31 Mai

Eerie Et Creepy présentent Alex Toth : tapis rouge pour un maître de la BD d’horreur des années 70

Après Richard Corben et Bernie Wrightson, le dessinateur américain Alex Toth a droit, à son tour, à une rétrospective de toutes ses histoires réalisées pour la crème de la crème des magazines d’horreur des années 60 et 70.

Vous connaissez sûrement son trait mais peut-être pas son nom. Comme cela a été très bien dit par le créateur de Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés lui-même Jean-Pierre Dionnet, Alex Toth était « le dessinateur préféré des autres dessinateurs ». Dixit la biographie assez conséquente que l’on peut retrouver dans la présente édition en appendice, il avait également ses humeurs et a fait pas mal d’aller-retour entre plusieurs maisons d’édition, mais aussi entre la bande dessinée et la télévision. Une grande gueule comme on dit. Mais aussi un grand artiste, spécialiste reconnu d’un noir et blanc stylisé et dauphin quasi-officiel du grand Milton Caniff, le créateur de Terry Et Les Pirates et Steve Canyon.

© Delirium / Alex Toth

Or justement, même si Toth s’est essayé dans sa carrière à pas mal de styles différents (même le dessin animé pour enfant avec Le Fantôme De L’Espace !), c’est peut-être dans le registre horreur et fantastique que son trait tout en nuance, où l’ombre a autant d’importance la lumière, qu’il a fait briller le mieux. Les deux magazines phares de l’écurie Warren Publishings Eerie et Creepy étaient à ce propos taillés sur mesure pour lui : là, aux côtés d’illustres collègues comme Frank Frazetta, Richard Corben ou Ken Kelly, il a pu laisser parler son goût pour le macabre et les ambiances gothiques à la Edgar Allan Poe.

© Delirium / Alex Toth

L’intégralité des vingt-et-un histoires réalisées pour le compte de ces deux mythiques revues, et publiées entre 1965 et 1982, est pour la première fois compilées en français ici. Si celles scénarisées par LA star de Creepy et Eerie Archie Goodwin restent assez classiques (mais réussies) dans leur construction, d’autres sont de véritables œuvres d’art, notamment dans leur découpage reflétant la claustrophobie des personnages (Pris Au Piège ! digne d’un très bon épisode de La Quatrième Dimension) ou cette subtile façon de suggérer l’immutable plutôt que de le montrer. Surtout que Toth aime les détails, ces regards effrayés qui en disent long ou ces ombres portées menaçantes…

© Delirium / Alex Toth

Quant la plus longue histoire du lot, la mini-saga du Hachoir, c’est un véritable script détaillé de slasher (type de film d’horreur prédéfini où un tueur sans pitié accumule les victimes, à la Vendredi 13) mais dans un cadre victorien où, derrière le raffinement et la fortune, se cache la pire des perversités.

Olivier Badin

Eerie Et Creepy Présentent Alex Toth. Delerium. 25€

27 Mai

La baie des Cochons : une nouvelle aventure explosive de Spirou et Fantasio

Entre la série mère, les hors-séries, et maintenant la série classique, il y a de quoi s’y perdre mais on ne va pas bouder notre plaisir de retrouver les légendaires héros des éditions Dupuis dans une nouvelle aventure qui nous entraîne cette fois-ci à Cuba…

Alors que nous attendons toujours la suite de La Mort de Spirou, cinquante-sixième album de la série mère signé Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive, c’est un deuxième album de la série classique qui sort en ce mois de mai 2024. La baie des Cochons, tel est son nom, se déroule dans le Cuba du tout début des années 60, Fidel Castro s’apprête à prononcer son fameux discours historique au siège des Nations Unies et les États-Unis, un peu plus tard, à débarquer dans la baie des Cochons.

Voilà pour le contexte historique ! Côté fiction, Elric au dessin et au scénario, Clément Lemoine et Michaël Baril au scénario, imaginent une pure comédie autour de Castro, du Che Guevara et de nos intrépides Spirou, Fantasio et Seccotine, envoyés pour les deux premiers couvrir le discours à l’ONU tandis que la dernière est chargée de réaliser un reportage sur la Révolution à La Havane. Bien évidemment, rien ne se passera comme prévu, les agents de la CIA, les révolutionnaires et contre-révolutionnaires s’invitant à la fête dans un joyeux désordre bourré d’action et d’humour.

