24 Juil

Chronique d’été. « Ce Garçon » ou le joli mois de mai de Maby mis en images par Valentin Marechal

Sous les pavés, la plage ? Pour leur première bande dessinée, Maby et Valentin Marechal grattent la surface et le vernis des apparences pour nous offrir une histoire pleine d’amour et de liberté autour d’un fils débordant d’imagination et d’une mère profondément gaulliste tendance frapadingue, le tout dans le chaudron de mai 68…

C’est la guerre, affirment certains ! Enfin, pour l’instant, c’est surtout la grève générale. Des déchets partout sur les trottoirs de la ville, des autos en panne sèche au beau milieu de la chaussée, les stations de métro fermées, des slogans sur les murs… et partout la radio allumée pour suivre les événements.

Nous sommes en mai 1968 à Paris. Non, ce n’est pas la guerre mais c’est suffisant pour effrayer celle qu’on appelle La Mère bien décidée à fuir la capitale avec ses enfants et attendre le rétablissement de l’ordre républicain pour y remettre les pieds.

Les pieds ou plus exactement LE pied. Car La Mère a une jambe de bois, en plus d’un air peu commode, d’une coiffure outrageusement protubérante, d’une clope collée au bec en permanence et d’un sacré caractère que Jean, son propre fils, a parfois du mal à cerner. Pour lui, La Mère est un mystère. D’elle, il ne sait finalement rien ou presque. Même sa jambe de bois, il n’en connaît pas l’origine. De là à l’imaginer espionne…

Et les jours s’écoulent ainsi, loin du tumulte parisien, jusqu’au moment où Jean surprend dans sa maison un inconnu, une espèce d’ogre au cœur tendre, recherché par la police. Il décide de le cacher dans la cave familiale sans en avertir La Mère…

Dans un contexte historique fort, contexte qu’on devine plus qu’on ne voit, Maby raconte ici sa jeunesse avec une touche de fiction, une petite histoire au cœur de la grande, aussi personnelle qu’universelle, où il raconte comment lui et sa mère que l’on pensait si différents, si lointains, se sont rapprochés et découverts mutuellement dans un acte de résistance à l’ordre établi.

Aucune violence, aucun sensationnalisme dans ce récit, bien au contraire, tout est d’une grande douceur à commencer par la mise en images et en couleurs de Valentin Maréchal. Une très belle histoire, pleine de liberté, d’amour et d’imagination !

Eric Guillaud

Ce Garçon, de Maby et Valentin Marechal. Jungle. 19€

@ Jungle / Maby & Marechal

23 Juil

Marvel lance son Deadpool à l’assaut des mangas

À priori, les mangas et les héros Marvel ne sont pas faits pour cohabiter. À priori. Sauf lorsqu’on s’appelle Deadpool et que de toutes façons, que cela soit face à des super-méchants en plein cœur de New York ou au Japon aux côtés d’une star de télé-crochet, on n’en fait qu’à sa tête…

Deux systèmes de valeurs, deux types de narration et surtout, deux styles graphiques différents. Non vraiment, sur le papier, on ne voyait pas comment les mangas avec leurs personnages stéréotypés aux grands yeux et aux expressions surjouées pouvaient s’accorder avec la norme comics américaine, beaucoup plus ancrée dans le réel et plus sombre. D’ailleurs, on grimace d’abord ici franchement un peu lorsqu’on croise (brièvement) dans ce premier tome (sur deux) les personnages de Captain America, Loki ou encore du docteur Bruce Banners (alias Hulk) méconnaissables et ressemblant désormais aux héros de dessins animés qui occupaient nos mercredi après-midi dans les années 80. Sauf que le vrai coup de génie de cette OPA de la Maison des Idées sur le marché asiatique est d’avoir choisi le très déglingué Deadpool en guise de figure centrale. Et contre toute attente, ça marche.

Déjà, d’une façon purement pratique, il ne se défait ici jamais une seule fois de son masque, pirouette qui lui permet de voir son visage refait à la sauce manga. Autre énorme avantage apporté par le anti-héros : en plus de son humour foutraque, il a pour habitude de briser régulièrement et d’une façon complètement décomplexée le quatrième mur. C’est-à-dire qu’il s’adresse souvent directement aux lecteurs, tout en vannant les autres protagonistes de l’histoire, le scénariste ou même la maison d’édition. Pirouette qui rend non seulement le tout très drôle mais qui, en plus, lui permet de sortir de ses rails et donc de ne pas trop donner l’impression de vouloir à tout prix dans une case sinon trop contraignante pour lui.

