26 Avr

Autobiographie d’une courgette : Camille K. et Ingrid Chabbert adaptent avec bonheur le best seller de Gilles Paris

Adapté en téléfilm en 2007 puis en film d’animation en 2016, le roman de Gilles Paris connaît cette fois une très belle adaptation en bande dessinée sous la plume d’Ingrid Chabbert et les pinceaux de Camille K…

Vendu à plus de 300 000 exemplaires en France, traduit en 20 langues, le roman de Gilles Paris est ce qu’on appelle un best-seller. Et son succès ne s’émousse pas avec le temps. Après avoir été adapté pour la télévision par Luc Béraud en 2007 sous le titre C’est mieux la vie quand on est grand, puis pour le cinéma par Claude Barras en 2016, Autobiographie d’une courgette nous revient aujourd’hui sous la forme d’une bande dessinée aux éditions Philéas, adaptation que l’éditeur estime à la fois respectueuse et personnelle du roman. N’ayant pas lu le livre, je ne me permettrai pas de le contredire. Mais une chose est certaine, la version de Camille K. au dessin et d’Ingrid Chabbert au scénario fonctionne au point de nous bouleverser.

L’histoire ? Celle d’un petit garçon qui se prénomme Icare mais que tout le monde appelle Courgette, un petit garçon de neuf ans qui par accident tue sa mère handicapée, alcoolique et violente et se retrouve placé dans un foyer où il doit réapprendre à vivre malgré la tragédie. Et contre toute attente, c’est là, aux côtés d’enfants qui ont comme lui vécu la plupart du temps un drame, qu’il découvre l’amitié, l’amour, le bonheur…

Personnages attachants, narration simple mais efficace, trait naïf et souple, couleurs douces… Camille K. et Ingrid Chabbert ont trouvé le ton et la forme justes pour se mettre – et nous mettre – dans la peau de Courgette et évoquer un sujet particulièrement difficile, celui de la violence faite aux enfants. C’est poignant bien sûr mais c’est aussi très drôle, un récit bourré d’émotions et d’humanité pour les petits et les grands.

Eric Guillaud

Autobiographie d’une courgette, de Camille K. et Ingrid Chabbert d’après le roman de Gille Paris. Philéas. 17,90€ (en librairie le 29 avril)

22 Avr

Mademoiselle Baudelaire : beau comme un poème !

Yslaire fait son retour chez l’éditeur de ses débuts avec un livre hommage à l’un des plus grands poètes français, Baudelaire, dont on célèbre en ce mois d’avril le bicentenaire de la naissance…

Dans les années 80-90 du siècle passé, Bernard Hislaire faisait ses premiers pas dans le monde du neuvième art aux éditions Dupuis avec une série qui témoignait déjà de son attirance pour la poésie, Bidouille et Violette, une histoire d’amour entre deux adolescents, mélancolique à souhait, quatre tomes parus que je ne peux que vous encourager à (re)découvrir.

Mais c’est avec Sambre, dont le premier volet est publié chez Glénat en 1986, que l’auteur se fait un nom, Yslaire. Plus de H et de I mais un Y en lieu et place, un détail me direz-vous mais un détail qui marque le début d’une reconnaissance publique et critique internationale. À la série mère, 8 tomes publiés à ce jour, viennent s’ajouter au fil du temps deux séries parallèles, La Guerre des Sambre : Hugo et Iris (3 tomes) et La Guerre des Sambre : Werner et Charlotte (3 tomes), dont l’auteur signe le scénario mais pas le dessin.

En  2021, Yslaire retrouve donc les éditions Dupuis avec les honneurs s’il vous plait de trois cahiers work in progress publiés en amont de l’album, une délicate invitation dans le processus de création de l’auteur, un avant-goût à l’album que voici et qui ne peut que nous laisser pantois d’admiration.

© Dupuis – Yslaire

Dans un élan graphique bouillonnant, l’auteur y dépeint le poète maudit face à ses tourments, face à son génie aussi, un plongeon au coeur de la création, de la poésie et de l’une des oeuvres majeures, Les Fleurs du malguidé par la Vénus noire, Jeanne Duval, la mystérieuse muse de Baudelaire dont Yslaire fait ici la narratrice à travers une lettre qu’elle aurait adressée à la mère du poète à la mort de celui-ci.

