25 Mar

Saison brune, de Philippe Squarzoni. Editions Delcourt. 27,95 euros.

C’est un livre riche, dense, qui pourra même paraître âpre à certains. Son titre tout d’abord : Saison brune. Il fait référence à une cinquième saison du côté du Montana, une saison coincée entre l’hiver et le printemps. C’est un indice ! Son auteur ensuite. Philippe Squarzoni. Il a été révélé à un public averti par un dytique paru au début des années 2000 aux Requins Marteaux : Garduno en temps de paix et Zapata en temps de guerre. Dans ce récit, Philippe Squarzoni livre la chronique d’un jeune auteur de bandes dessinées, militant d’Attac, qui s’interroge sur l’état du monde et tente de définir son engagement. Relevant à la fois du documentaire, de l’autobiographie, de l’essai et de la réflexion politique, ce récit en annonce d’autres comme Torture blanche, Crash-text ou Dol. Engagé jusqu’au bout de la plume et des pinceaux, Philippe Squarzoni parle dans ce dernier livre du réchauffement climatique.

« Lorsque j’ai commencé à travailler sur le réchauffement… », confie l’auteur dans une interview réalisée par l’éditeur, « il s’agissait simplement de compléter un des chapitres de Dol, mon précédent ouvrage politique, et d’évaluer l’action de la droite sur les questions d’environnement. Mais assez rapidement, en commençant à me documenter, j’ai réalisé à la fois la gravité du dérèglement climatique que nous avons enclenché, et l’ampleur des changements à effectuer pour éviter les conséquences les plus graves du réchauffement ».

Résultat : un récit de près de 500 pages dans lequel l’auteur nous interpelle, nous alerte, sur l’état du phénomène, ses conséquences, les solutions envisageables, les responsabilités des uns et des autres… Un travail colossal, mené en six ans, un travail à la fois de recherche, de documentation, d’analyse, de rencontre, et de mise en images car Saison brune est bien une bande dessinée. Et de ce côté là, Philippe Squarzoni nous démontre une fois encore sa maîtrise parfaite de la narration et du dessin mais aussi la capacité du médium à faire passer un message. Un auteur militant, une enquête rigoureuse, un album passionnant ! E.G.

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L’info en +

A l’occasion de la parution de Saison brune le 28 mars, les éditions Delcourt rééditent les principaux albums de Philippe Squarzoni publiés jusqu’ici aux Requins marteaux, à savoir Garduno en temps de paix, Zapata en temps de guerre, Dol et Torture blanche.

24 Mar

Woogee (intégrale), de Benn. Editions Dargaud. 38 euros.

Des quartiers ultra-pauvres de Brooklyn aux usines à rêve d’Hollywood, il y a un fossé, un gouffre même, que Woogee n’a pas hésité à franchir. Arrivé dans la Cité des Anges sans un sou, cet adolescent aux airs de poulbot est bien décidé à faire carrière dans le cinéma. Et Pour arriver à ses fins, il est prêt à tout, y compris à jouer les hommes à tout faire sur les plateaux de tournage… en attendant peut-être de jouer un jour les jeunes premiers devant la caméra. Et Woogee est plutôt satisfait de son sort, content jusqu’au moment où une vieille connaissance se rappelle à lui, un policier de New York détenteur d’un mandat d’arrestation…

Ecrites et publiées dans les années 90, les aventures de Woogee nous plongent de très belle manière dans l’atmosphère des années 40 à New York et Hollywood. Le trait nerveux et réaliste de Benn (Mic Mac Adam, Elmer et moi...), trait que l’on voit s’affirmer ici au fil des pages, fait toujours bonne impression. Cette intégrale réunit les quatre tomes parus ainsi qu’un cahier graphique d’une dizaine de pages intitulé « les extras de Woogee » et contenant de très belles illustrations inédites… E.G.

21 Mar

Les Monstres de Mayuko, de Marie Caillou. Editions Dargaud. 19,95 euros.

