27 Fév

3 questions à Régis Hautière, scénariste de La Guerre des Lulus chez Casterman

© Roller

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Présenté comme l’un des auteurs les plus prolifiques du moment et surtout considéré comme l’un des plus brillants scénaristes, Régis Hautière aborde la science fiction comme l’histoire, le polar comme l’aventure, avec la même intelligence d’esprit, la même limpidité dans l’écriture, la même humanité dans l’approche. A l’occasion de la sortie du tome 2 de La Guerre des Lulus, et en cette année de commémoration, Régis Hautière nous parle de la Grande guerre, de sa représentation dans la série et de sa place dans la mémoire collective…

La représentation de la guerre dans votre album est moins frontale, moins violente, que dans un album de Tardi par exemple, la jugez-vous pour autant édulcorée?

Régis Hautière. Non. Il est certain que la facette de la guerre que nous avons choisi de montrer (celle du quotidien d’un petit groupe d’enfants) est moins atroce que celle des combats de tranchées. Il est vrai aussi que nous nous sommes donné comme objectif de réaliser une bande dessinée tout public et pas uniquement réservée aux adultes. Néanmoins, notre récit n’est pas exempt de dureté et nous ne cherchons pas à rendre la guerre jolie ou sympathique. Nous avons seulement choisi de l’aborder sous un angle qui nous évite de montrer des images pouvant heurter certaines sensibilités.
Nous n’avons pas la prétention, dans la Guerre des Lulus, d’apporter un regard global sur la guerre de 1914. Notre récit est un simple point de vue sur la Grande Guerre et, comme tout point de vue, il est réducteur puisqu’il n’aborde le conflit que sous l’un de ses angles. A ce titre, le point de vue d’un poilu ou celui d’un officier d’artillerie est tout aussi réducteur. La Grande Guerre ne se résume pas aux tranchées du front ouest, sa réalité est multiple et beaucoup plus vaste. Les privations et humiliations subies par les civils vivant dans les territoires occupés par les Allemands, par exemple, constituent l’un des aspects de cette réalité.
La particularité du point de vue proposé dans la Guerre des Lulus est triple : celui qui l’exprime n’est pas un militaire, il n’est pas adulte au moment des faits et il évolue en zone occupée. La guerre telle qu’il l’a vécue et telle qu’il la dépeint est donc très différente du tableau qu’en brosserait un soldat envoyé au front. Mais cette vision n’est pas moins vraie ou moins pertinente que celle du soldat ; les deux se complètent.

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La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq

En choisissant l’angle des enfants, n’y a t il pas un risque de donner une image romantique d’un fait, d’une époque, qui ne le sont absolument pas  ?

R.H. Je ne pense pas. Ne serait-ce que parce que les Lulus vivent des choses difficiles, ils connaissent la faim, le froid, la peur, la désillusion et une certaine forme de désespoir (même si leur naturel est plutôt optimiste). La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq. Les Lulus vont vivre et voir des choses difficiles, des choses auxquelles ils n’auraient pas été confrontés en temps de paix.
A partir du tome 3, notamment, les Lulus quittent leur forêt et leur cabane. Ils vont découvrir, et le lecteur avec eux, que la vie des civils dans la zone occupée n’a rien d’une sinécure.

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L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine

Pourquoi selon vous la Grande guerre fascine autant les Français ?

R.H. Je crois que l’intérêt des Français pour cette guerre est relativement récent. Lors des années qui ont suivi cette guerre on a cherché à oublier : les civils voulait passer rapidement à autre chose, la guerre terminée on voulait profiter de la paix, et les soldats étaient incapables de parler des horreurs qu’ils avaient vécues. Et puis la seconde guerre mondiale est arrivée et elle a occupé les esprits. A mesure que cette période s’éloigne de nous, on s’y intéresse de nouveau, avec peut-être cette fois le recul nécessaire et le désir de comprendre comment cette monstrueuse absurdité a pu se produire.
L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine. C’est une guerre moderne, du point de vue technologique, mais aussi terriblement archaïque, si on regarde les stratégies mises en œuvre.
L’intérêt des Français pour cette guerre me semble cependant très inférieur à celui des anglo-saxons. L’Anzac Day, par exemple, célébré chaque année par les Australiens et les Néo-Zélandais,  n’a aucun équivalent français.