Surtout que le scénario est ici volontairement simpliste, une succession de scénettes où le ‘mercenaire disert’ (surnom qu’il a gagné à force de déblatérer sur tout, tout le temps) est surtout là pour en faire des caisses. Et souvent au détriment de ses compagnons du jour – une jeune chanteuse vivant, à l’instar de Venom, avec un symbiote extra-terrestre dévorant tout sur son passage, ou Sakura Spider, sorte de Spider-Woman locale. Le résultat est bourré de clins d’œil – autant du côté des super-héros que des célèbres anime japonais comme Dragonball Z – quitte à parfois perdre le fil. Mais c’est quand même drôle, très drôle même et complètement survolté. Et même dans ce petit format en noir et blanc, Deadpool Samurai se révèle être une bonne tentative (réussie) de convertir les fans de MARVEL aux joies du manga.

Olivier Badin

Deadpool Samurai, de Sanshiro Kasama et Hikaru Uesugi. Marvel/Panini Comics. 7,29€

17 Juil

Chronique d’été. Comme une envie de prendre le large ?

Prix et températures qui s’envolent, guerre qui tonne, épidémie qui joue les prolongations… il y a des moments où on aimerait être ailleurs, embarquer pour l’aventure sous d’autres horizons. En attendant, voici déjà six albums qui vont vous permettre de lever l’ancre sans bouger l’orteil gauche…

On commence par un album paru aux éditions Delcourt en mai dernier. Vent Debout est son nom, un récit inspiré de faits réel et notamment des voyages de Sabine Merz et Jurgen Kantner, deux navigateurs allemands au destin tragique. Kidnappés une première fois par des terroristes au large de la Somalie, libérés contre une rançon, ils reprendront la mer avant d’être finalement assassinés par l’État islamique en 2017 au large – cette fois – de la Malaisie. Mais ce n’est pas là les seuls personnages du livre. Les auteurs, Grégory Jarry, Nicole Augereau et Lucie Castel, mettent en scène trois histoires parallèles, celle de ce couple de navigateurs, celle aussi d’une famille partie à la découverte du monde et celle enfin d’un vieux baroudeur installé en Indonésie. Avec pour point commun entre tout ce beau petit monde : l’amour de la liberté. (Vent debout, de Augereau, Jarry et Castel. Delcourt. 29,95€)

En deux volumes publiés en février et juin de cette année, Un Capitaine de quinze ans n’est autre que l’adaptation en bande dessinée du roman de Jules Verne. Adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision, il ne l’avait bizarrement pas été en BD. C’est chose faite donc, direction le port d’Auckland où le capitaine Hull du brick-goélette Le Pilgrim s’apprête à larguer les amarres avec une cargaison bien singulière à son bord : l’épouse de l’armateur ainsi que son fils et son cousin. Hull est chargé d’emmener tout ce beau monde à Boston. Mais au milieu de l’océan, une pêche à la baleine vire au drame. Les Cinq marins du navire et le capitaine sont projetés à la mer et disparaissent. C’est à DIck Sand, un jeune mousse resté à bord du Pilgrim, que revient alors la lourde charge de ramener tout le monde à bon port contre vents et marées… De l’aventure avec un grand A magnifiquement mis en images par Christophe Picaud. (Un Capitaine de quinze ans, de Picaud et Brrémaud. 2 volumes parus. Vents d’Ouest. 14,50€)

On connait tous cette histoire des révoltés du Bounty magnifiquement portée à l’écran par Lewis Milestone en 1962, avec Marlon Brando dans le rôle du lieutenant Fletcher et adaptée maintes fois en roman, notamment par Jules Verne en 1879 et plus récemment par Sébastien Laurier. Pitcairn en est l’adaptation en BD, une adaptation signée Mark Eacersall, qui s’est récemment fait remarquer avec l’album Tananarive, et le dessinateur hongrois Gyula Németh dont le trait expressif fait ici parfaitement l’affaire. (Pitcairn, L’île des révoltés du Bounty, de Eacersall, Laurier et Németh. glénat. 14,95€)

Publié en octobre 2020 pour le premier volet, en novembre 2021 pour le second, ce diptyque nous raconte la vie de l’un des pirates les plus célèbres des océans, Edward Teach, plus connu sous le nom de Barbe Noire, Blackbeard en anglais. Quand je vous aurais dit que l’auteur Jean-Yves Delitte est peintre officiel de la Marine, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer, qu’il a réalisé précédemment les aventures de Black Crow, relaté l’histoire du Belem, de la frégate Hermione ou encore, on y revient, de la mutinerie de la Bounty, vous aurez compris qu’on n’a pas affaire là à un marin d’eau douce. Un diptyque essentiel pour tous les amoureux de la mer et de la marine. (Black Beard – 2 tomes parus, de Jean-Yves Delitte. Glénat. 13,90€)