Nous l’avions découverte en tant que dessinatrice sur l’album La Chair de l’araignée et, déjà, nous relevions la qualité de son travail. Marie Caillou nous revient cette fois en tant que dessinatrice ET scénariste sur un album tout simplement éblouissant, publié aux éditions Dargaud. Eblouissant sur le plan graphique tout d’abord avec ce trait particulièrement soigné, méticuleux, poétique, minimaliste, ces formes géométriques rondes qui agrémentent notamment les premières pages et une palette de couleurs étonnante allant du orange au vert-pomme en passant par le gris-bleu. Eblouissant ensuite sur le plan narratif et scénaristique, Les monstres de Mayuko est un conte onirique qui nous plonge dans le folklore japonais en compagnie d’une petite fille, Mayuko, et de ses meilleurs amis, deux statuettes de jardin qui prennent vie dans ses rêves aux côtés de créatures fantastiques. C’est beau, tellement beau qu’on n’ose à peine poser les doigts sur les planches ! E.G.

Rencontre avec Eric Borg, scénariste de Sidi Bouzid kids aux éditions KSTR

Connu dans le milieu du Neuvième art pour avoir lancé le magazine Zoo aujourd’hui diffusé gratuitement dans une grande enseigne culturelle, Eric Borg vient de publier avec Alex Talamba au dessin un récit sur la Révolution tunisienne qui, comme beaucoup d’entre-nous, l’a profondément marqué. D’autant que, comme nous le découvrirons dans cette interview, la vie d’Eric Borg est intimement liée à ce pays. Rencontre…

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Quand et comment vous est venue l’idée de ce livre ?

Eric Borg. Je suis né et ai vécu mes dix premières années en Tunisie, je suis donc naturellement interpellé par ce qui s’y passe. J’étais concerné depuis longtemps par l’absence de réelle démocratie et par les abus policiers en Tunisie (et ce même avant Ben Ali, sous Bourguiba) et aussi par la corruption gigantesque qu’y faisait régner le clan Trabelsi, famille de l’épouse de Ben Ali. J’ai donc suivi de très près les événements qui ont suivi le 17 décembre 2010, jour de l’immolation de Bouazizi à Sidi Bouzid (dont ma compagne est native), cette petite ville oubliée du centre de la Tunisie qui passera à la postérité comme le berceau du printemps arabe. J’ai commencé à conserver les photos et toutes les petites vidéos postées sur le Net, filmées avec des téléphones portables, montrant les premières manifestations à Sidi Bouzid, puis à Kasserine, les exactions policières, les snipers… J’avais sans doute dans l’idée un projet à partir de ça, mais c’était très vague : documentaire, film de fiction, BD… ? La question ne se posait pas vraiment. J’archivais de toute façon, pour constituer un corpus de témoignages, craignant que ces vidéos ne soient rapidement censurées par le pouvoir et disparaissent à jamais. Ma décision d’en faire une BD s’est concrétisée avec la découverte du dessin d’Alex Talamba, dans une compilation de jeunes auteurs roumains proposée à Angoulême en 2011. Un coup de crayon extraordinaire, suffisamment réaliste tout en étant très dynamique et très expressif, le style parfait pour traduire ce récit en images.

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Est-ce qu’un an suffit selon vous pour avoir assez de recul par rapport aux faits et proposer un récit globalement objectif ? D’ailleurs était-ce vraiment le but pour vous de proposer un récit objectif ?

E.B. 9 mois même… effectivement c’est un exercice délicat. Le recul sur la situation de dictature et sur la nature policière et corrompue du régime était suffisant. Pour les événements de décembre et janvier, je me suis énormément documenté pour approcher le plus possible la vérité des faits. J’ai écrit fin janvier 2011 une première version de l’histoire, que j’ai affinée dans les semaines et les mois qui ont suivi, améliorant la narration et corrigeant certaines parties à la lumière de nouvelles révélations journalistiques ou judiciaires. Dans cette période très passionnelle, les rumeurs vont vite et se contredisent sans cesse, il faut donc croiser le maximum de sources pour arriver à y voir plus clair… Mais je n’utiliserai pas le mot « objectif », tout récit, même basé sur l’histoire ou le reportage, porte un regard forcément subjectif, cela passe par le prisme de nos sensibilités et de nos opinions. En outre, mon récit est une fiction (Foued, Lotfi, Anissa et Ali sont inventés et n’ont donc jamais connu Mohamed Bouazizi), mon souci était de veiller à ce que tout soit « vraisemblable » et sincère… La fiction laisse une grande liberté théorique, mais il faut savoir l’utiliser, il y a tout le temps des choix à faire, par exemple dans le cas de la fameuse gifle de la policière qui aurait été la cause de l’immolation de Bouazizi. Malgré la disculpation de la policière de cette accusation par la justice, j’ai choisi de conserver cette version car je la trouvais à la fois représentative de la réalité policière et, de manière plus sous-jacente, symptomatique de ce qui allait se passer après la révolution, avec l’islamisme et sa vision de la femme qui trouveront un écho très favorables dans la société tunisienne… J’ai d’ailleurs souhaité dévoiler en partie l’utilisation de mes sources documentaires dans une postface de l’album.

