Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…
On le savait hyper-talentueux pour nous raconter l’intime, on le découvre bigrement à l’aise dans ses baskets pour dessiner un polar. Quatorze juillet est le nouveau récit de notre Bastien Vivès national, le premier scénario de Martin Quenehen, un duo choc pour une BD chic…
Chic, oui, à la française ! Quatorze juillet est un polar qui sent bon la gendarmerie nationale, les villages de France et la fête nat. L’histoire prend racine dans un village imaginaire, Roissan, dans une région bien réelle, du côté du Vercors.
« Au commencement de Quatorze juillet… », explique Martin Quenehen, « il y a en effet un pays de montagne véritable. C’est un endroit secret qui a inspiré Rabelais et Giono (…) c’était tout de suite le projet : raconter cette histoire loin des villes, loin de Paris ».
De là à dire qu’il y a un esprit de clocher dans ce livre serait mentir. Aucun chauvinisme ici, pas de repli sur soi, bien au contraire, si l’action se déroule dans un décor familier pour nous Français, le personnage principal doit beaucoup aux héros américains, même sous son gilet bleu de la gendarmerie.
Au fond, Jimmy, c’est Bruce Willis dans un film d’Eric Rohmer! », poursuit Martin Quenehen. « C’est vrai qu’il est très américain… », poursuit Bastien Vivès, « comme personnage, j’ai du mal à l’envisager comme le policier que l’on voyait dans les films français des années 1970 ».
Le gendarme, c’est Jimmy Girard, belle carrure, un tantinet ténébreux, marqué par la mort récente de son père, il rêve d’action dans cette campagne où il ne se passe rien.
À l’occasion d’un contrôle routier, il fait la connaissance de Vincent Louyot et de sa fille, Lisa. Vincent Louyot est artiste peintre, il vient d’arriver dans la région pour faire le deuil de sa femme tuée dans un attentat. Mais pas seulement. En les prenant en affection et un peu sous sa protection, Jimmy Girard lève un coin du voile sur l’âme définitivement meurtrie de Vincent Louyot, animé par un esprit de vengeance. Et dans le même temps, même s’il s’en interdit, notre gendarme tombe sous le charme de Lisa.
S’en suit une histoire où l’intime côtoie l’universel. « C’est un polar. C’est un drame. Une histoire d’amitié – et d’amour – impossible. C’est un action movie ! Ou plutôt un action comics! », précise Martin.
Avec un dessin qui allie minimalisme et réalisme, une mise en page, une narration et des dialogues d’une très grande sobriété, les auteurs nous parlent à leur rythme de deuil, de justice, de liberté, dans une France marquée par les attentats et la vague migratoire.
Eric Guillaud
Quatorze juillet, de Bastien Vivès et Martin Quenehen. Casterman. 22€ (disponible en version numérique 14,99€)
© Casterman / Quenehen & Vivès