29 Avr

Thanos : une espèce de gros malabar violet aussi méchant que cosmique

Mais qui est vraiment Thanos, le nouveau ‘super-méchant’ de la galaxie Marvel que la dernière adaptation cinématographique sur nos écrans depuis le 25 Avril dernier met en valeur ? Une anthologie tombe à point nommé pour permettre au grand public de (re)découvrir ce vilain bien plus cosmique qu’il n’y paraît…

Par rapport à ses (nombreux) collègues on va dire, Thanos est un petit jeune. Contrairement à Magnéto, Fatalis, au Docteur Octopus et autre Bouffon Vert, ce fils maléfique du roi de la race supérieure peuplant la planète Titan est apparu assez tardivement. En 1968 pour être précis dans une aventure d’Iron Man que l’on retrouve d’ailleurs ici en introduction. Et à la base, c’est un méchant de plus on va dire, un être surpuissant, surméchant et suréquipé dont le but ultime est de tuer tout le monde et d’asservir la galaxie. La base en somme.

© Marvel/Panini

Mais dès sa troisième apparition quatre ans plus tard dans la série ‘Warlock’, et sous l’impulsion de son créateur Jim Starlin, cet espèce de gros malabar violet prend une tournure nettement plus cosmique. En lui donnant les pleins pouvoirs, grâce au gant de l’infini qui est au centre du film, ce féru de science-fiction qu’est Sterlin en fait l’équivalent d’un dieu omnipotent capable s’il le veut de faire disparaître, littéralement, la moitié de la population de la galaxie (cf l’épisode ‘Pierres Qui Roulent’).

Or plutôt que d’user et d’abuser de ce pouvoir, à la manière d’un Galactus il prend de la hauteur. Loin, très loin des basses contingences matérialistes de nous pauvres être humains de chair et de sang et très souvent aux côtés de celle qu’il dit servir, la Mort silhouette encapuchonnée et silencieuse se présentant parfois sous la forme d’un jolie jeune femme. Sa stature est telle que sa présence est même parfois juste suggérée, dixit le très beau mais aussi très désespéré épisode ‘Cendres et Défaites’.

© Marvel/Panini

Autant dire que cette approche quasi-mystique a permis aux nombreux artistes de Marvel qui s’en sont emparés de s’en donner à cœur joie et de planer très haut au-dessus de l’habituel archétypes du gros-méchant-qui-à-la-fin-perd-tout, et en premier lieu Starlin dont par exemple l’histoire ‘L’Effet Infini’ (où il signe à la fois les dessins et le scénario) sortie en 1972 est un petit chef d’œuvre pop et psychédélique, avec son double maléfique du héros Warlock à la coupe afro argentée, son découpage parfois épique et ses couleurs chatoyantes qui rappellent plus l’univers de ‘Metal Hurlant’ que celui des ‘4 Fantastiques’… Même si Starlin n’a jamais caché son admiration pour le maitre Jack Kirby dont la série ‘New Gods’ fait clairement ici figure de modèle.

Alors pour le film, on vous laisse seul juge. Mais pour ce qui est de sa place dans la cosmologie Marvel, Thanos est définitivement à part et cette anthologie de 320 pages mérite vraiment le détour !

Olivier BADIN

 Je suis Thanos, Marvel/Panini, 20 euros

Valhardi, Jojo, Constant Souci… le patrimoine est de sortie

Pour apprécier et comprendre la bande dessinée d’aujourd’hui, rien de tel qu’un petit retour sur le passé, à la découverte du patrimoine. Jojo, Valhardi et Constant Souci en font assurément partie et ont chacun dans leur style contribué à la richesse du neuvième art…

Jojo est de retour avec sa bouille toute ronde, sa salopette rouge et sa casquette de poulbot bien vissée sur la tête. Ce personnage truculent imaginé par André Geerts, grand amateur de Franquin et Peyo, proche dans l’esprit d’un Fournier, d’un Hislaire ou d’un Frank Pe, a apporté au Journal de Spirou un vent de fraîcheur et de poésie bienvenue dans le milieu des années 80. Chacune de ses histoires met en scène avec une grande sensibilité le monde de l’enfance à travers ce petit garçon que l’on suit dans son environnement familial, il vit avec sa grand-mère, mais aussi scolaire et amical, avec notamment son copain et voisin Gros-Louis.

On n’en est pas encore aux enfants terribles de la bande dessinée, ceux qui feront les 400 coups dans quelques séries à succès, Le Petit Spirou et Titeuf pour ne citer qu’eux, mais les bases sont là. En cinq ans d’existence, Geerts a su « consolider les fondations de sa série », écrit Morgan Di Salvia en introduction, « et ce titre (Un été du tonnerre, ndlr) est sa première réussite totale ».

Après les années 1983-1991, ce deuxième tome de l’intégrale qui lui est consacrée s’intéresse aux années 1991-1998 autour de quatre récits, Un été du tonnerre, Le Serment d’amitié, Mamy se défend et Monsieur Je-sais-tout, enrichis de planches inédites pubiées dans le Journal de Spirou et d’un dossier d’une trentaine de pages pour tout savoir sur le personnage et son créateur. (Intégrale Jojo (tome 2), Geerts. Dupuis. 28€).