« Jeanne et la fiction m’ouvrent la voie pour aborder les recoins cachés de la vérité, pour poser des questions… », explique Yslaire, « Mais je ne réinvente rien. Je me sers de tout ce qui existe autour de Baudelaire, tout ce qui s’est dit depuis les gens qui l’ont connu jusqu’à aujourd’hui. »

À l’image des vers de Baudelaire, les planches d’Yslaire offrent un condensé de références mythologiques, de romantisme, de passion, de sexe… Pas d’outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs ici, pas de condamnation, pas de censure… les temps ont changé, du moins peut-on l’espérer, mais un hymne à la poésie, à la beauté, à l’amour, à la vie. Chef d’oeuvre !

Eric Guillaud 

Mademoiselle Baudelaire, d’Yslaire. Dupuis. 26€ (en librairie le 23 avril)

© Dupuis – Yslaire

19 Avr

Affaires d’État : la nouvelle série-concept des éditions Glénat

Trois albums d’un coup, trois époques différentes, trois affaires d’état, trois dessinateurs et un scénariste unique, Philippe Richelle dont les grandes passions, la politique, l’histoire et le polar, constituent le socle de cette nouvelle collection ou série-concept telle que les éditions Glénat ont préféré la présenter…

Collection ou série-concept, peu importe, Affaires d’État nous embarque pour un voyage dans les coulisses du pouvoir où tout, on peut le vérifier régulièrement, n’est pas toujours très joli ! À chaque époque, dans chaque pays, ces affaires polluent la vie de nos sociétés, même celles qui se prétendent les plus démocratiques et les plus avancées.

Avec Guerre froide, Extrême droite et Jihad, trois premiers volets parus simultanément, Philippe Richelle et ses dessinateurs revisitent des événements qui ont ébranlé l’état français, respectivement dans les années 60, 70 et 80, des fictions librement inspirées de la réalité des faits.

« Avec un sujet comme Affaires d’État, coller strictement à la réalité des frais… », explique Philippe Richelle, « n’aurait simplement pas de sens puisque (…) la plupart de ces affaires ne sont pas élucidées. Quel serait l’intérêt pour le lecteur ? Nul ou presque. Et pour le scénariste que je suis, ce serait faire oeuvre de journaliste, voire d’historien, ce que je ne suis pas ».

Si les plus attentifs d’entre vous constateront que l’on retrouve ici deux des dessinateurs ainsi que le scénariste de la série Les Mystères de la République, série parue chez Glénat entre 2013 et 2018 et déjà construite autour du concept de trois séries parallèles, Philippe Richelle se défend de faire une suite.

« Même s’il existe une parenté avec Les Mystères de la République, Affaires d’État n’est pas une suite. Les personnages ne sont pas les mêmes, les époques abordées non plus. De plus, le côté polar est plus accentué dans Affaires d’état, et je colle davantage à des faits réels (…).

Côté dessin, pas de mauvaises surprises, les trois séries offrent un dessin réaliste de bonne facture avec une petite préférence pour celui d’Alfio Buscaglia sur l’album Jihad.

Eric Guillaud

Affaires d’État, Guerre froide, de Richelle et Penet, Jihad de RIchelle et Buscaglia, Extrême droite de Richelle et Wachs. Glénat. 14,50 l’album

18 Avr

Conan parmi les autre héros Marvel ; une greffe qui ne prend pas ?

