14 Juil

Une question de vie ou de mer, Marineman (tome 1), de Ian Churchill. Editions Glénat. 16,95 euros.

Il se nomme Steve Ocean mais tout le monde l’appelle Marineman. C’est un biologiste reconnu mais aussi un présentateur et producteur de documentaires marins pour la télévision. Adulé par les enfants, fantasmé par les femmes, jalousé par les hommes, Marineman est un gars plutôt… bien bâti, qui n’a peur de rien, surtout pas de l’eau et de ses habitants, comme les requins qu’il côtoie régulièrement. Mais ce qui va le rendre encore plus célèbre, c’est un accident de plongée, un cameraman bloqué dans une cage à requins, et Marineman qui plonge pour le sauver… sans bouteille. Le monde entier apprend alors que Marineman peut respirer sous l’eau…

« C’est la création d’un adulte qui parle à l’enfant qui est en nous », déclare Dave Gibbons (Watchmen, Martha Washington…) dans une préface bien évidemment élogieuse. Et il a absolument raison tant le personnage central allie tout ce dont peut rêver un jeune garçon et même un homme : la force, la beauté, le charme, l’humour, l’intelligence, la réussite, un super sourire et, bien sûr, un super-pouvoir qui lui permet de communier avec l’océan. Mais qui est vraiment Marineman ? D’où vient-il ? Que veut-il ? Quelle est sa véritable identité ? Autant de questions que se posent les lecteurs au début de ce récit et qu’ils ne se poseront plus le livre une fois refermé. Le scénario associe subtilement action, humour et écologie, le graphisme de son côté, très épuré, limpide, dynamique, rappelle certaines productions de la collection Série B chez Delcourt. EGuillaud

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L’info en +

Marineman a été nommé aux Eisner Awards 2011 dans la catégorie « Meilleure nouvelle série ».

13 Juil

Clara, de Christophe Lemoine et Cécile. Editions Le Lombard. 10,60 euros.

Passer par le square, partager le goûter avec les canards, jouer à la balançoire, s’arrêter à la boulangerie… Clara raffole de ces petits moments qu’elle partage avec sa mère le soir à la sortie de l’école. Si elle en connaissait exactement la signification, elle parlerait de bonheur. Un bonheur simple, vrai, mais un bonheur qui ne va malheureusement pas duré. Sa maman est malade. Très malade. Et elle décède subitement. Pour Clara commence alors un long travail de deuil…

Avec Clara, Christophe Lemoine au scénario et Cécile, au dessin, racontent une histoire universelle, une histoire profondément triste, émouvante, sensible et en même temps poétique autour des thématiques de la maladie, de la mort, de l’absence et du deuil. Un très bel album, merveilleusement bien construit et mis en images. Coup de coeur ! EGuillaud

12 Juil

La traversée du Louvre, de David Prudhomme. Editions Futuropolis. 17 euros.

Après Nicolas de Crécy (Période glaciaire), Marc-Antoine Mathieu (Les Sous-sols du révolu), Eric Liberge (Aux heures impaires), Christian Durieux (Un enchantement), Hirohiko Araki (Rohan au Louvre), Bernar Yslaire et Jean-Claude Carrière (Le ciel au dessus du Louvre), c’est au tour de David Prudhomme de nous offrir sa vision du musée du Louvre dans un album de bande dessinée coédité par Futuropolis et Louvre Editions. L’auteur de Rebetiko ou de La Marie en plastique avec Pascal Rabaté se met ici en scène, déambulant en solitaire au milieu d’une foule d’anonymes, « des lecteurs de partout, venus du monde entier » comme dit l’auteur qui a l’impression d’être dans une BD géante, chaque tableau accroché aux murs formant une case. Et plus que les oeuvres elles-mêmes, ce sont les visiteurs et leur comportement qui interpellent David Prudhomme. Tous ces anonymes justement qui font la queue, s’agglutinent, s’isolent, méditent, scrutent, lisent, s’embrassent, photographient, se photographient, s’amusent, s’interrogent… la plupart du temps en silence. Avec ce récit drôle et léger, David Prudhomme nous offre un regard décalé sur le musée et plus généralement sur l’art et sa perception. En bonus, une autre traversée du Louvre, quatre pages de chiffres sur le musée, le bâtiment, les oeuvres, les visiteurs et les agents. EGuillaud

Lunes birmanes, de Sophie Ansel et Sam Garcia. Editions Delcourt. 22,95 euros.

