25 Avr

Le Pès Rekin (tome 2), de Presle et Jouvray. Editions Futuropolis. 15 euros.

Jérôme Jouvray et Stéphane Presle se sont rencontrés autour de L’Idole dans la bombe, un récit en deux volumes publiés dans la feu collection 32. C’était en 2007 ! Trois ans plus tard, le tandem se reformait autour de La Pès Rekin dont le second et dernier volet vient tout juste de sortir. On y retrouve en ouverture les deux personnages principaux, Phil, un vieux pêcheur de requins misérable, et Nelson, un gamin des bidonvilles, dans une barque loin de la côte. Facheuse posture pour le gamin, les mains attachées, la bouche close par du ruban adhésif. Le vieux Phil va-t-il abuser de lui ou le jeter par dessus bord ? Non, il va plus simplement lui proposer un marché : attraper pour lui des chiens errants, les tuer et les jeter en mer pour attirer les requins… Sordide, terriblement sordide, mais il va le faire… un temps ! Ce récit inspiré d’un fait divers authentique présente la singularité d’être dialogué en grande partie en créole. Direction La Réunion pour un récit noir, absolument noir ! E.G.

24 Avr

Entre la vie et la mort, Pierre Tombal (tome 27), de Hardy et Cauvin. Editions Dupuis. 10,45 euros.

28 ans d’existence,  27 albums, des centaines de planches, autant de gags et des milliers de livres vendus… voici sans conteste un des grands succès de la bande dessinée franco-belge avec un thème pourtant pas facile de prime abord, la mort, et un credo, l’humour noir ! Et depuis tout ce temps, quasiment une éternité, le fossoyeur Pierre Tombal, la casquette vissée sur la tête, la pelle à l’épaule, nous entraîne à travers son petit cimetière qui ne connaît pas la crise à la rencontre de quelques-uns de ses pensionnaires.  Mais cette fois, une invitée surprise s’est glissée dans le casting. Et cette invitée n’est autre que La Vie. De quoi rendre folle de rage La Mort et donner du travail à notre fossoyeur au grand coeur… Un classique de l’humour signé par le prolifique Raoul Cauvin (Les Tuniques Bleues, L’Agent 212, Les Psys, Les Femmes en blanc…) et le talentueux dessinateur Marc Hardy (La Patrouille des libellules, Lolo et Sucette…). E.G.

Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ?, de Trondheim. Editions Dupuis. 11,95 euros.

Mais qui est donc ce fameux Ralph Azham ? Un super-héros ? Un prince charmant ? Rien de tout ça ! Ralph Azhma serait en fait plutôt un boulet, un porte-malheur, un paria. Dans son village, tout le monde le déteste et le rejette. Pourtant, lorsqu’il était enfant, Ralph avait été pressenti pour être l’Élu que tout le village attendait. Mais il n’avait pas été reconnu par l’oracle et, depuis, traînait sa carcasse avec une touche d’insolence, d’indolence et un étrange pouvoir, celui de voir les naissances et les morts. Alors que le village est menacé par une horde de méchants, Ralph va se distinguer et apprendre par la même occasion qu’on lui a menti sur son histoire…

Ainsi commence cette nouvelle série signée par l’un des plus grands noms de la bande dessinée contemporaine, le sieur Lewis Trondheim. Et autant le dire tout de suite, ce premier tome est du Lewis Trondheim grand cru, imaginatif, délirant, jouissif, fantaisiste à souhait. Le cofondateur de la maison d’édition L’Association, cofondateur également du syndicat des auteurs de bande dessinée SNAC-BD, directeur de la collection Shampooing chez Delcourt, Grand prix de la ville d’Angoulême en 2006… et auteur de plus d’une centaine d’albums parmi lesquels Les Formidables Aventures de Lapinot, la fameuse saga Donjon, Les Cosmonautes du futur, Le Roi Catastrophe, Les Petits riens… inaugure ici une belle et grande saga d’heroic fantasy qui devrait ravir grands et moins grands et en tout état de cause les fans du Trondheim de la première heure ! E.G.