 Les crossover – vous savez, ces aventures où se croisent des héros de séries différentes – ont toujours eu le vent en poupe du côté de Marvel depuis les années 60, où l’éditeur s’amusait déjà à faire se rencontrer Spiderman et les Quatre Fantastiques dans le même épisode. Cette fois-ci, c’est Conan qui se prête au jeu mais pas forcément de bonne grâce…

 

Entre Marvel et Conan le Barbare, cela a toujours été une drôle d’histoire. Au début des années 70, le scénariste Roy Thomas a dû littéralement supplier son patron Stan Lee de le laisser adapter en BD le personnage crée par Robert E. Howard en 1932, avant d’en faire l’une des franchises les plus lucratives de « la maison des idées ». Mais après un gros passage à vide à la fin des années 80, Lee le laisse finalement filer à la concurrence laquelle s’empressera, ensuite, de le remettre en selle. Moralité : en 2018, Marvel a de nouveau signé le Cimmérien et visiblement, l’éditeur compte bien rentabiliser son investissement. Donc en plus d’une campagne de réédition colossale, le barbare est actuellement mis à toutes les sauces, avec plus ou moins de réussite.

Ce qui a toujours rendu Conan à part, en plus de l’écriture très classieuse de son créateur, c’est son univers complet et unique, sans vraiment d’autres équivalent chez Marvel. D’où la difficulté d’y ‘transplanter’ d’autres héros… Par un artifice scénaristique un peu pataud, c’est donc le barbare à qui on a demandé ici de faire le voyage pour cette mini-série de cinq épisodes, suite de La Guerre du serpent paru en Septembre dont il répète, hélas, les erreurs.

D’entrée, ça coince avec ce choix, disons, contestable de propulser notre héros dans le Las Vegas d’aujourd’hui sans qu’il ne semble à aucun moment n’en être vraiment troublé. L’autre souci, c’est le côté ‘galerie de personnages’. C’est-à-dire que dans sa quête pour retrouver son ennemi juré le sorcier Kulan Gath, le barbare voit défiler devant lui tout un bataillon de héros ou de méchants ‘mineurs’ dont l’apparition se résume parfois à quelques pages, comme si Marvel avait voulu se servir de cette histoire comme d’une vitrine pour rappeler aux lecteurs l’existence de certains d’entre eux, tel Scarlet Spider. Quitte à un peu trop tout mélanger, Namor le roi d’Atlantis croisant par exemple sans vergogne La Panthère noire pendant que Méphisto tire les ficelles. Un défilé incessant obligeant les auteurs à ne brosser que des portraits assez limités, Conan inclus, dépeint ici comme une brute sans profondeur ne comptant, avant tout, que sur sa force.

Même si sur le papier plutôt amusant, ce road trip frénétique faisant voyager le barbare de Las Vegas aux profondeurs des océans en passant par le Wakanda souffre d’un problème de positionnement. Trop référencé pour les néophytes mais aussi trop superficiel pour les connaisseurs, sans parler d’un style de dessin un peu cartoonesque signé Luke Ross, il ne dépassera sûrement son statut de curiosité un peu trop vite oubliée.

Olivier Badin

Conan – Bataille pour la couronne du serpent par Luke Ross & Saladin Ahmed. Marvel/Panini Comics. 18 €

© Marvel/Panini Comics – Luke Ross & Saladin Ahmed

En Toute conscience de Livio Bernardo et Olivier Peyon : à la vie à la mort, un combat pour la dignité

Parler de la mort sans tomber dans le morbide relève du défi. Livio Bernardo et Olivier Peyon l’ont relevé avec brio dans cet album qui nous plonge dans les activités officielles et officieuses d’une association militant pour légaliser l’euthanasie et le droit de mourir dans la dignité…

Je vous l’accorde, le sujet n’est pas franchement hilarant mais n’ayez pas peur de plomber votre journée à la lecture de ce livre paru chez Delcourt, les auteurs ont su trouver le ton juste et l’angle malin pour nous éviter de fondre en larmes dès la première page et de refermer prématurément le livre. Non seulement, on ne fond pas en larmes mais on sourit… parfois !

L’histoire ? Olivier Peyon au scénario et Livio Bernardo au dessin nous racontent ici comment les membres de l’association En Toute conscience, nom fictif pour une association bien réelle baptisée Ultime liberté, militent et agissent pour le droit à une fin de vie libre et choisie. En toute illégalité, ces militants abrègent les souffrances de ceux qui n’ont plus aucun espoir, souffrent dans leur chair, et réclament de mourir dans la dignité.