L’histoire commence dans les années 80 quelque part dans la jungle birmane. Thamaza est alors un enfant joyeux et insouciant. Mais déjà, les bruits de bottes de la junte militaire se font entendre au loin. Et de fait, les soldats débarquent un beau jour dans son village et modifient le cours de sa vie. Témoin direct des atrocités commises par la dictature, le jeune garçon décide de rejoindre quelques années plus tard Mandalay, la deuxième plus grande ville du pays. Là, il multiplie les petits boulots et participe activement aux réunions secrètes des opposants au régime. En 1996, une manifestation pacifique réunissant des étudiants et des intellectuels tourne mal. Thamaza, comme beaucoup d’autres, se voit contraint de fuir le pays. Mais il est arrêté, torturé, jugé et condamné à 65 ans de prison ! Et même s’il parvient à s’évader, Thamaza n’en a pas pour autant fini avec la brutalité des hommes…

Alors que la Birmanie se retrouve depuis quelques temps sous les feux de l’actualité avec la mise en place d’un régime dit « civil » et une relative ouverture du pays sur le reste du monde, Sophie Ansel et Sam Garcia nous proposent de plonger dans ce qui fût, et risque malgré tout d’être encore quelques temps, la réalité birmane. Scénariste et journaliste, Sophie Ansel connaît bien l’Asie du Sud-Est pour y avoir vécu plusieurs années. Son premier voyage en Birmanie la fascine littéralement. Elle y reste le temps nécessaire pour approcher, comprendre, sentir le pays. Mais ce sont les exilés birmans, rencontrés en Malaisie, qui vont lui apporter véritablement matière à l’écriture de ce livre. Elle recueille quantité de témoignages sur la vie des réfugiés et surtout sur le quotidien de la population birmane, sur les tortures, les meurtres, les viols et autres exactions commises par le régime militaire. A la fois BD documentaire et fiction, Lunes birmanes associe faits réels et personnages imaginaires pour offrir au final sur plus de 200 pages un témoignage dur, violent, amplifié par la mise en scène de l’Espagnol Sam Garcia, une mise en scène très crue, brutale, mais à l’image de la réalité. EGuillaud

09 Juil

Down Under et Les Quatre coins du monde : rendez-vous avec la grande aventure

Vous rêvez de grands espaces ? De liberté ? D’action ? D’aventure ? Voici donc une sélection d’albums qui devrait vous contenter. D’un côté Les Quatre coins du monde,de Hugues Labiano, chez Dargaud. De l’autre, Down Under, de Nathalie Sergeef et Fabio Pezzi, aux éditions Glénat. Deux premiers albums qui vont vous faire voyager dans le temps et l’espace…

Premier dans l’ordre d’apparition, Les Quatre coins du monde nous entraîne dans le massif du Hoggar dans le grand sud saharien. Nous sommes au début du XXème siècle, les unités méharistes françaises tentent de pacifier la région en établissant des relations privilégiées avec les tribus nomades. C’est dans ce contexte que nous faisons connaissance avec le sous-lieutenant Dupuy, fraîchement débarqué de St-Cyr, et surtout le capitaine Barentin qui va lui enseigner le désert, son histoire, ses règles, ses réalités et ses mythes. Un graphisme réaliste de belle facture, des décors grandioses, des couleurs et des ambiances somptueuses, une aventure à forte dimension humaine prévue en deux volumes.

Changement de décor. Changement d’époque. Nous sommes cette fois en Australie à la fin du XIXème siècle. Pour le jeune orphelin irlandais Lonàn O’Farrell, 10 ans, comme pour des millions de migrants, cette terre représente l’espoir d’une vie meilleure. Confié lors de son arrivée sur l’île-continent à un père adoptif violent et stupide, Lonàn décide très vite de s’enfuir. Il se cache dans un chariot, celui de Ian McFarlane, un fils de migrant écossais en route vers l’exploitation familiale. Un très long voyage et à l’arrivée une mauvaise surprise : le père de Ian est mort, son frère a disparu et la propriété a été vendue dans des conditions particulièrement obscures. Western  transposé sur les terres australiennes, Down Under nous plonge au coeur d’une nature à la fois sauvage et magnifique pour un récit épique sur fond de colonialisme et de culture aborigène. Le scénario, signé par une jeune femme, Nathalie Sergeef, et le graphisme de Fabio Pezzi, s’inscrivent dans une veine classique, trop classique diront certains, tout en offrant un dépaysement bienvenu et un bon moment de lecture. EGuillaud

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Dans le détail :

Down Under (tome 1), de Nathalie Sergeef et Fabio Pezzi. Editions Glénat. 13,90 euros.

Les Quatre coins du monde (tome 1), de Hugues Labiano.  Editions Dargaud. 14,99 euros.

07 Juil

La Peau de l’ours, de Zidrou et Oriol. Editions Dargaud. 14,99 euros.

