26 Mai

Les Autres gens (tomes 1 et 2), de Cadène et collectif. Editions Dupuis. 14,95 euros le volume.

30 millions d’euros ! Ca fait combien au juste 30 millions d’euros ? Pour le commun des mortels, ça fait beaucoup… Vraiment beaucoup. C’est le genre de montant qui ne parle en fait à personne. Alors, Mathilde cherche une image plus parlante et parvient à ce résultat : « Ca fait 2500 ans à 1000 euros par mois ». De quoi s’exclamer aussitôt « Merde… » et de rajouter : « Il me faut une clope ». On la comprend ! Mathilde vient de gagner 30 millions d’euros au Loto. Sans jouer ! C’est un homme, Hippolyte Offman, qui a souhaité partager ses gains avec elle. Mathilde ne le connaît pas. Elle lui a juste donné trois numéros pour compléter sa grille. 30 millions d’euros pour trois numéros et deux petites secondes de réflexion ! De quoi changer définitivement une vie. De quoi aussi faire de Mathilde une héroïne principale et non plus une simple figurante, une anonyme parmi tous les autres gens….

Mathilde, Irène, Henry, Camille, Hippolyte, Arnaud, Emmanuel, Romain, Faustine, beaucoup de gens, beaucoup d’amour, un peu de haine parfois, des petits bonheurs, des malheurs aussi, des doutes, des rencontres… Voilà de quoi est fait Les Autres gens. Des morceaux de vraie vie et au début un conte de fée. C’est sur internet, en mars 2010, qu’est née cette bédénovela, nouveau terme pour désigner les feuilletons en bande dessinée. Depuis, plus de 2000 pages de BD ont été mises en ligne et sont accessibles après s’être acquitté d’un droit d’entrée. Tomas Cadène signe le scénario de ce feuilleton quotidien. Quant au dessin, on retrouve plusieurs signatures, du beau monde, rien que du beau monde ! Jugez plutôt : Vincent Sorel, Erwann Surcouf, Bastien Vivès, Chloé Cruchaudet, Aseyn… Cette très belle initiative est aujourd’hui reprise en version papier. Deux albums ont été publiés à ce jour chez Dupuis, un troisième devrait sortir  sous peu, permettant ainsi à tout un chacun de découvrir une œuvre vive, spontanée, novatrice, intelligente et globalement géniale ! E.G.

L’info en +

Pour découvrir Les Autres gens version web, c’est ici ou  !

25 Mai

Un Sac de billes (première partie), de Kris et Vincent Bailly, d’après le roman de Joseph Joffo. Editions Futuropolis. 16 euros.

Avec ses 25 millions d’exemplaires vendus et ses dizaines de traductions à travers le monde, y compris en chinois, Un Sac de billes fait bel et bien figure de classique de la littérature, un classique jadis adapté au cinéma par Jacques Doillon et aujourd’hui en bande dessinée sous la plume de Kris et le pinceau de Vincent Bailly. Et nos deux compères nous offrent là un album de très haute tenue, un petit bijou narratif et graphique auquel l’auteur du roman, Joseph Joffo himself, a rendu un hommage en des termes pour le moins flatteurs : « La parole est la suite logique de la pensée, l’écriture en est la synthèse et les images en sont la récompense ». Tout est dit ! Et tellement bien dit. Mais ce n’est pas étonnant. Kris, dont on a déjà pu admirer le talent de conteur dans Toussaint 66, dans le sublime Un Homme est mort ou encore dans Notre mère la guerre aime par dessus tout les récits qui ont du fond, de la consistance, de la matière, du discours, des larmes, de la sueur, de l’humain, de l’humanité. Un Sac de billes était pour lui ! Dans la lettre qu’il adresse en 2008 à Joseph Joffo pour lui demander l’autorisation d’adapter le roman en bande dessinée, Kris écrit : « Nul ne sait quel homme, ou quel enfant, il serait en temps de guerre. Mais je pense qu’on peut tout de même se situer à peu près en temps de paix. Des livres comme le vôtre nous aident en tout cas à nous déterminer. Et à tenter de renvoyer, pour toujours, de potentiels futurs récits comme celui d’Un Sac de billes dans le domaine de la pure fiction… ». Et c’est la valeur intemporelle du récit qui a finalement décidé Kris à faire du livre une bande dessinée. Avec son coup de crayon magique, à la fois léger et précis, et ses couleurs douces, délicates, Vincent Bailly a pour sa part magnifiquement recréé l’atmosphère de ces années noires et nous offre un nouveau regard sur cette histoire, sur  Joseph, son frère Maurice et tous ces personnages confrontés à la barbarie nazie. Un très très très beau travail prévu en deux tomes ! E.G.

