëls de Montbenault, complétée quelques années plus tard par une seconde parcelle, le Clos des Rouliers.

Dès le début, le choix de Richard Leroy s’est porté vers l’agriculture biologique et la biodynamie. Ce sont, selon lui, les seules pratiques à même de ne pas polluer la Terre et de ne pas dénaturer le terroir. Car ce à quoi aspire ce viticulteur exigeant, c’est de « travailler la vigne le plus simplement possible car le vin n’est rien d’autre que du raisin fermenté« . Tout ce qui éloigne de cette réalité, les produits phytosanitaires, les levures, la chaptalisation, le soufre en trop grande quantité est à proscrire pour lui.

Les Ignorants - DR Futuropolis

Quand le projet est né, Richard Leroy n’a pris que dix secondes pour accepter, s’inquiétant juste du risque de massacre de ses précieux ceps de Chenin Blanc, s’il confie pour la première fois un sécateur à un dessinateur. Car le principe de cette BD reportage est là : pour raconter son histoire, Etienne Davodeau a passé un an à suivre le travail de la vigne, s’initiant ainsi à la fabrication du vin naturel, avec en parallèle pour le vigneron la découverte de toutes les étapes de fabrication d’une bande dessinée. Comme il dit, « c’est un livre non pas sur les gens mais avec les gens, à leur hauteur. L’idée, c’est de quitter son atelier, pour se confronter au réel et raconter des histoires de façon subjective. » Cette idée lui est venue comme il le dessine dans les premières pages, quand Richard Leroy est venu dans son atelier « lui poser des questions tellement imbéciles » qu’il s’est dit : « Toi, tu m’intéresses ! »

Les Ignorants - DR Futuropolis

Des bandes dessinées, le vigneron n’en avait pratiquement jamais lu ; mais comme il dit, un rien provocateur : « Rural et Mauvaises Gens ce n’étaient pas des BD car c’était bon. » Et aujourd’hui après en avoir lu des dizaines, d’auteurs très différents, il confirme que Moebius cela ne lui parle toujours pas (ne manquez pas les planches sur leur visite à l’exposition de la Fondation Cartier). « Il y a des gens qui font des pages colorées, qui sont bien gentils. Je n’ai pas de temps pour ça. Ton bouquin, Etienne, est bien parce qu’il ne raconte rien. Il est en symbiose avec le type de vignerons que nous avons rencontrés. »

Au fil de la discussion, chacun confirme ce qui se devine au fil des pages, chacun a appris sur son propre métier : « Quand on doit amener quelqu’un dans son propre univers, on doit se poser des questions que l’on ne se posait plus. » En résulte un récit sincère qui est confirmé par les plus critiques, ceux qui partagent le savoir faire du vin bio et de la biodynamie, « c’est super cette BD, tu as vraiment parlé de nous ».

Un superbe récit en Noir et Blanc sur un beau papier ivoire, que Richard Leroy aurait préféré lire en couleurs pour retrouver toutes celles de son vignoble et de sa terre. Mais le choix d’Etienne Davodeau, c’est celui « d’un dessin pour lire, pas pour admirer. Le noir et blanc convient bien pour cela. En fait c’est l’ambiance du travail de la vigne qui est important. Peut-être cela permet au lecteur de mettre les couleurs lui-même, de laisser place à son imagination, sa part du travail. »

Les Ignorants - DR Futuropolis

Une rencontre qui se conclut par une mise en garde de la part du vigneron qui a « accepté ce projet car il vendait déjà très bien son vin et que là, cela ne lui rapporte que des em… » Tous les jours, l’album en main, des lecteurs téléphonent ou passent le voir pour en acheter, mais « toute la production est déjà vendue. Alors peut être dans trois ou cinq ans, ce sera possible. » Mais avec un point positif dont il n’est pas peu fier, ce livre fait aimer le vin pour ce qu’il est et non pas son étiquette. Il suscite aussi tout une série de vocations pour une nouvelle génération qui comme lui, souhaite acheter quelques hectares de vignes et devenir vigneron à sa façon.

