30 Sep

75 ans de Spirou : L’aventure de Spirou imaginée par Yves Chaland enfin publiée chez Dupuis

spirou_chaland_dupuisC’est peut-être le plus beau cadeau que pouvaient nous faire les éditions Dupuis à l’occasion du 75eme anniversaire de Spirou : la réédition de l’aventure du célèbre groom dessinée par Yves chaland. Réédition ou plus exactement édition car cette aventure n’a en fait jamais été publiée officiellement par Dupuis si ce n’est bien sûr dans les pages du magazine Spirou au début des années 80.

Pendant de très longues années, les amoureux de Chaland et de Spirou durent donc se contenter d’éditions confidentielles ou pirates comme celle ci-dessous que certains d’entre nous – et j’en fait partie – ont achetées un mine d’or sous prétexte que c’était du pirate, de l’introuvable, du rare… bref une pièce unique, faite à la main, un trésor.

Depuis, bien des choses ont changé, à commencer peut-être par le regard des éditions Dupuis sur cette aventure restée inachevée. A l’époque de sa publication dans le magazine, deux autres tandems étaient en lice pour la reprise des aventures de Spirou et Fantasio laissées par le grand, l’immense Franquin : Broca et Cauvin d’un côté, Tome et Janry de l’autre. Yves Chaland le Parisien était de trop. Il fut sacrifié.

Une des éditions pirates de l'aventure dessinée par Chaland

Une des éditions pirates de l’aventure dessinée par Chaland

Décédé en juillet 1990 dans un accident de la route, Yves Chaland ne mit jamais un point final à cette aventure comme à son admiration pour le personnage et les pionniers qui animèrent le journal, notamment Jijé, Tillieux et bien sûr Franquin.

Alors oui, cet album est un incroyable cadeau ! Enfin, nous pouvons admirer les strips et le trait du génial Chaland dans des conditions proches de l’excellence. Non seulement, les éditions Dupuis nous permettent de retrouver l’histoire dans sa forme originelle mais ils nous racontent aussi l’histoire de ce rêve inachevé avec à l’appui nombre d’illustrations, de couvertures, de photos… Je crois que ça s’appelle le bonheur !

Eric Guillaud

Spirou par Y. Chaland, de Chaland. Editions Dupuis. 22 euros

Vou souhaitez gagner un exemplaire de la dernière aventure de Spirou et Fantasio signée Yoann et Vehlmann ? Participez à notre concours à l’occasion du passage du SpirouTour à Nantes samedi 5 octobre !

« Revenants » et « Uriel Samuel Andrew », deux histoires de vétérans de la guerre d’Irak

Hasard des calendriers, les éditions Futuropolis et Casteman publient à quelques jours d’intervalle deux ouvrages ayant pour thème les vétérans de la guerre d’Irak. Un thème identique mais un traitement sensiblement différent puisque le premier, « Uriel Samuel Andrew », est une fiction, le second, « Revenants », un documentaire.

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Welcome home ! Uriel, Samuel et Andrew sont enfin de retour au pays et ils sont visiblement attendus. Tout le village s’est mobilisé pour les accueillir en véritables héros eux et 36 autres soldats qui en ont définitivement fini avec l’Irak. Définitivement ? Pas vraiment. Après le temps des retrouvailles, des embrassades et des cris de joie vient celui pas si simple du retour à la vie normale et pour certains de la descente aux enfers. Comme pour nombre de vétérans, le quotidien d’Uriel, Samuel et Andrew est hanté par la guerre. Tous les trois ont des hallucinations le jour, font des chauchemars la nuit, pètent les plombs pour un rien, sombrent dans l’alcool ou la drogue… Et pourquoi se plaindraient-ils ? Tant de copains n’ont pas eu la chance de revenir vivants ou entiers !

Ce récit de près de 200 pages en noir et blanc est tellement senti et juste qu’on le croirait écrit par un vétéran, tout au moins par un Américain. Rien de tout cela, Will Argunas est un auteur bien français, certes empreint de culture nord-américaine. Il décrit le difficile retour à la vie civile des vétérans d’Irak et le trouble de stress post-traumatique qui affecte 20 % d’entre-eux. Au passage, l’éditeur nous rappelle que 18 vétérans d’Irak et d’Afghanistan se suicident chaque jour, ce qui dépasse de loin le nombre de morts sur le terrain. Effrayant !

