19 Déc

Angoulême 2025. Regard sur la sélection officielle : Ballades, Mourir pour la cause, Contes de la mansarde…

Quarante-quatre albums composent la sélection officielle du 52ᵉ Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déroulera du 30 janvier au 2 février 2025. Un chiffre modeste au regard de la production foisonnante de l’année, mais largement représentatif de la richesse, de l’audace graphique, de l’inventivité narrative et de la diversité des scénarios. En voici un aperçu…

On se demande parfois comment certains albums peuvent nous échapper. Le manque de temps, d’argent, de curiosité, une pochette qui ne capte pas l’attention, sans oublier la surproduction qui finit par tout noyer. Oui, les raisons sont multiples, mais heureusement, le hasard fait parfois bien les choses. La présence de Ballades dans la sélection officielle du prochain Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême me permet au final de découvrir une véritable pépite, un conte médiéval aussi drôle qu’original.

Et quand je dis drôle, je devrais dire complètement délirant, déjanté, tant le scénario, le dessin, d’une élasticité à toutes épreuves, les dialogues, mélange de vieux français et de mots inventés, les couleurs, écarlates, les personnages, tous plus délicieux les uns que les autres, les situations, burlesques à souhait, et les clins d’œil malicieux aux contes traditionnels font corps pour nous offrir un petit ovni éditorial.

Mais derrière cette apparente légèreté, Ballades nous parle aussi, entre les lignes et entre les cases, de notre monde et de notre époque, du féminisme, de la démocratie, de l’émancipation des femmes et des peuples… Bref, pour un premier album, l’autrice Camille Potte frappe fort, très fort. Une belle découverte, un bonheur absolu ! (Ballades, de Camille Potte. Éditions Atrabile. 22€)

Il faut bien l’admettre : nous sommes nombreux, de ce côté-ci de l’Atlantique, à ignorer l’histoire du Québec, et encore davantage l’histoire du mouvement indépendantiste. Pourtant, la mémoire collective a retenu la célèbre phrase « Vive le Québec libre ! » lancée par le général de Gaulle en juillet 1967, lors de son discours historique à Montréal. Une déclaration percutante qui eut des répercussions non seulement sur les relations entre le Canada et la France, mais aussi au sein même du Canada, où le rêve d’un Québec libre nourrissait déjà les passions et un idéal révolutionnaire en quête de son Che Guevara.

C’est précisément cet idéal révolutionnaire que raconte Chris Oliveros dans le roman graphique Mourir pour la cause. S’il s’est appuyé sur une documentation historique rigoureuse pour développer son récit, il a choisi de lui donner la forme d’un documentaire fictif de la CBC, censé avoir été tourné en 1975 et retrouvé bien plus tard. Avec un style graphique simplifié, pour ne pas dire simpliste, et une tonalité quasi-burlesque qui, tout en n’atténuant pas la gravité du contexte, allège quelque peu le propos, Chris Oliveros illustre les premières années du Front de Libération du Québec, évoquant ses actions, ses échecs, ses hommes, souvent animés par un amateurisme déconcertant. Ce premier volet paru en janvier 2024 couvre les années 1960, le second se penchera sur octobre 1970 marqué par une série d’enlèvements de personnalités politiques. (Mourir pour la cause, Révolution dans le Québec des années 1960, Chris Oliveros. Pow Pow. 24€)

Trois histoires distinctes composent ce roman graphique. Trois histoires, mais un seul lieu où tout commence et tout s’achève : un appartement situé au septième et dernier étage d’un immeuble parisien, une mansarde. Et à chaque fois par un été caniculaire.

Pour le reste, ce roman graphique, largement inspiré des Contes de la Crypte et des Contes du Chat perché de Marcel Aymé nous propose un univers fantastico-horrifico-réaliste urbain et contemporain qui explore les problématiques universelles que sont la solitude, l’amour, la vieillesse et la mort.