Un livre qui donne envie de découvrir le vin naturel et bio-dynamique à celles ou ceux qui en boivent peu ou pas, un livre à déguster en toutes saisons.

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

I heard it through the Grapevine de Marvin Gaye

Pour découvrir les premières planches de l’album : Editions Futuropolis

Les Amazones ou le souffle de l’aventure version Clarke et Borecki

Octobre 1854. La guerre de Crimée bat son plein. Alors que les troupes anglaises et françaises s’apprêtent à attaquer Sébastopol et déloger l’armée russe, le jeune lieutenant James Gordon Parker débarque avec son cheval et son arrogance. Chargé de nettoyer une zone située au sud de la ville, il va prendre des risques inconsidérés. Lui et ses hommes sont faits prisonniers par des guerrières koumanes au service de l’armée russe. Ces amazones sans pitié les utilisent comme esclaves ou étalons. Prisonnier parmi les prisonniers, James Gordon Parker n’en perd pas pour autant de sa suffisance. Il s’autoproclame chef du groupe promettant de veiller sur tous…

Clarke ( Mélusine, Durant les travaux l’exposition continue…) et Ludo Borecki (Robin Dubois…) signent un récit d’aventure dans le contexte d’une guerre terrible marquée par de nombreuses atrocités, le choléra et surtout l’incompétence des chefs militaires. Une histoire en deux volumes d’ores et déjà disponibles. EGuillaud

Les Amazones, de Clarke et Borecki. Editions Treize Etrange. 13,90 euros le volume

Le Hobbit bientôt au cinéma et déjà en BD

A l’occasion de la sortie en décembre de la première partie du diptyque cinématographique de Peter Jackson Le Hobbit : un voyage inattendu, les éditions Delcourt rééditent une adaptation BD de l’oeuvre de Tolkien signée Charles Dixon et David Wenzel,  une adaptation maintes fois aperçue en France depuis 1989 chez plusieurs éditeurs et chez Delcourt depuis 2009. Considéré comme le prologue de la trilogie du Seigneur des Anneaux, ce récit nous permet de retrouver Bilbo Sacquet, alors jeune et paisible Hobbit jusqu’à ce que son chemin croise celui du magicien errant Gandalf et de ses treize compagnons nains. Embarqué pour reprendre un trésor des griffes du dragon Smaug, Bilbo vit alors sa première grande aventure. Un monument de l’heroïc fantasy ! EGuillaud

Le Hobbit, de Dixon et Wenzel d’après TolKien. Editions Delcourt. 16,50 euros

Le programme du 40e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

La prochaine édition du Festival International de la Bande Dessinée qui se tiendra du 31 janvier au 3 février a été officiellement présentée lundi 26 novembre à Paris dans l’auditorium de la Bibliothèque nationale de France. Un lieu prestigieux pour un événement qui ne l’est pas moins et qui fêtera  cette année sans tambour ni trompette, crise économique oblige, ses 40 ans.
Au programme : plusieurs expositions consacrées entre autres à Uderzo, au président Jean-C. Denis, à Mickey & Donald, à Andréas, Comès ou Pénélope Bagieu, des rencontres avec notamment Leiji Matsumoto, des spectacles, un concert de Lescop illustré par Bastien Vivès, une fête du polar et bien entendu les traditionnelles séances de dédicaces dans les immenses structures éphémères installées au coeur de la ville et réunissant les éditeurs, les auteurs, les libraires, les fanzines… et plusieurs milliers d’amoureux du genre. EGuillaud

Plus d’infos sur le site du festival et dans ce sujet de France 3 Poitou-Charentes

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Spirou et Fantasio, Gaston Lagaffe, Will… les éditions Dupuis mettent en avant leur patrimoine

A l’approche de Noël, les éditions Dupuis piochent dans leurs archives et nous proposent des albums avec un petit air rétro fort sympathique.