24 Mai

Cent mille journées de prières (livre premier), de Loo Hui Phang et Michaël Sterckeman. Editions Futuropolis. 20 euros.

Dans la cour de l’école, Louis est régulièrement victime de moqueries et de provocations de la part de ses camarades. Certains le surnomment même Bruce Lee et miment quelques mouvements de kung-fu à chaque fois qu’ils peuvent le croiser. De quoi agacer le jeune garçon et lui rappeler qu’il est différent ! Louis est Eurasien, sans doute le seul sans cette banlieue d’une grande ville normande. Il vit avec sa mère, une infirmière, et ne connaît de son père absolument rien. Qui est-il ? Où est-il ? Que fait-il ? A quoi ressemble-t-il ? Autant de questions que le petit Louis se pose et confie à son canari, son seul copain, son confident. Et inutile d’interroger sa mère, il le sait, cette mère qui se mure dans un silence pesant quand elle ne fond pas en larmes. Et puis, un jour, une famille cambodgienne se réfugie chez eux, une famille que semble très bien connaître sa mère… et son père. Louis découvre alors une langue, une cuisine, une culture différente et obtient enfin quelques bribes d’informations sur ce père tant rêvé…

Avec l’histoire de ce petit garçon de huit ans, confronté au racisme « ordinaire » et en même temps à un lourd secret de famille, Loo Hui Phang fait écho à sa propre vie. En préface à l’ouvrage, elle raconte comment son père lui a appris il y a quelques années qu’il avait eu un frère et trois de ses sœurs, dont elle ignorait totalement l’existence, assassinés par les khmers rouges. « En quelques minutes, j’ai vu surgir puis disparaître une partie de ma famille… »,confie Loo Hui Phang, « Cette révélation a donné un visage à mes cauchemars. Il est des événements familiaux qui se muent en secrets, retenus sous un voile de pudeur. Enterrés sous des années de silence, ils continuent de hanter les vivants, d’opérer dans l’ombre leur travail de destruction… ». Avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, Loo Hui Phang parle ici de la souffrance d’un jeune garçon à la recherche de ses origines, de ses racines, pour peut-être mieux supporter cette différence qu’on lui fait remarquer chaque jour ! Et pour mettre en images cette quête fortement intime, le dessinateur Michaël Sterckeman qui a l’habitude d’explorer les rapports humains dans ses récits nous offre cent vingt pages en noir et blanc d’une très grande subtilité. Une histoire en deux volumes à découvrir sans tarder ! E.G.

16 Mai

Scènes d’un mariage imminent, de Adrian Tomine. Editions Delcourt. 9,40 euros.

Drôle et tendre à la fois ! Encore plus, peut-être, pour tous ceux qui ont directement vécu la préparation d’un mariage. Car Scènes d’un mariage imminent, comme son titre l’indique clairement, revient sur cette importante étape de la vie et sur tous ces petits riens qui font au final le grand tout. Les invitations, le plan de table, le choix de la musique, les fleurs, la liste de mariage, la salle de réception, les cadeaux pour les invités, la robe… tout est passé à la moulinette par l’Américain Adrian Tomine, auteur précédemment de Loin d’être parfait et de Blonde platine. Et on sent le vécu ! Pour la simple et bonne raison que cet album au format poche paru chez Delcourt est à l’origine un petit fascicule que l’auteur a souhaité offrir à ses amis le jour de son propre mariage ! Un album à offrir à tous ceux qui envisagent de dire oui pour la vie ! E.G.

15 Mai

Chili con carnage, L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu (tome 1), de Lupano, Salomone et Pieri. Editions Delcourt. 13,50 euros.