20 Avr

Coup d’œil express sur quelques ouvrages jeunesse parus ces dernières semaines…

 Et pour commencer, bienvenue à Yok-Yok, le nouveau personnage imaginé par Etienne Delessert, et lancé à la rentrée 2010. Il est déjà de retour avec quatre nouvelles aventures intitulées L’Escargot, Les Monstres, Les Bons et les mauvais et Le Chat qui parle trop. Coiffé de son désormais traditionnel bonnet rouge, le lutin Yok-Yok nous invite à des ballades pleines de charme, de surprises et de gaieté en compagnie de ses amis Noire la Souris et Josée la Chenille. Au fil des pages, on rencontre des escargots prêts à battre le record de vitesse, des chats vraiment très bavards, des champignons qui sont comestibles et d’autres non et même des animaux étranges qui peuvent faire peur. Un univers magique aux thèmes proches de la nature et au graphisme adorable ! Pour les enfants à partir de 3 ans…

Trotro aussi est de retour et il a un secret. Un vrai secret. Que personne ne connaît. Sauf peut-être… les fourmis. Et son chat Chouchou. Sans oublier les fleurs du jardin, mais aussi le soleil, les poissons… et… Trotro a un secret de Polichinelle. Mais que serait un secret si on ne pouvait pas le partager un peu ? Décliné en série animée diffusée sur Piwi, Trotro est un des personnages fétiches de Bénédicte Guettier. Pour les enfants de 3 à 7 ans.

Eblouissant ! Comme toujours. Dedieu est un artiste au talent multiforme qu’il faut absolument connaître. Il est l’auteur de plusieurs dizaines d’albums jeunesse, des albums aux styles, aux approches, aux thèmes, aux écritures très variés. Après les très remarqués Aagun, Le Roi des sables ou encore Le Maître des estampes, Dedieu nous propose avec Un Océan dans les yeux un magnifique récit mettant en scène un gardien de phare nullement pressé de partir à la retraite, au grand dam du ministère de la mer qui aimerait bien s’en débarrasser. Mais c’est la mer qui va avoir raison de lui et le renvoyer sur la terre ferme… Textes intelligents, illustrations somptueuses, mise en page élégante… Un Océan dans les yeux nous en met plein la vue. C’est du Dedieu !

Dans un style radicalement différent, Dedieu toujours vient de publier chez le même éditeur Mon premier code de la route, un album cartonné aux couleurs vives, aux illustrations rondes et drôles qui offrent une approche ludique des dangers de la route et des panneaux de signalisation. Bien utile !

Si je vous dit Mireille l’Abeille, vous pensez immédiatement à cet univers joyeux et poétique des drôles de petites bêtes créé il y a maintenant plus de quinze ans par l’immense Antoon Krings et qui se décline aujourd’hui en dessin animé, en livre-jeux, en livre-disques… et en romans. Justement, c’est dans la collection Folio cadet des éditions Gallimard jeunesse que vient de paraître Le Chouchou de Mireille l’Abeille, un livre spécialement conçu pour les enfants de 6 ans qui lisent tout seul. Une drôle de petite histoire qui raconte l’arrivée dans le jardin d’un lutin qui va semer la zizanie…

Hee Jin Song, jeune illustratrice fraîchement diplômée de l’Ecole supérieure d’art d’Epinal et déjà remarquée avec un premier ouvrage intitulé Les Pommes d’or, raconte ici l’histoire d’un ours pas comme les autres. Un ours qui n’en est pas un en fait, comme le lui rappelle un jour un jeune garçon. Il faut dire que cet ours là fait du cirque. Il est même jongleur. Mais à quoi peut bien ressembler un vrai ours, se demande-t-il un jour ? Et le voilà lancé dans une quête qui ne lui apportera pas de réponse mais l’amènera à trouver son propre chemin…Un univers sensible, humain, intelligent, relevé par des illustrations colorées et originales.

Dans le détail :

Yok-Yok, de Etienne Delessert. Editions Gallimard jeunesse. 6 euros pièce.

L’âne Trotro a un secret, de B. Guettier. Editions Gallimard jeunesse. 5,50 euros.

Un Océan dans les yeux, de Dedieu. Editions Seuil jeunesse. 15 euros.

Mon premier code de la route, de Dedieu. Editions Seuil jeunesse. 12,50 euros.

Le Chouchou de Mireille, d’Antoon Krings. Editions Gallimard jeunesse. 4,80 euros.

Un vrai ours, de Hee Jin Song. Editions Casterman. 13,95 euros.