Jusqu’au jour où débarque Vincent, 25 ans, bien décidé à mourir pour mettre un terme à une maladie qu’il croit incurable, une maladie d’amour. Non seulement, pour les militants de l’association, il est hors de question de répondre à sa demande mais ils vont tout faire pour lui redonner goût à la vie en l’entraînant dans leur combat, en le confrontant à la réalité de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi le suicide assisté.

Publié alors que vient d’être discuté à l’Assemblée nationale un projet de loi ouvrant à « une fin de vie libre et choisie » porté par le député Olivier Falorni, En Toute conscience montre l’absurdité de la situation actuelle, l’état qui ferme les yeux sur les euthanasies clandestines et qui refuse de légiférer une bonne fois pour toute sur la question. L’album nous amène aussi, bien évidemment, et c’est là tout son intérêt, à nous interroger sur ce que nous souhaitons pour notre propre fin de vie et celle de nos proches.

Eric Guillaud

En Toute conscience de Livio Bernardo et Olivier Peyon. Delcourt. 25,50€

© Delcourt / Bernardo & Peyon

15 Avr

Impact de Gilles Rochier et Deloupy : une nuit, deux destins, trois coups de feu et des regrets éternels

C’est fou comme le hasard peut parfois mal faire les choses. Il suffit de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment et de faire les mauvais choix pour que la vie bascule du tout au tout. C’est la trame de ce récit choc signé Gilles Rochier et Deloupy…

Jean n’en a plus pour très longtemps. Il le sait. Alors, il se confie une dernière fois à son vieux pote, Claude. Il parle de sa maladie, de sa femme qui l’a plaqué à la naissance de leur fille, de son boulot qui lui prenait tout son temps, occupait son esprit, et puis il lui raconte une soirée, cette fameuse soirée où tout a basculé…

Dany est un marginal qui parle avec les poings. Trop souvent. Sous peine d’incarcération, il est obligé de consulter un psy. Et de se confier. Complètement fermé, muet, il finira tout de même par se livrer, parler de sa mère, des violences qu’elle a subies, de son père qu’il n’a pas connu, de ses divers larcins… et d’une soirée de beuverie entre potes qui se termina dans le sang.

À travers ces deux destins qui finirent par se croiser tragiquement, Gilles Rochier et Deloupy nous embarquent dans un récit coup de poing avec cette question en filigrane :  Ne vaut-il pas mieux assumer ses actes que de pourrir sa vie avec des secrets et des remords éternels ?

Un très bon scénario, rythmé, surprenant jusqu’à la dernière page, emmené par une mise en image fluide, un trait sobre et séduisant, des couleurs douces. Pour les amoureux du polar tendance social !

Eric Guillaud

Impact, de Gilles Rochier et Deloupy. Casterman. 18€

© Casterman / Rochier & Deloupy

12 Avr

Moby Dick : la grande terreur blanche venue des mers

Si tout le monde connaît Moby Dick du romancier Herman Melville, c’est qu’au-delà de son statut d’œuvre majeure de la littérature américaine du XIXème siècle, c’est aussi et surtout un monument sur lequel chacun peut apposer l’étiquette qui lui correspond le mieux : fresque maritime, huit-clos en haute mer, récit initiatique, allégorie sociétale, etc. Pour le dessinateur Bill Sienkiewicz (Daredevil), il s ‘agit d’une quête mystique flamboyante.

 Entre clair et obscur. C’est là que Bill Sienkiewicz a toujours aimé se réfugier, dans un style propice aux pleines pages et délavé entre aquarelle, acrylique, collage et esquisse aux contrastes subtils. L’Américain ne pouvait être qu’aimanté par ce pavé qu’est Moby Dick et son illuminé capitaine Achab, décidé coûte que coûte à tuer cette baleine blanche. Un monstre marin qui lui a arraché sa jambe gauche mais qu’il voit, surtout, comme la réincarnation du Mal absolu sur Terre.

