21 Déc

Action, aventure, fantastique, heroic fantasy… L’ultime sélection de bandes dessinées jeunesse à glisser sous le sapin de Noël

Aïe aïe aïe, Noël est en vue et vous séchez définitivement sur le cadeau du cousin de la fille de l’oncle José ? Pas de panique, voici rien que pour vous et les millions de gens dans la même situation une sélection de bandes dessinées orientées jeunesse. Mais rien n’empêche de les offrir à des grands, voire très grands…

On commence avec Abby et Welton, un récit complet signé Anaïs Halard et Giorgia Casetti aux éditions Delcourt, un récit qui nous embarque pour l’Angleterre victorienne, dans un vieil hôtel tenu par monsieur Brickhouse. La jeune Abby y séjourne avec sa mère qui ne manque pas une occasion de la réprimander. Il faut dire que notre héroïne n’a rien de la classique jeune fille de bonne famille vouée à se marier et tenir une maison. Ce qu’elle cherche avant tout, c’est l’amour ! Et justement, ce Walton dont le portrait traîne dans une chambre ferait bien l’affaire. Abby enlace le tableau et l’embrasse jusqu’à redonner vie à ce Walton, Walton White, fantôme de son état, qui va très vite se révéler insupportable. Amour, humour et fantastique au menu de cet album, le tout avec un graphisme très plaisant.  (Abby et Walton, de Halard et Casetti. Delcourt. 14,95€)

Les héros ne meurent jamais vraiment et survivent parfois à leurs créateurs. Michel Vaillant en est un bel exemple avec cette nouvelle série d’aventures reprises par une équipe talentueuse après le raccrochage de Philippe Graton. Scénario, graphisme… tout a été repensé, revu et corrigé pour offrir au personnage une seconde vie. Et ça marche ! Pikes Peak est le dixième volet de cette Saison 2 comme l’a baptisé l’éditeur, un dixième volet qui prend de la hauteur, 4300  mètres exactement. Pour la première fois, le pilote engage une Vaillante sur la Pikes Peak Hill Climb, plus connue sous le nom de course vers les nuages, dans la montagne de Pikes Peak aux États-Unis. 1440 mètres de dénivelés, 156 virages, des précipices à finir pétrifiés et une course de folie… (Pikes Peak, Michel Vaillant tome 10, de Lapière, Benéteau et Dutrueil. Dupuis. 15,95€)

Action avec Les Géants dont le quatrième volet est sorti en octobre dernier. Direction la Chine où le géant Alyphar et ses Cerbères ont détruit totalement deux centrales nucléaires créant la panique au sein de la population qui craint des retombées radioactives. Et malheureusement, le reste du monde n’est pas à l’abris. Partout, les Cerbères sèment le chaos au profit d’Alyphar. Mais tout n’est peut-être pas perdu, sept enfants aux capacités naturelles hors normes et liés à d’immenses créatures vont tout faire pour sauver la planète… (Les Géants, tome 4, de Christ, Drouin, Lylian. Glénat. 10,95€)

Les éditions Casterman, Jungle… et aujourd’hui Delcourt, les adaptations de La Ferme des animaux de George Orwell se suivent et ne se ressemblent pas même si l’histoire bien évidemment est toujours la même, la révolte des animaux dans une ferme da la campagne anglaise. Une adaptation au scénario bien ficelé et au dessin d’une belle lisibilité…  (La Ferme des animaux, de Rodolphe et Le Sourd d’après l’œuvre de George Orwell. Delcourt. 10,95€)

Septième et dernier volume de cette série signée Mathieu Reynès qui remporte depuis le départ un certain succès auprès des jeunes filles. Il faut dire que l’héroïne que l’on a pu découvrir dès novembre 2015 dans les pages du journal Spirou puis à partir de janvier 2016 en album est dotée d’un sacré tempérament et d’un pouvoir surnaturel qui fait fantasmer, à savoir la télékinésie, faculté métapsychique hypothétique de l’esprit qui permettrait d’agir directement sur la matière. Ça peut aider à déplacer des montagnes. Harmony, c’est de la SF pour tous plutôt bien écrite et mise en images.  (Harmony tome 7, de Reynès. Dupuis. 12,50€)