Cette histoire-là est aujourd’hui devenue légendaire et le voilier qui l’a permis un monument historique. C’est dire ! Damien, c’est le nom de ce voilier, a parcouru le monde d’est en ouest, du nord au sud, pendant cinq ans avec à son bord deux mordus de la voile, Jérôme Poncet et Gérard Janichon, deux mordus de liberté aussi, désireux de découvrir notre belle planète et ses populations les plus reculées. Partis de La Rochelle en mai 1969, ils y reviendront en septembre 1973 après avoir parcouru plus de 55 000 miles, remonté l’Amazone, affronté le Cap Horn, abordé le continent Antarctique, traversé les tempêtes, survécu à plusieurs chavirages… « À la fin, il reste un témoignage… », écrit Isabelle Autissier en préface de l’album, un témoignage repris aujourd’hui en bande dessinée qui pourrait faire naître de nouvelles vocations. (Damien, l’empreinte du vent, de Vincent et Janichon. Vents d’Ouest. 25€)

C’était en 2012 sur le ponton du Vendée Globe. Sébastien Destremau décidait de prendre le départ de la future édition. Lui, le néophyte de la course au large, de la navigation en solitaire, sans un sou, s’embarquait dans une aventure au longs cours dont il ne savait s’il verrait le bout. Pourtant, quatre ans plus tard, en novembre 2016 le skipper toulonnais est bien sur le départ de la mythique course autour du monde à bord de son voilier FaceOcéan. Après 124 jours 12 heure 38 minutes et 18 secondes de navigation, de tempêtes, de pétoles, d’avaries, de joies et de frayeurs, Sébastien Destremau remonte le chenal des Sables-d’Olonne, 18e, bon dernier au classement, avec un titre, celui de coqueluche de la huitième édition. De cette aventure hors-norme, le skipper en tire un livre paru en juin 2017 chez Xo Editions, Seul au monde, 124 jours dans l’enfer du Vendée Globe. En 2019, Serge Fino lance une adaptation en bande dessinée, fidèle au roman, sensible et humaine dont le troisième tome est sorti en début d’année … (Seul au monde, de Serge Fino d’après le livre de Destremau – 3 tomes parus. Glénat. 14,50€)

15 Juil

Dark Vador en 10 histoires

La citation est archi-connue mais ô combien appropriée : comme le disait Alfred Hitchcock, « plus réussi est le méchant, plus réussi est le film ».  Le big boss de Star Wars Dark Vador méritait donc bien sa petite anthologie à prix cassé en dix volumes !

Extrait de la couverture de : Le Neuvième Assassin, par Siedell, Fernàndez et Thompson

 Allez, avouez-le, vous aussi vous avez gamin éprouvé un vague sentiment de culpabilité en vous rendant compte que sous son casque teutonique de la Première Guerre Mondiale et avec sa respiration de plongeur sous-marin, Dark Vador était quand même le méchant le plus cool de l’histoire de la science-fiction. Et tout le buzz autour de la dernière série en date de la chaine Disney + consacrée à Ob-Wan Kenobi, où il se taille une part de lion, l’a encore prouvé…

Donc oui, très tôt les éditeurs de comics, et en premier lieu MARVEL qui récupéra en premier la licence, ont compris tout l’intérêt qu’il pouvait tirer d’un personnage aussi hors norme. Donc sur le modèle de la série de dix récits sortis à prix d’amis il y a quelques mois pour célébrer les soixante ans de Spider-Man, leur distributeur français sort aujourd’hui (l’excuse officielle étant la sortie il y a quarante-cinq ans du premier film de la saga) dix histoires individuelles, publiées à l’origine entre 1999 et 2013, chacune au prix défiant toute concurrence de 6,99€.

@ Panini Comics/Marvel

Comme toujours dans ces cas-là, il y a boire et à manger. Mais pris dans son ensemble, cette célébration permet de se rendre compte des possibilités quasi-infinies offertes par le seigneur Sith. Déjà, si l’on suit la chronologie Star Wars, entre sa création à la naissance de ses deux enfants (cf La Revanche Des Sith) et sa mort (cf Le Retour Du Jedi), quasiment trois décennies se sont écoulées. Liberté totale donc aux auteurs de situer telle ou telle aventure soit, par exemple, au début de l’expansion de l’Empire ou, au contraire, bien plus tard. Autre avantage : pouvoir faire intervenir d’autres personnages connus du grand public, comme par exemple Chewbacca et Han Solo (Vol. 10, Dans L’Ombre De Yavin) ou le chasseur de primes Boba Fett (Vol. 7 : L’Ennemi De L’Empire). Et dans ces récits plutôt ramassés (en général autour de 120 pages), autant dans certains cas toute l’aventure est centrée autour de Dark Vador, autant dans d’autres il presque comme en retrait mais pourtant omniprésent, preuve de sa puissance absolue.

