31 Mar

Johnny Biceps – l’argonaute du futur : une fantasy absurde mais pas que !

Un comic book de science-fiction parodique qui régalera les fans de la période ‘classique’ du genre tout en se permettant quelques petites piques bien senties à notre société machiste.

Oui, le scénariste Karibou et le dessinateur Witko connaissent leurs classiques du space-opera, de Star Wars à Flash Gordon en passant par Galactica. D’où cette galerie de personnages semblant sortir d’un vieux pulp – ces magazines bon marché qui, dans les années 40 et 50 abreuvaient la jeunesse américaine de récits d’aventures couvrant tout le spectre.

Mais le résultat est en même délicieusement décalée, avec le fidèle second qui ne comprend rien à comprend ou le scientifique de l’équipe bourré de névroses. Et bien sûr, il y a ce héros, Johnny Biceps sûr de lui et pourtant bête comme ses pieds et bovin au dernier degré. Sans parler de son ennemi juré, le diabolique et pourtant aussi débile Astar, capable du pire… Comme par exemple d’inviter à un goûter d’anniversaire Biceps. Et ce après qu’il se soit retrouvé en fauteuil roulant, désormais accompagné de son assistant de vie prénommé Aziz qui, par amour, décide bientôt de donner naissance à son clone.

© Delcourt / Witko & Karibou

Le ton est donné. Oui, c’est complètement absurde et pousse parfois le bouchon très loin – notamment lorsque Biceps hésite à trucider le monstre galactique en forme de verge ( !) qui menace de le dévorer car la symbolique remettrait trop en question sa virilité. Et on vous laisse deviner ce que suggère le nez fin et allongé de ce dernier sous ce menton poilu séparé en deux…

© Delcourt / Witko & Karibou

Mais justement : en plus de son style de dessin faussement naïf entre Lewis Trondheim et Riad Sattouf, L’Argonaute Du Futur se la joue malin. Il alterne le rythme (certaines histoires ne font qu’une page alors que d’autres plusieurs) et les teintes colorées et sait se moquer aussi bien des ‘gentils’ que des ‘méchants’.

Il multiplie aussi les clins d’œil graphiques aux grands classiques du genre tout en renversant parfois complètement les valeurs avec un flegme quasi-britannique, rendant la chose encore plus absurde. Résultat, la charge se révèle à la fois singulière et en même temps jamais trop lourde. Et puis en plus d’être assez en phase au final avec des problématiques très actuelles, comme le machisme à outrance ambiant, Johnny Biceps est avant tout, et surtout, franchement drôle.    

Olivier Badin

Johnny Biceps – L’argonaute du futur de Witko & Karibou. Delcourt. 12,50 €

27 Mar

La Femme à l’étoile d’Anthony Pastor : western au féminin

Avec Hoka Hey! de Neyef, sorti il y a quelques mois, et aujourd’hui La femme à l’étoile d’Anthony Pastor, le western prouve qu’il en a encore sous le sabot pour se renouveler en abordant des thématiques très actuelles comme ici le féminisme…

Sorti en octobre 2022, Hoka Hey! a assurément fait de l’effet dans le milieu du neuvième art au point de se retrouver inscrit dans la sélection officielle du festival d’Angoulême 2023 ainsi que dans la sélection restreinte du Prix du Public France Télévisions, et au final de décrocher le Prix des libraires Canal BD. À la plus grande joie de son auteur Neyef.

Rebelotte avec La Femme à l’étoile dont la sortie est prévue pour le 5 avril. Un album d’Anthony Pastor cette fois, publié par Casterman, qui du long de ses 260 pages devrait lui aussi marquer fortement les esprits !

© Casterman / Pastor

Leur point commun ? Au-delà de nous embarquer dans l’Ouest américain, univers ô combien violent, masculin et machiste, et de s’approprier pleinement les codes du western, l’un et l’autre prennent des chemins de traverse pour aborder des thématiques très contemporaines, nous interrogeant sur la filiation, l’acculturation et l’oppression des minorités dans le premier cas, la condition féminine dans le second, celui qui nous intéresse ici.