1/ L’occasion de redécouvrir des histoires, personnages ou auteurs mythiques à commencer par Will, le grand Will, connu pour avoir accompagné pendant de longues années les aventures de l’héroïne Isabelle et surtout Tif et Tondu. Mais l’oeuvre de l’auteur ne s’arrête pas là. Ses collaborations avec le journal Spirou ont été nombreuses et variées. Cet ouvrage, Will dans Spirou, réunit quelques-uns de ses travaux les plus significatifs, des histoires plus ou moins courtes, tour à tour fantastiques ou poétiques, écrites par une ribambelle de

scénaristes tels que Rosy, Vicq, Zidrou, Eric Maltaite ou encore Yann & Conrad. Autant de trésors qui nous permettent de voyager dans l’oeuvre de l’auteur mais aussi dans l’histoire du journal. Will, avec Franquin, Jijé et Morris, formaient ce qu’on appelle la bande des 4, les piliers de Spirou et de l’école de Marcinelle.

2/ Les personnages Spirou et Fantasio sont connus de tous ou presque. Et si la majorité de leurs aventures le sont aussi, certaines restent malgré tout plus confidentielles comme La Foire aux gangsters.  Cette histoire courte réalisée par André Franquin en 1958, entre Le Voyageur du Mésozoïque et Le Prisonnier du bouddha, plonge note tandem de choc dans l’univers forain pour une sombre affaire de kidnapping.

Surprise surprise, Spirou et Fantasio y croisent un autre personnage mythique du journal Spirou, Gaston Lagaffe. L’édition présentée ici permet de découvrir ou redécouvrir le récit mais aussi le contexte de création et l’ensemble des planches originales en noir et blanc, le top pour apprécier pleinement le trait magique du maître Franquin. Un album magnifique et indispensable pour tous les amoureux de la bande dessinée franco-belge des années 50.

3/ En parlant de Gaston Lagaffe, les éditions Dupuis poursuivent la réédition de ses aventures ou plus exactement de ses mésaventures de façon thématique. Après Des Gaffes et des chats, voici Le Génie de Lagaffe où l’on retrouve effectivement tout le génie du personnage, tout le génie de Franquin aussi, dans une série de gags autour de ses inventions les plus loufoques et géniales comme le gastomobile, la machine à boucher les  bouteilles ou celle qui lit le destin directement dans les astres. Le monde a quand même frôlé la catastrophe ! EGuillaud

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1/ Will dans Spirou, de Will. Editions Dupuis. 24 euros

2/ La Foire aux gangsters, de Franquin. Editions Dupuis. 24 euros

3/ Le Génie de Lagaffe, Gaston S2, de Franquin et Jidehem. Editions Dupuis. 10,60 euros

27 Nov

Baudoin retrace à sa façon la vie de Dalí

Il s’appelle Dalí par Baudoin. Tout est dit… ou presque dans le titre de ce livre. L’auteur de Couma acò (Futuropolis), du Chant des baleines (Dupuis) ou encore du Voyage (L’Association) retrace dans cet album au format inhabituel chez Dupuis la vie et l’oeuvre d’un créateur de génie et en même temps d’un personnage singulier, totalement fantasque, et un peu fou, Salvador Dalí. De sa plus tendre enfance au bord de la méditerranée à Figueres jusqu’à sa mort en 1989, Baudoin met en scène les moments clés de sa vie personnelle et artistique, ainsi que ses rencontres avec les plus grands artistes de l’époque comme Buñuel, Picasso, Miró, Garcia Lorca… et Gala qui deviendra sa femme. Connu pour son style expressif très noir, Baudoin se laisse aller ici à des figures de style surréaliste et onirique faisant corps de fait avec le sujet…. Un album audacieux publié à l’occasion de la grande rétrospective que le Centre Pompidou consacre à l’oeuvre de Salvador Dalí du 21 novembre 2012 au 25 mars 2013. A noter que cet album est coédité par Dupuis et les Editions du Centre Pompidou, ce qui en fait le premier titre de BD publié par le Musée national d’art moderne. EGuillaud

Dalí par Baudoin, de Baudoin. Editions Dupuis. 22 euros

L’info en +

Une exposition des plus beaux dessins originaux de cet album sera présentée au Musée de la bande dessinée d’Angoulême du 21 novembre au 24 mars.