Deux autres titres sont d’ores et déjà annoncés dans cette collection dite classique, Zorgrad avec le même trio d’auteurs et Le Trésor de San Inferno avec Tarrin et un certain Lewis Trondheim.

Eric Guillaud

La baie des Cochons, Les aventures de Spirou et Fantasio, de Baril, Lemoine et Elric. Dupuis. 12,95€

© Dupuis / Elric, Lemoine & Baril

25 Mai

Les Tribulations de Félix Mogo : un désir d’ailleurs signé Christian Cailleaux

Auteur-voyageur, Christian Cailleaux appartient au paysage comme dirait Bernard Lavilliers. Un jour ici, un jour là, à découvrir d’autres cultures, d’autres peuples, chaque retour au pays étant l’occasion de publier une aventure bien évidemment inspirée par ses périples. Comme ce recueil, Les Tribulations de Félix Mogo, qui réunit quatre récits épuisés depuis longtemps…

Publiés initialement aux éditions Treize Étrange entre 1998 et 2007, Harmattan le vent des fous, Le Café du voyageur, Le Troisième thé et Tchaï Masala sont réunis ici dans un format légèrement supérieur à l’original et sous pavillon Glénat, Treize Étrange n’étant plus qu’une collection de l’éditeur. Un beau petit livre de plus de 600 pages à la couverture de couleur vert amande qui nous permet de replonger dans l’univers de Christian Cailleaux, un dessin proche de la ligne claire, épuré, élégant, et des histoires qui nous emmènent en voyage vers des horizons lointains.

Fou de littérature et voyageur infatigable, Christian Cailleaux a toujours aimé aller à contre-sens de l’histoire, proposer des récits ambitieux, très littéraires, qui se déroulent avec une certaine lenteur et économie de mots, le tout avec une seule volonté affichée : raconter le monde.

L’Afrique, les Indes, l’exotisme, l’aventure, le mystère, l’amour, le voyage… Christian Cailleaux explore le monde et ses sentiments depuis une trentaine d’années maintenant. Il a récemment dessiné Le Flèche ardente, une suite au Rayon U d’Edgar P. Jacobs, signée Jean Van Hamme pour le scénario.

Eric Guillaud

Les Tribulations de Félix Mogo, de Cailleaux. Glénat. 35€

© Glénat / Cailleaux

 

22 Mai

Ma vie de rêves : une autobiographie de Fournier à croquer à pleines dents !

Signe de l’importance du bonhomme dans le monde du neuvième art, Ma Vie de rêves est le deuxième album consacré à sa vie. Le premier, Dans l’atelier de Fournier, avait été écrit par Nicoby et Joub et revenait principalement sur sa carrière d’auteur BD, le second est signé par Fournier lui-même et revient sur toute une vie en dix-huit souvenirs…

Jean-Claude Fournier. Tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la bande dessinée et à son histoire connaissent le personnage, un sacré personnage qui a commencé sa carrière avec Bizu, lui aussi un sacré personnage, un poète sonneur de biniou logeant dans la forêt de Brocéliande.

Mais c’est surtout avec sa reprise de la série Spirou et Fantasio entre 1970 et 1980, qu’il s’est fait connaître du grand public. Neuf albums en tout qui, sans révolutionner le genre, ont amené une belle touche de poésie et de magie aux aventures du duo longtemps emmenées par André Franquin, le maître à tous.

Un Franquin qui apparaît bien évidemment dans les souvenirs réunis ici, tout comme Spirou et Fantasio, Morris, Tillieux, Will, Kris… et tant d’autres. C’est souvent drôle, parfois un peu amer, notamment lorsqu’il aborde la fin de l’aventure Spirou, toujours très instructif sur le parcours de cet auteur pas comme les autres.

Au-delà des dix-huit souvenirs, Ma Vie de rêves propose un cahier d’archives, une trentaine de pages réunissant illustrations, planches ou encore projets de couverture. Une petite douceur pour les amoureux du bonhomme !