Avec un héros, ou plutôt une héroïne, Perla, qui s’est emparé d’une étoile de shérif non pas pour faire la loi comme les hommes mais pour afficher son refus de l’ordre patriarcal établi.

© Casterman / Pastor

Sans spoiler l’histoire, Perla est une fugitive, recherchée par le marshal Pierce. Mais elle est plutôt du genre à ne pas se laisser faire. Planquée dans un village fantomatique, une ancienne mine d’or, elle voit arriver Zachary, lui aussi activement recherché. Ensemble, ils vont devoir apprendre à se connaître et à se complémenter pour affronter l’hiver hostile et surtout les hommes de loi qui ne manqueront pas de débarquer.

Dans ce huis clos fortement enneigé, Perla ne tient pas le rôle habituel assigné à la femme dans ce genre d’univers. Perla est une femme indépendante, de caractère, qui manie aussi bien les armes que la tactique. Zachary, lui, n’a visiblement pas les épaules aussi carrées et doit accepter dans les premiers temps une forme de soumission.

© Casterman / Pastor

Réalisé de façon traditionnelle, au pinceau et en couleur directe, dans un lavis à l’encre bleue des plus subtiles, l’album d’Anthony Pastor est une petite merveille graphique en même temps qu’une oeuvre sensible à l’air du temps, à nos questionnements, aux questionnements de l’auteur lui-même qui trouve ici, dans ce genre très masculin, l’occasion d’exprimer sa position d’homme féministe refusant, dit-il, « le rôle assigné de la domination et son héritage« .

Bien évidemment, La Femme à l’étoile reste avant tout une fiction, un divertissement au scénario parfaitement ficelé, aux atmosphères oppressantes à souhait, aux psychologies fouillées, des personnages qui au fil de l’histoire nous dévoilent leurs blessures profondes, un récit où l’intime finit par côtoyer l’universel. Brillant !

Eric Guillaud

La Femme à l’étoile d’Anthony Pastor. Casterman. 27€ (en librairie le 5 avril)

25 Mar

Clear de Scott Snyder et Francis Manapul : un futur avec filtre

Et si les filtres n’étaient plus réservés à nos seules photographies Instagram mais pouvaient modifier la réalité selon nos envies. C’est ce qu’ont imaginé l’Américain Scott Snyder et le Philippino-canadien Francis Manapul dans ce récit haletant au graphisme et au scénario d’une très grande richesse…

Vous lisez cette chronique sur l’écran d’un ordinateur ou d’un smartphone ? Alors vous êtes totalement has been, d’un autre siècle. Dans celui qu’imaginent ici Scott Snyder et Francis Manapul, plus de supports, tout est dans la tête.

Et quand je dis dans la tête, c’est physiquement dans la tête, grâce à un implant cérébral qui permet à tout un chacun de se connecter avec le monde réel et de l’adapter à ses envies. Vous voulez revivre les années 1980 ? Vous inviter dans un film porno ? Dans un monde de zombies ? Pas de souci, il suffit de choisir le bon filtre ou voile, une petite innovation technologique qui a mine de rien changé la face du monde.

Et surtout permis à beaucoup d’oublier la sombre réalité, notamment cette troisième guerre mondiale ou guerre rouge, appelez-là comme vous voulez, perdue par les États-Unis, gagnée par la Chine et la Russie.

Dans cet avenir pour le moins sombre, l’ancien flic devenu détective privé, Sam Dunes, a choisi lui de vivre sans filtre, en mode « clear ». Il a ainsi tout le loisir de voir les choses telles qu’elles sont, et ce n’est pas franchement joli joli… Alors, lorsqu’on l’appelle pour venir reconnaître son ex-femme raide morte sur une table d’autopsie, et qu’on lui parle d’un suicide, Dunes pourrait se contenter de cette version mais il n’en croit pas un mot. Et il a bien raison…

La couverture annonce la couleur, Clear est un petit bijou graphique au scénario implacable, Snyder et Manapul ayant imaginé là un futur effrayant à souhait où l’homme aurait finalement choisi de se résigner en se voilant la face dans tous les sens du terme. Du polar à la mode SF ou l’inverse bigrement bon !