26 albums en 24 ans d’existence, 10 millions d’exemplaires vendus, 48 albums spin off et bientôt un podcast, l’univers imaginé par Christophe Arleston et Didier Tarquin en 1994 est aujourd’hui tentaculaire et fait partie des plus gros succès de la bande dessinée. Après une petite pause de dix ans histoire pour les auteurs de prendre l’air et combattre la lassitude, Lanfeust fait son retour pour un nouvel opus avec les mêmes ingrédients que les précédents, un savant cocktail d’humour, d’action et de magie. Dans ce nouvel épisode, après avoir sauvé le monde, Lanfeust retrouve un peu d’anonymat en reprenant son métier de forgeron. Mais tout ceci pourrait bien être qu’une couverture…  (La Forêt noiseuse, Lanfeust de Troy tome 9, de Arleston et Tarquin. Soleil. 14,95€)

Après Cosey, Tebo, Trondheim ou encore Loisel, c’est au tour de Jean-Luc Cornette et de Thierry Martin de nous proposer leur aventure de Mickey dans la fameuse collection lancée par les éditions Glénat il y a maintenant cinq ans et qui compte aujourd’hui 15 titres. Mickey et les mille pat est un très bel album au dos toilé rouge du plus bel effet et au beau format de 80 pages dont 4 de recherches graphiques. Il réunit quatre récits qui débutent pareillement au seuil de la petite maison de Mickey, quatre, autant de saisons qui défilent ici depuis le printemps jusqu’à l’hiver. Les histoires sont savoureuses, le dessin gentiment rétro, l’album incontournable pour les amoureux du personnage. (Mickey et les mille pat, de Thierry Martin et Jean-Luc Cornette. Glénat. 19€)

Héros à l’ancienne, Guy Lefranc est un journaliste-reporter né en 1952 dans les pages du journal Tintin sous la plume et le pinceau de Jacques Martin, déjà créateur de la fameuse série Alix. Depuis, nombre de dessinateurs et de scénaristes se sont succédé pour lui offrir à ce jour 32 aventures, autant de mystères à résoudre pour notre héros plongé au cœur des années 50. Dans ce nouvel épisode, Lefranc part à la recherche d’un panneau du retable de l’Adoration de l’Agneau mystique, un chef-d’œuvre de la peinture flamande dérobé dans le un musée de Gand. Un voyage dans le monde de l’art et de ses faussaires. (Les Juges intègres, Lefranc tome 32, de Corteggiani et Alvès. Casterman. 11,95€)

27 ans d’existence, 17 albums, plus de dix millions d’exemplaires vendus, un spin-off du même acabit baptisé Game Over, des adaptations en série animée, en jeux vidéo, en jeux de cartes, une multitude de produits dérivés… la série Kid Paddle est un vrai phénomène éditorial, et ce depuis de nombreuses années. Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que l’auteur, Michel Ledent, aka Midam, a su créer un personnage d’aujourd’hui, passionné de jeux vidéo et de monstres en tout genre, souvent gluants et visqueux. On ne change pas une formule qui a fait ses preuves, ce nouvel album est à l’image des précédents, une succession de gags gentiment gore sur une ou deux pages. (Tattoo compris, Kid Paddle 16, de Midam, Dupuis. 10,95€)

Panique au château ! À en croire un messager introduit auprès du prince et de son mari, les animaux du royaume se révolteraient, refusant dorénavant de se laisser « bouffer la viande sur le dos ». De quoi en tomber du trône, envoyer la garde pour remettre tout ce beau monde dans le droit chemin et éviter une overdose de soupe de légumes à la cour. Plutôt que la garde, finalement, c’est le chambellan du château, Robilar pour vous servir, qui va tenter de reprendre les choses en main…  Lancée en septembre 2020, cette série de David Chauvel au scénario et Sylvain Guinebaud au dessin, s’amuse à détourner les contes et autres romans populaires comme ici La Ferme des animaux. Une série aussi rusée que le personnage principal, bourrée d’humour, d’action et de dialogues savoureux à double lecture. Pour les petits et les plus grands ! (Fort Animo, Robilar ou le maistre chat tome 3. Delcourt. 15,50€)