Eric Guillaud

Ma Vie de rêves, de Fournier. Daniel Maghen. 26€

© Maghen / Fournier

20 Mai

RENCONTRE. « Ronds rouges ! », quand la fiction croise la réalité, une BD de Bruno Bazile

Elle est considérée comme la plus grosse opération marketing que la France ait connue, la nuit des ronds rouges est au centre de cette nouvelle aventure en bande dessinée signée par le Nantais Bruno Bazile. Une histoire qui ne manque pas de carburant ! Rencontre…

© France Télévisions / Eric Guillaud

Nous sommes en 1967. Bien avant le choc pétrolier. La France vit alors ses 30 glorieuses et l’industrie pétrolière florissante s’organise pour répondre aux enjeux de la seconde moitié du XXe siècle. À coups d’achats et de fusions, des géants voient le jour. C’est le cas de l’UGD qui concentre les marques Avia, Caltex, ButaFrance, Lacq et quelques autres. Mais face à Shell et Esso, l’UGD doit réunir toutes ces entités sous une seule appellation. Ce sera Elf !

Pour marquer les esprits, le groupe organise une opération marketing hors norme. Elle commence par une campagne d’affichage avec des slogans énigmatiques affublés d’un énorme rond rouge et se termine par la fameuse « nuit des ronds rouges » qui voit 1250 stations-service rebaptisées et repeintes aux couleurs d’Elf.

La suite ici

17 Mai

La Querelle des arbres : une fiction de Renaud Farace et Amaya Alsumard au cœur de l’Indochine française

Au départ, La Querelle des arbres n’était qu’un mini récit sélectionné en 2005 au Concours Jeunes Talents du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Il est aujourd’hui un beau et gros roman graphique de plus de 200 pages publié aux éditions Casterman. Un récit romanesque à dimension politique et écologique…

Settimo Orsù a un corps de bûcheron. Il l’est ! Ou du moins l’était-il dans sa Corse natale, avant la Grande Guerre. Changement de décor et d’ambiance, l’homme a troqué le bord de la Méditerranée pour les rives du Mékong. Avec pour mission d’encadrer des coolies (travailleurs agricoles locaux) sur une exploitation forestière, la Plantation de la Souche. Nous sommes en 1920, l’Indochine est française. Et les colons, les longs nez comme on les appelle ici, ont tout loisir d’exploiter les ressources du pays avec la bénédiction « forcée » du peuple autochtone réduit à l’état de quasi-esclavage.

Un job tranquille ? Pas vraiment. À son arrivée, Settimo est accueilli par des policiers qui vont rapidement le mettre au parfum et tenté de le mettre dans leur poche. Car un des coolies, qui se fait appeler « Corbeau de cendre », multiplie les articles diffamatoires contre la nation française dans une feuille de chou distribuée sous le manteau. L’Indochine est française, oui, mais pas pour le bonheur de tous !

© Casterman / Farace, Alsumard & Drac

En ayant pris soin d’éviter tout manichéisme et de diluer leur documentation dans le quotidien, Renaud Farace et Amaya Alsumard nous offrent une belle fiction au cœur de l’Indochine coloniale, avec une ambiance « juste » comme ils disent, mais sans prétention aucune de faire de La Querelle des arbres une bande dessinée historique.

© Casterman / Farace, Alsumard & Drac

Son titre, d’ailleurs, suffit à lui-seul à nous en donner le ton général. Si l’histoire permet effectivement de mettre en exergue le colonialisme dans toute sa splendeur avec la violence, le mépris ou dans le meilleur des cas l’indifférence des colons envers la population locale, et ce même si certains comme la patronne Alexandra de la Souche affiche une certaine bienveillance, il permet aussi de nous raconter une aventure au souffle romanesque, l’émancipation d’un peuple sur fond de légendes.

Une belle brochette de personnages, des décors bien évidemment somptueux, une histoire dense, mais rondement menée, un dessin de caractère et des couleurs au service de l’histoire… La Querelle des arbres pourrait mettre tout le monde d’accord !

Eric Guillaud

La Querelle des arbres, de Renaud Farace et Amaya Alsumard. Casterman. 30€

14 Mai

Octopolis : à la recherche du père et de la mer

Après Les Grands cerfs, le grand bleu version Gaétan Nocq, un voyage à la recherche de soi-même mais aussi à la rencontre de ce monde sous-marin que l’homme, aveuglé par la richesse, s’évertue à détruire petit à petit…

Octopolis est un objet hybride, à la fois roman graphique et outil pédagogique. C’est surtout l’œuvre d’un artiste complet, à la fois dessinateur, peintre et carnettiste, fasciné par la nature et ses mystères.

Mais ce qui ressort avant tout de cet Octopolis est ce bleu profond, présent à toutes les pages, parfois dénuées de tout texte, comme pour suggérer les silences des abysses et de la faune sous-marine que découvre son héroïne, et nous avec. 