18 Avr

L’incal de Jodorowsky et Moebius aux Humanoïdes Associés

 C’est un monument du Neuvième art, un trésor même comme le qualifie l’éditeur. Un trésor initialement publié dans les années 80, maintes fois réédité depuis et à nouveau sous les feux de l’actualité depuis janvier. Les Humanoïdes Associés ont en effet entamé la réédition des six volumes que compte L’Incal à raison d’un titre par mois. Mais quel peut bien être l’intérêt de cette énième réédition ? D’abord, de faire connaître la série aux plus jeunes lecteurs grâce à une nouvelle visibilité offerte aux différents titres chez les libraires. Ensuite, de permettre aux inconditionnels de John Difool, le personnage principal, de se replonger dans ses aventures futuristes avec les couleurs d’origine, restaurées pour l’occasion, des couleurs qui sont dans l’œuvre de Moebius d’une importance capitale. Et le plaisir de lecture est bien au rendez-vous avec cette œuvre majeure autour de laquelle gravite aujourd’hui les séries parallèles Avant l’Incal, Après L’Incal et La Caste des Méta-Barons… L’album Ce qui est en haut, sorti en avril, devrait être suivi en mai et juin par La Cinquième essence, première et deuxième partie. Un grand classique de la BD de science fiction ! E.G.

14 Avr

Les Poils, de Grégory Mardon. Editions Dupuis. 18 euros.

Il l’aime. Elle l’aime. Et c’est pour la vie. Du moins Gladys le jure-t-elle ! Alors, que demander de plus ? Fabrice devrait être un homme comblé. Une femme amoureuse et fidèle, un enfant adorable, un travail… Tout est vraiment parfait. Peut-être trop parfait ! Fabrice aimerait aujourd’hui un peu plus de surprise, de suspense, d’inattendu dans sa vie bien réglée. Mais que faire pour changer tout ça, relancer la machine, casser le rythme ? « Fais un truc bizarre… », lui conseille un ami, « Rase-toi la tête ». Pourquoi pas après tout ! Fabrice, lui si velu, va donc se raser. Et pas seulement la tête, le corps entier ! Pour Gladys, c’est le choc. Mais sera-t-il salutaire ?

Après Victimes parfaites, Cycloman, Corps à corps, Leçon de choses, Grégory Mardon poursuit l’exploration du quotidien, de l’intime même, avec Les Poils, une comédie de moeurs drôle et sensible, légère et intelligente, qui met en scène la vie de couple confronté à l’usure du quotidien. A noter qu’à l’occasion de la sortie de ce nouvel album, les éditions Dupuis rééditent Leçon de choses avec une maquette identique, un même dos rond et le même sous-titre bien pensé : L’extravagante comédie du quotidien. Un auteur incontournable ! E.G.

13 Avr

Scarface, de Christian de Metter d’après le roman d’Armitage Trail. Editions Casterman. 18 euros.

Pour les amateurs de littérature, de cinéma et plus spécifiquement de polar, Scarface est un monument ! Ecrit dans les années 20 par Armitage Trail, il a été plusieurs fois adapté au cinéma, notamment par Howard Hawks en 1932 et par Brian de Palma en 1983 avec Al Pacino dans le rôle principal. Et pour son adaptation en bande dessinée, c’est Christian de Metter qui s’y colle aujourd’hui, Christian de Metter qui a commencé à réaliser des albums de bande dessinée au début des années 2000, il y a une dizaine d’années seulement, et qui est déjà considéré comme l’une des plus belles signatures du Neuvième art. Résultat des courses : cette adaptation est un petit bijou graphique et narratif qui se dévore de la première à la dernière page. Et plus encore… ! Car l’auteur de Emma, Dusk, Le sang des Valentines, Le Curé, Vers le démon, Marylin de l’autre côté du miroir et de l’adaptation – déjà – de Shutter Island en BD, est un perfectionniste, un amoureux du travail bien fait, des atmosphères bien noires, des intrigues complexes qui embarquent le lecteur loin, très loin. Sous son pinceau, Tony Guarino s’anime de magnifique manière et nous sert de guide dans ce monde infâme et violent de la pègre du côté de Chicago. Une histoire qui finit mal… forcément ! E.G.

10 Avr

Haarmann le boucher de Hanovre, de Kreitz et Meter. Editions Casterman. 14 euros.