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Olivier Morel, lui, est citoyen américain. Ce Français d’origine s’est installé aux Etats Unis en 2005 et a obtenu sa naturalisation trois ans plus tard. Il est aujourd’hui réalisateur de films documentaires et auteur de séries radiophoniques. Il a notamment réalisé « L’Âme en sang », un documentaire sur les traumatismes laissés par la guerre en Irak sur les soldats. C’est le tournage de celui-ci et notamment la rencontre entre le réalisateur et les différents acteurs, pardon les différents vétérans, que nous raconte Revenants. Conçu comme un complément au documentaire, l’album s’arrête sur les mondes intérieurs des vétérans, ceux qui ne peuvent se voir dans l’objectif d’une caméra.

C’est Maël, (Les Rêves de Milton, Notre Mère la guerre...) qui s’est chargé de la mise en image. Son trait réaliste, sobre, ses planches au lavis, souvent en noir et blanc, parfois monochromes, nous plongent littéralement dans ce récit du réel, à des années lumière du rêve américain. Au delà de cette rencontre avec les vétérans, Revenants nous parle d’une société malade « qui se paie elle-même la fausse monnaie de son rêve ».

Eric Guillaud

Revenants, de Maël et Olivier Morel. Editions Futuropolis. 19 euros

Uriel Samuel Andrew, de Will Argunas. Editions Casterman. 16 euros

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui - Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

 

Ses Histoires du Quartier, il l’est tire du Barrio Chino, un quartier de Palma de Majorque, l’île espagnole où l’auteur Gabi Beltràn a passé son adolescence, au début des années 80. La difficulté pour ce type de récit autobiographique, c’est de trouver le ton juste et la bonne distance.

Gabi Beltran les a trouvés, lui qui aurait pu finir d’une overdose dans les toilettes d’un parking, comme son meilleur ami, ou en prison comme beaucoup d’autres. A quoi cela tient la chance de s’en sortir quand tant d’autres y restent ? C’est tout le propos de ce jeune auteur espagnol. Un nouvel auteur à suivre assurément tant le récit de sa jeunesse entre petits boulots (vente de journaux à l’aube), vols à la tire et prostitution (pour les marins américains en escale) , est raconté à la première personne, sans concession, ni excessive nostalgie. Au fil des chapitres, comme autant de souvenirs qui oscillent entre petits plaisirs et grandes violences, l’odeur et les contours de son quartier prennent forme avec force sous le crayon de Bartolomé Segui. A lire aussi pour découvrir que l’archipel des Baléares n’est pas juste une carte postale touristique.

Didier Morel

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui - Gallimard

Histoires du Quartier par Gabi Beltràn & Bartolomé Segui – Gallimard

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Le site de Gabi Beltràn & Bartolomé Segui

Les premières planches : Gallimard

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Jean Constantin – Les 400 coups

Le point de vue le presse spécialisée : PlanéteBD

27 Sep

Bang et son gang, un récit complètement trash et absurde signé Kikoo-Lol et Takaro chez Delcourt

9782756041964vUn univers joyeux, coloré, avec plein d’animaux très gentils, des coeurs, des étoiles, des fleurs, un ciel rose, des sapins mauves… bref tout ce qu’il faut pour éveiller l’attention des enfants. Sauf qu’il ne s’agit absolument pas d’un livre pour enfants !  Et ne vous aventurez pas à l’oublier sur la table du salon, vous pourriez le retrouver en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire entre les mains de votre chérubin préféré. J’en ai fait l’expérience ! Attention, Bang et son gang est donc un livre pour lecteurs avertis. C’est dit ! Mais que trouverez-vous une fois la couverture passée ? Eh bien le même monde acidulé à quelques détails près. Il y a Bang le lapin qui va découvrir en cours de route qu’il est une lapine, une fille donc, l’éléphant bleu Gaz très porté sur la chose anale, le petit chien Chupa qui se fait lui-même ses petites gâteries et l’ours Shredder qui aime beaucoup les petits animaux. Inutile de vous préciser qu’on y parle de sexe sans détour, c’est cash, très cash, mais affreusement drôle ! Eric Guillaud

Bang et son gang, de Kikoo-Lol et Takaro. Editions Delcourt. 15,50 euros

Festiblogs : le 9ème festival des blogs BD à Paris

Affiche du 9e Festiblogs 2013

Affiche du 9e Festiblogs 2013

 

 Après la foison de la rentrée, voici la meilleure occasion de rencontrer un ou cent cinquante auteurs parmi vos préférés. Pendant tout ce week-end (28 et 29 septembre 2013) le 9ème Festiblogs de la BD et des webcomics vous permet de découvrir qui se cache derrière les URL de leurs bulles internet.