© Daniel Maghen / Nocq

Personne solitaire et mutique, Mona est rappelée à Paris suite à la disparition de son père, avec lequel elle a pourtant rompu tout contact depuis la mort de sa mère sept ans avant. Chercheur-paléontologue, il travaillait sur un essai intitulé Octopolis qu’elle retrouve sur le disque dur de son ordinateur, à propos d’un lieu unique au monde, refuge des poulpes sur lesquels il a fait des recherches toute sa vie.

Au fur et à mesure de ses rencontres – une chercheuse du muséum d’histoire naturelle de Paris, un moniteur de plongée mutique, le tenant d’une galerie d’art océanien à Paris – elle essaye de démêler cette pelote de laine qui finit par l’emmener au bout du monde, jusque dans un atoll perdu de l’océan Pacifique.

© Daniel Maghen / Nocq

Tout est très symbolique ici : Mona doit d’abord essayer de retrouver son père au milieu d’une ville de deux millions d’habitants. Sans succès. Au final, ce n’est qu’en s’enfonçant sous la mer, loin de ses semblables puis en s’exilant à l’autre bout de la Terre sur un minuscule lopin de terre inhabité, qu’elle finit par trouver en partie ce qu’elle recherche. Quant aux méchants de l’histoire si l’on peut dire, on ne voit jamais vraiment leurs visages, seulement les gigantesques machines qu’ils ont lancées pour assouvir leur avidité sans fin, au mépris de la faune sous-marine.

Sorte de thriller écologique, Octopolis est avant tout un conte graphique, réalisé à la plume et au pinceau. Le récit principal de la quête de cette jeune femme alterne avec des reportages sur la faune sous-marine, pleins de poésie. En résulte un objet hybride, à la dramaturgie certes imparfaite (la conclusion hâtive, par exemple, laisse sur notre faim) mais à la beauté évanescente, sans de réel équivalent dans la production actuelle.

Olivier Badin

Octopolis de Gaétan Nocq. Daniel Maghen. 30€

12 Mai

Nuages, une ode à la rêverie signée J. Personne

Les rêves sont-ils faits pour être réalisés ou, comme disait Coluche, pour être simplement rêvés ? Dans ce très bel album paru aux éditions Glénat, J. Personne n’apporte pas forcément de réponse mais encourage à ne jamais renoncer…

Léo a un rêve, un drôle de rêve : celui de voler ! Sans doute l’influence de ses lectures de jeunesse. Et de s’imaginer dans les airs le poing en avant comme tout super-héros qui se respecte, fendant l’air, traversant les nuages, dépassant l’horizon, pour changer la vie, pour changer le monde.

Ce rêve ne le quittera jamais, accompagnant toutes les étapes de sa vie, depuis sa plus tendre jeunesse jusqu’à son dernier souffle. Une vie ordinaire, presque banale, des vacances à la mer avec ses parents, des années à user ses fonds de culotte sur les bancs de l’école, les jeux avec les copains, les premières amoureuses, les premiers baisers, les études à Paris, les petits boulots, le grand amour, le mariage, la paternité… et puis le décès de son père, la maladie de sa mère, son couple qui périclite, le divorce, la vieillesse. Des nuages qui s’amoncellent mais des rêves qui persistent !

Avec une touche de mélancolie et beaucoup de poésie, Nuages nous raconte une vie, LA vie, la vraie, avec le temps qui passe inéluctablement, les moments de bonheur et les autres, les rêves qui se confrontent à la réalité, les histoires d’amour qui finissent mal en général, la vieillesse qui arrive sans prévenir, la mort.

Auteur d’une poignée d’albums, parmi lesquels La famille Yacayoux paru aux éditions Bang ou Soufflement de narines chez Delcourt, J. Personne développe un univers fait de douceur et de poésie, de gravité et de fantaisie. Une histoire touchante qui met des mots (choisis) et des images (splendides) sur des émotions universelles. À lire tout doucement…

Eric Guillaud

Nuages, de J. Personne. Glénat. 25€

© Glénat / J. Personne

Hellboy, une édition spéciale pour les 30 ans du super-héros de Mike Mignola

Personnage culte de la bande dessinée américaine, Hellboy fête ses trente ans à travers un très bel album paru aux éditions Delcourt. 400 pages pour revenir à ses origines…

Au départ était un dessin, un dessin parmi tant d’autres, un monstre aux cornes proéminentes et à la boucle de ceinture assez large pour que Mike Mignola y inscrive ces sept lettres : HELLBOY.