Lui aussi fait son retour, lui c’est Jijé, Joseph Gillain de son vrai nom. Dix ans après en avoir confié les rênes à Eddy Paape, Jijé reprend la destinée de Valhardi avec un épisode intitulé Valhardi contre le soleil noir.  Avec le temps et le contexte de guerre froide, notre personnage a quitté le monde des enquêteurs en assurances pour celui des détectives traquant les gangs internationaux. « Autour de lui… », écrit le journaliste Jérôme Dupuis en préface, « le monde n’est plus le même non plus : la société imprégnée de catholicisme, de la guerre, a laissé place aux trente glorieuses, avec son cortège d’avions de ligne, de voitures décapotables et de jolies filles ».

Jijé saura donner le bon coup de volant au bon moment à la belle Simca jaune de Valhardi pour le mettre sur la bonne direction, celle de la modernité. Soleil noir et Le Gang du diamant deviendront des classiques qui inspireront quantité d’auteurs, à commencer par, nous rappelle Jérôme Dupuis, l’immense Yves Chaland et derrière lui toute la jeune génération de Métal Hurlant. (Intégrale Valhardi (tome 4), Charlier, Jijé et Philip. Dupuis. 35€)

On termine avec l’un des premiers albums publiés par les éditions Glénat, un trésor d’éditeur en quelques sortes, une histoire méconnue du grand public signée du prolifique scénariste et dessinateur Greg (Achille Talon, Bernard Prince, Bruno Brazil, Comanche, Luc Orient…) sur une idée de Vicq (Taka Takata) et des décors de Dupa (Cubitus). Que du beau monde pour une série pour le moins éphémère puisqu’elle comptera uniquement cet épisode, Le Mystère de l’homme aux trèfles, prépublié dans le journal Tintin en 1967. Cette édition dans la collection Patrimoine BD des éditions Glénat nous permet de retrouver les planches en noir et blanc, idéal pour apprécier au plus près le génie graphique et narratif de Greg disparu en 1999. (Constant Souci Le Mystère de l’homme aux trèfles, Greg. Glénat. 15€)

Eric Guillaud

26 Avr

Tyler Cross sous le soleil de Miami, le troisième volet d’un polar radical signé Fabien Nury et Brüno

Quand Tyler Cross débarque à Miami, ce n’est pas en classe touristes mais plutôt en classe affaires, l’avion en moins. Le soleil, la plage, le farniente, il préfère laisser ça aux autres, ce qui l’intéresse pour l’instant, c’est l’argent, son argent, du moins celui que son avocat aurait dû lui garder durant sa détention. Pas de chance, l’avocat le croyant mort et enterré l’a placé dans un projet immobilier aussi véreux que lui…

Welcome to Miami brancarde une publicité aérienne ! Pas sûr que le message s’adresse à Tyler Cross. Partout où l’homme passe, des hommes et des femmes trépassent. Et visiblement ce n’est pas prêt de changer. Deux femmes tuées dans les dix premières pages de ce nouvel album, une troisième assommée. Un record depuis le début de la série. Mais pourquoi tant de haine ?

« Nous n’avons rien contre la gente féminine… », nous rassure Brüno si toutefois nous avions pu être inquiets, « le genre noir n’est pas tendre avec les femmes. On peut également s’amuser a compter les morts masculines, bien plus nombreuses dans l’album. De plus, le personnage central, est une femme, Shirley. L’histoire était plus intéressante de son point de vue, du coup, on a développé un chapitre entier autour de son point de vue ».

Qui est Tyler Cross ?

De lui, on ne sait rien ou presque si ce n’est bien sûr qu’il s’agit d’un criminel froid et calculateur. « Un personnage comme Tyler Cross se définit bien plus par ses actes et son style que par sa biographie… », nous expliquait Fabien Nury au moment de la sortie du premier tome, « Prenez le détective sans nom de Dashiell Hammett dans la « Moisson Rouge », ou son descendant westernien, incarné par Clint Eastwood : franchement, on s’en cogne de savoir s’ils ont eu une enfance heureuse ou non ! Ce serait même contre-productif, de le savoir : vous imaginez un criminel professionnel comme Tyler Cross vous raconter sa vie ? »

© Dargaud / Brüno et Nury

Un épisode sous le soleil de Miami…

« Miami s’est rapidement imposé… », explique Brüno, « Nous voulions un univers différent, plus urbain. Tandis que les deux précédents empruntaient beaucoup au western, de par leur intrigue et leur localisation, ce tome-ci est vraiment un pur polar, sans doute plus complexe ».

Exit l’ambiance pluvieuse et boueuse du deuxième épisode, exit l’univers du bagne dans lequel Tyler Cross était enfermé, direction la Floride. Notre criminel a besoin de changer d’air. Mais ne vous y trompez pas, le soleil, les belles filles, les plages de rêve, ce sera pour un autre jour, un autre album peut-être. La Floride de Fabien Nury et Brüno n’a rien d’un paradis. D’ailleurs, les auteurs le précisent dès la couverture, « En Floride, le crime paye ». Et il paye même grassement. La preuve avec tous ces promoteurs immobiliers véreux qui montent des projets tout aussi véreux pour loger les touristes, « des ploucs de Milwaukee ou de Détroit », dixit l’un d’entre-eux, Everett Loomis, « Toute l’année, ils ne rêvent que d’une chose : leurs deux semaines de congés, sous le soleil de Floride. L’Eden Blue est fait pour eux ».