 Devant la mairie du 3e arrondissement, le programme des deux jours est dense, avec la possibilité d’obtenir une dédicace gratuite. Comprenez « sans obligation d’achat », une exception qui remonte aux origines du festival quand la plupart des auteurs de cette génération 2.0 n’avait pas encore publié. Vous pourrez donc croiser des grands noms de la toile (Boulet, Bastien Vivès, Pénélope Bagieu, Fabien Vehlmann …) et tous ceux que vous pourriez avoir envie de découvrir, comme Benoît Feroumont qui propose une MasterClass dimanche.

Didier Morel

26 Sep

75 ans de Spirou ; le Spirou Tour fait étape à Nantes le 5 octobre

spirou courPour les 75 ans du magazine ET du héros Spirou, les éditions Dupuis ont entamé en début d’année un Spirou Tour, 10 villes étapes, autant de numéros spéciaux du journal.

Après Paris, Lyon, Montpellier ou encore Bordeaux, c’est au tour de la ville de Nantes d’accueillir le Spirou Tour le samedi 5 octobre à partir de 14h30 au centre culturel E. Leclerc d’Atlantis

Au programme : une exposition de la Galerie des Illustres, des grooms distribuant des journaux Spirou, la diffusion d’un documentaire et une séance de dédicaces réunissant Delaf et Dubuc, Pedrosa, Oiry, Spiessert et bien entendu Yoann et Vehlmann, les auteurs actuels des aventures de Spirou et Fantasio.

Plus d’infos très vite…

Eric Guillaud

Chute libre, un témoignage bouleversant sur la dépression signé Mademoiselle Caroline chez Delcourt

album-cover-large-20320Une couverture noire, d’un noir profond, et quelques traits blancs pour figurer un corps en chute libre. Un thriller ? Non, malgré les apparences, malgré aussi l’aspect effectivement effrayant du récit, Chute libre, carnets du gouffre n’est pas un récit d’horreur comme on peut en lire habituellement. Il s’agit du témoignage, poignant, bouleversant et juste d’une jeune-femme dépressive qui a touché le fond à plusieurs reprises et qui sait donc de quoi elle parle. « Ce livre est pour ceux qui n’ont rien vu ni compris, pour leur expliquer. Ce livre est pour ceux qui sont passés par là, pour ceux qui y sont encore, pour ceux qui peuvent se battre afin de ne pas sombrer, et pour ceux qui côtoient toute cette merde ».

Le message est clair, le témoignage limpide ! Mademoiselle Caroline, l’auteure du livre, a su trouver les mots justes et le graphisme parfait pour mettre tout ça en forme. Et ce n’est pas la première fois qu’elle parle ainsi de son intimité. Enceinte, Maman, Quitter Paris ou encore Je commence lundi, Mademoiselle Caroline a de l’expérience dans le domaine et ça se voit. Au final, Chute libre, carnets du gouffre est un livre fascinant, plutôt original et forcément très instructif pour tous ceux qui souffrent de cette maladie et pour les proches. A laisser traîner sur toutes les tables ! Eric Guillaud

Chute libre, carnets du gouffre, de Mademoiselle Caroline. Editions Delcourt. 17,95 euros

25 Sep

Interview de Brüno et Fabien Nury, auteurs de la bande dessinée « Tyler Cross » parue chez Dargaud

A moins de revenir d’un stage d’immersion intensif en Patagonie orientale, vous ne pouvez raisonnablement pas ignorer qui sont Fabien Nury et Brüno. Responsables du magnifique « Atar Gull » paru il y a deux ans, le tandem revient avec « Tyler Cross », un polar radical et explosif. Rencontre…

Propriétaires d’une cinquantaine d’albums à eux-deux, le Parisien Fabien Nury et le Nantais Brüno ne sont pas à proprement parler de jeunes auteurs fraîchement débarqués dans le monde merveilleux du Neuvième art. L’un et l’autre ont même été, ensemble ou individuellement, nommés plusieurs fois à Angoulême, preuve d’une certaine reconnaissance, pour ne pas dire une reconnaissance certaine.

Au début était « Atar Gull »

C’est avec un récit historique que débute leur collaboration, « Atar Gull » ou le récit d’une implacable vengeance, celle d’un esclave sur son maître, un planteur « humaniste » ! Une fiction qui nous entraîne au coeur du commerce triangulaire durant le XIXe siècle et bien évidemment du côté de nantes pour au moins quelques scènes.