Une sélection de BD à offrir pour les plus grands ? C’est ici…

Eric Guillaud

20 Déc

Sélection officielle Angoulême 2022 : L’Américain de Loïc Guyon

Abuser des séries américaines télévisées peut-il nuire à la santé ? À défaut d’avoir la réponse, Loïc Guyon a pris le parti de s’en amuser dans son nouvel album avec un personnage complètement accro à une série ringarde qui va littéralement faire irruption dans son quotidien de petit Français ordinaire..

« Un gros clown attardé qui casse la gueule aux méchants ennemis des Ricains … De la pâtée pour demeurés ». Oualid est formel, L’Américain est une série pour ceux qui n’ont par le cerveau arrivé à maturité.

Oui mais voilà, son pote Francis adore cette série. Il n’en loupe pas un épisode. Pire encore, lorsqu’il n’est pas scotché devant son téléviseur, il refait les épisodes précédents autour d’un verre avec Marvin, le troisième larron de la bande. De quoi exaspérer sa petite amie Claire qui travaille pour deux et le supplie tous les jours de chercher un boulot.

Mais non, Monsieur attend de trouver l’inspiration pour écrire son chef-d’oeuvre. Alors forcément, c’est un peu tendu à la maison.

« Je pensais emménager avec toi, Francis ! Pas avec L’Américain »

Sur l’oreiller, Francis promet à Claire de faire un effort. Mais L’Américain, comme par magie, sort du petit écran, sonne à la porte de l’appartement de Francis et lui confie une malette à protéger coûte que coûte pendant que lui continue à combattre les méchants ennemis des États-Unis, arabes, nazis et autres communistes…

© Sarbacane / Guyon

Avec cet album sorti en avril dernier, son premier en tant que dessinateur ET scénariste, Loïc Guyon s’amuse de l’addiction que provoquent certaines séries, notamment américaines, en confrontant deux univers, les super-héros d’un côté, défenseurs de la veuve et de l’orphelin, gardiens d’une certaine idée de l’Amérique, et les héros à l’européenne, plus proches de la réalité du monde. On rit beaucoup en suivant le super-héros et ses aventures explosives et surréalistes, on rit aussi avec Francis et son côté anti-héros, à côté de la plaque, sur son nuage.

On rit mais bien évidemment L’Américain est aussi une critique virulente de l’Amérique vendeuse de rêves et de fantasmes.

Coté graphisme, L’Américain surprend par sa mise en page ultra-dynamique avec des dessins façon illustrations, libérés du gaufrier et du carcan des vignettes, un style graphique ou plus exactement deux styles graphiques qui se répondent selon que l’on est dans les aventures du super-héros ou celles de Francis, un trait vif dans les deux cas. Un album largement recommandé à l’arrivée !

Eric Guillaud

L’Américain, ce Loïc Guyon. Éditions Sarbacane. 26€

© Sarbacane / Guyon

16 Déc

L’heure du dragon, la dernière et très épique addition à la série d’adaptations en BD des aventures de Conan le barbare par le scénariste d’Elric

Du drame, de l’action digne d’un blockbuster américain, un méchant XXL, un ton plus sombre que jamais… L’heure du dragon est l’une de aventures les plus grandioses du cimmérien et Glénat, qui s’est lancé dans l’adaptation de l’œuvre de Robert E. Howard depuis 2018, ne pouvait pas passer à côté. Et c’est réussi !

Le plus intéressant dans cette série d’adaptations est la diversité qu’elle offre. En plus de livres tous indépendants les uns les autres (aucune obligation d’acheter toute la série pour tout comprendre), chaque nouvelle entrée est confiée à un nouveau couple de scénariste/dessinateur qui apportent donc à chaque fois ‘leur’ patte aux aventures du cimmérien. Un choix éditorial plutôt intelligent car malgré la myriade d’adaptations préexistantes, cela permet de varier les ambiances et ainsi de passer par exemple en terme de style graphique d’un Conan parfois limite manga (Les Clous Rouges) à un autre, plus rêveur (La fille du géant du gel). La greffe ne marche pas toujours mais elle a le mérite de permettre à chacun d’imprimer leur marque et surtout de montrer que plus de quatre-vingt-dix ans après sa première apparition, il y a encore quelque chose à dire sur le barbare le plus réputé de la fantasy.