L’Eden Blue, c’est le fameux projet immobilier dans lequel l’avocat Sid Kabikoff a investi l’argent de Tyler Cross. Et Everett Loomis, c’est le gus qui a encaissé l’oseille, le boss. Avec l’assurance de rendre l’argent un mois plus tard, bonus de 50% compris. Tyler Cross sait compter. 70 000 dollars + 50% = 105 000 dollars. De quoi calmer Tyler Cross un temps… mais pas longtemps. Car bien sûr, le coup se révèle foireux, de quoi faire ressortir les flingues de leurs étuis…

© Dargaud / Brüno et Nury

Un polar sombre et violent 

Hors champs, plans subjectifs, voix off, scènes en clairs obscurs, cases en cinémascope, Tyler Cross est un polar qui doit autant au cinéma qu’à la littérature, autant à la bande dessinée qu’à la musique noire américaine, un polar violent, sombre, comme toujours où les emmerdes volent en escadrille et les cadavres se ramassent à la pelle. Quand il met son chapeau sur la tête le matin, Tyler Cross sait que les ennuis ne vont pas tarder.

ll y a du Tarantino dans Tyler Cross, du Tarantino mais aussi du Frank Miller, du Breccia, beaucoup de cinéma américain des années 50, beaucoup de littérature noire. Le scénario taillé au scalpel par Fabien Nury révèle toute sa puissance dans le découpage des planches et plus largement la mise en scène, tout à fait exceptionnelle.

Cette narration nerveuse, sans temps mort, est l’essence même de Tyler Cross

« Sur des albums comme Tyler Cross… », précise Brüno, « la mise en scène est vitale : cela prend plus de temps à mettre en place, mais c’est le domaine où l’on s’amuse le plus avec Fabien. Impossible de se permettre un flottement dans le récit, un coup de mou dans la façon de raconter. Cette narration nerveuse, sans temps mort, est l’essence même de Tyler Cross ».

© Dargaud / Brüno et Nury

Un graphisme singulier pour une histoire singulière 

Pour la série Tyler Cross, Brüno a souhaité donner à son dessin un côté à la fois plus réaliste et plus expressionniste, se rapprochant ainsi d’auteurs comme Breccia et Munoz, Pratt ou Comes, sans renier pour autant ses influences plus classiques que sont Morris ou Hergé. A l’arrivée, son dessin offre une approche très stylisée du réel avec des planches absolument sublimes où les masses noires, les clairs-obscurs et les couleurs (de l’excellente Laurence Croix) rivalisent de justesse pour apporter à l’ensemble une atmosphère noire incomparable.

« Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes », était-il inscrit sur la couverture du premier album. Ce jour-là, visiblement, n’est pas arrivé.

« Tant que nous prenons du plaisir a confronter Tyler à de nouveaux univers, il n’y a pas de raison d’arrêter la série. D’autant plus que chaque album de Tyler Cross est une histoire complète, indépendante des tomes précédents, ce qui nous apporte beaucoup de liberté artistique, car nous ne sommes pas tenus par un feuilleton à terminer coûte que coûte ».

Propos recueillis par Eric Guillaud le 25 avril 2018

Miami, Tyler Cross (tome 3), de Nury et Brüno. Dargaud. 16,95€

Redneck : le mythe du vampire à la sauce texane, sans rédemption au bout

Le vampire, grande figure tellurique de la littérature d’horreur. Mais ici pas de cape rouge, ni de costard étriqué et encore moins d’accent d’Europe de l’est ou de château lugubre perché en haut d’une falaise, juste une famille dysfonctionnelle qui a réussi à trouver une relative tranquillité sur le point d’être réduite en poussière par ce foutu instinct quasi-animal qui les torture…

L’un de ces personnages secondaires a beau être, sur le plan physique, ouvertement calqué sur l’acteur allemand Max Schreck qui incarnait Nosferatu dans le film du même nom de Friedrich Murnau en 1922, ‘Redneck’ (‘plouc’ en argot US) suit clairement le chemin tracé par des séries télé populaires comme ‘True Blood’ ou ‘American Vampire’ en dépoussiérant le personnage sublimé par Bram Stoker au XIXème siècle. Donc ici pas de cape rouge, ni de costard étriqué et encore moins d’accent d’Europe de l’est ou de château lugubre perché en haut d’une falaise… Les dits vampires sont ici en fait une famille réfugiée dans un trou paumé au Texas depuis des siècles et qui a tout fait pour se faire oublier, quitte à accepter de se nourrir que du sang des vaches qu’ils élèvent leurs terres et dont ils vendent ensuite le cadavre aux abattoirs. Sauf qu’une querelle ancestrale les opposants depuis presque 200 ans à une autre famille et une sorte d’atavisme fatale vont finir par faire basculer tout ce fragile équilibre…