Pas facile de repousser les avances de Silvana. Tous les jours, la jeune femme attend Amadeo à la sortie du village. Jupe retroussée. Mais rien à faire, Amadeo doit remplir sa mission quotidienne : aller chez le vieux bigleux de Don Palermo et lui lire son horoscope, particulièrement la section « amour ». Après tout, comme le dit Don Palermo lui-même, « en amour il n’y a pas de date de péremption ». Et de raconter sa vie, sa jeunesse comme montreur d’ours dans un cirque de pacotille, sa rencontre avec un chef mafieux terriblement sanguinaire dont il deviendra le bras droit. Et puis l’amour, la trahison, la mort qui rode…

Zidrou, connu pour ses récits jeunesse parus chez Dupuis, Casterman ou Le Lombard (Sac à puces, Tamara, L’élève Ducobu…), signe ici un récit coup de poing pour adultes, une histoire d’amour impossible ou plus exactement interdite qui finira mal bien évidemment, dans la trahison, la vengeance et le sang. La Peau de l’ours est une histoire noire, très noire, violente et sans concession, redoutablement efficace sur le plan narratif. Et que dire du graphisme ? Oriol Hernandez délivre un trait anguleux, franc, direct et expressif qui nous hâpe littéralement pour ne nous lâcher que la dernière page tournée. Et encore. Magnifique ! EGuillaud

Un nouveau festival BD Delcourt/Soleil en septembre

Le Groupe Delcourt vient d’annoncer la creation du 1er festival BD Delcourt-Soleil. Il se tiendra, comme le feu festival Delcourt des années 2000 à Bercy Village, dans la cour Saint Emilion et à la FNAC, du 21 au 23 septembre 2012. Au menu, des rencontres, des ateliers enfants, des dédicaces et une marche zombie le samedi 22 à partir de 15h00. Parmi les 70 auteurs invités : Fred Duval, Emem, Richard Guerineau, Benjamin Lacombe, Jérôme Lereculey, Jean-David Morvan, Christophe Quet, Jean-Pierre Pécau, Philippe Squarzoni, Turf… Un communiqué conjoint des éditions Delcourt et Soleil annonce de plus amples informations fin août. De quoi partir l’esprit tranquille en vacances ! EGuillaud

Légendes du cyclisme, de Roger Brunel, Michel Janvier et Jean-Marc Borot. Editions Vents d’ouest. 12,75 euros.

C’est parti. Le Tour de France, 99ème édition, s’est élancé samedi dernier de Liège. Arrivée prévue le 22 juillet sur les Champs-Elysées. D’ici là, 3484 kms attendent les coureurs, trois semaines d’efforts, de joies, de déceptions et de sueur. Trois semaines qui vont permettre aux fins connaisseurs comme aux simples curieux de se familiariser avec les petits nouveaux du peloton et de retrouver quelques vieilles légendes du Tour. Justement, en parlant de légendes, les éditions Vents d’ouest viennent de publier un ouvrage qui devrait absolument intéresser tous les accros de la petite reine, un ouvrage intitulé Légendes du cyclisme, 56 pages d’infos, de bandes dessinées et, surtout de caricatures. Coppi, Bartali, Thévenet, Gavendish, Virenque, Pantani, Poulidor, Armstrong, Hinault… Tous ceux qui ont marqué la grande boucle sont croqués, et bien croqués, par Jean-Marc Borot. Des caricatures pleine page qui font ressortir les petits défauts et les grands traits de caractère de nos amis coureurs. Et c’est assez bluffant ! EGuillaud

03 Juil

Enemigo, de Jirô Taniguchi et M.A.T. Editions Casterman.

Après une dictature, une révolution et une guerre civile, le Nascencio, petit état d’Amérique latine, est un pays ruiné qui pour s’en sortir a décidé de développer un projet particulièrement ambitieux au sud de son territoire : transformer la jungle en terres arables. Des milliers et des milliers d’hectares qui devraient être à terme dédiés à la culture de variétés de céréales à haut rendement. Et pour relever ce défi, une société japonaise, le groupe Seshimo, et un homme, son président, Yûji Seshimo. Mais à l’occasion d’une visite sur le terrain, le président est kidnappé par des mercenaires qui réclament l’arrêt des travaux. Qui se cache réellement derrière ces hommes ? Et quel est leur véritable but ? C’est au propre frère de Yûji Seshimo, Kenichi, un ancien du Vietnam, devenu détective privé aux Etats Unis, que revient la lourde charge de démêler l’affaire…

Une petite pépite ! Enemigo est ce qu’on peut communément appeler une oeuvre de jeunesse de Jirô Taniguchi, une œuvre prépubliée au Japon dans la revue Play comic entre décembre 1984 et avril 1985. Même si l’auteur avait déjà une quinzaine d’ouvrages à son actif au Japon, il faut attendre les années 90 et la publication en France de L’homme qui marche (1995) ou du Journal de mon père (1999) pour véritablement découvrir l’homme et son travail. Un travail d’ailleurs fondamentalement différent de cet album Enemigo qui s’inscrit sans ambivalence dans le genre « aventure » avec beaucoup d’action, de violence, un peu de sexe aussi et une certaine dimension politique. Nous sommes bien loin ici des récits intimistes de celui qui est aujourd’hui devenu une figure, une star même de la bande dessinée internationale. Malgré tout, Enemigo laisse déjà entrevoir un talent immense et des inspirations américaines (cinéma) et européennes (bande dessinée) comme le soulignent Baru, François Schuitten et Vittorio Giardino en postface. EGuillaud