Eric Guillaud

Clear, de Scott Snyder et Francis Manapul. Delcourt. 16,95€. En librairie le 29 mars.

© Delcourt / Snyder & Manapul

19 Mar

L’Année fantôme de Didier Tronchet ou la face cachée des amuseurs

Si l’humour peut faire du bien, il peut aussi être affreusement dévastateur. À sa manière et à travers le portrait d’un humoriste qui pourrait lui ressembler un peu, Didier Tronchet invite chacun de nous à la réflexion sur les limites de l’exercice et sur ce qu’il peut cacher. Avec beaucoup de sensibilité et un poil de drôlerie…

Il s’appelle Gilles Collot-Sopiédard, mais tout le monde l’appelle Collot, un drôle de nom pour un drôle de bonhomme. Son métier : faire rire ! Et faire trembler aussi. Car son humour n’a d’égal que sa férocité. Dans le journal où il signe une chronique quotidienne, on le vénère. Sur la place de Paris, on craint ses mots.

« Hé, Collot ! T’as encore sorti le lance-flamme! ».

En position de sniper, Collot flingue à tout va. C’est la guerre. La guerre du bon mot au bon moment. Et pour la gagner cette guerre, Collot doit rester en permanence sur le qui-vive, dégainer le premier, sortir l’artillerie lourde si nécessaire. Rester au top. Toujours. jusqu’au jour où, en direct à la télévision, le bon mot finit par lui échapper. Et de perdre pied…

On aurait presque oublié que Collot est aussi un homme avec ses blessures, ses manques, ses interrogations. Sa psy tente de l’aider mais sa biographie a pas mal de trous, et notamment cette année 1986 qui a disparu des radars. Pas une photo, pas un souvenir. Comme si on avait voulu l’effacer de sa mémoire. Mais pourquoi ?

Oui pourquoi ? C’est toute la question de ce récit qui explore la faille intime d’un protagoniste en apparence solide comme un roc. Mais Gilles Collot-Sopiédard ou Collot-Sopiédard Gilles (prononcez bien toutes les syllabes) se révèle plus fragile, plus humain et donc plus attachant qu’il ne peut laisser paraître de prime abord.

Bien que ce récit ne soit pas revendiqué comme une autobiographie, on y retrouve bien évidemment pas mal de l’auteur qui, comme son héros, a commencé en tant que journaliste, avant de de faire connaître dans la bande dessinée avec un humour particulièrement féroce et un regard aiguisé sur la misère humaine. Ici, l’humour est disons tempéré, Tronchet offrant un portrait touchant et en même temps une réflexion sur l’humour et sa place dans notre société.

Eric Guillaud 

L’Année fantôme, de Didier Tronchet. Dupuis. 27€

@ Dupuis / Tronchet

17 Mar

Grandville : un présent alternatif où les animaux ont pris la place des hommes et où la paranoïa est générale

La maison d’édition indépendante Delirium continue son œuvre de salubrité publique en rééditant l’univers du magazine britannique ‘déviant’ 2000 AD. Œuvre de l’un des auteurs phares de la revue publiée à part, Grandville est une passionnante uchronie policière.

Le plus fascinant avec ce premier tome de Grandville, ce sont ses différents niveaux de lecture.

On y trouve d’abord une uchronie assez subtile, c’est-à-dire une reconstruction fictive de l’histoire. Dans ce monde parallèle, tout diverge à partir de l’accession au pouvoir de Napoléon. Au lieu de perdre la bataille face aux anglais et d’être déchu, ici l’Empereur a remporté la victoire et envahit la perfide Albion avant d’y décapiter la famille royale. L’Angleterre est désormais gérée comme une sorte de colonie officiellement autonome mais avec lesquels les relations sont très tumultueuses.