© Delcourt / Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe

Difficile de se tromper pourtant à la vue de cette couverture qui tranche dans le vif : on retrouve ici un bon paquet d’hémoglobine, pas mal de violence et ce, avec une totale absence de morale. Et le trait assez noir et vif de l’argentin Lisandro Estherren, tout dans le mouvement, ne fait rien pour renverser la tendance… Tout cela sent la bouse de vache, une certaine misère sociale et des corps soit gras, soit tout secs et noueux, avec cet arrière-goût de cul-terreux qui tord les boyaux. Alors bien sûr, on parle bien de vampires ici. Sauf qu’au final, la thématique est presque tout autre, quasi-sociologique : en gros, sommes-nous, oui ou non, condamnés à faire ce que l’on attend de nous ou plus exactement de notre caste ? Peut-on échapper à sa condition ? (vous avez deux heures) En fait, le héros principal Bartlett n’a pas choisi d’être un vampire, il a juste eu le malheur de tomber sur une bande qui l’a transformé en l’un des leurs en 1836 alors qu’il venait de déserter le fort Alamo. Mais qu’il le veuille ou non, c’est désormais devenu sa famille et il fait tout pour les protéger. Même si parfois, le mal vient de l’intérieur…

Ce premier tome reprenant les six premiers numéros de cette série sortie aux USA l’année dernière ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir et semble suggérer une éternelle fuite, avec son lot régulier de cadavres, un peu comme si le mythe du vampire rencontrait celui du Juif Errant. Reste à voir si le tome 2 réussit à apporter quelques réponses et, surtout, à battre le nombre de macchabés déjà fort élevé de son grand frère…

Olivier Badin

Redneck, de Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe, Delcourt, 15,95 euros

© Delcourt / Donny Cates, Lisandro Estherren et Dee Cunniffe

25 Avr

Le journal de Spirou et sa rédaction mis à l’honneur dans deux albums publiés aux éditions Dupuis

Depuis 1938, date à laquelle il a vu le jour, le journal de Spirou en a vu défiler des dessinateurs, des scénaristes, des éditeurs, des séries et des héros de papier, parfois même des anti-héros. Alors forcément, au bout d’un moment, ça fait pas mal de souvenirs, d’histoires, d’anecdotes, de moments inoubliables à raconter. En voici un bel assortiment signé Franquin, Delporte et Ayroles…

Avant de devenir l’anti-héros que l’on connait tous, avec ses cheveux en bataille, son pull-over vert, ses espadrilles bleues et son physique d’éternel adolescent, Gaston était un garçon bien coiffé, veste, noeud papillon. La preuve avec le dessin d’ouverture de ce livre, un Gaston endimanché franchissant la porte de la rédaction de Spirou. Bien sûr, les choses ne vont pas en rester là et notre Gaston va gagner en assurance en même temps qu’il n’hésitera pas à prendre ses aises dans les bureaux de la rédaction. Au point que certains se demanderont très vite ce qu’il fait là !

« Gaston Lagaffe n’est pas un héros de bande dessinée… », écrit en préface Serge Honorez, directeur éditorial, « Du moins, il n’était pas destiné à l’être. Il a été créé en 1957 par André Franquin pour dynamiser, torpiller, « trublionner » les rubriques du beau journal de Spirou jugé un peu trop sage par Yvan Delporte, le rédacteur en chef de l’époque, et par André Franquin lui-même ».

Et il va les torpiller les pages du beau journal, il va même les éparpiller par petits bouts façon puzzle, d’abord par quelques apparitions furtives mais remarquables, puis à travers de nombreuses rubriques relatant la vie de la rédaction et donc les gaffes de ce garçon de bureau qui rompait décidément avec les codes du héros de papier ordinaire.

Gaston, En direct de la rédaction réunit un florilège de ces rubriques et apparitions qui ont apporté aux lecteurs un sentiment de grande proximité, de complicité même, avec la rédaction du journal et donné naissance à un personnage aujourd’hui encore très présent dans l’imaginaire collectif.

Gaston, En direct de la rédaction – Dupuis

Gaston, on le retrouve également dans le livre de François Ayroles, Moments clés du Journal de Spirou, Gaston mais aussi Franquin, son créateur, la famille Dupuis, Rob-Vel, Jijé, Morris, Georges Troisfontaine, Jean-Michel Charlier, Hausman, Wasterlain, Frank Le Gall et tous les autres dessinateurs, scénariste qui ont contribué au succès du journal.

Le principe est simple, à un événement clé de la vie du journal répond un dessin de François Ayroles et ce depuis la sortie du premier numéro du journal en 1938 jusqu’au départ à la retraite du boss Charles Dupuis en 1985, en passant par l’arrêt du journal en septembre 1943 sur ordre des occupants allemands, la reprise des aventures de Spirou et Fantasio par Franquin, celles de Tif et Tondu par Will, l’invention du mot schtroumpf par Peyo, le lancement des Tuniques Bleues, la naissance de Bidouille et Violette ou encore l’apparition des fameux hauts de page de Yann et Conrad…

Moments clés du Journal de Spirou – Dupuis

Près de 150 événements sont ainsi croqués, c’est à la fois truculent et passionnant, on y lit la passion, l’amitié, parfois les conflits, les rivalités qui ont émaillé ces cinquante années du journal.

Sur le même principe, François Ayroles avait déjà réalisé les 28 Moments clés de l’histoire de la bande dessinée et les Moments clés de L’Association. il est par ailleurs auteur d’une bonne quinzaine d’albums parmi lesquels Une affaire de caractères chez Delcourt et L’amour sans peine à L’Association.

