Ils ont été imaginés, écrits, dessinés dans la région mais nous emmènent parfois loin derrière l’horizon. Aventure, humour, science-fiction… voici six albums ligériens qui ont marqué la rentrée…
30 Sep
30 Sep
Ils ont été imaginés, écrits, dessinés dans la région mais nous emmènent parfois loin derrière l’horizon. Aventure, humour, science-fiction… voici six albums ligériens qui ont marqué la rentrée…
Certains pourraient dire que pour le meilleur et pour le pire, tout est ici contenu dans le titre du livre : Wolverine, en noir, blanc et sang (rouge). Et c’est plutôt bien vu, même si on y a ajouterait le format A3, imposant et qui met encore plus en valeur cet espèce d’exercice de style décliné donc sur douze courtes histoires par douze équipes artistiques différentes. Les vieux fans seront contents de retrouver dans le lot le vétéran Chris Claremont, scénariste historique de la saga X-men entre 1975 et 1991.
Le personnage Wolverine, ou Serval tel qu’il était appelé en VF lorsqu’il a débarqué en France dans les pages de Strange, a toujours été l’un des plus populaires de la série X-Men. Notamment grâce à sa virilité assumée mais aussi à cause du caractère torturé de ce mutant aux capacités de régénération quasi-infinies et armé d’un squelette en adamantium, la même matière quasi-invincible avec laquelle le bouclier de Captain America a été fabriqué. Mais surtout, Wolverine a amené avec lui un élément de sauvagerie et de violence incontrôlée jusqu’à plutôt absent chez les élèves du professeur X.
Et c’est justement sur ce dernier élément que l’accent est mis ici, histoire de miser à fonds sur le concept du jour, avec une surabondance d’hémoglobine. Après, comme souvent dans ces œuvres collectives, il y a à boire et à manger. Mais c’est (forcément) lorsque les auteurs ont joué le jeu à fonds que cela marche mieux. Le meilleur exemple ici reste le très figuratif 32 Guerriers Et Un Cœur Brisé, scénarisé et dessiné par Jorge Fornés mais dénué de tout dialogue, comme pour mieux laisser parler les images. Ou encore Vacances Sauvages où Paulo Siquiera (Spider-Woman) profite du pitch un peu improbable (Wolverine face à un T-Rex !) pour se lâcher sur des dessins pleine page.
Pour le reste, même si elles s’enchaînent sans vraie distinction marquée, chaque histoire est indépendante, a sa propre patte et utilise à sa façon des personnages de la ‘mythologie’ Wolverine. Une façon ludique mais aussi très graphique d’explorer ce personnage culte.
Olivier Badin
Wolverine : Black, White & Blood, collectif. Panini Comics/Marvel. 26 euros.
25 Sep
Il est des bandes dessinées qui nous transportent en voyage avant même qu’on les ait ouvertes et lues, à leur seule évocation. C’est le cas de Théodore Poussin, série quasi-mythique du génial Frank le Gall initiée en 1987, laissée en suspens pendant plus d’une décennie et revenue à nous en 2018 avec Le Dernier voyage de l’Amok. Le prochain album prévu pour 2022 s’appelle Aro Satoe. Histoire de patienter intelligemment, les éditions Dupuis nous invitent dans les coulisses de sa création avec les Cahiers Théodore Poussin dont le deuxième volet sort début octobre. L’occasion unique de se (re)plonger dans l’univers de Théodore et d’apprécier au plus près le travail de l’auteur et son trait divin. Attention collector, présentation sous jaquette, tirage limité à 2500 exemplaires, accompagné d’illustrations inédites et de reproductions de tableaux signés Frank Le Gall. E.G. (Cahiers Théodore Poussin volume 2/3, de Frank Le Gall. Dupuis. 13€. En librairie le 1er octobre)
Il est gros, il est beau et il sent bon la science-fiction, Métal Hurlant renait de ses cendres pour nous apporter la bonne parole, celle d’un futur rêvé ou redouté, celle en tout cas d’un imaginaire débridé.
Souvenez-vous, il y a quarante-six ans, sous l’impulsion de Jean-Pierre Dionnet naissait Métal Hurlant première génération dans les pages duquel se sont relayés les plus grands noms du neuvième art, de Druillet à Moebius, en passant par Schuiten, Jodorowsky, Arno, Bilal, Tardi, Gotlib, Burns, Chaland ou encore Pratt. Le mythe était né mais le magazine ne vécut qu’une douzaine d’années. Il disparaît une première fois en juillet 1987, réapparait de juillet 2002 à octobre 2004, avant de revenir pour un ultime numéro en 2006.
