26 Nov

Coup de Tête : une collection qui aime le sport, tous les sports

Sport et bande dessinée ont toujours fait bon ménage. Les aventures de Michel Vaillant en sont peut-être le symbole le plus éclatant. Avec cette nouvelle collection baptisée Coup de Tête, les éditions Delcourt ne font que confirmer la chose en mettant le sport au coeur des histoires, au coeur de l’Histoire…

La boxe avec L’Enragé ou Mon père était boxeur, le football avec Louca ou Un maillot pour l’Algérie, le basket ball avec Basket Dunk, le rugby avec Les Rugbymen et bien évidemment la course automobile avec la série Michel Vaillant de Graton… oui, le sport a toujours été très présent dans les histoires en bandes dessinées.

Alors qu’apporte de plus cette collection qui par ailleurs pourrait nous laisser penser par son nom qu’elle s’intéresse uniquement au football , ce qui n’est pas le cas ? « Un lieu qui encourage, motive, suscite les vocations des belles plumes et rassemble les talents de raconteurs en images… », précisent Louis-Antoine Dujardin et Kris, les deux éditeurs à son origine, « il manquait une équipe, un stade, un entraîneur, un public. Coup de Tête, la nouvelles collection des éditions Delcourt et ses auteurs et autrices se proposent d’être cette belle équipe, ce stade-écrin pour raconter le sport, qui lui-même raconte notre monde ».

Deux albums sont d’ores et déjà disponibles, Croke Park et Jujitsuffragettes, le premier nous embarque pour l’Irlande où l’histoire sanglante du pays s’imbrique avec l’histoire du rugby, le second se déroule dans le contexte de l’Angleterre des années 1910 et nous raconte le destin d’Edith Garrud qui a formé les gardes du corps des suffragettes et en cela contribué à l’acquisition du droit de vote des femmes. Dans les deux cas, le récit s’avère particulièrement documenté et le dessin pour le moins séduisant.

Dans les titres à paraître en 2021 et 2022, il sera question de football, de boxe, de canoë, de football américain, de sumo, de catch et de tennis, des histoires de sport, des histoires d’hommes et de femmes, des histoires de notre monde. Belle idée !

Eric Guillaud 

Croke Park, de Sylvain Gâche et Richard Guérineau. Delcourt. 21,90€

JujitSuffragettes, de Lisa Lugrin, Clément Xavier et Albertine Ralenti. Delcourt. 21,90€

25 Nov

Inhumain : un space opera philosophique signé Bajram, Mangin et Rochebrune

Vous rêviez d’un autre monde ? En voici un tout droit sorti de l’imagination fertile de Denis Bajram, Valérie Mangin et Thibaud de Rochebrune, un monde sans conscience ni mémoire, un monde déshumanisé. De quoi se dire qu’on est pas si mal ici…

À voir la – très belle – couverture de cet album, on pourrait croire nos protagonistes débarqués sur la plage d’une île oubliée de la civilisation quelque part dans l’océan pacifique. Mais non ! En éclaireurs d’une arche de colonisation, ils ont vu leur vaisseau se scratcher sur une planète océan lointaine et bien différente de la nôtre. Sauf qu’ils vont y être accueillis par des êtres humains en tout point physiquement semblables à eux, à nous, des êtres qui ne montrent aucune hostilité, quoique légèrement cannibales, et qui font preuve d’une docilité sans faille face au Grand Tout, un être mystérieux. Personne ne l’a jamais vu mais il régit la vie d’ici, une vie qui s’organise autour de l’eau, du feu, de la terre et de l’air.