Coup d’essai, coup de maître, « Atar Gull » fait objectivement partie des plus beaux albums de l’année 2011 et se retrouve d’ailleurs dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2012.

On ne change pas une équipe qui gagne ! Deux ans après « Atar Gull », Fabien Nury et Brüno se retrouvent autour d’un polar cette fois, un polar fortement teinté de western. Son nom : Tyler Cross, 104 pages merveilleusement sombres, violentes et sans concession…

Deux chefs-d’oeuvre en deux ans, forcément ça interroge ! Nous les avons donc contacté et soumis à un interrogatoire forcé…

Lire la suite ici

Eric Guillaud

20 Sep

La Ligne droite, le nouveau livre de Hubert et Marie Caillou aux éditions Glénat

La ligne droite, c’est celle qu’aurait peut-être pu suivre le jeune Hadrien, ou du moins celle que sa mère aurait souhaité qu’il suive. Mais Hadrien derrière son air sage, presque timoré, pull jacquard sur les épaules, une belle raie de côté en guise de coiffure, n’a pas forcément choisi cette fameuse ligne droite. Même si ce n’est pas facile d’être différent dans un petit village de Bretagne comme le sien. Entre sa mère un brin oppressante, son école, bienpensante, Hadrien ne parvient pas à s’affirmer, restant seul la plupart du temps. Jusqu’au jour où son chemin croise celui de Jérémie, tout le contraire de lui. Il découvre à ses côtés des sentiments bien plus forts que l’amitié…

Après La Chair de l’araignée, un magnifique récit qui portait sur l’anorexie, Hubert retrouve Marie Caillou le temps de poser un regard délicat sur l’adolescence et l’homosexualité. Le graphisme à la fois épuré et poétique de Marie, le scénario fin, intelligent et posé d’Hubert ainsi que le format à l’italienne font de La Ligne droite un très bel ouvrage, vraiment, et une lecture saine pour tous. Que demander de plus ? Eric Guillaud

La Ligne droite, de Hubert et Marie Caillou. Editions Glénat. 22 euros

17 Sep

Chroniques de la Vigne – Conversation avec mon Grand-Père par Fred Bernard – Glénat

Chroniques de la Vigne par Fred Bernard – Glénat

Conversation avec Fred Bernard autour d’un verre de Bourgogne, du Savigny rouge, lors d’une séance de dédicace – dégustation à Issy- les-Moulineaux et plus tard, au téléphone. Son dernier album Chroniques de la Vigne est une pure réussite : la faconde de son grand-père y est gouleyante à souhait. Un grand cru !

–       Vous êtes en train de travailler sur une aquarelle ?

–       C’est un magazine qui me demande une planche qui parle à la fois de l’actualité du monde et de la mienne. Donc j’ai rajouté une planche au livre. C’est une des choses que j’aurais pu mettre et que je n’avais pas intégrée. Les vendanges commencent le 20 septembre cette année et cela ne va pas être formidable. Déjà il y a eu la grêle à la fin de l’été ; et puis le temps froid sans soleil de l’arrière saison. A Savigny, il ne reste que 30% de raisins et à Pommard ce n’est que 20%. C’est ce que je dessine pour Mondomix. Un bonus qui aurait pu être dans le livre.

–       Vous dites souvent que, cet album, vous souhaitiez le faire depuis plusieurs années, mais que votre grand-père n’était pas d’accord. Avez vous le sentiment que le livre est différent aujourd’hui, 15 ans après ce qu’il aurait pu être à l’époque où vous l’aviez imaginé ?

–       Ah oui, j’ai bien fait de ne pas le faire avant ! Premièrement parce que j’ai mûri un peu, on va dire … Je pense que je n’aurais pas axé le récit de cette façon là. Les anecdotes auraient été les mêmes, mais je n’aurais pas traité cela comme ça, ni graphiquement, ni même au niveau du ton en fait.

Fred Bernard en dédicace

Fred Bernard en dédicace

–       Je sens une grande liberté dans le ton, dans la narration et dans les dessins.

–       Oui c’est exactement cela. En le faisant aujourd’hui j’ai une espèce de lâcher-prise qui a donné ce que cela a donné. Je n’aurais pas été dans ce lâcher-prise là, il y a dix ans. A l’époque, je voulais le faire encore avec mon grand-père, à 4 mains et je n’avais pas cette vision là. Depuis j’ai fait plein d’autres albums pour lesquels je me suis appliqué à développer des dialogues très écrits et là c’est un phrasé quotidien en fait.

