Yslaire fait son retour chez l’éditeur de ses débuts avec un livre hommage à l’un des plus grands poètes français, Baudelaire, dont on célèbre en ce mois d’avril le bicentenaire de la naissance…
Dans les années 80-90 du siècle passé, Bernard Hislaire faisait ses premiers pas dans le monde du neuvième art aux éditions Dupuis avec une série qui témoignait déjà de son attirance pour la poésie, Bidouille et Violette, une histoire d’amour entre deux adolescents, mélancolique à souhait, quatre tomes parus que je ne peux que vous encourager à (re)découvrir.
Mais c’est avec Sambre, dont le premier volet est publié chez Glénat en 1986, que l’auteur se fait un nom, Yslaire. Plus de H et de I mais un Y en lieu et place, un détail me direz-vous mais un détail qui marque le début d’une reconnaissance publique et critique internationale. À la série mère, 8 tomes publiés à ce jour, viennent s’ajouter au fil du temps deux séries parallèles, La Guerre des Sambre : Hugo et Iris (3 tomes) et La Guerre des Sambre : Werner et Charlotte (3 tomes), dont l’auteur signe le scénario mais pas le dessin.
En 2021, Yslaire retrouve donc les éditions Dupuis avec les honneurs s’il vous plait de trois cahiers work in progress publiés en amont de l’album, une délicate invitation dans le processus de création de l’auteur, un avant-goût à l’album que voici et qui ne peut que nous laisser pantois d’admiration.
Dans un élan graphique bouillonnant, l’auteur y dépeint le poète maudit face à ses tourments, face à son génie aussi, un plongeon au coeur de la création, de la poésie et de l’une des oeuvres majeures, Les Fleurs du mal, guidé par la Vénus noire, Jeanne Duval, la mystérieuse muse de Baudelaire dont Yslaire fait ici la narratrice à travers une lettre qu’elle aurait adressée à la mère du poète à la mort de celui-ci.
« Jeanne et la fiction m’ouvrent la voie pour aborder les recoins cachés de la vérité, pour poser des questions… », explique Yslaire, « Mais je ne réinvente rien. Je me sers de tout ce qui existe autour de Baudelaire, tout ce qui s’est dit depuis les gens qui l’ont connu jusqu’à aujourd’hui. »
À l’image des vers de Baudelaire, les planches d’Yslaire offrent un condensé de références mythologiques, de romantisme, de passion, de sexe… Pas d’outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs ici, pas de condamnation, pas de censure… les temps ont changé, du moins peut-on l’espérer, mais un hymne à la poésie, à la beauté, à l’amour, à la vie. Chef d’oeuvre !
Eric Guillaud
Mademoiselle Baudelaire, d’Yslaire. Dupuis. 26€ (en librairie le 23 avril)