Lupano, Salomone et Pieri… Pas étonnant que ces trois là, avec leurs noms à consonance italienne, jouent dans le western tendance spaghetti. Le premier volet de L’homme qui n’aimait pas les armes à feu vient de paraître. Son titre : Chili con carnage. Tout est dit ou presque ! Une poursuite des plus infernales quelque part dans le désert brulant d’Arizona. Une poursuite qui met en scène des bons (pas beaucoup quand même), des brutes (déjà plus nombreux) et surtout des truands (par paquets de 12), tous à la recherche d’un mystérieux document qui, dit-on, pourrait changer le cours de l’histoire des Etats Unis d’Amérique. En attendant cet éventuel dénouement, le lecteur aura l’honneur et l’avantage de suivre les tribulations d’une galerie de personnages particulièrement atypiques comme l’avocat Byron Peck, la classe en toutes circonstances, l’imposant et quelques peu rustre Monsieur Hoggaard, la sulfureuse Margot de Garine, aristocrate franco-russe, et Manolo Cruz, chef d’une horde de pistoleros mexicains pilleurs de trains. Mais attention, L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu n’est pas uniquement ou complètement, comme le signale le scénariste Wilfrid Lupano, un western. « Il parle d’un des mythes fondateurs de l’Amérique triomphante : le flingue. Le premier tome est donc totalement dans les clichés de l’Ouest, très premier degré, mais c’est pour mieux questionner ces clichés par la suite. Et peut-être même que le lecteur apprendra une ou deux choses assez surprenantes, à l’occasion… ». Un récit survitaminé, des dialogues savoureux, des personnages qui ont beaucoup de caractère et, enfin, un graphisme signé Paul Salomone tout à fait remarquable, qui plus-est pour un premier album. Explosif ! E.G.

13 Mai

Désirs exaucés, Beauté (tome 1), de Kerascoët et Hubert. Editions Dupuis. 13,95 euros.

Il était une fois une très belle princesse… L’histoire, classiquement, aurait dû débuter ainsi mais, Morue, c’est le nom de l’héroïne principale, n’est en fait ni belle, ni princesse. Dans le village, les enfants la raillent, les adultes l’exploitent. C’est vrai que Morue a un physique pour le moins ingrat qui lui laisse peu d’espoir de se faire des amis, encore moins de trouver le prince charmant. Jusqu’au jour où Morue délivre une fée du sortilège qui la retenait prisonnière de la peau d’un crapaud. Et cette fée, pour la remercier, lui octroie la beauté. La vie de Morue se transforme alors en un conte de fée, un vrai ou presque, avec de nombreux prétendants…

Après la remarquable série Miss pas touche, publiée dans l’excellente collection Poisson Pilote de Dargaud entre 2006 et 2009, l’équipe Kerascoët – Hubert se reforme autour d’un récit en forme de conte de fée, un peu décalé certes, mais sombrement et délicieusement drôle. Désirs exaucés, nom de ce premier volet de Beauté, revisite les classiques du genre avec malice dans l’écriture et délicatesse dans le graphisme. Une très belle surprise ! E.G.

11 Mai

Les Petits hommes, L’intégrale 1973 – 1975 (tome 3), de Seron et Hao. Editions Dupuis. 24 euros.

Lancée il y a tout juste un an, l’intégrale consacrée aux Petits hommes se poursuit avec la parution ce mois-ci d’un troisième volume réunissant trois grandes aventures (Le Lac de l’auto, L’œil du cyclope, Le Vaisseau fantôme) ainsi que plusieurs récits courts ou inédits et un dossier revenant sur le contexte de création de chacun de ces épisodes. Parus entre 1973 et 1975, ces récits permettent à l’univers imaginé par Pierre Seron de s’installer pleinement, avec notamment l’apparition d’un méchant. Malgré la volonté de Seron d’avoir des personnages un peu plus modernes, c’est le très classique Mittéï, alias Hao, qui signe ici les scénarios. Une association tout de même magique ! Les Petits hommes connaissent un succès considérable auprès des lecteurs du journal Spirou et représentent aujourd’hui encore un grand classique du Neuvième art avec des histoires mêlant policier, aventure, fantastique et science fiction ! E.G.

09 Mai

Nouméa Tchamba, Carmen Mc Callum (tome 11), de Duval, Emem et Pierre Schelle. Editions Delcourt. 13,50 euros.

La majestueuse Carmen Mc Callum est de retour… avec quelques soucis ! A commencer par cet implant qu’on lui a logé dans le cerveau et qui permet à Dommy, une intelligence artificielle, de contrôler son système nerveux central. Une petite impulsion et la cervelle de notre mercenaire ne serait plus que bouillie pour chats ! En conséquence, Carmen doit cette fois la jouer docile et obtempérer. Mais obtempérer à quoi ? Et à qui ? Ses compétences en matière de sabotage et d’infiltration lui valent d’avoir été sélectionnée pour une mission très spéciale. Elle va devoir en effet intervenir pour stopper l’activité d’une usine d’exploitation d’hydrates de gaz située dans la mer de corail, activité qui représenterait une menace très sérieuse pour l’environnement de la région et que même l’UNESCO hésite à reconnaître. Selon des experts, cette extraction pourrait provoquer l’un des plus puissants et dévastateurs tsunamis de l’histoire de la planète. c’est dire ! L’implant dans le cerveau mais aussi l’occasion de sauver la planète d’une catastrophe majeure et un défraiement de quelque 300 000 euros par jour (quand même!) ne pourront laisser Carmen totalement indifférente à la situation…