Cerise sur le gâteau : le panel hallucinant de scénaristes et de dessinateurs qui ont voulu se frotter au Côté Obscur – de la superstar Alex Ross à Dave Gibbons de Watchmen en passant par l’illustrateur culte récemment décédé Ken Kelly – et qui, chacun, apporte leur patte propre au mythe.

 ce prix-là, cela ne refuse pas !

Olivier Badin

La Légende de Dark Vador, dix volumes. Panini Comics/Marvel. 6,99€.

@ Panini Comics / Marvel

06 Juil

En lutte : trois récits de résistance, autant de reflets du monde, consignés par Fabien Toulmé

Il y était parti pour un salon du livre, il n’y verra finalement pas le bout du nez d’un lecteur mais n’échappera pas aux poings levés des milliers de manifestants appelant à la révolution. Beyrouth en plein thawra est le point de départ de ce nouveau récit de Fabien Toulmé qui nous emmène du Liban au Bénin en passant par le Brésil pour des histoires de résistance populaire…

En lutte – extrait de la couverture

S’il manie aussi bien la fiction que le témoignage, l’autobiographie ou le documentaire, c’est bien dans le reportage de terrain que Fabien Toulmé trouve sa raison de vivre, sa vocation d’auteur.

« La bande dessinée que vous vous apprêtez à lire… », explique-t-il d’ailleurs en avant-propos « est née de mon envie de faire du reportage de terrain, pour voir la façon dont vivent les gens aux quatre coins de la planète, pour les écouter me raconter leurs histoires et pour comprendre ce qui les anime et par extension, peut-être ce qui fait notre monde ».

Après Ce n’est pas toi que j’attendais, Les deux vies de Baudouin, L’odyssée d’Hakim ou plus récemment Suzette ou le grand amour, Fabien Toulmé nous emmène ici sur des terrains de lutte avec des hommes et des femmes en résistance contre des rouleaux compresseurs en tout genre.

Le récit commence à Beyrouth où Fabien Toulmé devait se rendre initialement à un salon du livre, salon annulé à cause des immenses manifestations qui secouent alors le pays. C’est la Thawra, la révolution, Fabien maintient tout de même son voyage pour essayer de comprendre la situation. D’observations en rencontres, il tente de comprendre et de nous transmettre ce qui se joue alors dans les rues de la capitale à la lumière de ce qui s’est joué hier pendant la guerre civile.

Autre lieu, autre lutte, Fabien nous emmène ensuite à João Pessoa au Brésil où il a un temps vécu et où il est question d’expulser une communauté, autrement appelée favela, pour construire un pôle touristique. Un processus de gentrification qui ne plait pas à tout le monde. Enfin, direction le Bénin où il rencontre des militantes de la cause féminine, une gageure dans un pays qui est, comme le rappelle l’auteur, 158e sur 189 dans le classement des inégalités hommes-femmes établi par les Nations unies.

Si Fabien Toulmé se met en scène dans ces trois récits, ce n’est que pour mieux laisser la parole aux hommes et – principalement d’ailleurs –  aux femmes qu’il a rencontrés. Et c’est ce qui est passionnant ici, la parole de gens ordinaires en lutte contre des causes à portée locale ou internationale. Trois luttes, autant de reflets du monde, de notre monde, et déjà une suite envisagée dans les dernières pages de l’ouvrage qu’il dessine au moment même où les Ukrainiens se retrouvent eux-aussi en lutte contre un rouleau compresseur, russe cette fois.

« J’aimerais pouvoir ajouter un nouveau chapitre pour parler d’eux et de leur courage ». Mais il faut savoir s’arrêter… pour mieux reprendre. Un très bel album de plus de 330 pages dans lesquelles on retrouve le trait délicatement naïf – ou l’inverse – de l’auteur associé à un propos d’une grande finesse. La marque Toulmé !

Eric Guillaud 

En lutte, Les reflets du monde, de Fabien Toulmé. Delcourt. 24,95

@ Delcourt – Toulmé

04 Juil

Vacances : 10 BD à lire sous le soleil exactement

Polar, fantastique, autobiographie… voici rien que pour vous une petite sélection de bandes dessinées à glisser dans la valise la plus proche et à lire les doigts de pied en éventail sur votre plage ou au sommet de votre montagne préférées…

Freiner, respirer, se détendre et lire, c’est l’été, bientôt l’heure des grandes migrations, le moment largement venu de préparer sa pile de livres à emporter. On vous y aide avec ces dix bandes dessinées dans des styles très variés…

La suite ici