–       C’est vrai que j’entends vraiment la voix de votre grand-père. J’ai le sentiment que si je le rencontrais, je le reconnaitrais tout de suite et je serais en sympathie immédiate.

–       De toute façon, ce sont ses mots et ses formules. J’ai osé mettre tout à plat exactement comme cela peut se raconter dans une vigne ou dans un dîner. Les copains vignerons, que j’ai eus au téléphone depuis qu’ils ont lu mon album, cela les a même surpris, parce qu’ils connaissent le reste de mon travail : « Ah il raconte ça, oh la la … Ah! Il raconte ça comme cela !!!! Il a mis ça aussi ? » Et puis ils m’ont dit : « Ah ! Mais non, mais c’est bien ! » En fait, cela ne se prend pas au sérieux, alors que souvent le vin apparaît comme une chose très sérieuse, que ce soit pour les gens qui le font que pour les gens qui traitent du sujet. C’est quelque chose qui a beaucoup de cachet, cela fait partie de notre patrimoine qui est à préserver, c’est qualitatif … Donc très souvent c’est trop sérieux. Et  moi je voulais prendre ça par le petit bout de la lorgnette. C’est aussi ce que fait mon grand-père, c’est à dire virer tout le snobisme autour du vin, qui le met en rogne, et mettre plutôt en avant tous les plaisirs que cela apporte.

–       Comment avez vous recueilli toutes ses histoires ?

–       On bascule vite dans l’intime dans une cave. La plupart des anecdotes, je les ai reçues en cave et pas dans la rue. Un peu comme dans le livre ou le film Malevil avec Jacques Villeret : ils sont tous en train d’embouteiller ou de goûter du vin alors qu’il y a la fin du monde dehors ! Toutes proportions gardées, le monde extérieur n’existe plus vraiment dans une cave, le temps peut se prolonger et les confessions intimes sont alors possibles.

Chroniques de la Vigne , Fred Bernard – Glénat

–       Vous faites référence à un film. Est-ce que d’autres films ou des livres comme celui d’Etienne Davodeau Les Ignorants, ont pu vous inspirer ou bien vous libérer ?

–       Avec Etienne, déjà ce qui est super quand je l’ai lu, je me suis dit c’est formidable, il a déjà tout expliqué. Alors dans ma tête, j’ai pu évacuer tout ce qui était technique dans le vin. Par exemple la fermentation malolactique, il explique tout très bien, donc ça c’est fait. Son ton est léger, il est badin aussi, ce que j’ai beaucoup apprécié aussi. Moi je n’ai pas lu tout ce qui s’est fait sur le vin évidemment, ni en BD, ni ailleurs. Mais ce que j’ai lu, cela débroussaillait le sujet ; et puis de toute façon, comme dit toujours mon grand-père, tout a été dit et redit ; c’est pour ça qu’il ne voulait pas s’y coltiner avec moi ;alors moi je me suis attaché à des choses que dans la plupart des cas je n’ai jamais entendues ailleurs que dans mon village par des gens que je connais. Soit parce que ce sont des choses qui ne se disent pas, soit parce qu’on a le sentiment que cela n’intéresse pas les gens, et à tort bien souvent. Je ne suis pas rassuré depuis très longtemps, à dire vrai. Le livre est sorti il y a une semaine et aujourd’hui je peux affirmer : non cela n’intéresse pas que les gens du cru. En le faisant je me posais la question. Mais j’étais super motivé parce que je le faisais à la fois pour mon grand-père et les gens qui sont dedans. C’est intime mais c’est assez universel en fin de compte. Tout ce qui tourne autour du vin, et ce sont les plaisirs de la vie en général qui sont traités, avec beaucoup de recul du point de vue de mon grand-père qui a 90 ans. Il a l’art de s’amuser des choses et un recul que moi je n’ai pas … pas encore.

–       Cela semble venir si nous suivons votre création depuis les livres jeunesse jusqu’à vos derniers romans graphiques ?

–       J’apprends beaucoup de lui, et je l’écoute attentivement. Il m’amuse et il me fait rire. Tout ce qu’il dit me fait rire. Ma grand-mère n’est plus là, mais jusqu’à la fin de ses jours, elle a ri à la moindre de ses blagues, qu’elle a entendues mille fois. A chaque fois cela m’épatait parce qu’à chaque fois il les tourne autrement.

–       Et pour vous cela fonctionne de la même façon ?

–       Oui, et moi je l’ai toujours fait parler le plus possible. Sur moi il ne pose pas beaucoup de questions.