Fil rouge de ces contes, une vieille femme au comptoir d’un bar de quartier – Les Deux Magots tout de même – introduit chacune des histoires avec un brin d’humour, de quoi alléger la tonalité de l’ensemble qui reste finalement assez sombre avec des histoires qui finissent tragiquement !

Au dessin, Iris Pouy insuffle au récit une atmosphère intimiste portée par un trait que l’on pourrait qualifier de sobre et contemporain. Quant au scénario, Elizabeth Holleville a été récompensée pour cet album par le Prix René Goscinny du jeune scénariste 2025.

L’album Contes de la mansarde figure dans la sélection officielle ainsi que dans la sélection Fauve des lycéens. (Contes de la mansarde, d’Iris Pouy et Elizabeth Holleville. L’Employé du Moi. 22€)

Eric Guillaud

13 Déc

Angoulême 2025. Regard sur la sélection officielle : Immatériel, Les Indomptés, En Territoire ennemi…

Quarante-quatre albums composent la sélection officielle du 52ᵉ Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déroulera du 30 janvier au 2 février 2025. Un chiffre modeste au regard de la production foisonnante de l’année, mais largement représentatif de la richesse, de l’audace graphique, de l’inventivité narrative et de la diversité des scénarios. En voici un aperçu…

Connaissez-vous le syndrome d’Hikikomori ? Apparu au Japon dans les années 1990, ce phénomène qui se caractérise par un isolement social extrême concernerait un million de personnes dans ce pays et, depuis la pandémie de Covid, toucherait un nombre croissant de Français, en particulier des hommes. Ce sujet est au coeur de cette bande dessinée de Jérôme Dubois !

Version 1.0.0

Le protagoniste, reclus chez lui depuis des mois, vit au milieu des déchets qu’il ne se résout plus à sortir. Ses journées se résument à attendre des livraisons de repas. Jusqu’au jour où il s’effondre, victime d’un malaise fatal ! Quelques temps plus tard, une équipe de nettoyage investit son appartement pour le débarrasser. Mais, même une fois vidé et parfaitement lessivé, l’âme de l’ancien locataire continue de hanter les lieux…

Jérôme Dubois propose ici, comme dans chacun de ses albums, une expérience à la fois visuelle et narrative, invitant à une profonde réflexion existentielle. On se souvient notamment de Citéville et Cinéville, deux œuvres indissociables sélectionnées au Festival d’Angoulême en 2021. Ces récits nous interrogeaient sur la place de la ville et donc de l’humain dans notre monde futur. Avec cette nouvelle histoire, l’auteur explore le syndrome d’Hikikomori pour nous questionner sur la mémoire que les lieux peuvent conserver de leurs habitants. Un sentiment d’étrangeté se dégage de cet album, accentué par l’alternance entre le noir et blanc et les couleurs vives de certaines cases. (Immatériel, de Jérôme Dubois. Cornélius. 34,50€)

Lucky Luke n’aime pas les enfants. Une révélation ? Un postulat qui permet à Blutch de nous embarquer dans une nouvelle aventure du célèbre personnage de Morris et Goscinny et de retrouver toute la saveur comique qui a fait le succès de la série. Il n’aime pas les enfants donc mais va pourtant devoir composé avec deux représentants du genre et pas franchement des anges. Il faut dire qu’ils ont de qui tenir. Leur père est un bandit des grands chemins, disparu depuis peu, avec un butin sous le bras et quelques collègues assez mécontent aux fesses. Lucky Luke aussi est à sa recherche pour le coller en prison mais Casper et Rose, les deux fameux gamins, ne vont pas lui faciliter la tâche…

On connait l’amour de Blutch pour les Tuniques Bleues, série dont il tire son nom d’artiste mais il rend ici un sacré hommage à Lucky Luke et donc à Morris et Goscinny avec une histoire gonflé à l’humour, à la fois fidèle à l’esprit de la série originelle, dans ses codes graphiques et couleurs, et porté par une certaine liberté, celle d’un auteur qui sans cesse remet son art en question. De quoi dépoussiérer l’affaire ! (Les Indomptés, de Blutch. Dargaud. 13€)

C’est une histoire comme on en voit malheureusement beaucoup, une histoire de relation toxique qui aurait pu mal finir mais s’est arrêtée à temps. Carole Lobel en témoigne aujourd’hui à sa manière dans une bande dessinée baptisée En Territoire ennemi. Les mots sont forts mais justes tant cette expérience aurait pu être un voyage sans retour.