D’où viennent-ils ? Que font-ils ? Comment vivent-ils ? De quoi rêvent-ils ? Et qui est ce Grand Tout ? C’est ce que vont tenter de découvrir les rescapés du vaisseau en essayant à leur tour de ne pas succomber à la tentation de soumission générale…

Retour à la science fiction pour le tandem Bajram / Mangin, précédemment et notamment responsable des albums Expérience mort (Ankama), Abymes (Dupuis), Les Mémoires mortes (Humanoïdes Associés) et Trois Christs (Quadrants) avec ici la collaboration du dessinateur Thibaud de Rochebrune qui, de son trait fin et précis, nous plonge corps et âme dans cette histoire à haut potentiel de réflexion sur l’avenir de notre humanité. Deviendrons-nous nous aussi de parfaits petits robots ? Réponse bientôt !

Eric Guillaud 

Inhumain, de Bajram, Mangin et Rochebrune. Dupuis. 24,95€

20 Nov

Carnets secrets et Instants volés : deux beaux livres, deux grands auteurs de la BD, deux regards sur la femme

André Juillard et Jean-Claude Götting : deux noms, deux styles, deux grands auteurs du neuvième art. Avec ces magnifiques livres, l’un et l’autre nous ouvrent leur atelier respectif et leur jardin secret, des croquis d’un côté, des peintures de l’autre, et la femme au centre des attentions.

Des femmes, André Juillard en a dessiné énormément dans ses albums de bande dessinée, que ce soit Léna, Cahier bleu, Les 7 vies de l’Epervier ou encore Mazek. Mais de cette façon, jamais. Ici, le trait est libéré des contraintes et des codes du neuvième art. La seule chose qui l’importe comme il l’écrit au début de l’ouvrage est de « témoigner de la séduction de ce qu’il voit… ».

Et de fait, non seulement l’auteur – l’artiste – témoigne de la séduction de ce qu’il voit mais il nous séduit à son tour avec des croquis sans artifices, réalisés avec un crayon de bois et graphite sur du papier. Peu d’encrage, quelques traits de couleurs, juste « l’élégance et la délicatesse du dessin » pour reprendre les mots de sa femme Anne Juillard en préface.

Dans ce magnifique livre de plus de 400 pages ont été réunis dix-sept de ses carnets sur lesquels il dessine depuis toujours. Comble de bonheur, l’auteur apporte ici et là quelques commentaires aux dessins, une façon de nous inviter plus encore dans son atelier, dans son intimité. Au fil des pages, on découvre des femmes, beaucoup de femmes, héroïnes de ses bandes dessinées ou non, mais aussi des paysages, des clins d’oeil à ses maîtres anciens, Klimt, Helmut Newton, Antoine Watteau… Un ouvrage indispensable pour tous les amoureux de ce grand monsieur de la bande dessinée.

Jean-Claude Götting, c’est d’abord un trait, reconnaissable entre tous, un trait épais, tellement épais qu’il ne peut que marquer et interroger les esprits. Dès ses premiers albums, Crève coeur en tête, l’auteur marque le territoire du neuvième art de son style graphique unique, un trait épais donc, des planches charbonneuses en noir et blanc, des atmosphères intenses.

© Champaka Brussels / Götting

Pour ses peintures, il garde le trait épais mais passe à la couleur. Le résultat ? Il nous est offert dans ce livre paru chez Champaka Brussels, maison d’édition spécialisée dans l’édition d’art liée au monde de la bande dessinée. Autant vous dire que Jean-Claude Götting ou tout au moins ses peintures étaient entre de bonnes mains.

L’écrin est splendide, 120 pages couleurs, un frontispice signé par l’auteur, 999 exemplaires numérotés. Et dans cet écrin, 80 peintures parmi ses plus récentes, autant de portraits de femmes inconnues imaginées, fantasmées,  pensives, assoupies, sereines ou mélancoliques mais belles, toujours belles, des instants volés, des scènes intérieures, sophistiquées, intimistes au charme fou, qui peuvent rappeler tel ou tel courant pictural, tel ou tel réalisateur de cinéma, mais qui sont uniques, par le trait et les couleurs de Götting. « La couleur est venue… », écrit Sandrine Saint-Marc en préface, « le trait noir est resté. Il cerne, il délimite, il souligne et découpe les espaces, les formes, les plans : le trait est fondateur ».