Au menu de ce (re)nouveau magazine : 288 pages dont 225 d’histoire courtes en BD signées Ugo Bienvenu, Fabien Vehlmann, Jeremy Perrodeau, Sylvain Runberg, Brian Michael Bendis… et 60 d’articles et interviews, avec pour invités les incontournables Bilal et Demasio qui s’interrogent sur le futur et surtout sur la vision et son évolution que nous en avons, que les artistes ont. Le futur, c’est maintenant. Parution en librairie le 29 septembre, en kiosque le 30 septembre.
Eric Guillaud
24 Sep
Vingt-sept ans d’existence, dix-huit albums, les aventures de Jojo dessinées et scénarisées par Geerts ont irréfutablement marqué les lecteurs du journal de Spirou. Avec sa petite frimousse toute ronde, sa casquette verte, ses petites histoires du quotidien, sa grand-mère, sa bande de copains, son papa, Jojo nous parle de l’enfance, de l’amour, de l’amitié mais aussi de l’absence, en l’occurrence, de l’absence de sa mère, le tout avec beaucoup de douceur jusque dans le trait et une belle touche de poésie.
Même frimousse, même douceur et même touche de poésie dans la série Mademoiselle Louise qui fait son apparition sur les étagères de nos amis libraires en 1993. Une belle couverture rouge, une ambiance de Noël, et une gamine pleine d’énergie devant une nounou bienveillante. La différence entre les deux univers ? Le sexe du personnage principal et le milieu social. Autant celui de Jojo était plutôt modeste, autant celui de Mademoiselle Louise est aisé. Louise est « une pauvre petite fille riche », avec un père trop souvent en voyage d’affaires qui la laisse seule dans la grande maison familiale, seule avec Millie, sa nounou. Une nouvelle occasion pour Geerts de parler de la solitude mais aussi des inégalités sociales.
Ce recueil réunit l’intégralité des albums de la série, soit quatre volumes, accompagnés d’un épais dossier d’une quarantaine de pages avec illustrations, photographies et extraits d’interviews des auteurs. Toujours aussi divin !
Eric Guillaud
Mademoiselle Louise, Intégrale, de Geerts et Salma. Dupuis. 35€
21 Sep
20 Sep
Comment peut-on se laisser embarquer dans une telle histoire, se retrouver dans un pays en guerre comme l’Afghanistan, dans un camp d’entrainement où on ne ménage pas les hommes, avec pour horizon de se battre et pourquoi pas de se porter candidat à un attentat suicide ?
Faut-il avoir des prédispositions ? Faut-il être en guerre contre soi-même ou contre le monde entier ? Non, et c’est le premier enseignement de ce livre paru chez Delcourt et signé Jérémie Dres. Mourad Benchellali et Nizar Sassi sont deux jeunes garçons ordinaires, non radicalisés.
Le père de Mourad était agent d’entretien à Renault avant de devenir imam prêchant au départ un islam traditionnel avant de basculer dans un islam plus conservateur. Mais pour autant, Mourad n’était pas très religieux dans l’âme. Nizar, lui, a été nourri aux séries américaines, Starsky et Hutch, Deux Flics à Miami... Il en a gardé une passion pour les armes à feu et pour le métier de policier qu’il n’exercera finalement pas. Le seul point commun entre les deux : le quartier des Minguettes.
« Il fallait grandir au milieu de tout ça, se construire une carapace » (Nizar)
Alors oui, le père du premier s’est peut-être radicalisé, jusqu’à se retrouver à secourir les musulmans bosniaques en pleine guerre de Bosnie. Oui, le second a travaillé dans la sécurité à défaut de devenir policier. Mais l’Afghanistan pour eux, ce n’était qu’une occasion de voyager, de jouer aux aventuriers.
« Je voulais faire quelque chose de grand, devenir un bonhomme, avoir mon moment de gloire » (Nizar)
Et les voilà partis tous les deux, sans conviction religieuse – ils n’y allaient pas pour le djihad – mais avec beaucoup de naïveté et d’ignorance. Direction l’Angleterre, Finsbury Park, « la capitale de l’islam radical », précise Nizar. Et puis c’est le grand départ, une première étape à Islamabad au Pakistan, avant de rejoindre Peshawar à la frontière, puis enfin l’Afghanistan, Jalalabad, Kandahar et pour finir le camp militaire Al Farouq où ils découvrent vraiment ce pour quoi ils sont là.