© Glénat / Blondel, Sécher, d’après Robert E. Howard

L’Heure du dragon est son seul roman que Howard a consacré à son héros, tous les autres textes, nombreux, étant des nouvelles paru entre 1935 et 1936. Il est à la base paru sous forme d’un feuilleton dans la célèbre revue Weird Tales qui a aussi révélé HP Lovecraft. Pour les fans, c’est aussi celui qui introduit l’un des ‘méchants’ les plus terrifiants du bestiaire Conan si l’on peut dire, un nécromancien maléfique du nom de Xaltotun, ressuscité 3,000 ans après sa mort par des hommes louchant sur le trône d’Aquilonie, trône occupé presque accident par un Conan devenu donc roi presque malgré lui.

© Glénat / Blondel, Sécher, d’après Robert E. Howard

Comme il est très bien expliqué dans le texte inclus en bonus, L’heure du dragon est une quête, Conan partant à la recherche du cœur d’Ahriman, source du pouvoir de Xaltotun qu’il doit donc détruire pour vaincre son adversaire. Une sorte de quête du Graal donc mais en beaucoup plus sombre mais toute aussi mystique. L’énorme avantage avec Howard est que les aventures qu’il a créées se passent toutes à des époques différentes de la vie de son héros et la version présentée ici est inédite : plus âgé, barbu et ployant presque sous le poids de ses responsabilités en tant que souverain, il n’est plus ici le jeune barbare parti à la conquête du monde et dénué d’attaches. Quant au récit lui-même, son envergure, ses thèmes (la potentielle destruction de toute vie par le Mal incarné, un peuple mise en esclavage etc.) et sa violence exigeaient de solides auteurs à la barre.

D’où le choix très judicieux de faire appel au scénario à Julien Blondel qui a prouvé avec sa brillante adaptation de la sage d’Elric (cousin pas si éloigné que ça de Conan) chez le même éditeur en quatre tomes qu’il était l’homme de la situation. Surtout lorsqu’il est allié comme ici au style très détaillé de Valentin Sécher (La caste des Méta-Barons) qui donne à l’ensemble un côté très adulte. Bref, un cru de très haut niveau pour une série qui ne cesse de se bonifier avec le temps !

Olivier Badin

Conan le cimmérien : l’heure du dragon de Julien Blondel et Valentin Sécher, d’après Robert E. Howard. Glénat. 12,50 euros.

© Glénat / Blondel, Sécher, d’après Robert E. Howard

15 Déc

Tarzan ou l’aventure avec un grand A, pleine de pulp !

Tarzan fait partie de héros emblématiques que tout le monde connaît… Sans vraiment le connaître. Le pagne, Cheeta, la jungle, Jane tout ça, ok. Mais qui se souvient vraiment du roi de la jungle tel qu’il avait été inventé et défini par l’auteur anglais Edgar Rice Burroughs en 1912 ? Le scénariste Christophe Bec fait sûrement partie de ses happy few et cela se sent dans cette nouvelle adaptation porté par un souffle épique.

Extrait de la couverture © Soleil / Christophe Bec, Rob de la Torre & Stefan Raffaele

Ce nouveau récit, après un premier tome en Mars dernier racontant la genèse du héros, est l’adaptation en BD de Tarzan au centre de la Terre, roman paru initialement en 1930. La particularité du texte original ? C’est l’un des premiers crossover du genre, Burroughs y mélangeant son héros le plus connu (Tarzan) et l’une de ses autres séries, Pellucidar.