Une chose est certaine, on pourrait regarder ces portraits pendant des heures, laisser nos pensées s’envoler, comme à l’écoute d’un bon disque. Rien d’étonnant, il y a comme une petite musique dans ses peintures, une petite musique qui nous prend par les émotions.

Eric Guillaud

Instants volés, de Jean-Claude Götting. Champaka Brussels / Dupuis. 55€

Carnets secrets, d’André Juillard. Editions Daniel Maghen. 59€

17 Nov

Le deuxième volet du Dernier Atlas en sélection officielle au prochain Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême

Quarante-quatre albums concourront cette année dans la prestigieuse sélection officielle du Festival d’Angoulême 2021, 44 albums et parmi eux le deuxième volet du Dernier Atlas réalisé par une équipe d’auteurs nantais…

Comme chaque année, et malgré la crise sanitaire actuelle, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a dévoilé ce matin sa sélection officielle pour une édition 2021 qui se jouera en deux temps, la mise en avant du palmarès fin janvier et un festival sur site qui « explorera des propositions artistiques inédites et s’intégrera dans l’opération Partir en livre du CNL ». espéré par tous du 24 au 27 juin.

Dans la sélection officielle figurent 44 albums, notamment Aldobrando de Luigi Critone et Gipi, L’Accident de chasse de Landis Blair et David L. Carlson, Beaume du Tigre de Lucie Quéméner, Bolchoi Arena de Aseyn et Boulet, Kent State, quatre morts dans l’Ohio de Derf Backderf, Rusty Brown de Chris Ware… et le deuxième volet du Dernier Atlas signé par la brillante équipe nantaise constituée de Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann, Fred Blanchard et de la coloriste Laurence Croix. 

Une bonne nouvelle d’autant que Le premier volet du Dernier Atlas figurait déjà dans la sélection officielle de la 47e édition du festival en 2020 et qu’il avait permis la même année aux co-scénaristes Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann de remporter le prix René Goscinny.

À la sélection officielle et ses 44 albums qui concourront dans six catégories dont le Prix du Public France Télévisions, s’ajoutent la sélection Patrimoine avec 7 albums, la sélection 8-12 ans, 8 albums, la sélection 12-16 ans, 8 albums dont l’excellent Serment des Lampions de Ryan Andrews, la sélection Fauve Polar SNCF, 7 albums, et enfin la sélection Fauve des lycéens, 15 albums.

Quel est l’album qui succédera à Révolution de Grouazel et Locard, Fauve d’or prix du meilleur album en 2020 ? Réponse le vendredi 29 janvier 2021.

Eric Guillaud

Fleur de Tonnerre : Cornette et Jürg adaptent le roman de Jean Teulé

On parle souvent de tueurs en série, rarement de tueuses, en voici pourtant une et pas des moindres, la Bretonne Hélène Jégado dit Fleur de Tonnerre, accusée du meurtre de 37 personnes et guillotinée en 1852…

C’est un peu Arsenic et vieilles dentelles cette histoire, des dentelles bretonnes bien sûr. Une histoire vraie qui débute au début du XIXe siècle pour s’achever brutalement en son milieu avec une empoisonneuse guillotinée et un nombre indéterminé de victimes.

Certains parlent d’une trentaine, d’autres de beaucoup plus, des femmes, des hommes, des jeunes, des très jeunes, des vieux, des domestiques, des curés et même la soeur de Fleur de Tonnerre… bref tous ceux et celles qui ont eu le malheur de croiser sa route et de se laisser tenter par ses bons petits plats agrémentés d’arsenic.

C’était une manie chez elle, comme d’autres rajoutent du sel sans même avoir goûté le plat, Fleur de Tonnerre glissait un peu d’arsenic ici et là histoire d’entretenir la réputation de l’Ankou dont elle croyait être la réincarnation.