Merci Régis

Interview réalisée le 26 février 2014 par Eric Guillaud

Retrouvez la chronique de l’album ici-même

25 Fév

Après-guerre, suite et fin du récit de Warnauts et Raives au Lombard

apres-guerre-tome-2-blocusPrague, février 1949. Cela fait quatre ans maintenant que les Nazis ont capitulé.

Pour autant, il est difficile de célébrer la paix revenue. C’est la guerre froide et le monde se divise inexorablement et durablement en deux blocs, d’un côté l’Amérique et ses alliés, de l’autre l’Union soviétique. Dans ce contexte au passé douloureux et à l’avenir incertain, notre bourlingueur Thomas Deschamps est bien décidé à libérer sa compagne, son amour, l’Espagnole Assounta Lorca, enfermée dans un goulag. Il y parvient grâce à la complicité d’amis communistes parisiens. Assounta est de retour mais rien ne semble pouvoir redevenir comme avant…

Suite et fin de ce nouveau diptyque signé Warnauts et Raives. Après Les Temps nouveaux, récit qui débutait à la fin des années 30 avec l’explosion du Rexisme (mouvement d’extrême droite belge), Warnauts et Raives nous plongent ici dans le contexte de l’après-guerre et du début de la guerre froide avec notamment la division effective de l’Allemagne et la partition de Berlin. Comme toujours, Warnauts et Raives nous offrent un récit très documenté et magistralement mis en images à quatre mains. Pour les amoureux de l’histoire contemporaine !

Eric Guillaud

Après-guerre (tome 2), de Warnauts et Raives. Editions Le Lombard. 14,99 €

23 Fév

Clarke : le père de Mélusine dévoile ce qui se cache derrière son Etiquette

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange - Glénat

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

Le papa de la sorcière rousse dévoile l’envers de son univers personnel. Qui se cache donc derrière l’étiquette de dessinateur de BD jeunesse à succès ? Par petites touches, Clarke laisse les artefacts et sans détour raconte son quotidien de dessinateur pris dans une tourmente familiale.

L’héroïne du Journal de SpirouMélusine, sa jeune (119 ans) et jolie sorcière, est depuis bientôt 20 ans le personnage qui assure la notoriété de Clarke dans tous les salons. Pas une dédicace sans qu’une fan ne vienne le voir déguisée en apprentie-magicienne. Qu’il vienne présenté d’autres travaux comme Sicilia Bella ou Les Amazones, rien n’y fait. Avec Les Étiquettes, il nous livre au fil de l’eau ses déboires et ces petits riens qui définissent un homme, un père, un ex-mari. Sa femme est partie. Frédéric Seron, de son vrai nom, a choisit de continuer à vivre presque comme avant à Bruxelles, avec ses trois enfants, deux garçons jumeaux et une fille. Il se sent alors comme « une coquille vide ». Une copine lui montre qu’il aime Les Étiquettes :

« Puisque l’image que tu as de toi, c’est celle que les autres te renvoient… Alors autant savoir comment on te voit, avant de savoir qui tu es … »

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange - Glénat

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

Il dessine alors un récit intimiste de cette longue période faite de rencontres avec des femmes autour d’un verre, des amis complices qui portent le nom de Denis Lapierre, Bob de Groot, Dany, Janry.., son oncle malade, Pierre Seron, auteur de BD lui aussi, Les Petits Hommes. L’émotion culmine avec les derniers jours de sa mère et de son choix d’en finir avec la vie. La poésie synesthésique étreint par les touches de couleurs musicales au milieu des cases en noir et blanc. Enfin l’humour délivre lors d’une escapade londonienne, un cadeau personnel qu’il se fait pour ses 39 ans. Clarke signe là un rare récit autobiographique, d’une grande sincérité, entre mélancolie et tendresse.

Didier Morel

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

La Mélancolie – Miossec

22 Fév

14-18 : Régis Hautière et Hardoc commémorent à leur façon le centenaire avec La guerre des Lulus

9782203063976Valencourt, 1915. Non loin de là se joue la guerre, la vraie, insupportable, la guerre des grands, des adultes, des soldats.