Nous sommes en 1991, Mike Mignola enchaîne les projets chez DC Comics et Marvel, oubliant un temps ce dessin avant d’y revenir, convaincu de ne plus vouloir raconter « des histoires de Batman ».

« J’ai repris ce dessin du monstre avec ce drôle de nom, je l’ai retravaillé, lui ai mis un long manteau et voilà : grosso modo, je tenais mon personnage. »

Une véritable success-story

En 1994 parait la première aventure de ce fameux Hellboy, Seed of destruction pour les Américains (Dark Horse), Les Germes de la destruction pour les Français (Dark Horse France), point de départ d’une success-story qui ne se dément toujours pas après 30 ans de bons et loyaux services, une vingtaine d’albums au compteur chez Delcourt, des adaptations en dessin animé, en jeux vidéos ou pour le cinéma… De quoi faire dire à son auteur :

« J’aime bien l’idée d’avoir une biographie constituée d’une seule et unique phrase : Mike Mignola est le créateur de Hellboy ».

Oui, Mike Mignola est le créateur de Hellboy, aucun doute, un créateur de génie qui a donné naissance à un personnage qui est aujourd’hui entré dans le patrimoine mondial de la bande dessinée, un monstre né pour combattre d’autres monstres sous l’étiquette du Bureau de Recherche et de Défense sur le Paranormal.

Une édition spéciale 30 ans

Afin de marquer le coup à l’occasion de ses trente ans, les éditions Delcourt publient cette édition spéciale qui réunit le premier tome de la série principale, l’intégralité des récits courts ainsi que des peintures et croquis de recherche, dont le fameux premier dessin de Hellboy, tous issus des carnets de l’auteur. Un beau et gros pavé de plus de 400 pages qui ravira les connaisseurs et les autres.

Eric Guillaud

Hellboy, édition spéciale 30ᵉ anniversaire, de Mike Mignola. Delcourt. 39,95€ (en librairie le 15 mai)

© Delcourt / Mignola

02 Mai

Habemus Bastard : un miracle signé Jacky Schwartzmann et Sylvain Vallée

Lucien n’a pas vraiment la foi, ne connaît pas un mot de latin, n’a jamais dit la messe et pense que la religion est un business comme un autre. Alors pourquoi se retrouve-t-il parachuté à la tête d’une église dans le Jura ? Certainement pas pour sauver les âmes…

Il faut bien le reconnaître, pour aller à Saint-Claude de son libre arbitre, il faut soit être collectionneur de pipes, soit avoir une foi à toutes épreuves. Pour Lucien qui vient tout juste de poser les pieds sur le quai de la gare sous une pluie battante, la raison est tout autre. Car même s’il porte une soutane et se fait appeler Père-Philippe, notre homme espère surtout se trouver une planque pour quelque temps…

Et quoi de mieux qu’une église pour cela ? La paroisse de Notre-Dame-de-L’Assomption a justement besoin d’un curé. Et tant pis s’il n’a jamais officié de sa vie, tant pis si sa religion à lui est celle du flingue, tant pis s’il n’a pas fait vœu de pauvreté et encore moins de chasteté. Se faire oublier tout en profitant de quelques avantages en nature, voilà son programme, son sacerdoce…

© Dargaud / Vallée & Schwartzmann

Sylvain Vallée nous avait bluffé avec Tananarive paru en 2021 sur un scénario de Mark Eacersall (Glénat), il récidive ici avec l’adaptation de cette histoire inédite du romancier Jacky Schwartzmann, un polar en deux tomes qui a tout de la comédie ou l’inverse. Le scénario, est un modèle du genre, les dialogues sont percutants, le décor urbain (Saint-Claude) inhabituel en BD, le graphisme semi-réaliste époustouflant, les couleurs d’Elvire de Cock remarquables, et notre personnage de Lucien qui porte aussi bien la soutane que des tee-shirts du Hellfest et de Black Sabbath est absolument diabolique.

Bref, on se laisse totalement embarquer dans cette histoire qui rappellera à certains la série Soda lancée par Philippe Tome et Luc Warnant il y a une quarantaine d’années maintenant. Sauf que le costume de curé cachait un flic et non un truand comme ici.

Eric Guillaud

L’Être nécessaire, Habemus Bastard (tome 1), de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann. Dargaud. 19,99€ (en librairie le 3 mai)