Ne pas inquiéter inutilement la population ! C’est la priorité que s’est donnée la police de Hanovre lorsqu’elle découvre, à l’occasion de travaux de curage dans un cours d’eau de la ville, une quantité incroyable d’ossements humains. Des ossements auxquels on aurait visiblement retiré la chair. Mais pour quoi faire ? A Hanovre, comme dans le reste de l’Allemagne à cette époque – nous sommes en 1924 – la population subit de plein fouet la crise économique et chacun doit se débrouiller pour subvenir aux besoins de sa famille. Fritz Haarmann, homosexuel notoire, fripier, est aussi indicateur de police et vendeur de viande sous le manteau. Une viande deux fois moins cher qu’ailleurs mais à l’origine plutôt douteuse. Alors, bien sûr, chez lui, c’est le défilé permanent de gens qui veulent acheter mais aussi de jeunes garçons isolés que Fritz récupère à la gare. Et ces jeunes gens, personne ne les voit jamais ressortir… De là à imaginer des choses…

Glacial ! Cette histoire véridique du tueur en série le plus célèbre d’Allemagne, responsable de la mort de vingt-quatre jeunes gens, est magistralement mise en scène par le tandem allemand constitué d’ Isabel Kreitz, prix du meilleur auteur de bande dessinée au festival d’Hambourg en 1997, et de Peer Meter. Un graphisme en noir et blanc influencé par Will Eisner, des décors minutieusement reconstitués, une narration particulièrement efficace, des personnages à vous glacer le sang… dès les premières pages de cet album, le lecteur se retrouve plongé corps et âme dans une atmosphère particulièrement lourde, sordide, effrayante… et en même temps fascinante. Un album qui nous permet de découvrir des auteurs d’outre-Rhin. Et c’est finalement assez rare pour le signaler ! E.G.

04 Avr

Au temps de Botchan et Les Années douces, deux Taniguchi chez Casterman…

L’Homme qui marche, Le Journal de mon père, Dans un ciel radieux, Le Gourmet solitaire, Le Promeneur, Un Zoo en hiver et le plus célèbre d’entre tous, récemment adapté au cinéma, Quartier lointain… Ce sont là quelques-uns des albums signés par l’un des plus grands auteurs japonais contemporains, l’immense Jirô Taniguchi. Nous le retrouvons cette fois en compagnie de Natsuo Sekikawa autour d’un récit particulièrement dense intitulé Au temps de Botchan, un récit qu’ils ont mis douze ans à finaliser. Publié au Japon dès 1987, une première fois en France entre 2002 et 2006 aux éditions du Seuil,  Au temps de Botchan est une fresque extraordinaire qui  nous entraîne dans le Japon du début du XXè siècle, un Japon de transition qui s’ouvre à la modernité et reste en même temps profondément attaché à ses traditions. L’histoire commence en novembre 1905 donc, du côté du quartier de Sendagi, à Tôkyô, où Natsume Soseki, l’écrivain japonais le plus représentatif de cette transition, alors de retour d’Angleterre, entreprend l’écriture de son œuvre la plus célèbre : Botchan.  Comme toujours, Jirô Taniguchi nous émerveille, nous ensorcelle même, avec son trait délicat, largement influencé par la bande dessinée franco-belge, et ce ton posé, réfléchi, imposé par le scénariste Natsuo Sekikawa et qu’on retrouvera dans toute l’œuvre de Jirô Taniguchi. Une immersion au cœur du Japon mais aussi au cœur de la création littéraire…

Quelques semaines avant la sortie de l’album Au temps de Botchan, les éditions Casterman ont publié, toujours dans la fameuse collection Ecritures, le second volet du récit Les Années douces, adapté du roman de la Japonaise Hiromi Kawakami et nous immergeant dans un Japon beaucoup plus contemporain cette fois mais toujours aussi étonnant pour nous, européens. Sur près de 400 pages, Jirô Taniguchi développe ici une très belle histoire d’amitié entre deux personnages, une jeune trentenaire prénommée Tsukiko et un vieux professeur, de trente ans son aîné. Au hasard des rencontres, les protagonistes vont développer une complicité, improviser des sorties, jusqu’au jour où le professeur invite la jeune femme à partir en voyage avec lui… Une magnifique histoire, parfois mélancolique, toujours pudique, qui nous interpelle sur la magie des sentiments ! E.G.

Dans le détail :

Au temps de Botchan (tome 1), de Taniguchi et Sekikawa. Editions Casterman. 16 euros.

Les Années douces (tome 2), de Taniguchi et Kawakami. Editions Casterman. 16 euros.