Et puis il y a la guerre des Lulus, 4 gamins qui ont disparu de leur orphelinat le jour de l’offensive allemande et de l’évacuation générale, 4 gamins qui vont se retrouver seuls dans les bois jouxtant un village passé ce jour-là en territoire ennemi. C’est dans leur cabane improvisée que Ludwig, Lucas, Luigi et Lucien vont se cacher, être bientôt rejoints par un, pardon une cinquième Lulu, une réfugiée de Belgique, Luce de son prénom, puis un peu plus tard par un soldat… allemand. Bon autant vous le dire tout de suite, Hans n’est pas un allemand ordinaire ou du moins un soldat ordinaire. Après avoir touché l’horreur du bout des doigts, Hans a décidé que cette guerre n’était pas faite pour lui et déserta…

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L’interview du scénariste à lire ici

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En cette année de commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, les ouvrages de toutes sortes vont se bousculer sur les tables de nos librairies préférées, depuis les très sérieux livres d’historiens jusqu’aux livres de fiction, peut-être plus abordables pour le grand public, comme cette bande dessinée signée Régis Hautière pour le scénario et Hardoc pour le dessin. Il s’agit en fait du second volet d’une tétralogie qui devrait nous permettre d’accompagner les Lulus pendant toute cette putain de guerre, comme dirait un certain Tardi, et de vivre à travers leurs yeux d’enfants un des moments les plus sombres de l’humanité. Pas question d’édulcorer pour autant, la guerre est bien présente, la mort elle-même rôde autour de nos héros.

Le premier volet, La Maison des enfants trouvés, nous avait fortement marqué par sa qualité graphique et scénaristique, le second, Hans, ne fait que conforter cette impression. La guerre des Lulus est une très très belle histoire qui s’inscrit dans un contexte fort, cette Der des Ders qui fascine tant les Français.

Eric Guillaud

Hans, La Guerre des Lulus (tome 2), de Hautière et Hardoc. Editions Casterman. 13,50€

 

20 Fév

Guy Delisle : un mauvais père ?

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

A quoi reconnait-on un mauvais père ? La réponse est dans ce guide écrit et dessiné par Guy Delisle. Jouissif et permissif, ce papa de deux enfants ose tout et c’est cela qui est bon à lire.

Le Guide du Mauvais Père n’est peut être pas à laisser traîner entre les mains de vos enfants. Ils risqueraient de prendre au pied de la bulle les conseils de Guy Delisle. Fin observateur de ses contemporains, il a obtenu le Fauve d’or en 2012 à Angoulême pour Chronique de Jérusalem. C’est avec la même précision qu’il s’est observé lui même en tant que père face à ses deux enfants : l’aîné un garçon et la cadette une fille. En partant de situations réelles, il imagine ce que cela ferait de franchir la fameuse ligne rouge que chaque parent se fixe : imaginer que la sœur est un punching ball, appeler son fils bouboule quand il démarre un régime, profiter d’une pińata pour taper sur le sale gamin qui ne cesse d’importuner votre fille à l’école …

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

Transgressif et inventif, ce guide numéro 2 comme le premier tome, fait du bien. Pas besoin d’attendre la fête des pères pour le savourer et assumer les petits bobards enfantins. Un bel exutoire.

Didier Morel

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Placebo – Daddy Cool

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

Le Guide du Mauvais Père par Guy Delisle © Delcourt

17 Fév

Putain de guerre!, la boucherie de 14-18 vue par Jacques Tardi aux éditions Casterman

9782203051300FSA tous ceux qui rêvent d’une bonne petite guerre pour remettre les jeunes dans le droit chemin et les vieux au travail, alors voici un livre fait quasiment pour eux mais aussi pour les autres, la réédition en intégrale de Putain de guerre! de Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney aux éditions Casterman.

On connaît Jacques Tardi et son vif intérêt pour le sujet, son obsession serait-on même tenté d’écrire tant la guerre et ses horreurs hantent une partie significative de son oeuvre.

De La Fleur au fusil à Putain de guerre! en passant par Varlot soldat, La Der des Ders ou La Véritable histoire du soldat inconnu, Jacques Tardi n’a eu de cesse de crier son incompréhension, son indignation face à cette boucherie à ciel ouvert, ce suicide collectif, dessinant sans relâche les tranchées, les bombes, les barbelés, les gaz… et surtout les hommes, ces hommes français, allemands ou autres, terrés, apeurés, côtoyant chaque jour les rats et la boue, les excréments et les charognes, les boyaux et les morceaux de cervelles, les gueules cassées et les corps en décomposition. Des héros ? Non, Tardi les dessine comme des hommes plus souvent avec la trouille au ventre que l’envie d’en découdre. Dans ses albums, comme ici dans Putain de guerre!, Tardi va au plus près pour toucher l’horreur de sa pointe de crayon. Un véritable témoignage lu et approuvé par les historiens notamment par Jean-Pierre Verney, son ami, qui signe ici une trentaine de pages sur la Grande guerre accompagnées de moultes photographies.