D’abord porté au cinéma par Stéphanie Pillonca, le roman de Jean Teulé est cette fois adapté en bande dessinée par le tandem Cornette – Jürg précédemment responsable de Ziyi paru en 2013 aux éditions Scutella. On pouvait s’attendre, vu le sujet, à une dessin hyper-réaliste et une atmosphère pesante, étouffante.

Ce n’est pas vraiment le cas, les auteurs ont choisi d’établir une certaine distance avec l’horreur des faits par une touche d’humour, noir et grinçant bien évidemment, que ce soit dans le trait ou l’écriture. Il n’en reste pas moins que le personnage est franchement inquiétant, l’histoire, à pleine croyable, et l’album, patiné d’atmosphères bretonnes.

Eric Guillaud

Fleur de Tonnerre, de Cornette et Jürg. Futuropolis. 20€

© Futuropolis / Cornette & Jörg

16 Nov

Humour à volonté avec l’autrice angevine Mathou!

Grisaille, pluie, froid… et covid-19, nul besoin de s’appeler Nostradamus pour prédire que les prochains mois ne seront pas des plus folichons et nécessiteront une double dose de vitamines. Pour ça, nous avons ce qu’il vous faut et sans prescription médicale…

Un peu d’humour ne fait jamais de mal. En ces temps incertains, il devrait même être déclaré bien de première nécessité et remboursé par la Sécurité sociale.

La suite ici

15 Nov

Punisher : Soviet ou la guerre, la putain de guerre

La série Punisher a toujours été un électron libre de la galaxie Marvel, un vigilante comme on dit en anglais qui se contrefout des lois et encore moins des règles tant qu’il s’agit de punir les ‘méchants’, quels qu’ils soient. Pas de super-pouvoirs ni d’invasion extra-terrestres ici, juste une réalité sale et perverse, la réalité de la guerre et de ses multiples dommages collatéraux. Et dans cette mini saga, Frank Castle alias le Punisher va devoir encore une fois se salir les mains…

Brutal. C’est en général le premier mot qui vient à l’esprit en parlant du Punisher et c’est particulièrement vrai dans cette mini-série de six épisodes réunis ici dans un seul volume dont la toile de fond est la trop peu souvent évoquée guerre en Afghanistan dans les années 80. Comme le rappelle justement Soviet, ce conflit fut pour le régime soviétique et surtout sa jeunesse qui y fut envoyée pour servir de chair à canon l’équivalent de ce que fut la guerre du Vietnam pour les américains : une guerre absurde et plus particulièrement violente dont personne n’est sorti vainqueur mais où tout le monde a morflé, physiquement et moralement.

© Marvel/Panini Comics – Jacen Burrows et Garth Ennis

Tout commence lorsque Castle découvre que les truands russes après lesquels il court sont massacrés un par un par quelqu’un d’autre. Il finit par rencontrer le coupable, un ancien soldat russe traumatisé par son expérience en Afghanistan. Ce dernier a décidé de se venger d’un ancien gradé, aujourd‘hui devenu homme d’affaires en recherche de respectabilité, une ordure qui avait vendu son unité aux talibans en échange d’argent. Le Punisher accepte de s’allier avec lui pour remonter à la source en laissant pas mal de cadavres sur le bas côté pendant que les services secrets américains, eux, décident de regarder ailleurs.

La première surprise de ce récit est le choix du dessinateur Jacen Burrows qu’on avait découvert dans le très fouillis Providence d’Alan Moore. Son style très propre et un chouia rigide ne semble d’abord pas collé au ton très noir mais finit par renforcer le côté très déshumanisé des personnages. Et lorsqu’il s’agit d’être très frontal dans la violence, il réussit aussi bien à nous envoyer à la gueule des images difficilement supportables qu’à suggérer.