Le thème central de la saga Pellucidar est assez simple : la Terre est creuse et qu’en son sein vit toute une faune et des hommes ‘figés’ en quelque sorte à l’époque préhistorique. Bien que parti initialement à la recherche d’une mythique cité d’or, Tarzan décide d’aller au pôle Nord pour y découvrir l’entrée censée y être cachée de ce monde perdu pour sauver son ami explorateur, parti plusieurs mois à sa découverte et disparu depuis.

© Soleil / Christophe Bec, Rob de la Torre & Stefan Raffaele

Paris à la Belle Epoque, un duel au petit matin, un dirigeable, une cité mystérieuse remplie de goules, des dinosaures monstrueux… On navigue ici en plein univers pulp – du nom de ces magazines bon marché vendus entre les deux guerres plein de récits de récits d’aventures et de fantasy – et c’est assumé, comme si Indiana Jones rencontrait Jurassic Park et un univers sorti de l’imagination de Jules Vernes. Mais le choix des dessinateurs se révèle assez judicieux. Rob de la Torre, pour la première partie et Stefano Raffaele, pour la seconde, ont tous les deux un style très réaliste mais aussi assez sombre, où le roi de la jungle devient une espèce de barbare à la Conan à la musculature idoine et surtout à l’attitude de prédateur limite inquiétante. Cette version de Tarzan a donc beau s’exprimer comme un lord et conserver un pragmatisme très viril, à aucun moment il ne cherche à cacher ou adoucir son animalité, bien au contraire. Une approche qui confère au récit une authenticité et une tension bienvenues.

Même si on préfère le trait plus fin et adulte de la Torre à celui, moins sombre te précis de Raffaele, cette nouvelle adaptation est en tous cas une belle réussite, doublée d’un hommage à une forme de récit d’aventures un peu rétro mais racé et complètement dépaysant.

Olivier Badin

Tarzan au centre de la Terre de Christophe Bec, Rob de la Torre & Stefan Raffaele. Soleil. 16,95 euros.

© Soleil / Christophe Bec, Rob de la Torre & Stefan Raffaele

13 Déc

Rencontre avec Bruno Bazile, dessinateur de l’adaptation en BD des Enquêtes de Victor Legris

Dessinateur des Aventures de Sarkozix, de la biographie dessinée de Charlie Chaplin et d’une bonne vingtaine d’albums supplémentaires, l’auteur nantais Bruno Bazile publie aux éditions Phileas l’adaptation d’un roman policier dans le Paris du XIXe siècle avec la Tour Eiffel pour témoin…

© F3 / Eric Guillaud

Nous l’avions rencontré en novembre 2O19 à l’occasion de la sortie d’une biographie dessinée consacrée à une grande étoile du cinéma, Charlie Chaplin. Changement de décor, changement de personnage, Bruno Bazile revient avec l’adaptation du premier roman des Enquêtes de Victor Legris, une saga policière historique à succès écrite à partir de 2003 par Liliane et Laurence Korb sous le pseudonyme de Claude Izner.

Bruno Bazile en signe le dessin sur un scénario du très prolifique Jean-David Morvan. Enquête policière autour d’une série de meurtres intervenant durant l’exposition universelle de Paris, Mystère rue des Saints-Pères est aussi une belle histoire d’amour dans le Paris de l’époque, un Paris merveilleusement bien recréé par la magie du coup de crayon élégant de Bruno Bazile.

Qui est Victor Legris ? Victor Legris est un passionné de livres anciens d’une trentaine d’années, propriétaire de la librairie L’Elzévir rue des Saints-Pères à Paris. Alors que l’exposition universelle bat son plein, que la foule se presse pour découvrir la Tour Eiffel, qu’on lui propose une place de chroniqueur littéraire dans un nouveau journal baptisé Le Passe-Partout, Victor Legris est interpelé par une série de morts inexpliquées qui se révèlent être des crimes. Intrigué, Victor Legris décide de mener l’enquête…

Pour évoquer ce nouvel album, nous avons donné rendez-vous à Bruno Bazile dans son atelier du côté de Rezé. À notre arrivée, Bruno était en plein travail sur le deuxième tome de la série qui sortira dans quelques mois.