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Vous reconnaissez avoir joué avec la réalité notamment dans les passages mettant en scène le clan Ben Ali. Pouvez-vous nous expliquer ce parti pris ?

E.B. Plus le pouvoir est autoritaire et dictatorial, plus il se cache. Il est nécessaire de le démasquer, de le remettre à sa place, d’opposer la satire à la propagande. C’est ce que font les caricaturistes, en Tunisie le cyber-dessinateur Z a brillamment œuvré en ce sens depuis des années, avec un sens de la provocation assez unique. Mais ma démarche n’était pas tout à fait la même : l’idée était de montrer ce couple de tyrans dans la débâcle de façon naturaliste, en gardant une certaine mesure, avec ce souci de la vraisemblance qui a toujours été le mien : frapper « juste », plutôt que frapper fort. En ce qui concerne la drogue, par exemple, deux kilos de stupéfiants ont bien été retrouvés au Palais de Ben Ali. L’imagination a simplement aidé une documentation forcément assez limitée…

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Découvrez la chronique de l’album ici-même

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Avez-vous des retours de Tunisiens ayant lu votre ouvrage ? Et quelles sont leurs réactions ?

E.B. J’ai eu encore peu de réactions des Tunisiens, le livre vient de paraître en France à l’heure où je vous écris. Mais en tous cas, le projet a éveillé leur intérêt, d’autant plus que la bande dessinée est un moyen d’expression encore peu développé en Tunisie et dans le monde arabe en général.

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Qu’avez-vous ressenti au moment de la révolution tunisienne ? Comment avez-vous vécu l’événement ?

E.B. Passionnément… J’ai suivi les événements 24h sur 24, sur Facebook relayé par les chaînes satellitaires comme Al Jazeera mais aussi sur la télé nationale tunisienne (TV7) avec les discours de Ben Ali et sa propagande éhontée relayée par des journalistes aux ordres. Peu à peu la révolte s’amplifiait et le régime découvrait de plus en plus son vrai visage, celui que ne voulaient pas voir les politiciens français, de Frédéric Mitterrand à Michelle Alliot-Marie, celui d’une dictature barbare. Le 14 janvier a été une journée incroyable. Voir cette foule de Tunisiens, hommes, femmes, enfants, vieillards, avocats en robes… rassemblés devant le ministère de l’Intérieur à crier à Ben Ali «  Dégage ! », était complètement surréaliste et très émouvant. Il faut savoir qu’habituellement, il était interdit de marcher sur le trottoir devant le bâtiment du ministère avenue Bourguiba, il fallait traverser pour passer sur le trottoir d’en face ! La fuite de Ben Ali le 14 janvier était digne des scénarios les plus fous, comme la cerise sur un « gâteau » déjà grandiose !

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Comment jugez-vous l’évolution du pays aujourd’hui ?

E.B. Je suis déçu… comme beaucoup de Tunisiens, mais sans doute pas la majorité puisque cette majorité a voté pour les islamistes. Pour l’instant, dans le monde arabe, que ce soit en Tunisie, en Egypte, en Lybie… la seule alternative à la dictature policière ou militaire semble être pour l’instant la religion… C’est évidemment néfaste pour la modernité, la liberté, les droits de l’homme et surtout de la femme… qui étaient (et sont encore, mais pour combien de temps) bien plus avancés en Tunisie que dans les autres pays arabes.

Mais si le processus démocratique est respecté, la situation actuelle est néanmoins un progrès par rapport à la situation antérieure, car le combat des idées est aujourd’hui possible. Même s’il est inégal. Ennahda et le courant islamiste bénéficient d’un évident soutien des émirats arabes comme le Qatar, et déjà depuis de nombreuses années, par l’intermédiaire des chaînes satellitaires islamiques. Le Qatar est même soupçonné de financer directement le parti au pouvoir en Tunisie.

