Quel rapport existe-t-il entre le tueur en série américain Ed Gein et le footballeur nord-irlandais George Best ? Entre l’écrivaine Agatha Christie et la légende de l’Ouest Jesse James ? Aucun bien évidemment. Si ce n’est de les retrouver les uns et les autres croqués en bande dessinée. La biographie est un des genres en vogue du neuvième art. La preuve avec ces dix albums…
On commence avec Ed Gein justement du nom d’un fameux serial killer qui a inspiré plusieurs personnages cinématographiques parmi les plus effrayants, Buffalo Bill dans Le Silences des agneaux, Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse et Norman Bates dans Psychose. C’est d’ailleurs autour d’Alfred Hitchcock et de ce film culte, Psychose, que s’ouvre le roman graphique signé Harold Schechter et Eric Powell, un film accusé à l’époque de sa sortie en salles d’avoir poussé des esprits faibles à tuer. C’est un peu le paradoxe de l’œuf et de la poule. Qui des deux est arrivé le premier ? Bref, l’adaptation graphique présentée ici retrace la vie du tueur depuis sa plus tendre – si on peut dire – jeunesse en se basant sur des sources d’origine, journaux de l’époque, documents médico-légaux, rapports psychiatriques… Glaçant ! (Ed Gein, autopsie d’un serial killer, de Schechter et Powell. Delcourt. 24,95€)
On parlait d’Alfred Hitchcock plus haut, voici Orson Welles, une autre pointure du septième art, multicarte, à la fois acteur et réalisateur, producteur et scénariste, romancier et metteur en scène. L’homme s’est fait connaître au théâtre puis avec son émission radiophonique, La Guerre des mondes, qui selon la légende aurait paniqué l’Amérique. Citizen Kane fut son premier long métrage et son chef d’œuvre. Suivront entre autres La Splendeur des Amberson, Voyage au pays de la peur, Macbeth, Vérités et mensonges… des films exigeants mais pas toujours compris du grand public, une carrière hors norme que revisitent ici Noël Simsolo et Alberto Locatelli depuis ses débuts dans le théâtre jusqu’à sa mort en 1985 le tout avec une mise en images des plus agréables. (Orson Welles, l’inventeur de rêves, de Simsolo et Locatelli. Glénat. 25€)
Du septième au neuvième art, il n’y a qu’un pas que cet album de Bepi Vigna et Mauro de Luca nous permet de franchir agréablement en compagnie de l’un des plus grands représentants du genre, Hugo Pratt, dont la vie fut aussi romanesque que celle de son célèbre héros de papier Corto Maltese. Outre un récit en bande dessinée d’une cinquantaine de pages contant la jeunesse de Pratt jusqu’à son départ pour l’Argentine et le début d’une grande aventure dans la bande dessinée, l’album réunit de nombreuse illustrations originales et couvertures de la revue Sergent Kirk ainsi que plusieurs témoignages. Une biographie ? Plutôt, à en croire Bepi Vigna, « un récit d’aventures qui rassemblerait et rapprocherait les faits avec les rêves et toutes ces histoires dont il s’est nourri et qui, de l’aveu même du dessinateur, l’ont formé et influencé ». (La balade d’Hugo, de Bepi Vigna et Mauro de Luca. Glénat. 17,50€)
D’Agatha Christie, La reine du crime comme on l’a surnommée, nous connaissons les livres, à commercer par Les Dix petits nègres rebaptisé Ils étaient dix en 2020, Les Vacances d’Hercule Poirot, La Mystérieuse affaire de styles ou encore Un Cadavre dans la bibliothèque. Des dizaines de romans, plus de 150 nouvelles, 20 pièces de théâtre. Mais d’elle, que sait-on ? Pas grand-chose. Partant de ce constat, Anne Martinetti, Guillaume Lebeau et Alexandre Franc ont pris le parti de nous faire découvrir le personnage qui se cache derrière la romancière à travers un récit reprenant quelques épisodes de sa vie, son enfance, ses débuts dans l’écriture, sa mission d’infirmière durant la première guerre mondiale, ses multiples mariages, la naissance de son unique enfant, les voyages qu’elle affectionnait tant et son étrange disparition en 1926… Une vie d’une richesse insoupçonnée, une mise en images raffinée, un bel album. (Agatha, La vraie vie d’Agathe Christie, de Martinetti, Lebeau et Franc. Marabulles. 17,95€)
Albert Londres, une pointure, que dis-je, une sommité, une référence dans le monde du journalisme d’investigation capable de passer en son temps d’un reportage au pays des soviets à une enquête sur le bagne de Cayenne, en passant par une interview des coureurs du Tour de France ou des membres de la bande à Bonnot. Bref un journaliste passionné par son travail, engagé et souvent dérangeant. Le roman graphique de Kinder et Borris évoque justement son dernier voyage en Chine. Aucun journal ne l’a missionné mais il promet du lourd, de la « dynamite » qui pourrait déranger en haut lieu. De ce voyage, Albert Londres n’en reviendra pas, disparaissant dans le naufrage du Georges Philippar. Un drame mystérieux et peut-être pas accidentel pour lequel l’album Albert Londres doit disparaître propose une explication entre fiction et réalité. Passionnant ! (Albert Londres doit disparaître, de Kinder et Borris. Glénat. 17,50€)
