21 Juin

Les Jours heureux, un deuxième album pour la jeune autrice italienne Zuzu

Deux petites années seulement après Cheese, sélection officielle du festival d’Angoulême 2022, l’autrice italienne Zuzu signe un deuxième roman graphique baptisé Les Jours heureux au style graphique différent mais toujours très singulier…

Adieu le noir et blanc, bonjour la couleur, la différence visuelle est de taille même si le trait dans les deux cas déforme les corps et inflige au personnage principal, et dans une moindre mesure aux seconds couteaux, un nez grotesque, disgracieux, monstrueux. C’est la marque de fabrique, on peut le penser aujourd’hui, de cette jeune autrice italienne qui signe avec Les Jours heureux son deuxième album seulement.

Cheese, le premier, a reçu le Prix Révélation au Festival de Lucca en 2019 et a été retenu dans la sélection officielle d’Angoulême 2022. S’il n’a pas reçu de prix de ce côté-ci des Alpes, il a néanmoins fortement marqué les professionnels du neuvième art qui on vu là la naissance d’une nouvelle génération d’auteurs italiens influencés par Gipi.

Emportée par ce succès naissant, Zuzu aurait très bien pu rester dans sa zone de confort en ne changeant rien à son style graphique. Mais c’était mal la connaître, préférant faire évoluer son style au regard de sa vie.

Résultat, un dessin enfantin et des couleurs qui ne le sont pas moins, réalisées aux crayons de couleurs et aux pastels à la façon d’un enfant de 5 ans. Côté découpage, rien de révolutionnaire, l’autrice usant et abusant du gaufrier à douze cases. Reste l’histoire qui, comme la précédente illustre les tourments de la vie avec une histoire tragique. Plus de Zuzu ici en héroïne mais une Claudia actrice partie pour Rome où elle doit jouer en audition un extrait de la pièce de théâtre de Samuel Beckett, Oh les Beaux jours, qui résonne dans sa propre vie.

Arrivée à Rome, elle renoue avec un de ses anciens amoureux et entreprend une relation dysfonctionnelle épuisante. Comme dans Cheese, Zuzu explore ici la spirale infernale des sentiments amoureux et notamment la peur de la solitude.

Une approche visuelle qui paraîtra pour certains irritante mais au final un sujet universel traité cash et non sans émotion.

Eric Guillaud

Les Jours heureux, de Zuzu. Casterman. 32€

© Casterman / Zuzu

11 Juin

Soda le re-retour ou comment Gazzotti et Bocquet offrent une deuxième résurrection à notre flic en costume de pasteur

Il avait disparu des écrans radar depuis 2014, autant dire une éternité ou presque, Soda est finalement de retour pour une quatorzième aventure retrouvant au passage son dessinateur historique, Bruno Gazzotti, dorénavant accompagné d’Olivier Bocquet au scénario…

Soda est de retour ! Et franchement, ça fait un bien fou de retrouver notre bon flic new-yorkais toujours affublé de son costume de pasteur histoire d’épargner à sa mère une réalité qui pourrait lui être fatale. Oui, Soda, alias David Ellioth Hanneth Solomon, est flic, un bon flic, auquel on pourrait donner le bon dieu sans confession.

Pourtant, depuis quelques temps, quelque chose ne tourne pas rond. La nuit, il rêve qu’il étrangle sa mère, et le jour, une prostituée retrouvée à moitié morte le désigne comme son agresseur. Pire encore, un tueur en série habillé en pasteur sévit dans New York. On l’appelle Le Pasteur sanglant. De là à penser que notre Soda a viré de bord…

Neuf ans qu’on ne l’avait pas vu ! Depuis l’album Résurrection qui avait lui-même rompu neuf autres années de silence. Tome, décédé depuis, en assurait le scénario et Dan Verlinden le dessin. Pour ce nouveau volet, qui n’est étrangement pas estampillé du chiffre 14, Olivier Bocquet s’est attelé au scénario tandis que Bruno Gazzotti, dessinateur historique depuis le troisième tome de la série, fait son grand retour.

Résultat ? Un scénario parfaitement huilé, un casting aux gueules de polar, les décors d’un New York des années 80/90 rongé par le crime et la pauvreté, un dessin toujours semi-réaliste mais plus sombre, plus inquiétant, et un grand format pas vraiment opportun pour le lecteur, peut-être plus pour l’éditeur qui en profite pour réimprimer les 12 premiers volumes à l’identique. Les 12 premiers ? Oui, assez étrangement, le treizième, Résurrection, dont on parlait un peu plus avant, a disparu du catalogue. Pourquoi ? Mystère…

Eric Guillaud

Le Pasteur sanglant, Soda tome 13, de Gazzotti et Bocquet. Dupuis. 14,50€

© Dupuis / Gazzotti & Bocquet

24 Heures du Mans 2023 : Michel Vaillant sur le podium ?

Et si la 100e édition des 24 heures du Mans était remportée non pas par une Ferrari, une Peugeot, une Toyota ou une Cadillac mais une Vaillante. C’est le scénario qui se profile dans ce douzième volet des nouvelles aventures de Michel Vaillant. Mais ne croyez pas qu’en vous disant cela, on vous a tout dit. Non, l’intrigue est bien ailleurs que dans le classement final de la mythique course à laquelle le plus célèbre pilote du neuvième art et son ami Steve Warson ont décidé de participer…

À l’heure où sont écrites ces quelques lignes, rien n’est jouée du côté des 24 heures du Mans, les bolides tournent encore et encore sur le mythique circuit. Mais une chose est sûre, dans cette nouvelle fiction signée Lapière, Bourgne et Benéteau de l’écurie Graton, c’est Michel Vaillant qui franchit en tête la ligne d’arrivée au volant de sa Vaillante.