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Quel est pour vous le premier rôle de la bande dessinée ? Le divertissement ? L’information ?

E.B. Bénéficiant d’une force expressive et émotive comparable à celle du cinéma (ce qui explique son succès auprès de la jeunesse), le récit de bande dessinée peut bien sûr avoir aussi un rôle pédagogique, notamment sur cette jeunesse. Avec un avantage énorme sur le cinéma: la BD peut se faire avec des moyens financiers bien moindres et donc une indépendance et une liberté plus grandes.

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Quel regard portez-vous sur la production actuelle et notamment sur la bande dessinée reportage ?
E.B. J’avais justement lu le court reportage BD de Chapatte sur la révolution tunisienne, que j’avais trouvé excellent. Mais je ne lis malheureusement plus beaucoup de BD depuis que j’en fais…

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Quel a été votre premier coup de cœur BD et quelle a été son influence sur votre parcours professionnel, sur votre travail de scénariste, sur cet album ?

E.B. J’ai été un très gros consommateur de BD dans mon enfance et mon adolescence. Je lisais tous genres de récits, tout me passionnait.

Si je devais un peu artificiellement n’en citer que quelques uns : des classiques comme Tintin, Corto Maltese, mais aussi des « séries B » comme Zembla et Bibi Fricotin… Toute la production de super héros Marvel avec le magazine Strange. Puis bien sûr la « nouvelle BD » initiée par le magazine Pilote que je vénérais et poursuivie par les revues Métal Hurlant, l’écho des savanes, A Suivre : Moebius, Mandryka, Serge Clerc, Ted Benoit, Manara, Tardi… Mais j’oublie sans doute les plus importants ! Plus récemment ce sont les mangas en général qui m’ont le plus impressionné, avec ses deux figures tutellaires Tezuka et Taniguchi en particulier.

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Vos projets ?

E.B. En mai prochain paraîtra le tome 2 de « Rocher Rouge », une série d’aventure-horreur, avec cette fois-ci Renart au dessin (après Michaël Sanlaville). En août 2012, « Crematorium », un thriller psychologique très sombre et émouvant, je l’espère, dessiné par Pierre-Henry Gomont.

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Interview réalisée par mail le 19 mars 2012 – Eric Guillaud

Illustrations extraites de Sidi Bouzid kids – Alex Talamba & Eric Borg

18 Mar

Haddon Hall, Quand David inventa Bowie, de Néjib. Editions Gallimard. 19 euros.

Haddon Hall est une vielle demeure de la banlieue londonienne vouée à l’oubli et à l’ennui. Jusqu’au jour où débarque dans ses murs un jeune couple, Angie et David, bientôt suivi d’une ribambelle de jeunes garçons et filles, vaguement hippies. Du bruit, de la musique, des rires, de l’amour, des jalousies… la vieille maison sort de sa torpeur et nous raconte sa nouvelle vie. Une vie d’autant plus passionnante que le David  en question n’est autre que David Robert Jones, alias David Bowie, bientôt star planétaire. Mais pour l’instant, David n’est qu’un musicien à la recherche d’un style, d’une personnalité. « N’essayes pas de devenir une star… », lui dit un jour son producteur Tony Defries, « sois une star! ». Il suivra le conseil à la lettre et le deviendra quelques mois plus tard…

Pour sa première incursion dans le monde du Neuvième art, Néjib signe un album pour le moins original, tant sur le plan narratif que graphique, avec une maison, Haddon Hall, qui se fait narratrice, des planches totalement exemptes de vignettes et des couleurs flashies, rose, bleu, jaune… Malgré tout, la lecture de l’ouvrage est totalement fluide, logique, et l’histoire forcément passionnante, captivante, et pas seulement pour les amoureux de Bowie. Plus qu’une simple virée psychédélique dans l’univers rock de la fin des années 60 et du début des années 70, l’album de Néjib nous propose une réelle expérience de lecture. Un récit qui se prêterait fort bien à une adaptation cinématographique !  E.G.

Buck Danny Intégrale (tome 5), de Hubinon et Charlier. Editions Dupuis. 24 euros.

