30 Avr

Orcs, de Stan Nicholls et Joe Flood. Editions Gallimard. 25 euros.

Stan Nicholls est une figure de la littérature SF et fantasy. Il est notamment l’auteur des Chroniques de Nightshade et du cycle Orcs dont les romans ont été vendus à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde et lui ont rapporté quantité de récompenses et de prix littéraires. Voici donc le prolongement naturel des romans, l’adaptation en bande dessinée avec aux pinceaux un jeune auteur américain tout juste sorti de l’Ecole des Arts visuels de New York et qui signe ici sa première bande dessinée, Joe Flood. Et le résultat est plutôt convainquant. Sur près de 200 pages, Joe Flood met en images l’univers fou de Stan Nicholls dans un style proche du comics, offrant à l’arrivée un plongeon sans retour possible dans les tréfonds du royaume de Maras-Dantia aux côtés de ces soldats impitoyables que sont les orcs. Magnigfique ! E.G.

Les Satellites, de Alexandre Franc et Claire de Gastold. Editions Gallimard. 16,30 euros.

Ne vous méprenez pas, Aurélien et Nicole sont bien frère et soeur. Une relation pour le moins fusionnelle qui peut prêter à confusion même si Nicole à un fiancé ou du moins un prétendant, Henri, un garçon très bien élevé, propre sur lui, intelligent… mais peut-être un peu trop sérieux, voire ennuyeux, pour la jeune femme. Aurélien, lui, n’a pas de fiancée, pas de prétendante, mais une lubie : il veut se trouver une mère adoptive. Et qu’importe si ses parents sont toujours en vie. Il passe donc une petite annonce dans Libé, rencontre Olivia, une femme mûre. A partir de ce moment, il n’aura de cesse de tourner autour d’elle comme « une Lune autour de sa planète », dira un proche d’Olivia, sans réellement savoir ce qu’il en attend. Mais cette relation ne plait guère à sa soeur Nicole qui va mener une enquête sur Olivia et découvrir qu’elle n’en est pas à sa première adoption…

Etonnant récit que celui-ci. Etonnant et original. Très original. Car au delà de l’histoire d’amour frère-soeur, Alexandre Franc, déjà aperçu dans le feuilleton Les Autres gens, et Claire de Gastold, dont c’est ici la première bande dessinée, nous parlent plus largement des jeunes, de leurs sentiments, de ce besoin d’émancipation parfois contrarié par un besoin de protection et donc un attachement à la cellule familiale. Une bonne histoire, une belle écriture et un dessin tout en finesse sont les points forts de cet album paru dans la collection Bayou des éditions Gallimard. E.G.

28 Avr

Sortilèges et manipulations, Tif et Tondu (tome 11), de Will et Desberg. Editions Dupuis. 24 euros.

Voici voilà donc le onzième volume de l’intégrale consacrée aux aventures de Tif et Tondu. Les quatre titres réunis cette fois, initialement publiés entre 1987 et 1991, sont dans l’ordre d’apparition le poétique Magdalena, le diptyque « politique » constitué des Phalanges de Jeanne d’Arc et de La Tentation du bien, et enfin Coups durs, lui-même compilation de trois récits courts. Dans le cahier graphique qui accompagne ce recueil, vous apprendrez que Will, lassé par ces héros qu’il anime depuis la fin des années 40 et surtout occupé par de nouveaux projets plus adultes dans la collection Aire libre (Jardin des désirsLa 27e lettre et L’Appel de l’enfer), est alors décidé à passer le relais. Denis Lapière au scénario et Alain Sikorski au dessin prendront la suite jusqu’en 1997 offrant aux jeunes lecteurs six récits supplémentaires que nous retrouverons dans les deux derniers volumes de l’intégrale à paraître prochainement. E.G.

American tragedy, L’Histoire de Sacco & Vanzetti, de Florent Calvez. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Sacco & Vanzetti ! Deux noms qui résonnent en nous, qui nous semblent familiers. Et pourtant, combien d’entre nous savent encore aujourd’hui qui étaient réellement Sacco et Vanzetti ? Poème, film, chanson, livre… l’histoire de ces deux hommes, deux anarchistes d’origine italienne exécutés sur la chaise électrique en 1927 du côté de Boston aux Etats-Unis, a fait le tour du monde plusieurs fois. Dès leur condamnation pour braquage et meurtre, sans preuves formelles, des comités de défense se sont créés un peu partout. Mais il faudra attendre 1977, 50 ans plus tard, pour que les deux hommes soient réhabilités.