Eric Guillaud

Moments clés du journal de Spirou 1937 – 1985, de François Ayroles. Dupuis. 26€

Gaston, en direct de la rédaction, de Franquin. Dupuis. 32€

23 Avr

Fortune de mer : un docu-fiction à bord de l’abeille Bourbon signé Costès et Belin

Il faut avoir le pied sacrément marin et le cœur bien accroché pour embarquer à bord d’un bateau comme l’abeille Bourbon. Ça tombe bien, Clément Belin et Costès sont tous les deux marins. Ils ont navigué ensemble sur des bateaux de haute mer. Ils nous font découvrir aujourd’hui la vie à bord du Saint-Bernard des mers en BD, un docu-fiction qui pourrait bien vous faire tanguer…

C’est un navire connu de tous ceux qui aiment la mer, naviguent ou exploitent ses ressources. L’abeille Bourdon comme le nomment les auteurs, l’abeille bourbon avec un b de son vrai nom, car c’est bien de lui dont il s’agit ici, est un remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage en mer qui assure la sécurité du rail d’Ouessant.

Avarie, tempête, accident… ce navire affrété par l’état français et basé à Brest est considéré comme un Saint-Bernard des mers pour tous les marins, le dernier espoir des bateaux en détresse.

Costès et Clément Belin le connaissent bien ce remorqueur. Tous les deux ont fait partie de son équipage, tous les deux sont par ailleurs des marins confirmés qui se sont rencontrés sur les bancs de l’école à Nantes et dont les parcours se sont croisés sur de nombreux bateaux.

© Futuropolis / Costès & Belin

« J’ai rencontré Clément à l’Hydro de Nantes, l’École de la Marine Marchande… », explique Bruno Costes-Beau, aka Costès, « Tous deux internes, habitant loin, férus de dessin et de BD, nous avons scellé durant ces années d’étude les bases d’une solide amitié. Depuis, on a gardé contact de loin en loin, se repassant les postes sur différents navires aux (presque) quatre coins des océans. Clément entre ses embarquements a publié trois BD, et c’est donc un dessinateur accompli que j’ai retrouvé 15 ans plus tard à bord de la Flandre (qui a été remplacée par la Bourbon en 2005, ndlr) ».

Des effluves de rouille et d’huile chaude qui remontent de la salle des machines

Afin de garantir l’anonymat de leurs collègues et de se préserver une certaine liberté sur le plan de l’écriture, Costès et Clément Belin ont fait le choix de changer les noms du bateau et des personnages. « Le récit présente deux cas significatifs et représentatifs des différentes opérations que le navire rencontre, un remorquage de haute mer et un d’urgence. S’ils ne sont pas, à proprement parler des cas concrets, Ils sont constitués d’expériences vécues, ou relatées par les collègues (…) D’où un léger brouillage des noms, et des représentations (…) Ce qui servait nos intentions puisque nous voulions mettre dans cet album un peu de nos navigations précédentes au long cours ».

Hormis ces changements de noms, Fortune de mer relate avec un grand réalisme la vie quotidienne à bord, les odeurs, les repas, les longues périodes à quai, l’ennui parfois, les tensions entre marins, et puis bien sûr les opérations d’assistance ou de sauvetage dans une mer déchaînée, les cargo-poubelles qui refusent toutes aides pour des raisons financières ou autres, les paquets de mer qui emportent les hommes…

© Futuropolis / Costès & Belin

L’histoire commence avec l’arrivée à bord de Jonathan, un jeune officier de la marine marchande venu de Marseille. « L’ambiance à bord est particulière, compliquée pour les nouveaux arrivants, il faut faire ses preuves avant d’espérer s’intégrer à l’équipage. Les relations sont abruptes, rugueuses, au premier abord les tensions sont palpables (…) À travers le personnage de Jonathan, le lecteur est emmené pas à pas vers le grand large ».

Ça sent la rouille et l’huile chaude, ça sent la sueur et parfois la merde, ça sent surtout le courage et le dévouement pour éviter le pire, les naufrages, les pollutions et parfois les morts.

Si Clément Belin n’est pas un novice en bande dessinée puisqu’il a déjà réalisé plusieurs albums aux éditions Futuropolis (Au nom du fils, Les Marins perdus), Costès, quant à lui, signe ici son premier récit, un récit porté par le quotidien incroyable de ces hommes prêts à affronter les pires conditions pour remplir leur mission. On est tout de suite happé par l’histoire et même surpris par certaines situations, notamment lorsque l’abeille Bourbon, pardon Bourdon, se retrouve en concurrence en pleine mer pour le sauvetage d’un cargo. Après des négociations difficiles, le remorqueur rentre à vide, c’est un « vieux portuaire grec » qui remporte le marché. Un album instructif sur un monde souvent méconnu du grand public !

Eric Guillaud

Fortune de mer, de Clément Belin et Costès. Futuropolis. 20€

© Futuropolis / Costès & Belin

19 Avr

Théodore Poussin, l’album de la reconquête. Interview Frank Le Gall

Il y a du retour dans l’air, il y a surtout de la reconquête dans l’air pour reprendre l’expression d’un éditeur de la maison Dupuis. Treize ans sans nouvelles, c’est long, très long,  de quoi imaginer Théodore Poussin perdu à jamais pour le neuvième art, échoué dans quelques tripots enfumés de Singapour ou d’ailleurs, à se repasser le film de sa vie d’aventurier au long cours. Et il y a de ça ! Mais notre personnage a de la ressource, son créateur aussi. Frank Le Gall lui redonne vie dans Le dernier voyage de l’Amok, un treizième album époustouflant. Rencontre avec Frank Le Gall…

« On m’a fait remarquer que c’était l’album de la reconquête. Non seulementThéodore reconquiert sa dignité, il reconquiert ensuite son île et je suis reparti pour ma part en quête de moi-même et du public ». C’est bien ça, Le Dernier voyage de l’Amok est l’album de la reconquête. Vous avez aimé les aventures de Théodore Poussin il y a treize ans ? Alors vous adorerez ce nouvel épisode. Vous ne connaissez pas Théodore Poussin ? Alors vous allez découvrir l’un des grands personnages du neuvième art. Retrouver Théodore Poussin, c’est aussi quelque part retrouver Frank Le Gall. Interview…

Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à arrêter la série il y a treize ans ?