65 ans et pas une ride. Ou presque ! Grâce aux éditions Dupuis et à cette très belle réédition en intégrale, les aventures de Buck Danny, personnage ô combien mythique de la bande dessinée franco-belge, continuent d’accompagner nos rêves de gosses. Même si tous les lecteurs ne sont pas devenus pilotes de chasse en grandissant, beaucoup ont gardé de leurs lectures de jeunesse le goût de l’aéronautique et plus largement de la mécanique. Et après le ciel de Corée, objet d’un cycle réunissant plusieurs albums (Avions sans pilotes, Ciel de Corée, Un Avion n’est pas rentré et Patrouille à l’aube), direction le cercle polaire où notre super héros devait affronter cette fois encore de terribles ennemis que le Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence interdisait à l’époque de nommer. Le contexte de guerre froide laissait cependant peu de doute quant à leur identité. Et parmi ces méchant, une femme, la mystérieuse Lady X qui faisait là sa première apparition dans les aventures du grand Buck. Ce cinquième tome de l’intégrale réunit donc les trois aventures qui forment le cycle polaire, NC-22654 ne répond plus, Menace au nord et Buck Danny contre Lady X, ainsi que le traditionnel dossier qui revient sur le contexte de création des épisodes, illustrations, photos et documents d’époque à l’appui. Un grand classique à découvrir ou redécouvrir ! E.G.

17 Mar

A boire et à manger, de Guillaume Long. Editions Gallimard. 20 euros.

Les prémices du printemps vous ouvrent l’appétit ? C’est normal et ça tombe plutôt bien. L’ouvrage culinaire de Guillaume Long, paru chez Gallimard, propose des recettes classées par saison. Et tout commence par le printemps ! Des recettes ? Pas seulement ! En fait, ce livre contient aussi des anecdotes, des portraits, des notes, des pensées, des souvenirs d’enfance, des conseils matériels… le tout rapporté sous forme de courts récits en bande dessinée, de strips, de carnets de croquis ou de planches encyclopédiques. Sur près de 140 pages, Guillaume Long, « gourmet, gourmand, gastronome, goinfre, glouton… », comme le définit en préface François-Régis Gaudry, critique gastronomique et rédacteur en chef adjoint à l’Express, nous apporte mille et une astuces pour bien préparer un apéritif, un café, une salade de pastèque-féta, un gâteau au chocolat ou encore un risotto aux asperges. Il donne aussi des conseils pour bien choisir ses tomates, ses poissons, ses ustensiles de travail ou préparer un voyage gourmand à Venise…
Cette aventure a commencé sur la toile avec un blog hébergé par le site du Monde, aujourd’hui cinquième au classement des blogs d’auteurs BD les plus visités (100000 visiteurs uniques par jour). Autant dire que cette mise en album était particulièrement attendue par les gastronomes amateurs et professionnels. A l’arrivée, A boire et à manger est un livre très agréable qui se lit de bout en bout ou qui se picore selon l’envie du moment, façon livre de cuisine. Une très très belle idée qui titille les papilles !  E.G.

Retrouvez le blog de l’auteur ici-même

16 Mar

Le Journal de Jonathan Harvester, Les Fabriques de la mort (tome 1), de Romain Slocombe, Freddy Martin et Vincent Froissard. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Etrange. Très étrange ! Depuis son arrivée à Matsushiro, bourgade située au centre du Japon, le jeune journaliste scientifique Jonathan Harvester va de surprise en surprise. A commencer par cette jeune femme venue l’accueillir à la gare, couverte de bandelettes. Et cette université, réplique exacte d’un château de Wewelsburg, en Westphalie. Et pour finir ce professeur japonais Muraki, célèbre pour ses recherches autour du sang artificiel. C’est lui qui est au centre de ce voyage. Jonathan souhaite en effet rédiger un article sur son travail mais l’homme devient subitement hermétique lorsque le journaliste lui parle d’un procès qui aurait eu lieu ici peu après la Seconde guerre mondiale et où aurait été jugés pour crimes de guerre des médecins militaires. C’est dans un livre que Jonathan a fait cette découverte. On y parle d’expériences bactériologiques et d’expérimentations médicales sur des cobayes humains en Mandchourie. Mais quel lien peut-il exister entre ces faits et le professeur pour qu’il réagisse si violemment ?