Initialement paru en deux volets, Putain de guerre! est un putain de récit qui devrait vous faire aimer la paix pour l’éternité !

Eric Guillaud

Putain de guerre!, de Tardi et Verney. Editions Casterman. 25 eurospl20

Des embruns dans les bulles : une exposition à la Corderie Royale à Rochefort et une série diffusée sur France 3 dans le magazine Littoral

vlcsnap-2014-01-30-16h52m11s158Des embruns dans les bulles. Le nom à lui seul résonne comme une invitation au voyage. Et c’en est une ! Depuis le 15 février, la Corderie Royale, centre international de la mer à Rochefort vous propose de lever l’ancre et de partir pour des horizons lointains en compagnie de six grandes signatures du Neuvième art, six créateurs d’imaginaires, six amoureux du monde marin : Simon Andriveau (Le grand siècle), François Bourgeon (Les passagers du vent), Patrick Jusseaume (Tramp), Bruno le Floc’h (Trois Eclats blancs, Chroniques Outremers), Patrice Pellerin (L’Epervier) et Guillaume Sorel (Typhaon).

Des embruns dans les bulles, c’est aussi une série de portraits diffusée par France 3 dans le magazine de la mer Littoral depuis le 1er février. Patrice Pellerin a été le premier à nous plonger au cœur de son imaginaire marin, à nous expliquer les lieux qui l’ont inspiré, les techniques qu’il a utilisées, sa relation à la mer… Le deuxième épisode diffusé le 15 février était consacré à l’auteur décédé en 2012 Bruno Le Floc’h. Suivront les portraits d’Aude Picault (01/03), Patrick Jusseaume (08/03), François Bourgeon (29/03), Christophe Blain (05/04), Dieter et Guillaume Sorel (12/04) puis Simon Andriveau (19/04).

Des embruns dans les bulles, c’est enfin un concours. Jouez avec France 3 et gagnez un week-end, des billets d’entrée ou des bandes dessinées sur cette page.

Toutes les infos sur l’exposition ici sur la série de France 3

16 Fév

La vie trépidante d’un auteur de BD enfin révélée au grand jour dans Moi, BouzarD chez Fluide Glacial

moi_bd_bouzard_couvA quoi peut bien ressembler un auteur de BD en pleine remise en question ? Comment envoyer sans effort des milliers d’albums au pilon ? Que faire pour décrocher définitivement du sexe virtuel ou intenter un procès aux industriels du papier quand l’encre bavouille ? Quelle vie ont les cochons ? Les poules ayant une activité physique quotidienne pondent-elles plus que les autres?

Autant de questions essentielles à votre vie, à notre vie, qui trouvent enfin des réponses claires et précises dans ce magnifique album tout simplement intitulé Moi, BouzarD. Prétentieux dites-vous ? Malicieux surtout. L’auteur de Plageman, Mégabras, Le Bras qui bouge ou encore de The Autobiography of me too signe l’un des albums les plus désopilant de ce début d’année, faisant de sa personne le héros normal ou presque d’un vie normale ou presque au milieu d’une campagne normale… ou presque. On pense bien évidemment au Retour à la terre de Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri. Il y a de ça même si Moi, BouzarD est, je pense, encore plus déjanté. L’épisode des cochons, Bouzard se mettant dans la peau d’un cochon pour découvrir ce qu’est leur vie, suffirait à vous en convaincre. Totalement indispensable !

Moi, GuillauD

Moi, BouzarD, de Bouzard. Editions Fluide Glacial. 14 euros

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15 Fév

Ordures, un voyage dans les bas-fonds de la société française signé Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna

album-cover-large-22131Même si tout commence devant le panneau « Romainville ville fleurie », l’histoire de Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna n’a absolument rien de bucolique.