Fille d’une militante chrétienne anti-avortement, Carole rencontre Stéphane, étudiant aux Beaux-Arts, d’extrême gauche, fumeur de joints. Elle en tombe éperdument amoureuse. Pourtant, très vite, elle perçoit un malaise dans leur relation, notamment dans leur relation intime. Bien qu’elle ne souhaite pas d’enfants, elle finit par en avoir deux.

De son côté, Stéphane, sans emploi, s’isole progressivement de la vie sociale, sombre dans la paranoïa, le complotisme, la misogynie, adopte les idéologies d’extrême droite, apprend l’hymne officiel des SA et du Parti national-socialiste des travailleurs allemands et devient violent avec ses propres enfants qu’il souhaite « endurcir » !

Face à cette spirale destructrice, Carole décide de le quitter mais des années de vie commune ne s’effacent pas d’un claquement de doigts. Et ses enfants vont le lui rappeler…

Réalisé au stylo-bille quatre couleurs avec un graphisme et une narration très actuelles, En Territoire ennemi n’est pas un témoignage de plus, c’est un témoignage essentiel qui décrit comment naissent les relations toxiques et peut-être comment les repérer pour s’en extraire au plus vite.  En Territoire ennemi est la première bande dessinée de Carole Lobel. Un livre à mettre entre toutes les mains ! (En Territoire ennemi, de Carole Lobel. L’Association. 26€)

Eric Guillaud

10 Déc

Angoulême 2025. Regard sur la sélection officielle : Impénétrable, Madeleine Résistante , Pour une fraction de seconde…

Quarante-quatre albums composent la sélection officielle du 52ᵉ Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déroulera du 30 janvier au 2 février 2025. Un chiffre modeste au regard de la production foisonnante de l’année, mais largement représentatif de la richesse, de l’audace graphique, de l’inventivité narrative et de la diversité des scénarios. En voici un aperçu…

Madeleine Riffaud n’a que 18 ans lorsqu’elle rejoint l’armée de l’ombre avec un objectif clair : chasser les Allemands hors de France. Prête à tout pour y parvenir, elle n’hésite pas à se mettre en danger. Elle abat un officier nazi, est arrêtée, subit la torture pendant des jours sans jamais révéler un nom, échappe de justesse au peloton d’exécution et à la déportation, avant de participer activement à la Libération de Paris.

Résistante à 18 ans, grand reporter par la suite, infatigable militante pour la décolonisation et contre l’oppression des peuples, amie de Picasso et de Hô Chi Minh, Madeleine Riffaud est une figure exceptionnelle, comme seules les grandes heures de l’Histoire peuvent en façonner.

 

Des destins comme celui de Madeleine Riffaud méritent d’être racontés pour inscrire leur mémoire dans notre patrimoine collectif et transmettre les valeurs d’engagement et de résistance. Le scénariste Jean-David Morvan et le dessinateur Dominique Bertail l’ont bien compris en s’attelant à cette tâche dès 2021. S’appuyant sur les souvenirs de Madeleine Riffaud et sur un travail approfondi de documentation historique, ils déroulent sa vie avec un découpage d’une très grande fluidité, un trait sobre, élégant et minutieux, ainsi que des atmosphères parfaitement ancrées dans l’époque. Ce témoignage essentiel pour l’humanité et un vibrant hommage à Madeleine Riffaud, disparue en novembre 2024. (Madeleine, Résistante, tome 3, de Bertail, Morvan et Riffaud. Dupuis. 23,50 euros)