« On m’avait vendu un stand de tir où tu défourailles tranquille. Je me retrouve dans un camp militaire qui forme des tueurs » (Nizar)
Un embrigadement de première pour faire d’eux de parfaits petits soldats ! Ils y apprennent le maniement des armes sur fond de lecture du coran et y rencontrent effectivement Ben Laden lors d’une visite en juillet 2001. On est alors à quelques semaines des attentats sur le sol américain. Au moment de repartir pour la France, c’est le 11 septembre, les frontières se ferment, les Américains interviennent, Mourad et Nizar se retrouvent bloqués. Plusieurs semaines de planque et de marche dans les montagnes leur seront nécessaires pour quitter le pays. Mais ce n’est pas la fin de leurs ennuis…
Alternant flash-backs et rencontres avec Mourad et Nizar où il se met lui-même en scène, Jérémie Dres raconte le parcours incroyable des des deux hommes, un parcours qui passe par l’Afghanistan, c’est la destination de ce premier volet, mais aussi par les geôles de Guantanamo, comme nous le verrons dans la suite et fin de ce témoigage en tome 2. une bande dessinée à faire circuler le plus largement possible !
Eric Guillaud
Le jour où j’ai rencontré Ben Laden, de Jérémie Dres. Delcourt. 23,95€
17 Sep
Blutch et Chersterfield la larme à l’oeil jurant qu’ils ne quitteront jamais leur Raoul. C’est sur ce dessin du compère de toujours Willy Lambil que s’ouvre l’hommage au scénariste dans le magazine Spirou numéro 4354 du 22 septembre 2021. Une bonne vingtaine de pages dans lesquelles se relaient pour un dessin, une planche ou une petit mot Fabcaro, Fabrice Erre, Saive, Jorge Bernstein, Terreur graphique, Clarke, Zidrou, Achdé et tant d’autres, des amis, des collègues, des fans de la première heure.
Et il le mérite bien notre Raoul. Depuis la fin des années 60, lui et Salvérius dans un premier temps, lui et Lambil très rapidement, vont donner au journal Spirou quelques-unes de ses plus belles pages à travers les aventures du sergent Chesterfield et du caporal Blutch, deux nordistes plongés dans la guerre de Sécession. Quelques-unes de ses plus belles pages et une petite touche antimilitariste bienvenue. N’oublions pas que nous sommes en 1968 et que l’esprit contestataire gagne du terrain un peu partout, y compris dans ce journal destiné à la jeunesse.
Les Tuniques Bleues à la Cauvin, c’est 64 albums, des milliers de pages d’aventure, des millions d’albums vendus… et aujourd’hui une série mythique, une référence dans le monde du neuvième art.
Merci Spirou, merci Raoul.
Eric Guillaud
16 Sep
L’idée est plutôt originale. Batman The World donne la parole à quatorze équipes venues de quatorze pays différents (Brésil, Pologne, Japon etc.) pour leur donner l’occasion d’offrir leur vision du justicier masqué qu’ils font ainsi voyager à travers le monde. Pour la France, ce sont Thierry Martin et Mathieu Gabella qui se sont lancés dans l’aventure et on a demandé à ce dernier comment il s’est attaqué à un tel mythe du neuvième art.
Comment vous êtres vous retrouvés embarqués dans cette aventure ? Surtout qu’a priori, très peu de français se sont frottés au personnage de Batman…
Mathieu Gabella. C’est avant une histoire d’amitié. Je connaissais le directeur éditorial d’Urban Comics François Hercouët depuis une quinzaine d’années, époque à laquelle j’étais publié chez Delcourt et où il travaillait alors. Nous étions restés en contact et je lui ai tendu la perche plusieurs fois, sur le thème de ‘si un jour une opportunité se présente, n’hésites pas à penser à moi’. Et donc lorsque les américains lui ont parlé de ce projet d’anthologie, il a pensé à moi.
Qui a eu l’idée d’utiliser le personnage de Catwoman, avec laquelle Batman a toujours eu une relation ambiguë ?
Mathieu Gabella. C’est le premier dessinateur qui devait, à la base, devait réaliser l’histoire avec moi mais qui a dû céder sa place pour une histoire de planning. Il a beaucoup insisté et en fait, cela m’a tout de suite poussé à aller dans une certaine direction et le scénario s’est écrit tout seul par la suite car Catwoman amenait avec elle deux éléments essentiels, le côté cambriolage mais aussi romantique. On a d’ailleurs scripté leur interaction comme une sorte de ballet nuptial.
Y avait-il un cahier de charges imposé par les américains ?
Mathieu Gabella. Un seul, il fallait que cela se passe en France. Mais pour le reste, ils ont été très cools et ont juste fait quelques aller-retour sur le script et deux ou trois détails –pour les dialogues, ils ne voulaient par exemple pas trop Batman et Catwoman s’interpellent par leurs véritable noms par exemple, mais c’est tout. J’ai choisi le décor du Louvre que je voulais un décor très vertical, plein de mystères, un peu gothique mais aussi typiquement français. Et comme le lieu est cité aussi dans les derniers films, cela me paraissait cohérent.