26 Nov

Boucq et Jodorowsky dégainent un nouveau « Bouncer » intitulé « To Hell »

Il a beau avoir un seul bras, le Bouncer est loin de garder les deux pieds dans la même botte. Son bras gauche lui suffit amplement pour se faire respecter et jouer du colt à la perfection. Et cette fois, il va en avoir besoin. Dans le saloon de Barrio City, l’Infierno, dont il est maintenant propriétaire, le fils d’un directeur de pénitencier, un détraqué de la pire espèce, a sauvagement tué le barman et sa femme enceinte. Bien décidé à les venger, le Bouncer part à sa recherche. Une traque qui va l’emmener dans une région au nom suffisamment évocateur : Las Tarantulas. Bienvenue en enfer…

Après 7 tomes aux Humanoïdes Associés, le Bouncer rejoint les éditions Glénat pour cette nouvelle aventure prévue en deux volumes. Mise à part ce petit changement d’éditeur, Boucq et jodorowsky n’ont rien lâché de leur univers. Un Far West violent et sans concession où l’on joue au poker aussi facilement qu’à la gâchette. Comme toujours, le scénario et le graphisme sont sublimes. Un huitième tome très réussi, indispensable pour les amoureux du genre ! EGuillaud

To Hell, Bouncer (tome 8), e Boucq et Jodorowsky. Editions Glénat. 14,95 euros

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25 Nov

Deuxième et dernier volet de « Magasin Sexuel », une aventure vibrante de Turf

Connaissez-vous Les Bombinettes ? C’est un charmant village de France avec son église, sa boulangerie, sa boucherie, son marché et… son magasin sexuel. Une singularité locale qui n’est pas pour plaire au maire, Raymond Orloff, ni aux grenouilles de bénitiers toujours à l’affût de comportements que réprouveraient la bonne morale. Mais une singularité qui commence à attirer de plus en plus de monde sur le marché. Et ça, c’est plutôt bon pour le commerce ! C’est la jeune et jolie Amandine qui est à l’initiative de ce magasin d’un genre nouveau, enfin nouveau pour le canton. Son camion rose, tout rose, annonce la couleur. Ici, vous trouverez des articles pour faire plaisir ou vous faire plaisir… si vous voyez ce que je veux dire. Des canards de bain jaunes et quelques autres curiosités du même genre, des « bizarreries érotiques tout à fait inoffensives », pour reprendre les propos du maire désireux de calmer les esprits. Il faut dire que l’homme réticent au départ est tombé amoureux de la belle Amandine et envisagerait bien la bagatelle…

Suite et fin de ce récit qui n’a de sexuel que le titre. Un récit tendre, coloré et drôle signé Turf, un auteur que l’on a découvert il y a quelques années avec la magnifique série La Nef des fous également parue chez Delcourt. Turf s’amuse ici à confronter deux mondes, deux univers, le côté vieille France des villageois et la jeunesse libérée représentée par Amandine et son commerce de sex-toys : « Mon challenge d’auteur consiste ici à mêler deux environnements totalement différents, pour un mariage forcé et improbable, et d’observer avec un certain recul ce qui se passe. C’était déjà le cas dans La Nef des fous ou j’organisais un monde chimérique, enfermé dans une bulle plus ou moins étanche au fond de l’océan. Ce qui m’amuse, c’est l’ensemble des paradoxes et anachronismes que provoquent de telles rencontres. Dans Magasin sexuel, je ne cherche pas à présenter un univers réaliste, mais plutôt à exacerber les relations qui peuvent naître de ce genre de combinaison scénaristique… ». Une histoire vibrante ! EGuillaud

Magasin sexuel (tome 2), de Turf. Editions Delcourt. 14,95 euros.