Peut-être que son nom ne vous dit rien, il est pourtant l’un des pionniers de la photographie et du cinéma ! Eadweard Muybridge, anglais de nationalité, américain d’adoption, découvre la photographie dans les années 1860. Il en fait son métier, se fait connaître à travers le monde pour ses photographies de l’Ouest sauvage et de l’Alaska. Mais l’homme nourrit une obsession qu’il partage avec le richissime Leland Stanford, président de la Southern Pacific Railroad et gouverneur de Californie : capturer le mouvement d’un cheval au galop. Et pour cela, il déploie des trésors d’ingéniosités jusqu’à y parvenir. Nous sommes alors en 1878. 

S’il s’est fait un nom dans la bande dessinée grâce à ses récits autobiographiques, tels que Pyongyang, Shenzhen, Chroniques de Jérusalem ou encore, sur un ton plus humoristique Le Guide du mauvais père, le Canadien Guy Delisle s’autorise, avec le même talent, à explorer d’autres genres, notamment le témoignage avec S’enfuir, récit d’un otage, paru en 2016, ou la biographie avec ce nouvel album consacré à la vie mouvementée d’Eadweard Muybridge.

Extrêmement documenté, enrichi de quelques clichés de Muybridge et parsemé d’une touche d’humour, Pour une fraction de seconde bouscule nos idées reçues sur l’histoire de la photographie et du cinéma. L’album met en lumière un homme passionné et des innovations majeures ayant marqué l’évolution de l’art photographique, prélude à l’apparition du cinéma. De quoi remettre les pendules à l’heure et confirmer l’immense talent de narrateur et de dessinateur de Guy Delisle. Captivant !  (Pour une fraction de seconde, la vie mouvementrée d’Eadweard Muybridge, de Guy Delisle. Delcourt. 23,95€)

« Personne n’est condamné à souffrir en silence » : c’est par ces quelques mots que l’autrice belge Alix Garin conclut son album et c’est précisément pour cette raison qu’elle a décidé de l’écrire.

Pendant des années, Alix Garin a souffert d’un trouble sexuel méconnu : le vaginisme. Du jour au lendemain, elle ne pouvait plus supporter la pénétration. Des douleurs insoutenables et une libido réduite à néant qu’elle cache à son compagnon. Seule, elle affronte pendant des mois ses questionnements, ses doutes et sa souffrance.

Jusqu’au jour où elle trouve enfin le courage d’en parler. S’ensuivent des années d’errances thérapeutiques, à courir les cabinets des psychologues, sexologues, gynécologues, psychothérapeutes, et autres kinésithérapeutes. Toujours en quête de réponses !

À la peur de fragiliser son couple s’ajoute la honte. La honte de ne pas être comme tout le monde, de ne pas répondre aux injonctions d’une société qui érige la sexualité, le désir et le plaisir en normes absolues de la vie amoureuse…

Avec courage et sincérité, Alix Garin livre un témoignage profondément intime, sans tabous, utilisant les métaphores pour évoquer le désir, la douleur, les injonctions, le cheminement thérapeutique. Un récit essentiel, sensible, libérateur tant pour l’autrice que pour les lecteurs et les lectrices (Impénétrable, d’Alix Garin. Le Lombard. 29,90€)

Eric Guillaud 

30 Nov

Angoulême 2025. Regard sur la sélection officielle : Les Météores de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi aux éditions Delcourt

Pour leur deuxième collaboration, Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi nous plongent dans une Amérique profonde bien éloignée de la verticalité de New York. Ici, pas de héros, pas de super-héros, mais une ville sans nom, sans âme, peuplée de gens ordinaires aux vies fragiles et éphémères…

« Dans la vie, il n’y a pas de personnages principaux et de personnages secondaires. On a tous notre rôle à jouer ». Tout est là, dans ces quelques mots prononcés par une des protagonistes de l’album.