Frank Le Gall. En fait, Je n’ai jamais arrêté la série, certains événements de ma vie privée m’ont empêché de travailler et m’ont rendu difficile le retour à la table à dessin. J’avais perdu l’entrainement, l’habitude. J’ai eu beaucoup de mal à m’y remettre. Bon, j’ai quand même fait un Spirou (Les Marais du temps, ndlr) ainsi que du scénario pour d’autres gens. Et je savais déjà il y a 13 ans ce que raconterait Le dernier voyage de l’Amok. Je ne termine jamais un album à l’aveuglette sans savoir où je vais après. J’ai en général deux ou trois albums d’avance dans la tête. À l’époque où les Théodore s’enchaînaient, je dessinais un album tout en écrivant le scénario du suivant, d’abord parce que, financièrement, je ne pouvais pas me permettre de m’arrêter entre deux albums. Mes droits d’auteur étaient encore insuffisants, je gagnais donc ma vie avec mes planches. J’étais condamné à faire des pages mais c’était une bonne chose…

On dit que c’est le dernier Théodore Poussin mais non

Reconnaissance du public et des professionnels, récompenses… Certains ont vu cet arrêt comme un suicide littéraire, même si le terme est un peu fort.

Frank Le Gall. Non. Le fait est qu’il n’y a pas eu de communication à l’époque. Certains journaux, notamment Télérama proche de mon lectorat, ont affirmé que la série était terminée en ajoutant que c’était dommage qu’elle n’ait pas rencontré le succès. J’ai trouvé ça drôle, en même temps ça m’a un peu froissé. Il suffit qu’un journaliste écrive ça et tout le monde le reprend en cœur… C’est comme avec Le dernier voyage de l’Amok, à nouveau, on dit que c’est le dernier Théodore Poussin mais non…

© Dupuis / Le Gall

Sans dévoiler la fin, on peut pourtant avoir le sentiment avec cet épisode que Théodore Poussin peut se retirer tranquillement de sa vie d’aventurier…

Frank Le Gall. Non non non… Les derniers mots qu’il prononce dans le livre sont « être vivant », c’est au contraire une promesse de vie, Novembre n’étant plus là (Frank le fait mourir dans les dernières pages, ndlr), il va falloir qu’il prenne sa destinée en main. Et puis, il a des choses à résoudre pour passer à l’âge adulte, mentalement, des choses qui sont évoquées dans l’album. Lors de sa rencontre avec la trafiquante d’armes Aro Satoe, le dialogue qu’ils ont entre eux donne énormément de clés sur ce qui va se passer maintenant. Si jamais j’avais eu l’idée saugrenue de terminer Théodore Poussin, ce que je ne ferai jamais, je n’aurais pas fait une fin comme ça, je me serais ménagé plus de place… Certains lecteurs disent que la fin n’en est pas vraiment une. Bien entendu, comme dans tous les albums de Théodore Poussin. L’album s’appelle Le dernier voyage de l’Amok. C’est à prendre au pied de la lettre, c’est le dernier voyage du bateau, pas celui de Théodore Poussin.

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retrouvez la chronique de l’album ici

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Tu viens de l’évoquer, Novembre serait donc vraiment mort?

Frank Le Gall. Ah ça… je ne dis rien mais il y a des indications dans l’album. Ce n’est pas la première fois qu’il meurt…

© Dupuis / Le Gall – recherches graphiques

Te souviens-tu de la sortie du premier tome, Capitaine Steene. Dans quel état d’esprit étais-tu à ce moment-là ? D’ailleurs, était-ce vraiment ton premier album ?

Frank Le Gall. Capitaine Steene est mon deuxième scénario mais le premier accepté. En fait, mon premier album, c’est Yoyo en 1984 réalisé avec Yann pour Glénat. Les éditions Dupuis de leur côté préféraient avoir la matière de trois albums pour sortir les deux premiers de façon rapprochée. Du coup, Capitaine Steene ne sortit en album qu’en 1987.

J’étais extatique, partout où je passais, on me parlait de Théodore

J’ai vite compris que Théodore Poussin était important, ne serait-ce que par les réactions des copains qui passaient à la maison. Chez Spirou, j’avais deux fans acharnés, René Hausman et Paul Deliège. René et Paul sont devenus mes parrains. Et des amis. J’étais extatique, partout où je passais, on me parlait de Théodore… il y a eu un succès d’estime immédiat et de mon côté j’ai eu très vite un attachement pour le personnage. Je me suis dit que j’avais trouvé ma série…

Et au moment du douzième tome, aimais-tu toujours autant ton personnage?