La capitale de l’Empire est toujours Paris mais a été rebaptisée Grandville. L’action se passe dans un décor très steampunk, mélangeant technologie rétro-futuriste et décors et costumes d’inspiration Art Nouveau. En découle une atmosphère à la fois feutrée et décadente, entre un croisement entre les aventures d’Adèle Blanc-Sec, Sherlock Holmes et Jules Verne. Une impression renforcée par le souci du détail et les nombreux clins d’œil à la pop culture éparpillés à droite et à gauche – le lecteur peut par exemple au détour d’une case y croise les personnages de Bécassine ou Spirou – mais aussi à des artistes ayant réellement existé au tout début du XXème siècle, comme Alfred Mucha ou l’actrice Sarah Bernhardt. 

@ Delirium / Talbot

Mais le plus fascinant reste ce choix de personnages d’animaux anthropomorphes, parmi lesquels évoluent quelques êtres humains réduits à des tâches purement subalternes et transparents alors que leurs ‘maitres’, eux, s’aiment, se détestent, se battent ou débattent avec passion. Le héros de l’histoire l’illustre bien : envoyé par Scotland Yard pour enquêter sur une série de meurtres et de suicides mystérieux, L’inspecteur LeBrock semble d’abord évoquer (forcément) d’abord du 10, Downing Street avant d’évoluer vers quelque chose de plus ambigu, où son esprit de déduction n’est pas sa seule arme, ce qui le rend plus impitoyable et donc bien plus intéressant.

@ Delirium / Talbot

Enfin, l’ambiance lourde et complotiste dans laquelle ce premier volume baigne renvoie forcément à une époque un peu oubliée de l’histoire mondiale, celle de quasi-insurrection en Europe après la crise de 29. Une époque trouble où pullulaient alors sociétés secrètes et autres milice d’extrême droite (on pense beaucoup à la Cagoule) et d’extrême gauche, visant toutes à renverser le gouvernement en place. Un cadre paranoïaque où tout le monde était un potentiel ennemi… Ou une potentielle victime. Pas étonnant au final de retrouver derrière cette brillante aventure policière romanesque tordue ça l’un des auteurs phares de la revue 2000 AD (Judge Dredd, Nemesis) Bryan Talbot qui cumule ici les postes de scénariste et dessinateur.

 noter que par rapport à la première version française de 2011, celle-ci contient une trentaine de pages de bonus, avec croquis et commentaires de l’auteur. Enfin, un deuxième tome (sur cinq prévus au total) sortira le 7 avril prochain.

Olivier BADIN

Grandville de Bryan Talbot. Delirium. 22.

15 Mar

À la Recherche de l’homme sauvage de Frédéric Bihel : le yéti refait surface

Il y a du Tintin dans l’air ! Pour son deuxième album aux éditions Delcourt et son premier en tant que scénariste, Frédéric Bihel nous a concocté un récit d’aventure inspiré par Hergé et plus particulièrement l’album Tintin au Tibet. Et le résultat est plutôt surprenant…

Bon, je vous le concède, le protagoniste principal de ce récit – que vous pouvez voir en couverture – n’a pas la physionomie de Tintin, pas même la houppette. Quant au graphisme, nous ne sommes pas du tout dans l’esprit de la ligne claire chère à Hergé, plutôt dans un registre réaliste aux atmosphères inquiétantes.

Non, l’influence d’Hergé est ici beaucoup plus subtile que ça.

Augustin, le fameux protagoniste, est une passionné d’archéologie. Dans les années 60, jeune, il passe son temps au muséum près de chez lui, se prenant de passion pour les animaux, les dinosaures, les gorilles en même temps qu’il dévore Tintin au Tibet. Au point de rêver toutes les nuits d’un homme-ombre comme il l’appelle, un homme sauvage, un yéti en quelque sorte tel qu’on peut en voir un dans l’album d’Hergé.