Dans Les Météores, il n’y a effectivement pas de héros, encore moins de super-héros, mais des gens très ordinaires qui ont une vie très ordinaire. Comme ce bon Flyod qui prend chaque jour le bus de 5h46 trimbalant son énorme carcasse et ses pertes de mémoire, ses « blancs » comme il les appelle avec un brin de poésie. Ou comme Hollie, une jeune assistante de vie qui élève seule son fils et s’auto-persuade d’aimer son job même quand il s’agit d’essuyer les fesses d’un vieillard. Ou encore Don qui est tombé amoureux d’une vendeuse d’Ikea (rebaptisé ici Aeki), où une bonne partie de l’histoire se déroule. Il y a aussi Gary, Charlie, Sammy, Elijah… tous occupés à vivre ou plus surement à survivre, sans éclats ni passions.

Et même lorsqu’une météorite a la fâcheuse intention de vouloir passer un peu trop près de la planète et d’anéantir toute forme de vie, tous continuent leur chemin, sans héroïsme ni panique, résignés comme s’ils ne faisaient eux-mêmes que passer.

Avec Les Météores, Deveney et Redolfi passent de la verticalité de leur précédent album, Empire Falls Building (2021, Éditions Soleil) – qui explorait la construction mystérieuse d’un gratte-ciel new-yorkais – à une horizontalité marquée, renforcée par un format à l’italienne. Ce choix offre une lecture apaisée, presque cinématographique, parfaite pour cette narration où le temps semble suspendu.

Avec un trait léger, des ambiances hivernales, une luminosité basse, une game de couleurs réduite, les auteurs nous attrapent par les yeux pour nous embarquer dans cette histoire qui n’a pas vraiment de début, pas vraiment de fin, déroulant avec poésie des fragments de vies qui laissent entrevoir toute la fragilité de l’humanité. Un récit Intimiste et tellement universel !

Eric Guillaud

Les Météores – Histoires de ceux qui ne font que passer, de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi. Delcourt. 34,95€

© Delcourt / Deveney & Redolfi

24 Nov

« C’est toujours un plaisir d’animer les aventures de Spirou et Fantasio » : rencontre avec le dessinateur Olivier Schwartz dans son atelier

L’album précédent nous l’avait laissé pour mort. Un cauchemar pour ses nombreux fans et peut-être bien pour lui-même. Mais Spirou est finalement de retour pour une nouvelle aventure toujours emmenée par le trio composé de Benjamin Abitan et Sophie Guerrive au scénario et du Nantais Olivier Schwartz au dessin…

Olivier Schwartz © France 3 Pays de la Loire / Éric Guillaud

C’est bien simple, les héros ne meurent jamais ! Corto Maltese, Lucky Luke, Astérix et Obélix, Gaston Lagaffe, Blake et Mortimer et tant d’autres ont survécu à leurs créateurs. Alors pourquoi pas Spirou ?

Né en 1938 dans les pages du journal éponyme, Spirou est passé de mains en mains jusqu’à nos jours pour vivre des aventures un peu folles et un peu partout sur la planète. Spirou, c’est 86 ans d’histoire(s), 57 albums, des personnages secondaires mythiques et une bonne vingtaine de dessinateurs et de scénaristes pour l’animer et nous le rendre vivant, au moins dans le cœur de plusieurs générations de lecteurs.

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23 Nov

Fauve d’Angoulême Prix du Public France Télévisions 2025 : devenez membre du jury !

Angoulême 2025 – Les affiches

Décerné par des lecteurs et très convoité par les éditeurs, le Prix du public du Festival de la BD d’Angoulême (FIBD) avait été mis en sommeil lors de l’édition 2019. Cette disparition aura été de courte durée, puisqu’il était de retour dès 2020 sous les couleurs de France Télévisions.

Ce prix, grâce à la passion et l’exigence de ses jurés, a déjà primé cinq jeunes autrices dont les bandes dessinées sont représentatives de la richesse et de la diversité de la jeune création francophone !