Frank Le Gall. Je n’ai jamais eu de problème, ni avec mon personnage, ni avec ma série. Mais la vie, qui n’est pas toujours un long fleuve tranquille, a fait qu’au moment de l’album Les Jalousies, effectivement, j’avais du mal à travailler. Il y avait un ressort cassé. C’était pénible de dessiner mais pas de dessiner Théodore, c’était pénible de dessiner tout simplement.

© Dupuis / Le Gall

Qu’est-ce qui t’a poussé finalement à reprendre les aventures de Théodore  ?

Frank Le Gall. Il y a eu plusieurs signes, des gens, des encouragements, qui m’ont poussé à accélérer le mouvement… Mais ça ne s’est pas fait brutalement. Il ne faut pas oublier que j’avais un projet chez Aire Libre qui est ensuite passé chez Futuropolis, une BD réaliste en couleurs directes, Mary Jane, qui m’a demandé énormément de travail en recherches de documentation, parce qu’elle se passait au 19e siècle, en recherches graphiques aussi parce qu’elle était plus réaliste avec des planches très longues à réaliser. J’ai dû mettre 10 ans pour faire 33 pages. Et tant que cet album n’était pas fini, il m’était impossible de passer à autre chose. Cette histoire bouchait mon horizon. Je bloquais. J’ai mis longtemps à le comprendre, à en faire mon deuil mais lorsque j’y suis enfin parvenu, j’ai pu me lancer dans le nouveau Théodore.

Théodore n’est pas un anti-héros, c’est un non-héros

Théodore Poussin a évolué au fil des pages et des épisodes, tant sur la plan du graphisme que du caractère. Est-il resté selon toi l’anti-héros de ses débuts ?

Frank Le Gall. Pour moi, Théodore n’est pas un anti-héros, c’est un non-héros. La nuance est subtile, c’est vrai, mais un anti-héros pour moi, c’est Blueberry dans la deuxième partie de ses aventures, quand il est mal rasé, déserteur… Un non-héros, c’est quelqu’un qui se comporte à l’inverse d’un Tintin ou d’un Spirou, il ne passe pas son temps à courir après les gangsters et ceux qui s’en prennent à la veuve et l’orphelin. Après, c’est tout de même un héros dans le sens où il est le personnage principal d’une histoire et qu’il a une quête. C’est un héros au même titre qu’Ulysse, toute proportion gardée, ou que Don Quichotte.

© Dupuis / Le Gall – recherches graphiques

Ton personnage est souvent présenté comme un savant mélange de Corto et Tintin. C’est aussi ta vision ?

Frank Le Gall. Tout le monde le dit, c’est flatteur bien sûr, mais j’aimerais mieux que les gens le voient comme Théodore tout simplement. Je relis des Tintin en ce moment et je suis comme à chaque fois étonné. Hergé à tout exploité, tout exploré, on est forcé de retomber sur lui. C’est un peu la même chose quand on fait de l’humour avec Charlie Chaplin. Impossible de trouver un gag inédit. Donc, dans les situations d’aventures, Hergé a tellement fait le tour qu’on se retrouve dans la même situation.

Qu’est ce qui a changé dans ta manière d’aborder le personnage et la série ?

Frank Le Gall. Rien. Si il y a des différences entre cet album et les précédents, c’est dû au fait que j’ai naturellement évolué. J’ai toujours évolué d’ailleurs. Et puis il y a eu Mary Jane qui m’a poussé vers plus de réalisme, il y a aussi le fait que je me suis mis à la peinture, j’ai pris en retour de grandes leçons sur l’équilibre des masses, la couleur… même si je travaille toujours en noir et blanc.

Comment définirais-tu ton style ?

Frank Le Gall. Je pense être un enfant d’Hergé au départ mais mâtiné de tellement d’autres auteurs, qui vont de Morris à Crumb, en passant par les dessinateurs réalistes américains, Alex Toth…

© Dupuis / Le Gall

Tu ne te rattaches à aucune école ?

Frank Le Gall. Non, je me rattache à une génération, celle du Spirou des années 80, la génération Yann et Conrad, Hislaire, Berthet, Frank Pé… il y a un côté famille entre nous. Je me sens très proche de Frank Pé parce qu’on s’influençait mutuellement, parce qu’on grandissait ensemble.

La littérature a toujours été cruciale pour toi. Quelles lectures… ont pu inspirer ce nouvel épisode ?

Frank Le Gall. Plusieurs livres m’ont inspiré, des livres que j’ai lus il y a longtemps. Il y a d’abord Au creux de la Vague, un petit roman de Stevenson dans lequel les trois héros sont dans la mouise au début du livre, ils dorment sur la plage, ils picolent… ça me plaisait bien cette idée de trois héros dans la débine, j’aime les trios, c’est mieux que deux personnages, il y a plus d’interaction, ça m’a poursuivi pendant des années et là, le nouveau Théodore me donnait l’occasion d’utiliser trois personnages qui vont remonter la pente.

Il y a aussi Rocher de Brighton de Graham Greene. J’avais envie de faire une première partie très importante à Singapour dans ce treizième album, j’avais aussi envie de faire une histoire à la Graham Greene avec des personnages qui se suivent, s’espionnent, complotent… Cette première partie est longue, disproportionnée diraient certains, mais les scènes d’action m’embêtent. De fait j’ai toujours tendance à les ramener au plus court. Dans Le dernier voyage de l’Amok, il y a beaucoup de place donnée à la préparation de l’expédition et à l’expédition en elle-même. Mais l’affrontement sur l’île est réglée très rapidement. Il y a une accélération sur la fin où je tue tout le monde. C’est voulu, la mort de Novembre par exemple n’est pas traitée avec emphase, il n’a même pas le droit à une scène à lui tout seul.