@ Delcourt / Bihel

Devenu adulte, Augustin, très logiquement, devient paléontologue et continue de rêver à cet homme sauvage. Hanté, il décide de partir à sa recherche dans les montagnes du Tchatril en Asie centrale…

Clin d’œil ? Hommage ? À la recherche de l’homme sauvage devrait ravir les amoureux de Tintin avec de nombreuses références à l’univers mis en place par Hergé. Ainsi peut-on croiser au fil de l’histoire un certain André Capitaine qui a tout du capitaine Haddock, à commencer par une certaine attirance pour le whisky, ou encore deux policiers pakistanais, Babar et Dogar, dont l’extrême ressemblance et le mimétisme réciproque nous remémorent forcément les Dupondt…

Mais le récit de Frédéric Bihel reste avant tout une grande aventure en même temps qu’une quête existentielle et mystique qui ne nécessite aucune culture spécifique et nous baigne dans de splendides atmosphères mystérieuses en compagnie de personnage très attachants. Chaudement recommandé !

Eric Guillaud

À la Recherche de l’homme sauvage de Frédéric Bihel. Delcourt. 24,95€

@ Delcourt / Bihel

12 Mar

Environnement toxique, un roman graphique autobiographique à résonance universelle signé Kate Beaton

Déjà repérée des deux côtes de l’Atlantique pour ses récits humoristiques et jeunesse, la Canadienne Kate Beaton livre ici un récit autobiographique d’une rare puissance en même temps qu’un témoignage essentiel sur notre société, l’univers du travail, la place des femmes, les violence sexuelles et sexistes…

Un peu d’eau bénite, un dernier conseil de maman… et Kate, 21 ans, est fin prête pour le grand saut, quitter sa Nouvelle-Écosse natale pour le monde du travail à plus de 5000 km de là, dans la province d’Alberta.

Pourquoi si loin ? Pourquoi l’Alberta ? Parce que c’est dans cette province canadienne que se trouvent les sables bitumineux d’où est extrait le pétrole. Parce que c’est là qu’on peut se faire très vite de l’argent. Et Kate en a besoin pour rembourser son prêt étudiant!

Alors qu’importe la distance, qu’importe le déracinement et l’éloignement des proches, qu’importe le froid et le danger omniprésent, qu’importe le décor sinistre des usines, dépôts et autres mines à ciel ouvert… Kate est prête a faire face à tout.

© Casterman / Beaton

À tout… ou presque ! Car ce que découvre la jeune femme en arrivant sur les lieux dépasse l’entendement. Dans l’univers industriel des sables bitumineux vivent des milliers d’hommes en vase clos, et parmi eux un grand nombre de crétins, plus machistes les uns que les autres, qui prennent les très rares femmes présentes au sein du personnel pour des esclaves sexuelles.

« Tu baises ? », entend-elle régulièrement sur son passage. Il faut dire qu’ici, le patron, celui qui a raison, c’est forcément l’homme. Rumeurs, harcèlement, sexisme, viol… voilà le quotidien que doit affronter Kate.

« Les féministes, c’est juste un tas de salopes tarées qui savent pas de quoi elles parlent »

Ça a le mérite d’être clair et direct. Bien sûr, Kate peut fuir à tout moment cet environnement toxique mais elle en décide autrement. Pour l’argent mais pas seulement ! Une fois écartés les ignobles machistes de tous poils, une fois gratté le vernis des apparences, il reste tout de même quelques hommes attachants et protecteurs.

© Casterman / Beaton

De ces deux années passées au cœur de l’industrie pétrolière, Kate en tire aujourd’hui un récit autobiographique qui raconte bien évidemment son expérience mais avec une résonance universelle, tant, hélas, la phallocratie, le harcèlement, les violences sexuelles et sexistes sont partout les mêmes.

Pour autant, le regard de l’autrice n’est pas non plus celui d’une accusatrice. Elle-même reconnait une certaine compassion et même de la tendresse pour ces hommes. Kate Beaton montre sans pour autant dénoncer, trouvant non pas des excuses à ces comportements mais plus sûrement des explications dans l’éducation, dans la construction sociale, dans le déracinement, l’ennui et la solitude, sentiments partagés par tous les ouvriers. Un extraordinaire témoignage sur notre monde contemporain.

Eric Guillaud

Environnement toxique de Kate Beaton. Casterman. 29,95€