  • Lauréate 2024, Bea Lema pour Des Maux à dire (Sarbacane)
  • Lauréate 2023, Sole Otero pour Naphtaline, traduction d’Éloïse de La Maison (Çà et là)
  • Lauréate 2022, Léa Murawiec pour Le Grand Vide (2024)
  • Lauréate 2021, Léonie Bischoff pour Anaïs Nin – Sur la mer des mensonges (Casterman)
  • Lauréate 2020, Chloé Wary pour Saison des roses (FLBLB)

Comment ça marche ?

Un jury de sélection composé de journalistes de France Télévisions spécialistes du livre et de la bande dessinée, va lire durant le mois de décembre, les bandes dessinées de la sélection officielle du Festival. Fin décembre, ils choisiront les huit titres en compétition pour le Fauve – Prix du Public France Télévisions.

Ce jury de sélection est présidé par Augustin Trapenard (La Grande Librairie, France 5) et composé de Camille Diao, (C ce soir – France 5), Francis Forget (France Info culture), Éric Guillaud (France 3 Pays de la Loire), Isabel Hirsch (France 3 Poitou-Charentes), Anne-Marie Revol (Franceinfo canal 27), Adrien Rohard (Télématin – France 2), Noëmie Roussel (Responsable éditoriale numérique Direction de la culture, Culture Prime – France Télévisions) et Raphäl Yem (France Télévisions)

Un jury populaire composé de neuf lecteurs de Nouvelle Aquitaine, choisis suite à notre appel à candidatures, recevra les 8 bandes dessinées en compétition début janvier.

Le 1er février, il se réunira dans les coulisses du Festival d’Angoulême qui se déroule cette année du 30 janvier au 2 février pour délibérer, voter et élire son lauréat.

Le soir même, notre jury populaire remettra son prix au lauréat lors de la Cérémonie des Fauves du Festival d’Angoulême !

Ne tardez plus, écrivez-nous une lettre bien argumentée et exposez les raisons pour lesquelles vous voulez participer à cette nouvelle aventure. Parlez de vous, de votre passion pour la bande dessinée, aussi bien que de vos derniers coups de cœur littéraires…

Pour poser votre candidature, c’est ici. 

17 Nov

Le cas David Zimmerman : une expérience de lecture vertigineuse signée Lucas et Arthur Harari

L’union fait la force ! Les deux frangins Harari qui se sont fait connaître pour l’un dans le septième art et pour l’autre dans le cinéma se retrouvent à la tête d’un projet commun, Le cas David Zimmerman, une  bande dessinée qui fait assurément tourner la tête…

Se réveiller un beau jour dans le corps d’un autre et en l’occurrence dans un corps du sexe opposé. Le sujet est vieux comme le monde ou presque mais au-delà de ce qui pourrait relever du fantasme ou du gag à deux centimes d’euros, il y a une vraie question, une question d’identité, que les frères Harari, Lucas et Arthur, explorent avec bonheur dans cette première œuvre commune.

Les amoureux du neuvième art connaissent inévitablement Harari, prénom Lucas, pour ses albums L’Aimant et La Dernière rose de l’été, deux polars à la mécanique parfaitement huilée parus aux éditions Sarbacane. Quant aux cinéphiles, Harari, prénom Arthur, est à jamais associé à la Palme d’or du Festival de Cannes 2023, Anatomie d’une chute, un film réalisé par Justine Triet avec laquelle il a écrit le scénario. 

© Sarbacane / Lucas et Arthur Harari

Bref ! Autant dire que ce projet à deux têtes était pour le moins attendu, au point d’être soutenu par France Inter et de faire la couverture du magazine DBD du mois de novembre. Et les éloges sont une nouvelle fois unanimes ! Légitimement ?

Oui, légitimement ! Le cas David Zimmerman nous embarque dans un récit vertigineux de 360 pages dont l’intensité ne cesse de croître au fil des pages.