© Delcourt / Bill Sienkiewicz & Dan Chichester

Plutôt que s’atteler à la tâche (impossible) de condenser ce gros pavé en un seul album, Sienkiewicz a décidé de le transformer en un voyage graphique quasi-dénué de dialogues dépassant le simple cadre de la BD, où chaque page, ou presque, ressemble à un tableau. Le récit est fidèlement raconté à la première personne par l’intermédiaire du personnage principal Ismaël, embarqué à bord du baleinier Pequod au début de l’aventure, dans un style tour à tour presque documentaire et enfiévré. Mais sous la plume de Sienkiewicz, tous les participants à cette tragédie inéluctable sont comme des ombres, des hommes qui n’en sont plus vraiment avec déjà, semble-t-il, un pied dans l’au-delà. Achab ressemble plus que jamais ici à un démon vengeur plutôt qu’à un capitaine de vaisseau tandis que son ennemi juré, lui, est dépeint comme une sorte de légende venue du fond des âges.

© Delcourt / Bill Sienkiewicz & Dan Chichester

Avec ses nombreuses ellipses et son découpage parfois déstabilisant, cette adaptation datant à l’origine de 1990 est une vision très personnelle. Ses auteurs (Sienkiewicz plus le scénariste Dan Chichester) en ont fait une expérience artistique troublante qui réussit l’exploit de s’éloigner de l’œuvre de Melville tout en mettant en valeur comme jamais la folie destructrice. Court (48 pages) mais bluffant.

Olivier Badin

Moby Dick de Bill Sienkiewicz & Dan Chichester, Delcourt, 14,95€

De l’autre côté de l’horizon, Une touche de bleu, Nos meilleures vies, Veil… le plein de mangas pour les vacances

On commence avec De l’Autre côté de l’horizon dont le premier des trois volets prévus est sorti en février dans la nouvelle collection Moonlight des éditions Delcourt, collection qui fait « la part belle à des titres touchants, mélancoliques et oniriques ». De mélancolie et d’émotions en tout genre, ce manga signé Hinata Nakamura n’en manque absolument pas. L’histoire ? Celle de Miyake, un jeune employé tokyoïte surmené qui décide un beau jour de tout plaquer pour rejoindre l’île de Tsukinowa où on lui propose de diriger un petit bureau de poste. Autant dire que Miyake va découvrir un autre mode de vie, la vraie vie peut-être, celle en tout cas qui laisse du temps au temps, permet de découvrir les autres, de se découvrir soi-même. (De l’Autre côté de l’horizon tome 1/3 de Hinata Nakamura. Delcourt Tonkam. 7,99€)

Ruriko est une jeune fille comme les autres, à une tâche de naissance près, une tâche de naissance bleue sur le visage qu’on appelle naevus d’Ota. Ruriko a appris à vivre avec, à répondre aux interrogations des uns, à faire fi des regards moqueurs des autres. Enfin presque ! La jeune fille a l’impression de se mentir à elle-même, de faire comme si son visage se limitait à son seul profil gauche. Alors, quand son professeur principal la regarde fixement en prenant des notes, elle n’apprécie guère. Mais ce professeur souffre de prosopagnosie, un trouble de la reconnaissance des visages. Impossible pour lui d’identifier ses élèves si ce n’est par une particularité évidente. Et cette tâche de naissance bleue en est une. Une belle histoire d’amour doublée d’une réflexion sur l’acceptation de soi et des autres malgré les différences. (Une Touche de bleu, 2 tomes parus, de Nozomi Suzuki. Glénat. 7,60€)

Taro a un pouvoir : celui de visualiser un décompte sur tous les êtres vivants à qui il reste moins de 100 jours à vivre. Et c’est justement le nombre de jours qui s’affiche devant Umi son amie d’enfance à qui il vient de déclarer sa flamme. Un macabre compte à rebours qu’ils vont ensemble tenter de stopper. Comment augmenter l’espérance de vie de sa bien aimée ? Tout simplement en lui faisant battre son coeur… Mignon !  (100 jours avant ta mort, 2 tomes parus, de Migihara. Glénat. 7,60€)