24 Nov

Un nouveau tome de « Chi-Une vie de chat » pour Noël

Impossible de ne pas craquer ! Avec sa fourrure de chaton tigré, ses grands yeux ronds et son petit corps tout menu, Chi est une petite boule de poils absolument mimi qui fait fondre petits et grands. Mais cette fois, Chi est malade. Ses maîtres lui ont installé une collerette et lui interdisent de sortir. Chi doit prendre son mal en patiente, supporter cette énorme chose jaune autour du cou et remettre à plus tard son rendez-vous avec Minou…

Un découpage simple, un graphisme épuré, des couleurs tendres, des personnages  adorables, des textes pour le moins accessibles… Chi, une vie de chat a ce petit quelque chose d’universel, d’évident, qui peut expliquer son immense popularité auprès des fans de manga et au-delà. L’histoire est elle aussi des plus simples, l’auteur, Kanata Konami, raconte la vie quotidienne d’un petit chat, Chi. Au fil des épisodes et des albums, celui-ci grandit et apprend la vie… Pour les 7 ans et plus ! EGuillaud

Chi Une vie de chat (tome 9), de Kanata Konami. Editions Glénat. 10,75 euros

23 Nov

Avec « Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB », Jacques Tardi adapte en BD les carnets de son propre père

Dire qu’un nouvel album de Jacques Tardi est un événement est un doux euphémisme. L’homme n’est plus à présenter. Encore moins l’auteur ! Et son oeuvre fait aujourd’hui référence à travers le monde. Outre Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec et ses diverses incursions dans le monde du polar avec notamment l’adaptation des romans de Léo Mallet, Jacques Tardi n’a cessé en 40 ans de création de se pencher sur l’histoire et notamment sur la Grande guerre avec des récits comme C’était la guerre des tranchées, Adieu Brindavoine, Putain de guerre! ou encore La véritable histoire du soldat inconnu. Plus qu’une obsession, c’est une volonté farouche et politique de montrer la boucherie, l’inhumanité de cette période de notre histoire.

Avec ce nouvel album, c’est la première fois que Jacques Tardi se penche sur la Deuxième guerre mondiale. C’est aussi la première fois qu’il parle aussi ouvertement de lui, de sa famille, de son histoire. Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est effectivement l’adaptation en BD de notes rédigées par son propre père sur sa captivité entre 1940 et 1945 dans un camp de prisonniers situé au Nord de la Pologne, le Stalag IIB. Une période qui va fortement marquer ce père que Jacques Tardi décrit dans une interview accordée à Nicolas Finet comme « un type hargneux, amer, remonté », poursuivant « Il avait si mal vécu cette période de la guerre que cela avait rejailli sur toute son existence, jusqu’à sa disparition en 1986 ».

Et justement, l’histoire de cet album ne s’arrête pas à la libération du père. Elle se poursuivra, dans un deuxième volet, sur les années d’après guerre et donc sur l’enfance de Jacques Tardi. « En effet, ce n’est qu’un premier volume… », précise l’auteur, « Retracer l’histoire personnelle de mon père, c’est aussi pour moi l’occasion de revenir, au-delà de la période de la guerre, sur l’histoire de ma famille, qui est assez rocambolesque et compte pas mal de personnages étonnants ».

En attendant, ce premier volet au traitement graphique identique à celui de Putain de guerre! (trois images pas planche) nous plonge dans la guerre éclair de René Tardi, suivi de son arrestation par les Allemands, de son transfert en compagnie de quelques milliers d’autres prisonniers vers le stalag IIB. Et puis c’est la découverte du camp, du travail forcé, de la promiscuité, de la faim, des humiliations. Tout au long du récit, Jacques Tardi se représente aux côtés de ce père (alors qu’il n’était pas encore né) et entretient avec lui un dialogue, de toute évidence le dialogue qu’il n’a jamais pu avoir de son vivant.

Sur près de 200 pages, Jacques Tardi nous plonge dans le quotidien d’un soldat puis d’un prisonnier de guerre avec une force évocatrice proche du documentaire. Il faut dire que l’homme, qui se décrit comme « un extrémiste de l’exactitude » dans une récente interview accordée aux Inrocks, ne supporte pas l’imprécision.

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est un des albums majeurs de l’année 2012. EGuillaud

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, de Jacques Tardi. Editions Casterman. 25 euros

En vente le 28 novembre