L’Interview ici…

Sélection officielle Angoulême 2022 : Le Grand vide de Léa Murawiec

Attention jeune talent ! Pour son premier album de bande dessinée, Léa Murawiek bouscule les codes de la BD pour nous offrir un récit d’une très grande singularité tant au niveau du graphisme que du scénario. De quoi se jeter dans Le Grand vide avec elle…

On sait combien la vie tient parfois à un fil, dans cet album elle tiendrait plutôt à une pensée. Manel Naher est une jeune femme ordinaire, un peu trop peut-être, qui passe son temps à dénicher des récits d’aventure dans une vieille librairie pour s’évader du monde dans lequel elle vit, une espèce de mégalopole où chacun doit se battre contre l’anonymat en affichant son nom telle une publicité.

Plongée dans ses livres, Manel se fait oublier de tous, de quoi disparaître à jamais.

Car oui, dans le monde dystopique que nous dépeint Léa Murawiek, si personne ne pense à vous, alors vous n’avez plus de présence et vous mourez. C’est aussi simple que cela. Manel va l’apprendre à ses dépens. En pleine rue, une crise cardiaque, direction l’hôpital.

« Votre présence était quasiment nulle, votre cœur ne l’a pas supporté »

Pour les médecins, les choses sont claires. Seul un traitement intensif peut lui permettre de s’en sortir, d’autant qu’un homonyme, chanteuse très célèbre dont le tube Mon nom sur toutes les lèvres fait un carton, accapare les pensées de toutes et tous. Et ce traitement intensif ? Boites de nuit, réunions de famille, déjeuners d’affaires… bref des sorties, des rencontres, de quoi faire du lien social… et retrouver un peu de présence, d’existence aux yeux des autres et donc d’espérance de vie. Mais Manel ne rêve que d’une chose : rejoindre le grand vide, un espace où la popularité ne décide pas de votre vie ou de votre mort.

Paru en aout dernier, Le Grand vide a fait sensation dans le milieu du neuvième art et au-delà par la singularité et la force qui se dégagent du scénario, par la formidable élasticité du trait et le dynamisme des planches. Passée par l’école Estienne à Paris puis l’École européenne supérieure de l’image à Angoulême, Léa Murawiek écrit cette première bande dessinée au cours d’une résidence de deux ans à la Cité de la Bande dessinée. Elle y met toutes ses influences, le manga bien sûr, mais aussi la bande dessinée européenne expérimentale et alternative d’où elle est issue. Aucun doute, en l’espace d’un livre, Léa Murawiek s’est fait un sacré nom dans le neuvième art et on n’est pas près de l’oublier. Vertigineux !

Eric Guillaud

Le Grand vide, de Léa Murawiek. Editions 2024. 25€

© 2024 / Léa Murawiek

12 Déc

Fauve d’Or Angoulême 2022 : Écoute, jolie Márcia de Marcello Quintanilha

Né à proximité de Rio de Janeiro, installé depuis de nombreuses années à Barcelone, Marcello Quintanilha n’a jamais cessé de raconter à travers ses récits la société brésilienne et notamment les couches les plus populaires. C’est encore le cas aujourd’hui avec Écoute, jolie Márcia publié aux éditions ça et là, ce récit haut en couleur et en verbe nous emmène dans le monde des favelas à travers le quotidien d’une femme ordinaire ou presque …

Marcia est infirmière dans un hôpital près de Rio. Son salaire ne lui permet pas de vivre dans les somptueux appartements avec vue imprenable sur la mer qu’elle fréquente à l’occasion de soins à domicile mais Marcia n’est pas du genre à se plaindre, ni même à jalouser.

Avec son ami Aluisio et sa fille Jacqueline, née d’une précédente union, elle vit dans une favela, paisiblement, jusqu’au jour où sa fille commence à fréquenter les membres d’un gang. Entre la mère et la fille, la tension monte jusqu’à devenir explosive, envoyer Aluisio à l’hosto et Jacqueline en prison…

Autodidacte et de fait assez libre dans sa façon d’aborder les choses tant d’un point de vue narratif que graphique, Marcello Quintanilha signe ici une bande dessinée très colorée, pleine de vie et de frénésie autour d’une femme ordinairement héroïque ou héroïquement ordinaire qui n’hésite pas à affronter le danger par amour de sa fille.