L’histoire ? David Zimmerman est parisien, trentenaire, photographe de profession, plutôt renfermé de caractère, limite déprimé et déprimant. Nous sommes le 31 décembre au soir, son ami Harry passe le prendre pour la soirée du Nouvel an, direction une méga-fête dans un immense appartement. Une nuit de beuverie plus tard, David se réveille avec un mal de tête épouvantable… et un corps de femme !

« C’est un cauchemar… Je vais me réveiller… »

© Sarbacane / Lucas et Arthur Harari

Malheureusement pour lui, tout ceci n’est pas un cauchemar, ni l’effet de l’alcool ou des petites pilules magiques qu’il a ingurgitées la veille. Plus troublant encore, ce corps, ce visage, ces mains, appartiennent à une jeune femme avec laquelle il a eu une aventure dans la nuit. Alors commence pour David, après un moment de flottement bien légitime, la recherche de son corps d’origine…

Voici donc le point de départ de ce récit fantastique sans dynamique érotique ou comique. Les frères Harari voulaient une approche la plus réaliste possible, elle l’est, explorant les thématiques universelles et contemporaines liées à l’identité et bien au-delà de la seule identité de genre puisque la judéité est elle-même au centre du récit, comme la question sociale ou culturelle.

Avec un découpage surprenant, audacieux, des illustrations pleine page qui offrent de belles respirations au récit tout en l’inscrivant dans un Paris contemporain, Lucas et Arthur Harari signent ici un album d’une très grande maîtrise scénaristique et graphique, une intrigue captivante et un vrai plaisir visuel !

Eric Guillaud

Le cas David Zimmerman, de Lucas et Arthur Harari. Sarbacane. 35€

10 Nov

La Ligne de vie : le nouveau Corto Maltese de Canales et Pellejero en territoire maya

Après Nocturnes berlinois, les Espagnols Ruben Pellejero et Juan Diaz Canales sont de retour avec une nouvelle aventure de Corto Maltese au coeur du Mexique des années 1920 et de la guerre des Cristeros…

Mine de rien, ça fait bientôt dix ans que Rubén Pellejero et Juan Díaz Canales ont repris la destinée de Corto Maltese, l’un des plus grands héros du neuvième art imaginé en 1967 par Hugo Pratt.

Dix ans, cinq albums et autant d’aventures qui nous ont emmené de Berlin à Prague, de Venise aux jungles d’Afrique équatoriale, de Tasmanie à Bornéo, de Panama à San Francisco et aujourd’hui au Mexique. Oui, le Mexique, où notre aventurier retrouve, tenez-vous bien, un Raspoutine fraîchement rentré dans les ordres, un Raspoutine en soutane, avec la croix et tout le toutim mais peut-être pas la vocation.

« L’église doit être bien désespérée pour mettre un loup à la tête du troupeau »

Et il n’a pas tort Corto, il peut légitimement s’interroger sur la présence de son meilleur ennemi dans ce coin du monde alors que les Cristeros, une bande de révoltés catholiques, sont en guerre contre les forces gouvernementales et leurs lois anticléricales.

© Casterman / Canales & Pellejero

On peut tout aussi légitimement se demander ce que fait Corto ici. Bouche Dorée lui a confié une mission, négocier un lot d’antiquités mayas auprès d’un archéologue véreux. Mais bien entendu, rien ne se passe comme prévu et Corto se retrouve à convoyer un chargement de munitions pour les Cristeros. Et ça n’a pas grand-chose à voir avec une promenade de santé !

« Il faut vraiment avoir la foi pour voir Dieu au milieu de cette boucherie »

Une boucherie, c’est le mot, et Corto n’a pas l’intention de traîner ses rouflaquettes trop longtemps dans ce paysage d’autant que Bouche Dorée lui a prédit une mort prochaine…

« Écoute Corto. Je ne plaisante pas! La mort te guette et elle parle espagnol »

© Casterman / Canales & Pellejero

C’est toujours un immense plaisir que de retrouver notre Corto international, que ce soit avec le style graphique très singulier de Bastien Vivès associé au scénariste Martin Quennehen ou avec celui, plus classique, et plus aéré sur cet épisode, de Rubén Pellejero associé pour sa part à Juan Díaz Canales. Les deux approches ont su préserver l’essence même des aventures de Corto, l’ADN du personnage, tout en lui garantissant un allongement de sa ligne de vie. Et c’est bien là l’essentiel !