Le costume de Batman, le Louvre, le côté mystérieux… Impossible de ne pas penser à personnage de Belphegor rendu célèbre par une adaptation télé avec Juliette Gréco…
Mathieu Gabella. Et le clin d’œil est volontaire, bien sûr !
Le format court, dix pages, était-il particulièrement contraignant ?
Mathieu Gabella. J’avais en fait commencé par ce genre d’exercice, à l’époque chez l’éditeur Petit-à-Petit où je mettais en images des paroles de chansons ou des poèmes sur quelques pages. Mais cela faisait longtemps que je n’en avais pas fait. En même temps, je ne savais que je ne pourrais pas faire mon Dark Knight Returns (référence au pavé référentiel de Frank Miller) non plus donc je suis volontairement parti sur quelques idées clefs un décor unique. Après, c’est plus facile lorsque tu traites un personnage aussi connu car je n’ai pas besoin de réexpliquer qui il est ou ses motivations, tu peux entrer directement dans le dur.
Etais-tu un familier de l’univers Batman ?
Mathieu Gabella. Je ne suis pas ce que l’on pourrait appeler un fan absolu, je ne suis pas du genre à acheter tout ce qui sort. Mais disons que j’ai vu tous les films, joué à tous les jeux et lu tous les grands arcs narratifs. J’ai bien aimé par exemple ce que le scénariste Geoff Johns a apporté à la mythologie par exemple. Et je salive régulièrement devant les lego Batman si cela compte ! (petits rires)
Pas trop de pression ?
Mathieu Gabella. Franchement, non car je n’ai jamais eu trop de complexe pour être sincère. C’est comme lorsque j’ai accepté de scénariser un Conan (Au-delà De La Rivière Noire, sorti en 2018), on m’a dit ‘attention, les fans les plus acharnés sont très attachés aux récits d’origine, c’est casse-gueule !’ alors que je n’étais plus le plus gros fan du monde de ce personnage. Dans les deux cas, je voulais me faire plaisir et c’est pour ça que je fais ce métier. Et de toutes façons, tu ne peux jamais contenter tout le monde donc le plus important est de suivre ce que toi tu as envie de faire et advienne que pourra.
Propos recueillis par Olivier Badin
Batman The World, collectif. Urban Comics/DC Comics. 18€
15 Sep
Un sacré bouquin et un sacré boulot ! Pour réaliser #J’Accuse…!, Jean Dytar a dû lire quantité de livres d’histoire sur le sujet mais aussi éplucher la presse de l’époque et les témoignages, nombreux. Avec l’envie au bout du compte de « jouer avec un dispositif hybride, entre les médias contemporains (numériques ou télévisuels) et la presse du XIXe siècle ».
Premier regard sur l’album, première surprise, #J’Accuse…! est présenté dans un coffret qui, une fois ouvert, figure un mix de machine à écrire et d’ordinateur portable. On ouvre le livre et, deuxième surprise, l’album a été imprimé sur du papier proche du journal. De son côté, le dessin réaliste en noir et blanc rappelle par ses hachures les gravures de presse qui ont fait les beaux jours des suppléments illustrés. Les dialogues sont extraits de textes authentiques et enfin chaque planche est ornée d’une interface à la google avec une barre de recherche et un petit + pour accéder, en scannant la page, à de nombreux documents numériques complémentaires.
On connaît tous l’affaire dans les grandes lignes, il est vrai qu’on la redécouvre ici sous un autre angle grâce notamment aux nombreux témoignages repris ici, ceux de Mathieu Dreyfus qui s’est battu jusqu’au bout pour innocenter son frère Alfred mais aussi d’Émile Zola ou Bernard Lazarre, l’un des premiers dreyfusards.
« A titre personnel, j’ai été stupéfait par la modernité de bien des aspects de cette histoire, tant dans la toile de fond idéologique (…) que sur le plan des processus médiatiques »
L’affaire Dreyfus a-t-elle fait le buzz à l’époque ? Les fakes news, les théories du complot ont-elles exacerbé le débat, radicalisé les positions ? « J’ai eu envie de creuser la question, avec en tête un désir de mettre en scène l’arène agitée du débat public »
Car oui, au-delà de l’affaire et de son traitement, Jean Dytar met l’accent sur une société française morcelée qui ne parvient plus aujourd’hui à débattre sans que cela ne tourne au pugilat.
Une approche singulière et passionnante de l’une des plus grandes affaires judiciaires devenue une affaire d’état.
Eric Guillaud
#J’Accuse…!, de Jean Dytar. Editions Delcourt. 29,95 euros
L’info en + : Le Musée Dreyfus qui sera inauguré fin octobre à Médan présentera une exposition entièrement dédiée à l’album de Jean Dytar.
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