© Marvel/Panini Comics – Jacen Burrows et Garth Ennis

L’autre surprise, c’est de retrouver au scénario, le co-créateur de Preacher Garth Ennis. Certes ce dernier avait déjà flirté avec cet anti-héros mais il impose ici une nouvelle fois ses obsessions, comme celle des individus écrabouillés par le système ou la corruption généralisée, quitte à presque réduire Frank Castle à un rôle d’observateur pendant la première moitié du récit avant de lui laisser reprendre la main pour parachever l’œuvre de son acolyte du moment.

Plus que jamais, le Punisher tranche donc ici avec ses copains super-héroïques : pas d’envolées lyriques ni de leçon de morale mais une vendetta particulièrement violente où chacun redouble de sadisme, inclus Frank Castle, bloc inexpressif et sans pitié. Brutal on vous dit.

Olivier Badin

Punisher : Soviet de Jacen Burrows et Garth Ennis. Marvel/Panini Comics. 18 euros 

09 Nov

Les Tuniques Bleues : Munuera et Beka reprennent les rênes de la mythique série

Pour certains, c’est une aberration, pour tous c’est une révolution, Les Tuniques Bleues changent de mains le temps d’un épisode et plus si affinité après que le scénariste historique de la série, Raoul Cauvin, ait décidé de se retirer avec un bilan plus qu’honorable sur la série : 52 ans de bons et loyaux services, 63 scénarios, des millions d’exemplaires vendus à travers le monde… et un sacré héritage !

Impensable, indécent, scandaleux, méprisable… On les entend d’ici les puristes intégristes du neuvième art furieux de la sortie de ce nouvel opus des Tuniques Bleues non estampillé Cauvin et Lambil. On les entend mais le fait est que Raoul Cauvin a décidé d’arrêter la série, que Lambil a besoin de temps pour digérer la nouvelle et que les éditions Dupuis, qui sont désormais propriétaires de la série, n’ont pas l’intention de laisser filer l’année 2020 sans un album.

Alors, Zorro, non pardon Munuera et Beka sont arrivés, avec leurs grands stylos et leurs grands pinceaux pour réaliser un 65e album baptisé L’Envoyé spécial. Un 65e album ? Oui, Madame, un 65e album, le 64e étant réservé au prochain ET dernier opus signé Lambil et Cauvin qui devrait sortir en 2021 et dont les deux premières planches figurent en exclusivité dans les derniers pages de L’Envoyé spécial.

© Dupuis / Munuera & Beka

Et donc, que penser de cet album de Munuera et Beka ? Bien évidemment, comme disait l’autre, reprendre c’est trahir, au moins un peu. C’est le cas ici et c’est plutôt rassurant. Mieux vaut avoir aux manettes d’une telle reprise des amoureux de la série qui cherchent à y mettre leur griffe, leur style graphique (plus enlevé!), leur style d’écriture, de découpage (plus moderne), plutôt que des professionnels du pastiche qui nous apporteraient rien de plus et nous feraient simplement regretter le bon temps.

Mais qu’on se rassure, l’un et l’autre, le scénariste et le dessinateur, ont fait en sorte de conserver l’esprit de la série autour de nos deux héros ou plutôt anti-héros Blutch et Chesterfield, accompagnés ici d’un journaliste du Times qui a réellement existé, William Howard Russell, considéré comme le premier correspondant de guerre de l’histoire. Blutch et Chesterfield sont chargés de sa protection sur le front mais pas seulement tant l’homme et ses écrits semblent déranger les forces en présence. Ah… ces journalistes !

© Dupuis / Munuera & Beka

Humour, action, anti-militarisme et réflexion autour des médias… ce nouvel opus des Tuniques bleues est une belle réussite.

Et pour tous les amoureux de Lambil, de son trait affuté, les éditions Dupuis viennent de publier une série d’entretiens inédits entre l’auteur d’un côté, Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault de l’autre. Il y est bien sûr question de sa jeunesse, de ses premiers dessins, de ses lectures, de ses débuts chez Dupuis, de sa première planche des Tuniques Bleues publiée en 1973 dans le journal Spirou, de son appréhension de dessiner les bateaux, mauvais souvenir d’une profonde dépression, de l’arrêt de Cauvin et de son désir malgré tout de poursuivre :

« Pendant des  semaines, je n’ai pas pu retourner à ma planche à dessin. Arrêter ? Continuer sans lui ? Je ne me voyais pas travailler avec quelqu’un d’autre, ça a été très compliqué… ».