Chroniques de la Vigne, Fred Bernard – Glénat

–       Votre grand-père connaît-il vos albums ?

–       Oui, il les a lus parce qu’il lit de la bande dessinée depuis longtemps. J’ai retrouvé ses vieux Félix le Chat des années 30 ; a grand-mère lisait Bécassine et lui d’autres livres comme Quick & Flupke d’Hergé. Mes parents n’en ont pas lu, ou très peu, mais cela a sauté une génération ! Mes grands-parents en lisaient. Oui, il a donc lu les miennes … au moins les miennes. Je me souviens, une fois, je lui avais offert les Petits Ruisseaux de Pascal Rabaté. Je me suis dit : « ça passe ou ça casse ». Et bien cela ne lui a pas plu. Une BD sur le quatrième âge et ce qui arrive aux protagonistes cela me plaisait bien, mais pas à lui. Il est prude, trop prude. Il parle beaucoup, mais en fait il est très pudique.

–       Comme beaucoup de bourguignons peut-être ?

–       Oui, ce sont des coquillages bivalves, durs à ouvrir. Mais une fois qu’ils sont ouverts, c’est super ! Moi, dans le village de Savigny-lès-Beaune, je vois par hasard des gens qui me disent :  » J’habite là depuis 5 ans, j’ai un peu du mal à rencontrer des gens ». Cela ne m’étonne pas. Moi déjà en étant parti c’est un peu cuit, je ne suis plus vraiment du village. Je suis un peu le Parisien. En revanche, pour moi c’est chez moi là bas.

Fred Bernard et ses Chroniques de la Vigne

Fred Bernard et ses Chroniques de la Vigne

–       Pour revenir aux dessins, vous êtes conscient de votre évolution graphique pour cet album-là ?

–       Ce n’est effectivement pas du tout dans la lignée des précédents. J’avais déjà fait un album couleur, il y a deux ans, qui se passait aussi en Bourgogne en grande partie, et qui s’intitulait Ursula cers l’amour et au-delà. J’avais donc déjà utilisé la couleur mais je voulais véritablement traiter cela de façon enfantine. J’avais fait des dessins aux crayons de couleur et un peu d’aquarelle aussi. Un peu moins jeté mais plus brut.

–       A l’image de l’héroïne ?

–       Oui, et pour contre balancer le propos, qui n’était pas rigolo du tout en revanche ! Là pour cet album, vu que j’ai beaucoup fait de croquis de voyages, mais finalement assez peu dans mon secteur, puisque par définition je suis devant presque tous les jours, et là j’ai eu envie de le faire. L’éditeur connaissait mes carnets de voyages, et là je lui ai dit : « C’est un voyage chez moi, c’est une ballade avec mon grand-père. Je vais le traiter comme ça : jetés et aquarelles. » Et j’ai donc essayé de faire couler cela comme les dialogues, de façon très légère, comme si cela n’allait pas devenir un livre. En fait, sans me mettre de pression. Les seuls moments où je travaille comme cela c’est en voyage, c’est que pour moi. Et ici, c’est comme si c’était pour moi et les amis. Là, je me suis autorisé à ne pas dessiner tous les détails et à être plus impressionniste. Il y a dix ans, je n’aurais pas osé faire cela.

–       Vous qui revendiquez de ne vous attaquer qu’à des sujets qui vous passionnent, quel est votre prochain projet ?

–       Je travaille sur une biographie de Charles Nungesser, le pilote qui a disparu avec François Coli sur « L’oiseau blanc » en essayant de traverser l’Atlantique, deux semaines avant Charles Lindbergh. Je ne vais pas le dessiner, j’écris le scénario. C’est une commande de  Casterman, et je me suis dit : « Ah ouais !!! » (rires pétillants d’enfant). J’adore le sujet, et en plus la fin est mystérieuse ; la vie de ce type, je la connaissais très peu, seulement dans les grandes lignes. C’était un beau taré, il était génialement fou et casse-cou.

 

Cet album a été déjà salué par les bourguignons et les vignerons : Prix du Clos Vougeot 2013. Ce qui n’est pas une mince affaire pour un livre qui parle en dilettante du monde du vin.

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Le site de Fred Bernard

Les premières planches : Glénat

La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Pigalle – Le Bar Tabac de la Rue des Martyrs (le chanteur François Hadji-Lazaro est devenu ami avec son grand-père)

Le point de vue le presse spécialisée : BDgest FranceInter France3Bourgogne