Ordures, titre de cet album, porterait même plutôt bien son nom. D’abord parce que les protagonistes principaux travaillent dans un centre de tri d’ordures ménagères, ensuite parce que leur vie n’a rien d’un conte de fées et qu’ils pourraient eux-mêmes passer pour des ordures, au mieux des voyous ou des vauriens. Moudy et Alex trient les déchets le jour, squattent une usine désaffectée la nuit, Samir lui trafique des clopes de contrebande et divers produits illicites du côté de Barbès en espérant récupérer assez d’argent pour se payer des faux-papiers. Une vie de misère et de galère qui fait naître chez ces trois-là une profonde amitié, une indestructible solidarité. Jusqu’au jour où ils se retrouvent dans une manifestation de sans-papiers et commettent l’irréparable…

Pour sûr, Ordures n’est pas un album qui fait rire, pas même un album qui distrait, assurément un album qui dérange et interroge sur le monde, la misère, l’exclusion, l’immigration, la France terre d’asile…  L’histoire est noire, le dessin noir et un peu, percutant, incisif, et les personnages se révèlent au fil des pages attachants. Oui même les plus pauvres ont un cœur ! Une virée dans la vraie vie avec des vrais gens prévue en deux volumes !

 Eric Guillaud

Ordures, Entrée nord, de Piatzszek et Cinna. Editions Futuropolis. 16 euros

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13 Fév

Saint-Valentin : vivez la en BD et plus si affinité …

Histoires Inavouables par Ovidie et Jérôme d'Aviau © Delcourt

Histoires Inavouables par Ovidie et Jérôme d’Aviau © Delcourt

L’auteur Ovidie vous connaissez ? Je vois déjà les latinistes férus faire référence au poète qui a écrit L’art d’aimer à une époque où la République se transformait en Empire Romain. Que nenni ! Ce n’est pas d’Ovide dont j’entreprends de vous parler mais bien d’Ovidie, une demoiselle qui s’est fait connaître dans une première partie de sa vie par son talent dans un genre cinématographique plus connu par l’antépénultième lettre de l’alphabet. Osez lire ses Histoires Inavouables.

Eh oui, n’en déplaise à certains : la donzelle a des lettres et possède deux hémisphères, dont elle sait se servir à merveille. L’ancienne étudiante en philo l’a prouvé lors d’un dialogue avec André Comte-Sponville et à une autre occasion lors de sa participation à l’ouvrage Sexe & Philo. Le mot qui fait peur est lâché … Non pas philo bien sûr, mais le précédent. Car il s’agit bien de cela, dans ses Histoires Inavouables. Ovidie avertit le lecteur en 4ème de couverture : « Les dix histoires que vous allez découvrir sont toutes inspirées de faits réels, seuls les noms ont été modifiés. Trop croustillantes pour être avouées, elles m’ont été confiées dans le plus grand secret. J’en ai moi même vécu certaines d’entre elles, et je n’avais jamais osé en parler à ce jour. J’ai laissé quelques indices, je vous laisse deviner lesquels… ».

Je ne connais pas en détail sa carrière et encore moins sa vie. Alors, ne comptez pas sur moi pour vous aider à découvrir les indices susmentionnés. Par contre, je peux vous dire que, quel que soit votre genre (féminin, masculin ou indéterminé), vous rirez aux éclats car Ovidie sait raconter les histoires avec beaucoup d’humour. Comme nul autre pareil, elle désamorce les situations les plus scabreuses, de celle qui finissent en débandade. Elle est aussi très bien servie en noir et blanc par le trait léger, tout en subtilité, de son partenaire, Jérôme d’Aviau, celui qui nous avait convaincu dans ses illustrations des textes de Dominique A. Au final pas de pornographie, mais de l’érotisme dans cet album qui, certes, ne doit pas être placé entre des mains mineures. L’ensemble de ces histoires courtes constitue une belle suite de contes amoraux, plus proches de Fraise et Chocolat de Aurélia Aurita que de l’œuvre de Milo Manara.

Allez ! Un indice tout de même, dans une de mes histoires préférées : celle de Raziel, son chien amateur de préservatif. Ovidie lui dédicace ainsi sa première bande dessinée : « A celui qui a été le témoin, durant douze années, de mes joies et de mes peines, de mes amours et de mes chagrins. Le plus fidèle d’entre tous. Et le seul qui ne m’ait jamais jugée. »

Histoires Inavouables par Ovidie et Jérôme d'Aviau © Delcourt

Histoires Inavouables par Ovidie et Jérôme d’Aviau © Delcourt

Ars amaria, écrit en l’an 1 par le poète latin, est un des textes érotiques les plus connus au monde, peut-être moins lu que le Kama Sutra, le Satyricon ou encore La Prairie parfumée. Mais souhaitons à Ovidie une aussi grande postérité. Ses Histoires Inavouables sont un album à n’en point douter à partager à deux pour cette Saint-Valentin.

Didier Morel

Histoires Inavouables par Ovidie et Jérôme d’Aviau © Delcourt

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Tricky – Valentine