C’est cette histoire passionnante que met en images American tragedy. Avec un graphisme proche de celui utilisé pour Reanimator, un de ses albums précédents, et une atmosphère générale très sombre, Florent Calvez s’attache à décrire l’affaire le plus froidement possible, peut-être un peu trop. Reste que cette histoire et par conséquent cet album nous permettent de replonger dans une période de l’histoire particulièrement agitée mais où l’on pouvait encore mourir pour des idées et pas forcément de mort lente comme le chantera plus tard Georges Brassens. Une histoire qui a quelque chose d’universelle ! E.G.

Plus d’infos sur le site wikipedia

Co-mix Art Spiegelman, une rétrospective de bandes dessinées, graphisme et débris divers. Editions Flammarion. 30 euros.

Absolument magnifique et totalement indispensable ! Les éditions Flammarion, déjà responsables du somptueux MetaMaus publié en janvier de cette année, proposent ce mois-ci une monographie d’Art Spiegelman à l’occasion de l’exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai. Art Spiegelman, le célèbre auteur de Maus, prix Pulitzer 1992, couronné Grand prix de la ville d’Angoulême en 2011, président de l’édition 2012, est l’un des plus grands représentants du Neuvième art. Son album sur la Shoah a ouvert de nouvelles voies à la bande dessinée et fait entrer celle-ci dans l’âge adulte, reconnue depuis comme un art qui peut aussi trouver sa place dans les musées.

Cette monographie revient donc sur cet album mythique mais également sur les travaux antérieurs de l’auteur et ceux plus récents, couvrant de fait une large période de création, depuis les années 70 jusqu’à nos jours. On y trouve de nombreux inédits, des planches originales, des dessins, des croquis, des couvertures de magazines, et même des reproductions de ses derniers travaux dans des domaines aussi étonnants que la danse, l’opéra et les vitraux.

Ouvrage collectif, dirigé par l’artiste lui-même, Co-mix Art Spiegelman nous offre un panorama exceptionnel de son oeuvre, depuis ses premiers pas dans le milieu underground américain jusqu’à la consécration. E.G.

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L’info en +

L’exposition se tient au Centre Pompidou jusqu’au 21 mai avant d’être présentée à Vancouver, Cologne et New York.

Plus d’infos sur le site du Centre Pompidou

25 Avr

Le journal Spirou aux couleurs de la France

Spirou en bleu blanc rouge ! Paru ce mercredi 25 avril, le magazine de bande dessinée belge se donne pour ambition de sauver la France. En couverture, une Marianne fait la manche sous les affiches de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, nos deux derniers candidats à la présidentielle. Plus loin, une ambulance du Samu arrive avec notre célèbre groom au volant. Pas de panique, la solution pour s’en sortir serait dans les pages du magazine. Une solution simple et déjà testée dans le numéro spécial Sauvez la Belgique paru en juillet 2011 : la franche rigolade ! EG

20 ans ferme, de Sylvain Ricard et Nicoby. Editions Futuropolis. 17 euros.

20 ans ferme ! Voilà ce à quoi Milan vient d’être condamné pour sa participation à un braquage. Pas besoin d’avoir fait une grande école pour comprendre que ce jeune homme de 20 ans ressortira de prison pour ses 40 ans. Peut-être un peu avant s’il obtient une remise de peine pour bonne conduite. Mais la prison n’est pas un monde de bisounours. Milan, comme tous les taulards avant lui et après lui, devra jouer des coudes et des poings pour faire sa place, se faire respecter. Nous sommes au milieu des années 80, Milan entame une longue descente en enfer avec pour quotidien les humiliations, la promiscuité, les luttes de pouvoir entre prisonniers, les violences, les séjours en quartier disciplinaire, l’arbitraire de certains gardiens, les injustices, les incessants transferts. Non, chacun le sait, le monde carcéral n’est pas à l’image de ce qu’il devrait être, un endroit où l’on enferme et prépare en même temps à la réinsertion. Et même si Milan se doutait bien avant d’y mettre les pieds que l’endroit n’a rien du club med, le jeune homme va tout au long de son incarcération s’opposer et se battre avec ses moyens pour améliorer le sort des taulards…
Ce récit, poignant, passionnant, criant de vérité, est basé sur le témoignage d’un ancien détenu, Milko, aujourd’hui président de Ban Public, l’Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe. C’est son quotidien qui est donc ici raconté avec une objectif clair. Le scénariste Sylvain Ricard explique : « Cette histoire pose juste la question du rôle de la prison dans notre pays, des solutions que la société se doit d’apporter aux problèmes inhérents à son fonctionnement, à ses échecs et à ses devoirs vis-à-vis de tous les citoyens ». Et à défaut d’apporter des solutions, cet album interroge, nous interroge, sur ce territoire de la nation qui devrait être l’incarnation parfaite des lois ! E.G.