Eric Guillaud

La Ligne de vie, Corto Maltese tome 17, de Canales et Pellejero. Casterman. 17€

« Le grand public préfère les héros valeureux aux vainqueurs pétris de qualité », le skipper Sébastien Destremau raconte le Vendée Globe autrement

Documentaires, films, romans, beaux livres ou bandes dessinées, la mythique course autour du monde n’en finit pas d’agiter l’imaginaire et d’inspirer les auteurs et artistes. En voici une preuve supplémentaire, « Solitaires, une histoire du Vendée Globe », un livre écrit par Sébastien Destremau et Théodore de Kerros, illustré par Laurent Duvoux.

Le Vendée Globe : 200 participants depuis sa création, 114 skippers ayant passé la ligne d’arrivée, 28 000 milles nautique de course en moyenne, des dizaines et des dizaines de jours en mer, des voiliers à plusieurs millions d’euros, des abandons, des chavirages, des sauvetages, des disparus en mer… et au bout de la course, au bout de l’horizon une aventure hors norme, l’Everest des mers comme on a l’habitude de l’appeler.

La suite ici

09 Nov

Idéal : un premier album remarquable signé Baptiste Chaubard et Thomas Hayman

Sorti en août dernier, Idéal est le tout premier album de bande dessinée d’un tandem formé par Baptiste Chaubard au scénario et Thomas Hayman au dessin, une histoire de couple, d’amour et de désamour, dans un Japon coincé quelque part entre le passé et le futur…

Île de Kino, Japon, 2160. L’île du soleil levant, comme l’ensemble de la planète, a suivi son inexorable chemin vers un avenir peuplé d’intelligences artificielles et d’androïdes en tout genre. Sauf l’Île de Kino. Une bulle préservée par la volonté de quelques hommes et femmes…

Ici, dans ce monde où le temps s’est arrêté à la fin du XXe siècle, vivent Hélène et Edo. On pourrait les croire heureux dans leur villa de luxe largement ouverte sur la mer mais pour eux aussi quelque chose s’est arrêté. Ce quelque chose ne se décrète pas, ne s’impose pas et parfois ne s’explique pas. Edo ne désire plus Hélène comme autrefois !

Pour Hélène, c’est un peu la double peine. Pianiste de renom, elle est déjà confrontée à l’arrivée sur l’île d’une musicienne plus jeune qui pourrait remettre en question sa place au sein de l’orchestre philharmonique.

Pour sauver son couple et reprendre confiance en elle, Hélène décide d’introduire dans son foyer un clone d’elle-même, une intelligence artificielle humanisée, capable d’interpréter les désirs d’autrui. Et bien évidemment, les désirs de son mari. Mais à trop jouer avec le feu, Hélène finit par se brûler les ailes…

Pensée à l’origine comme une histoire de couple avec une apporche érotique, Idéal a pris avec le temps et le travail d’écriture une dimension dystopique et psychologique avec des interrogations légitimes : l’amour est-il voué à s’émousser avec le temps ? Et quel rôle peuvent jouer les IA dans les relations humaines ?

Avec, pour porter ce scénario, le décor raffiné du Japon et des illustrations à la fois inspirées des estampes japonaises et du graphisme européen. La succession de grandes cases aux cadrages symétriques et aux ambiances zen invite le lecteur à s’attarder sur chaque scène et mieux cerner la psychologie des personnages. Un premier album captivant !

Eric Guillaud

Idéal, de Baptiste Chaubard et Thomas Hayman. Sarbacane. 28€

© Sarbacane / Chaubard & Hayman

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