© Dupuis / Munuera & Beka

Plus de 200 pages à l’iconographie remarquable, le témoignage passionnant d’un sacré bonhomme et d’un grand dessinateur sur le travail de toute une vie et plus globalement sur le milieu de la bande dessinée.

Eric Guillaud

Les Tuniques bleues, L’Envoyé spécial, de Munuera et Beka. Dupuis. 10,95€

Lambil, une vie avec les Tuniques bleues, de Christelle et Bertrand Pissavy Yvernault. Dupuis. 39€

08 Nov

Sélection officielle Angoulême 2021. Rusty Brown : le nouvel album de Chris Ware en temps et en heure malgré le reconfinement

Tenir un nouvel album de Chris Ware entre les mains, c’est un peu Noël avant l’heure, l’assurance d’un instant magique, mélange de lecture et de contemplation, de délectation et d’admiration. Car oui, les albums de l’auteur américain, Alph’Art du meilleur album en 2003 pour Jimmy Corrigan, sont des bijoux d’écriture, de graphisme, de narration et de conception. Rusty Brown n’échappe pas à la règle…

À l’heure du reconfinement et du chamboulement des calendriers de sorties, le nouvel opus de Chris Ware aurait très bien pu finir sagement rangé quelque part dans un entrepôt en attendant des jours meilleurs. Mais heureusement pour les nombreux admirateurs de l’auteur américain, le livre se trouvait sur le chemin des librairies lorsque les nouvelles mesures pour lutter contre la covid-19 sont tombées. De fait, vous pouvez dès aujourd’hui commander votre exemplaire dans toutes les bonnes librairies converties au click and collect et le récupérer contre 49,95€, oui tout de même, autant dire 50€, c’est cher, très cher, mais franchement mérité.

© Delcourt / Chris Ware

Il faut dire que Chris Ware ne fait pas dans la demi-mesure. Chacune de ses réalisations est le résultat d’un travail de longue haleine, ce qui explique le relatif petit nombre d’albums publiés de ce côté-ci de l’Atlantique, cinq à ce jour, Jimmy Corrigan (paru en France en 2002), Quimby the Mouse (2005), ACME (2007), Building Stories (2014) et donc Rusty Brown aujourd’hui, des albums qui sont plus précisément des recueils de périodiques et comic books parus aux États-Unis au fil des ans dans la collection Acme Novelty Library.

© Delcourt / Chris Ware

Avec toujours un extrême souci du détail dans le fond comme dans la forme ! L’oeuvre de Chris Ware se distingue par le soin apporté à la conception du livre et au choix du format, par la narration, exigeante et innovante, par le graphisme d’une incroyable méticulosité, une ligne claire raffinée proche de la perfection, et par ses histoires qui mettent en scène des gens ordinaires avec leurs faiblesses, leurs doutes, leurs angoisses, dans un monde tout aussi ordinaire mais où les connexions humaines deviennent de plus en plus complexes.

© Delcourt / Chris Ware

Un format à l’italienne, avec Jaquette-poster et dos toilé orange, une narration mettant en parallèle deux histoires distinctes jusqu’à leur point de rencontre, un récit que l’on présente comme la suite spirituelle et auto-fictionnelle de Jimmy Corrigan... Rusty Brown est ni plus ni moins une nouvelle démonstration de l’immense talent de son auteur, un regard nostalgique et acéré sur notre monde autant qu’une exploration toujours plus poussée des potentialités du neuvième art. Joyeux Noël !

Eric Guillaud

Rusty Brown, de Chris Ware. Delcourt. 49,95€