Onzième volet de la série, troisième tome pour Emem qui a repris le dessin au départ de Gess, Carmen Mc Callum est aujourd’hui une des mercenaires en activité les plus célèbres du Neuvième art. Depuis plus de quinze ans, elle nous offre des aventures mêlant subtilement action et technologies de pointe, le tout dans un univers futuriste que le scénariste rouennais Fred Duval a toujours veillé à rendre crédible. Du divertissement avec un grand D en somme que l’on retrouve aussi en ce joli mois de mai dans le septième volet de Hauteville House, également scénarisé par Fred Duval, dessiné par Thierry Gioux et Christophe Quet, toujours pour les éditions Delcourt. Direction le Pacifique sud où les équipages du sous-marin nordiste, le Kearsarge, et du navire de guerre sudiste, l’Alabama, se font la course pour être les premiers à explorer les îles Salomon et récupérer la croix de La Pérouse ! EGuillaud

Dans le détail :

Nouméa Tchamba, Carmen Mc Callum (tome 11), de Duval, Emem, Pierre Schelle. Editions Delcourt. 13,50 euros.

Expédition Vanikoro, Hauteville House (tome 7), de Duval, Gioux, Quet et Beau. Editions Delcourt. 13,95 euros.

07 Mai

Celle qui réchauffe l’hiver, de Pierre Place. Editions Delcourt. 25 euros.

C’est bientôt l’hiver du côté de l’arctique et le peuple inuit n’a plus une goutte de graisse d’avance, plus un morceau de phoque ou de morse à se mettre sous la dent, rien, absolument rien ! Une famine telle qu’il n’en avait jamais connue. Face à ce péril imminent, deux jeunes chasseurs, Angi et Tagak, sont chargés de partir à la recherche de la Dame sous la mer, une divinité pourvue d’une très longue chevelure, qui aurait pour effet de retenir le gibier au fond de l’eau. Leur mission : peigner la déesse et libérer les animaux. En route pour l’aventure…

Publié dans la collection Mirages des éditions Delcourt, Celle qui réchauffe l’hiver est un récit surprenant à la croisée de deux genres, le burlesque et l’aventure mythologique. Un album de 224 pages signé par un jeune auteur, Pierre Place, dont on a déjà pu apprécier le travail dans l’album collectif Paroles sans papiers paru en 2007 chez Delcourt. Pour les amoureux du Grand nord et des rencontres avec les esprits de la nature ! E.G.

04 Mai

Un privé à la cambrousse (volume 1), de Bruno Heitz. Editions Gallimard. 21 euros.

Avec son béret scotché sur la tête, sa veste sans forme, ses gros godillots et sa mobylette rouge, Hubert n’a franchement rien d’un détective privé. Du moins comme on peut se les imaginer et comme on peut en trouver dans les polars urbains. Et c’est bien normal car Hubert n’est pas un citadin mais un campagnard, un paysan, un vrai, qui s’est retrouvé sans terres et donc sans travail à la mort de son vieux. Un jour, en voulant rendre un petit service à sa belle sœur, Hubert va se trouver une nouvelle vocation, plus qu’un métier, un véritable sacerdoce : la filature. Dans son petit village de Baulieu-sur-Morne, 800 âmes au grand maximum, on le surnomme très vite le Flic, Maigret ou encore Sherlock Holmes. Et au fil de ses enquêtes, Hubert va imposer un style et se créer une belle petite clientèle. Il faut dire qu’ici, comme ailleurs, les histoires, les petites comme les grandes, ne manquent franchement pas…

Publié initialement au Seuil en neuf volets, ce polar totalement rural et génial est aujourd’hui réédité en intégrale aux éditions Gallimard. Le tome 1 réunissant les trois premiers récits est sorti ce mois-ci et nous replonge d’emblée dans cette douce France des années 50, quelque part du côté de la bien-nommée vallée de la Morne pour des enquêtes sur fond de petits mensonges et de grandes mesquineries, de jalousies et de vengeances, de petits et gros délits. Un bonheur qui sent bon le terroir… ! E.G.