Le Kayak, c’est une affaire de famille chez les Estanguet. Un père prof de sport et champion dans le domaine, des enfants mis sur l’eau dès le plus jeune âge et parmi eux un Tony qui deviendra en 2012 le premier Français triple champion olympique dans la discipline. Elsa Krim au scénario et Fred Campoy au dessin, en étroite collaboration avec Tony Estanguet lui-même, nous offrent dans ce premier tome un plongeon dans l’intimité du sportif depuis son enfance jusqu’à sa première médaille olympique décrochée à Sydney en 2000. La suite dans le tome 2 à paraître en janvier 2023. (Tony, l’enfant des rivières, de Estanguet, Krim et Campoy. Delcourt. 15,50€)
Un autre sport, un autre champion, Kris et Calvez se sont intéressés pour leur part à George Best en adaptant en BD le roman de Vincent Duluc intitulé Le cinquième Beatles. Pourquoi ce nom ? Parce que George Best a eu la même importance pour le football que les Fab Four pour la musique. Et tous les cinq ont colonisé les colonnes des mêmes journaux pendant les mêmes années faisant de l’Angleterre le paradis du ballon rond et de la pop. Considéré comme l’une des plus grandes légendes de Manchester United, George Best débarque au club au lendemain d’une tragédie, le crash de l’avion qui ramenait les joueurs d’un match contre l’Etoile rouge de Belgrade. Résultat, 23 morts dont 8 joueurs et 3 encadrants. « Jouer à Manchester, désormais, c’était côtoyer des héros, des survivants et des fantômes », écrit Vincent Duluc. Et de fait, George Best aura un parcours singulier fait de passion pour le football mais aussi pour le rock’n’roll, le sexe et l’alcool. Une légende qui dépasse le seul cadre des terrains de football, c’est ce que les auteurs font ressortir ici dans cet album où l’on reconnait le talent d’écriture de Kris et le somptueux coup de crayon de Florent Calvez. Incontournable pour tous les amoureux du ballon rond et les autres… (George Best, de Kris et Calvez. Delcourt. 17,95€)
Les premières scènes, les premières images, de cette bande dessinée de Rubio et Ocana, nous les connaissons bien, trop bien, pour les avoir vécues il y a peu de temps, retransmises en direct et à travers le monde par les médias et les réseaux sociaux. La Cathédrale de Paris en flamme ! C’était en 2019, c’était hier. Et tout de suite de promettre sa reconstruction à l’identique. Mais à l’identique de quoi ? La cathédrale n’a cessé d’évoluer à travers les siècles, il a même été question de sa destruction dans la première moitié du XIXe siècle avant qu’elle ne devienne un temps un entrepôt à vin. La révolution était passée par là, les croyances religieuses mises un temps au placard. Mais un homme va la sauver et la restaurer, un jeune architecte sans diplôme, ni formation théorique. Son nom : Eugène Viollet-le-Duc. C’est cette histoire que raconte ce premier volet paru dans une nouvelle collection dédiée aux grands architectes. Pour les férus d’histoire. (Viollet-le-Duc tome 1, de Rubio et Ocana. Delcourt. 15,95€)
On termine avec trois légendes de l’Ouest américain. Tout d’abord Jesse James, un fameux bandit des grands chemins, braqueur de banques, pilleur de diligences et de trains, tueur impitoyable et pourtant élevé par la légende au rang de Robin des Bois américain. Dans cet album au magnifique dessin et aux ambiances crépusculaires, Dobbs au scénario, Chris Regnault au scénario et au dessin accompagnés de Farid Ameur en qualité de conseiller artistique, reviennent sur le parcours de cette figure élevée dans le respect de la morale chrétienne et qui bascula dans la violence la plus totale après que la ferme familiale fut détruite et son beau-père lynché par des partisans des Confédérés en 1863. Dans cette même collection baptisée La Véritable histoire du Far West, co-éditée par Glénat et Fayard, est sorti un opus sur Wild Bill Hickok. (Jesse James, de Dobbs, Regnault et Ameur. Glénat / Fayard. 14,95€)
Enfin, Wild Bill Hickok, justement, partage avec Martha Jane Cannary l’affiche de ce dernier album signé Thierry Gloris et Jacques Lamontagne. Après deux albums consacrés à l’un puis à l’autre, ce troisième volet permet de les retrouver tous les deux, le premier confronté à un tueur en série, la seconde noyée dans son chagrin et sa soif de vengeance après la mort de son mari indien, tué par Wild Bill. Un western comme on les aime, avec ses grands espaces, ses saloons, ses indiens, ses bons, ses brutes et ses truands, et ses héros de caractère. Wild West tome 3, de Gloris et Lamontagne. Dupuis. 14,50€)
Eric Guillaud