Ils ont des rêves plein les yeux et la vie devant eux. Kii Kanna met en scène dans ce one-shot paru chez Casterman six jeunes Tokyoïtes qui n’ont pas la vingtaine et naviguent dans les milieux de la musique pour certains, dans celui de l’animation pour d’autres. Comme Kishi pour qui le travail en studio commence à peser. Il aimerait bien démissionner mais n’a pas de plan B. Et puis, il y a Chyo qui vient d’arriver et dont il rêve la nuit… Rencontres, amour, travail, illusions et désillusions… Wii Kanna dresse le portrait d’une jeunesse japonaise avec force dans le trait, douceur dans le fond.  (Nos meilleures vies, de Kii Kanna. Casterman. 12,95€)

Si vous aimez sortir des sentiers battus, découvrir une approche résolument nouvelle du manga, alors Veil, de la mangaka Kotteri, est tout simplement fait pour vous. Les deux premiers volumes publiés en novembre dernier marquaient le lancement aux éditions Noeve, spécialisées jusqu’ici dans le domaine du livre d’art, d’un label consacré aux mangas et aux artbooks d’illustration. Très original dans le fond et dans la forme, Veil raconte une histoire d’amour entre un policier et une jeune femme aveugle. Le récit est une succession de courtes scènes qui sont autant de moments de vie du couple. Tout en couleurs, avec un trait, des cadrages, un découpage, qui se rapprochent de la bande dessinée européenne, Veil est un petit bijou de tendresse, de raffinement et d’esthétisme. Un troisième volume est annoncé pour juillet 2021 (Veil, de Kotteri, 2 tomes parus. Editions Noeve Grafx. 12,90€)

Une atmosphère victorienne gothique sophistiquée et un graphisme de caractère qui se démarque de la production classique, Shadows House du duo So-ma-to, Nori au scénario et Hisshi au dessin, s’affirme dès le départ comme une série à part. Et côté histoire, c’est la même chose, So-ma-to nous ouvre les portes du manoir de la famille Shadow avec une petite particularité : ses membres n’ont pas de visages et pallient cet état de fait en employant des poupées vivantes chargées de les servir et d’interpréter leurs émotions. Emilico est la poupée vivante de la jeune Kate Shadow. Tout juste arrivée à son service, elle doit apprendre à répondre à ses envies et à refléter sa personnalité. En attendant, elle frotte la suie que le vidage de sa jeune maîtresse laisse un peu partout dans la chambre… Vaut-il mieux être que paraître ? Shadows House est un petit bijou de mystère et de douce réflexion. (Shadows House, 4 tomes parus, de So-ma-to. Glénat. 7,60€)

Vous êtes fan de Dr. Stone, la série de Riichirô Inagaki et Boichi vendue à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde ? Alors, vous ne pourrez passer à côté de ce spin-off sorti en même temps que le tome 15. Réalisé par Boichi seul, Dr Stone Reboot : Byakuya nous embarque dans la station spatiale internationale où les astronautes apprennent la pétrification de l’humanité faisant des six astronautes les derniers représentants de l’espèce humaine. Pourront-ils sauver le genre humain ? Réponse dans ce récit de science-fiction pur et dur ! (Dr Stone Reboot : Byakuya, de Boichi. Glénat. 6,90€)

Dix-sept ans dans le coma ! C’est précisément ce qui est arrivé à l’oncle de Takafumi après avoir été renversé par un camion. Alors bien sûr l’homme a de quoi être un peu paumé à son réveil. Même s’il a été geek en son temps, les jeux vidéo dont il raffolait, les téléphones, internet, la technologie d’une manière générale, ont largement évolué. Takafumi le remet à niveau et lui permet de devenir YouTubeur. En contrepartie, l’oncle raconte son coma qu’il prétend avoir passé dans un monde médiéval fantastique et en avoir ramené des pouvoirs magiques. Pour les amoureux de l’univers du jeu vidéo. (Coma héroïque dans un autre monde, de Hotondo Shindeiru. Soleil Manga. 7,99€)

