27 Déc

Sélection officielle Angoulême 2022 : Sous les galets la plage, de Pascal Rabaté

Son parcours est jalonné de petits et grands chefs-d’œuvre, des albums qui ont marqué le neuvième art sans forcément faire d’éclats, plutôt insidieusement, comme une évidence. Il revient avec Sous les galets la plage, une histoire d’amour entre un jeune homme de très bonne famille et une voleuse de résidences secondaires, deux héros en révolte contre la France cadenassée des années 60…

Les Pieds dedans, Un Ver dans le fruit, Ibicus, La Marie en plastique, Les Petits ruisseaux ou encore La Déconfiture : en un peu plus de 30 ans de carrière, Pascal Rabaté a signé une bonne quarantaine d’albums qui, à l’instar d’un Davodeau ou d’un Prudhomme, s’intéressent le plus souvent aux gens vrais, aux gens ordinaires, dans un contexte lui-aussi souvent ordinaire. Parce que le quotidien, si on y regarde bien, est aussi source d’aventure humaine.

En détournant pour le titre de l’album un fameux slogan de mai 68, Pascal Rabaté donne le ton de son nouvel album dès la couverture. Sous les galets la plage est un gentil coup de pied dans la bienséance d’une société pré-soixante-huitarde, bloquée sur ses principes. La femme au foyer, l’homme au turbin ou à la guerre, les enfants dans le droit chemin, ni artistes, ni homos, les cheveux bien coupés, de belles études et un beau mariage.

Sous les galets la plage brise la chaîne. Les héros de Rabaté ont envie de vivre, d’être heureux, amoureux. D’un côté, Albert, jeune-homme bien sous tous rapports, promis à un bel avenir dans l’armée comme papa, de l’autre Odette, née de la collaboration horizontale, voleuse opportuniste.

Rien dans leurs gènes, dans leurs origines ne les rapproche, ils vont pourtant se croiser, s’aimer et se révolter contre l’ordre établi.

Nous sommes à Loctudy dans le sud du Finistère en 1962. C’est la fin de l’été, les résidences secondaires se vident de leurs occupants, une aubaine pour Odette et son gang qui se sont fait une spécialité de visiter les maisons inoccupées et d’en repartir avec meubles, bibelots et autres marchandises.

De son côté Albert profite avec ses amis de l’absence de ses parents pour vider la cave à vin de la maison et traîner tard sur la plage. C’est là qu’ils font la rencontre d’Odette, une rencontre qui aura pour Albert le parfum de la liberté, de l’amour et de la révolte…

À l’image des deux protagonistes représentés en couverture, ce nouvel opus de Pascal Rabaté ne peut que laisser le lecteur avec un incroyable sentiment de plénitude, comblé par le graphisme épuré, élégant, par les couleurs très légères qui ne font ici que mettre en valeur le trait précis en noir et blanc de l’auteur, par les ambiances sombres magnifiquement rendues, par les personnages forcément attachants, les dialogues exquis et bien évidemment l’histoire en elle-même qui laisse entrevoir un joli mois de mai 1968 entre les cases. Dans les esprits, dans les corps, déjà, la révolte gronde…

Eric Guillaud

Sous les galets la plage, de Pascal Rabaté. Éditions Rue de Sèvres. 25€

© Rue de Sèvres / Rabaté