Artiste complet, à la fois écrivain et à ce titre sélectionné en 2011 pour le Goncourt, réalisateur, traducteur, illustrateur, photographe et auteur de bandes dessinées, Romain Slocombe signe ici un récit captivant, intriguant et rudement bien écrit autour de ce jeune journaliste qui découvre les atrocités menées par la fameuse unité 731, l’unité militaire de recherche bactériologique de l’Armée impériale japonaise. Un scénario bien ficelé donc et un trait à fort caractère signé Freddy Martin, un trait noir et appliqué, relevé par les fabuleuses couleurs de Vincent Froissard. Trois tomes sont prévus, on attend le deuxième avec impatience ! E.G.

Visitez le blog de Freddy Martin

11 Mar

Sidi Bouzid kids, de Eric Borg et Alex Talamba. Editions KSTR. 16 euros.

Un an après les faits, Eric Borg au scénario et Alex Talamba au dessin nous proposent de revivre la révolution tunisienne avec un récit « inside », comme on dit dans le milieu de la presse, c’est à dire vue de l’intérieur. Et tout commence bien évidemment en décembre 2010 du côté de Sidi Bouzid. Mohamed, jeune vendeur de fruits et légumes, harassé par les difficultés du quotidien, humilié par la police, s’immole devant un bâtiment public. Très vite, Mohammed devient le symbole de toute une jeunesse qui refuse l’oppression d’un pouvoir vieillissant et suffisant. C’est l’insurrection dans tout le pays. Des semaines de conflits, de violences, et au bout du compte la fuite à l’étranger de Ben Ali et de sa famille. C’est le printemps, le printemps avant l’heure pour tous les Tunisiens…

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découvrez l’interview de l’auteur ici-même

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Chacun de nous se souvient de cette période, de l’émotion soulevée par ce peuple en révolte contre le pouvoir répressif de Ben Ali. Et par l’incurie de certaines personnalités politiques françaises. Une révolte ? Non sire, une révolution, aurait-on pu entendre en d’autres temps et d’autres lieux. Une révolution relayée chez nous par les médias traditionnels et en Tunisie par les réseaux sociaux, facebook et twitter en tête. Pour la première fois, une révolution se jouait grâce à la toile, chacun allant de sa petite vidéo, de son indignation, de son appel à rejoindre les révoltés, de son témoignage sur la terreur entretenue pas la police… Eric Borg, connu des bédéphiles pour avoir créé le magazine Zoo, nous offre un récit bien construit, senti, rythmé, documenté, un récit de fiction, certes, mais totalement encré dans la réalité historique avec quelques libertés assumées et expliquées par l’auteur en postface. Quant à Alex Talamba, dont c’est ici le premier ouvrage en langue française, son graphisme de caractère sert admirablement l’histoire. Un très bon livre, forcément passionnant et utilement complété par un dossier graphique qui revient sur la révolution, ses acteurs, le rôle des réseaux sociaux… E.G.

08 Mar

Je suis le gardien de mon frère, de Pierre Makyo et Liu Wei. Editions Glénat. 19,50 euros.

Voici l’histoire de deux frères. Deux frères qui ne s’aimaient pas. D’un côté, Niko, de l’autre, Ivan. Le premier, l’aîné, était l’objet de toutes les attentions de la part de ses parents. Le second, très vite, était devenu le souffre douleur du père, un homme violent, très violent. Envers son fils Ivan. Envers sa femme aussi. C’est d’ailleurs au cours d’une dispute entre les deux adultes que le jeune Ivan a fini par tuer son père. Deux balles quasiment à bout portant ! La mère et ses deux fils décidèrent d’enterrer le corps dans le jardin et de ne rien dire à personne. Un corps enterré et un secret qui ressurgit. Car derrière toute cette violence, cette haine, ces déchirements, se cache un terrible secret, un secret de famille, qui n’a pas fini de polluer la vie des deux frangins…

Jérôme K. Jérôme Bloche, Elsa, Grimion gant de cuir, Le Jeu de Pourpre et bien sûr Balade au bout monde, Pierre Makyo est un auteur majeur du Neuvième art, un auteur qui s’est illustré aussi bien dans le fantastique que dans l’humour, le policier ou la chronique paysanne. En compagnie du Chinois Liu Weil qui signe le dessin, Pierre Makyo se penche ici sur la psychogénéalogie et notamment sur les lourds secrets de famille qui peuvent détruire la vie de plusieurs générations et amener certains faits à se répéter inéluctablement. Un album remarquable tant sur le plan graphique que scénaristique et une histoire passionnante, prenante, surprenante ! E.G.