À l’origine, Ayako est un récit du dieu du manga Tezuka qui nous plonge dans le Japon au lendemain de la seconde guerre mondiale avec le retour des soldats japonais et la présence des Américains. Kubu Kurin en propose ici une transposition dans notre monde contemporain avec une touche d’érotisme et bien sûr, toujours, cette dramatique histoire de la famille Tengé, plus grand propriétaire terrien de la région, et de la jeune Ayako, née de l’union incestueuse du père de famille et de sa belle-fille, la femme de son fils, le tout sur fond d’héritage. (Ayako, l’enfant de la nuit, de Kubu Kurin. Delcourt Tonkam. 9,35€)

Kiyoshi Sumioka en est persuadé, il ne tombera jamais amoureux et pas une fille ne tombera amoureuse de lui. Jusqu’au jour où il croise le chemin de la jeune Sumi, une vendeuse de bento. C’est le coup de foudre, un coup de foudre réciproque. Et du coup, Kyoshi lui propose sans détour de l’épouser, avant même de l’avoir ne serait-ce qu’embrasser. L’un et l’autre sont sans expérience, l’un et l’autre vont découvrir ce qu’ils pensent être l’amour… Un deuxième tome est prévu pour le 19 mai. (Sans expérience, de Mayu Minase. Delcourt Tonkam. 7,99€)

09 Avr

Vacances de Pâques : dix BD pour faire le plein d’évasion

Western, science-fiction, polar, témoignage, documentaire… voici rien que pour vous une petite sélection de bandes dessinées à déguster sous votre couette et jusqu’à dix kilomètres autour…

Décrétés commerces essentiels, les librairies seront avec les disquaires les rares commerces non alimentaires ouverts pendant ces vacances. Autant en profiter et s’offrir de beaux voyages immobiles. Voici dix pistes, il y en a bien évidemment des milliers d’autres à explorer…

La suite ici

08 Avr

Dans la nuit noire de David Small : le récit d’une adolescence américaine

Douze ans après le récit autobiographique Sutures qui avait profondément marqué la critique et les lecteurs des deux côtés de l’Atlantique, l’Américain David Small est de retour chez Delcourt avec un nouveau récit sur l’enfance mais cette fois en mode fiction… ou presque.

Dans son premier roman graphique, l’autobiographique Stitches, Sutures pour la traduction française parue chez Delcourt en 2009, l’Américain David Small nous dévoilait une jeunesse singulière, bousculée par la découverte d’une tumeur au cou, meurtrie par l’indifférence totale de ses parents vis à vis de lui. Un album pas franchement joyeux mais qui sera très justement encensé par la critique et le public et récompensé par The National Book Award.

Pas plus gai, et son titre est là pour le confirmer, Dans la nuit noire est cette fois une fiction, même si certains faits sont inspirés de la vie d’un ami de l’auteur et si sa propre adolescence transparaît en filigrane tout au long de l’album. Nous sommes dans les années 50, Russel Pruitt, 13 ans, vit seul avec son père depuis que sa femme l’a quitté pour son meilleur ami. Besoin de changer d’horizon, besoin de soleil, Russel et son père partent pour la Californie comme on partirait à la recherche d’un eldorado.

Hébergés par une famille chinoise, le père cherche un boulot qu’il ne trouve pas tandis que le fils fait l’apprentissage de l’amitié mais aussi de la haine, de la violence, du harcèlement, du rejet, de l’homophobie, du racisme, dans le contexte d’une Amérique qui n’a rien d’un rêve et parfois tout d’un cauchemar, à l’image de ce psychopathe qui hante la ville et tue avec une sauvagerie extrême les chats et chiens du quartier.

David Small n’était pas un fervent lecteur de bandes dessinées avant d’entreprendre un voyage à Paris, d’y découvrir la richesse des romans graphiques et de tomber sous le charme d’artistes comme Blutch, de Crecy ou Gipi. Ce sont eux qui lui ont donné l’envie de s’exprimer avec ce médium, lui qui était connu et reconnu jusque-là pour son travail d’illustrateur pour la presse ou le livre jeunesse. Si le tournant de sa carrière intervient avec Sutures, Dans la nuit noire vient confirmer son talent de conteur et de dessinateur au trait léger et vivant.

Eric Guillaud

Dans la nuit noire, de David Small. Delcourt. 24,95€

© Delcourt – Small