10 Avr

Le Seuil Jeunesse fête ses vingt ans…

On n’a pas tous les jours vingt ans ? C’est pourtant bien tous les jours ou presque de l’année 2012 que les éditions Seuil Jeunesse ont l’intention de fêter leur anniversaire. Vingt ans de création, de rencontres, de découvertes, vingt ans de petits et grands bonheurs, de beaux et surprenants livres, de risques éditoriaux et de distinctions…. Vingt ans qui seront célébrés avec la réédition version collector (couverture toilée sérigraphiée) de dix incontournables du catalogue comme Yakouba de Thierry Dedieu, Zoo logique de Joëlle Jolivet ou encore Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler de Luis Sepulveda et Miles Hyman.

Des collectors mais aussi des pépites, comprenez des compilations d’albums cultes comme Qui suis-je ? d’Alain Crozon, un livre de devinettes sur les animaux et les transports, ou Petits délices et petits riens, d’Elisabeth Brami et Philippe Bertrand, qui réunit textes et petits aimants autour de ces petits riens qui font du bien.

En tout cas, vingt ans ce n’est pas rien. Bon anniversaire donc au seuil Jeunesse et on se retrouve dans vingt ans ! E.G.

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Dans le détail:

Yakouba, de Thierry Dedieu. 18 euros.

Zoo logique, de Joëlle Jolivet. 25 euros.

Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, de Luis Sepulveda et Miles Hyman. 25 euros.

Qui suis-je, de Alain Crozon. 14,50 euros.

09 Avr

La Douceur de l’enfer (tome 2), de Olivier Grenson. Editions Le Lombard. 16,45 euros.

San Francisco, avril 2005. Martha Summer est sous le choc ! Deux représentants du gouvernement viennent de lui annoncer que le corps de son défunt mari venait d’être identifié et allait être transféré pour recevoir les honneurs militaires. Martha Summer est d’autant plus sous le choc qu’elle est aujourd’hui une femme âgée et fragile et que son mari a disparu pendant la guerre de Corée il y a un peu plus de cinquante ans ! Invitée à se rendre à Séoul pour la cérémonie, Martha n’aura malheureusement pas le temps. Sur son lit de mourante, elle demande à son petit fils de la représenter. Billy Summer accepte la mission mais ne s’attend absolument pas à la découverte qu’il fera sur place. Le mari de Martha, son grand-père donc, n’est pas mort. Il vit en Corée du Nord. Et ce ne sera pas là sa seule surprise…

Suite et fin de cette aventure signée Olivier Grenson. L’auteur de Carland Cross, de La Femme accident ou encore et surtout des aventures de Niklos Koda nous entraîne en Corée pour le dénouement. Et quel dénouement ! Quelles révélations dans ce second tome ! A la fois responsable du dessin et du scénario, Olivier Grenson se révèle un auteur complet particulièrement talentueux. Habituellement adepte d’un graphisme réaliste très travaillé, il parvient ici à laisser filer son trait et à donner un aspect plus jeté à l’ensemble, notamment dans les scènes de guerre. « Avec cet album… », confie-t-il, « je voulais me libérer du beau dessin, de certaines retenues, même si le naturel revient au galop. Lâcher les choses, c’est un véritable combat, pour moi » . Un diptyque entre douceur et enfer ! E.G.

08 Avr

Trilogie avec dames, de Will et Desberg. Editions Dupuis. 30 euros.

Une maquette rafraîchie au niveau de la couverture et un dos rond : voilà pour les modifications apportées à cette nouvelle édition. Pour le reste, Trilogie avec dames est identique à la version publiée en 2007. Les amoureux de Will y retrouveront donc les trois histoires qui ont marqué un tournant dans la carrière de l’auteur à la fin des années 80 et au début des années 90 : Jardin des désirs, La 27e lettre et L’Appel de l’enfer. Trois histoires légèrement coquines, voire érotiques ou libertines, qui s’affichaient d’emblée à cent lieues de l’atmosphère relativement policée de la série Tif et Tondu dont il avait la lourde charge d’assurer la mise en images depuis 1949. Même graphiquement, l’auteur avait souhaité une rupture. On ne dessine pas Tif ou Tondu comme on dessine les femmes. Et c’est tout naturellement qu’il opta pour des couleurs directes. « Les femmes sont des créatures trop belles… », disait-il,  « pour être traitées en noir et blanc… Je rêvais de les mettre en couleurs, de les parer de mille feux, puis de les entraîner dans mon jardin nocturne ».

Nocturne ou secret, le jardin de Will était en tout cas un jardin merveilleux, peuplé de somptueuses créatures qu’il reproduisait sur les murs de sa maison avant de finalement choisir de nous en faire profiter. Mort en 2000, l’auteur est aujourd’hui encore considéré comme l’un des piliers de l’école de Marcinelle (Spirou), un auteur classique qui osa remettre son travail en question à soixante ans passés ! E.G.