Bon ok, je spoile un peu la fin de l’histoire mais l’intérêt de celle-ci ne réside pas dans la course en elle-même. Steve Warson, ex-futur sénateur démocrate du Texas et ami de Michel Vaillant veut se retirer de la politique pour se consacrer au sport. Mais une bande d’extrémistes conspirationnistes s’est juré d’avoir sa peau. Leur plan est simple : attendre le passage de sa Vaillante sur la ligne droite des Hunaudières et lui coller une balle dans la tête. A plus de 300 km/h, forcément la chance de s’en sortir est mince…

Est -ce la fin de Steve Warson ? Bouche cousue cette fois, je vous laisse découvrir le dénouement mais réitère mon enthousiasme pour cette très belle renaissance d’une série plus que mythique vendue à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde.

Avec douze albums en un peu plus de dix ans, le trio Lapière-Bourgne-Benéteau accompagné hier de Philippe Graton, le propre fils de Jean Graton, a apporté un sacré coup de jeune à la série tant au niveau du scénario que du dessin. L‘alliance graphique entre Bourgne (pour les personnages) et Benéteau (pour les automobiles) fait toujours recette. À lire pied au plancher !

Eric Guillaud

La Cible, Michel Vaillant tome 12, de Lapière, Bourgne et Benéteau. Graton. 16,50€

© Graton / Lapière, Bourgne & Benéteau

10 Juin

Un Tournage en enfer de Florent Silloray ou comment le film Apocalypse now est devenu une légende avant même de sortir en salles

Des tournages maudits, il y en a eu quelques-uns depuis que le cinéma existe mais des comme celui-ci, rarement. Apocalypse now est entré dans la légende bien avant de rejoindre les salles obscures. Florent Silloray nous raconte cette incroyable aventure dans un roman graphique relativement captivant…

Si le film est en lui-même une légende, son tournage ne l’est pas moins. Et ni Francis Ford Coppola, ni les acteurs, ni les techniciens ne pouvaient se douter de ce à quoi ils allaient être confrontés lorsqu’ils s’envolèrent en 1976 pour la jungle philippine où les plateaux de tournage avaient été établis.

Outre des problèmes récurrents de financement, Coppola dut se résoudre à changer son acteur principal au bout de quelques jours, remplaçant Harvey Keitel qu’il ne trouvait pas bon par Martin Sheen, lequel fit un arrêt cardiaque peu après. Ajoutez à cela des hélicoptères empruntés au dictateur Ferdinand Marcos, qu’il fallait repeindre aux couleurs de l’armée américaine le matin et philippine le soir, un Marlon Brando qui débarque sur le tournage sans avoir jeté un œil sur le script et avec quelques kilos en trop, un typhon qui détruit les décors et un Dennis Hopper ingérable, bref tout était réuni pour que ce film reste à l’état d’ébauche. Le tournage dura 16 mois au lieu des 6 semaines prévues et le budget passa de 13 à 30 millions de dollars. La légende est à ce prix !

À travers le regard d’un personnage fictif, Sarah Evans, jeune attachée de production fraîchement diplômée et embauchée pour le film, Florent Silloray nous plonge au coeur de ce tournage dantesque montrant à quel point la folie n’était jamais loin de s’abattre sur toute l’équipe et bien sûr sur son réalisateur de génie, Francis Ford Coppola.

Bien évidemment, les cinéphiles avertis n’apprendront rien ici, tout ayant été dit et redit depuis des décennies, notamment dans le documentaire d’Eleanor Coppola, Au cœur des ténèbres, l’apocalypse d’un metteur en scène. Les autres y découvriront une foule d’anecdotes plus effarantes les unes que les autres et peut-être une autre époque, une autre façon de faire du cinéma. Enfin, tous pourront apprécier l’approche graphique de Florent, un mixe de crayons de couleur et d’aquarelle qui restitue parfaitement cette atmosphère oppressante, écrasante, de la jungle telle qu’on peut la retrouver dans le film. Il manque juste le son et notamment la fameuse rotation des pales d’hélicoptères. Mais elles tournent encore dans nos têtes…

Eric Guillaud

Un tournage en enfer, Au coeur d’Apocalypse now, de Florent Silloray. Casterman. 24€

© Casterman / Silloray

01 Juin

Armelle et Mirko : une bande dessinée jeunesse pour mettre en lumière la peur du noir

Elle a beau être irrationnelle, la peur panique du noir est universelle. Et c’est justement pour cette raison que les trois auteurs Loïc Clément, Anne Montel et Julien Arnal ont souhaité aborder le sujet et apporter quelques clés pour la surmonter à travers une fiction pleine de poésie et de tendresse…

Savez-vous ce qu’est l’achluophobie ? Derrière ce mot barbare se cache une réalité assez répandue, surtout chez les jeunes enfants : la peur panique de l’obscurité.

C’est ce dont souffre Armelle, une tortue. À la nuit tombée, elle allume un feu, puis une bougie, tentant de rester éveillée. Et le jour ? Ce n’est pas mieux. Au moindre danger, Armelle ne peut même pas se réfugier dans sa carapace : il y fait affreusement noir. Armelle est désespérée jusqu’au jour où elle croise le chemin de Mirko, un insecte qui pourrait bien lui changer la vie…

Cette histoire d’une tendresse infinie est signée par le dessinateur originaire du Cantal, Julien Arnal, transfuge du cinéma d’animation et de l’illustration, et deux scénaristes jusqu’à peu sarthois, Anne Montel et Loïc Clément, dorénavant domiciliés en Bretagne où les nuits ne sont pas moins courtes et le noir pas moins profond. Interview…

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