© Dupuis / Le Gall

C’est injuste…

Frank Le Gall. Non ce n’est pas injuste, c’est un signe. Un indice. Parlons franchement, si Novembre devait mourir, je lui donnerais plus de place bien évidemment. La fin est très abrupte mais c’est voulu. je ne reviens pas après 13 ans pour faire une fin paisible, je voulais que la cassure soit abrupte et qu’on se demande : « Et maintenant qu’est ce qui se passe? »

C’est comme un puzzle, j’ai tous les éléments, il me faut maintenant les assembler pour faire une seule image

Justement, tu travailles actuellement sur le 14e album. Peut-on espérer le lire avant dix ans ?

Frank Le Gall. Non, je ne mettrai pas 10 ans cette fois, je vous le promets… je vais le faire assez rapidement. Pour l’instant, j’en suis au stade où j’amasse certaines scènes dialoguées avant de m’attaquer à un découpage dessiné. Je travaille encore sur des parties de l’histoire que je n’arrive pas encore à raccorder, il me manque une cohérence pour le moment… C’est comme un puzzle, j’ai tous les éléments, il me faut maintenant les assembler pour faire une seule image.

Merci Frank. Propos recueillis par Eric Guillaud le 16 avril 2018

Le dernier voyage de l’Amok. Dupuis. 14,50€

© Dupuis / Le Gall

13 Avr

Un dessin de Philippe Druillet sur une série de guitares Fender à tirage ultra-limité

Si vous aimez le rock et la BD, c’est pour vous… Les amoureux de Jimi Hendrix s’en souviennent certainement, Philippe Druillet a réalisé en 1975 la pochette de la réédition posthume d’Electric Ladyland du fameux guitariste américain. Dessin qui a fait le tour du monde et revient aujourd’hui décorer une série à tirage ultra-limité de guitares, une Fender stratocaster et une Fender Telecaster, toutes deux tirées à 27 exemplaires seulement, en plus des 3 épreuves auteur et des 7 exemplaires hors commerce. La reproduction du dessin sur le corps de la guitare est accompagné de la signature de Philippe Druillet et d’un certificat d’authenticité. Tout ça pour le prix de… 4990 pour la Stratocaster, 3990 pour la Telecaster !

Plus d’infos ici

11 Avr

Science sans conscience : le monde scientifique croqué par le caricaturiste et illustrateur Klub

Science sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ? Pas de panique, rangez vos stylos, je ne vais pas vous demander de me rendre votre copie dans trois heures. De toute façon, la réponse n’est absolument pas dans ce livre de Klub, quoique… à bien regarder entre les traits et à bien lire entre les lignes, on y trouverait matière à disserter.

Peut-on se moquer de la science et de ses plus hauts représentants ? Peut-on brancarder les astronomes, médecins, chercheurs en chimie moléculaire et autres génies de la loi de gravitation ? Peut-on mettre en doute les bienfaits des grandes inventions de l’humanité ? Réponse : oui. Surtout quand on s’appelle Klub et qu’on a un talent comme le sien.

Après L’Art n’a qu’à bien se tenir chez Warum? qui s’attaquait à l’univers de l’art contemporain, Science sans conscience prend le parti de nous faire rire autour du monde scientifique en n’oubliant personne, même pas Galilée qui signe ici, oui oui, une préface désopilante. Elle se termine par ces quelques mots clairvoyants : « C’est quand même pas très sympa de se moquer de nous, alors qu’on va probablement sauver le monde de la destruction par un truc qu’on aura nous-même inventé ».

Un album drôle de bout en bout, dos de l’album compris, à lire avant la fin du monde.

Eric Guillaud

Science sans conscience, de Klub. Warum? 15€ 

© Warum? / Klub

10 Avr

L’auteur de bande dessinée Richard Peyzaret dit F’murrr est décédé

Le Génie des Alpages, c’est lui ! F’murrr a débuté cette série dans les pages du journal Pilote en 1973 et l’a poursuivie directement en album chez Dargaud à la disparition du magazine. Il y mettait en scène un berger, Athanase, une bergère, Naphtalène, un bélier, Romuald, et un troupeau de brebis intellos dont vous pourrez trouver tous les noms ici.

© Rita Scaglia / Dargaud

Bien sûr, F’murrr c’est aussi Jehanne d’Arc créé pour Métal Hurlant, Robin des Boîtes pour Fluide Glacial, Les Miroirs de Marguerite pour Le Trombone illustré aux éditions Dupuis, Le Pauvre chevalier chez Casterman, Le Petit Tarot aux éditions Futuropolis, Spirella mangeuse d’écureuils chez Khani…

Maniant l’humour absurde comme personne, F’murrr était un « immense humoriste, tendre et acide, farouche et généreux » comme le soulignent les éditions Dargaud dans l’hommage qu’elles rendent ce soir à l’auteur soulignant qu’il « était aimé et respecté au-delà du seul monde de la bande dessinée, notamment pour sa série Le Génie des Alpages, exemple unique en France d’un humour absurde et métaphysique ».

Ce soir les brebis sont tristes

Eric Guillaud