L’album dépeint la société brésilienne dans sa réalité crue, les inégalités, la misère, la drogue, mais il offre surtout le très beau portrait d’une femme qui ne se laisse pas faire, forte, dévouée pour les autres, confrontée malgré elle à la violence du monde. C’est aussi l’histoire d’une relation intense entre une mère et sa fille comme on pourrait en connaître ailleurs, ce qui confère au récit son côté universel.

Un scénario très maîtrisé et rythmé, un graphisme vivant, des couleurs surréalistes, des personnages attachants, des dialogues très actuels et très fluides, Écoute, jolie Márcia est un album qui vous happe, vous transporte, vous retient du début à la fin, rien d’étonnant que Marcello Quintanilha soit considéré comme l’un des auteurs phares de la bande dessinée brésilienne. 

Lauréat du Prix du polar à Angoulême en 2016 pour l’album Tungstène, auteur de cinq autres ouvrages aux éditions çà et là, Marcello Quintanilha reçoit aujourd’hui le Fauve d’or 2022 à Angoulême. 

Eric Guillaud

Écoute, jolie Márcia, de Marcello Quintanilha. Éditions ça et là. 22€

© Ça et Là / Marcello Quintanilha

Sélection officielle Angoulême 2022 : Le Jeune acteur de Riad Sattouf

Alors oui, il a fait la Une des plus grands médias, il a été invité partout où il faut être invité, on en cause dans les meilleures soirées de la capitale, et pas seulement celles de l’ambassadeur, un peu comme si Riad Sattouf était L’AUTEUR de bande dessinée du moment, le seul, l’unique, celui qu’il faut avoir lu avant de mourir pour ne pas avoir l’air trop crétin ici-bas et tout là-haut. Est-ce mérité ? Réponse ici…

« J’adooooore Riad Sattouf ! « . Parlez bande dessinée avec quelqu’un qui ne s’y intéresse pas ou peu et vous pourriez bien obtenir cette réponse. Parlez bande dessinée avec quelqu’un qui est un passionné de la première heure, et vous pourriez bien obtenir la même réponse. On est bien obligé de le reconnaître, Riad Sattouf fait l’unanimité ou presque !

Ça peut en chatouiller certains mais c’est comme ça et ceux qui auraient eu tendance à résister à l’appel de L’Arabe du futur ou des Cahiers d’Esther devraient logiquement finir par craquer, peut-être cette fois avec Le Jeune acteur, dernier opus paru de la star du 7e et 9e art réunis.

Alors, justement, ce nouvel opus ? Franchement, c’est drôle, c’est fin, ça se lit sans fin et c’est même instructif. Parfaitement, oui, instructif. Derrière l’histoire du jeune Vincent Lacoste, un collégien de 14 ans à l’époque qui découvre la vie en même temps que le cinéma, Riad Sattouf nous invite dans les coulisses d’un film, en l’occurrence Les Beaux gosses, partageant les différentes étapes de son élaboration, depuis les castings jusqu’à la soirée des César où Les Beaux gosses reçut le Prix de meilleur premier film en 2010, en passant bien évidemment par le tournage en lui-même, la sortie en salles, les incontournables premières…

Et plutôt que de raconter tout ça de son seul point de vue à lui, Riad Sattouf sous sa casquette d’auteur BD a choisi de le faire du point de vue de Vincent Lacoste, un parti pris scénaristique judicieux qui rend la chose beaucoup plus légère, avec une bonne couche d’autodérision façon Vincent Lacoste, et qui permet surtout d’évoquer a vie privée de l’acteur, le collège, la famille, les filles… et sa réaction face à sa célébrité naissante.

Riad Sattouf rêvait de s’inscrire dans la filiation Truffaut / Léaud avec son égérie Vincent Lacoste, ce livre est une façon pour lui, comme il le déclare dans une interview accordée au magazine dBD, de continuer à le suivre et l’accompagner.

Le Jeune acteur n’est pas un album qui va révolutionner le neuvième art mais il n’en reste pas moins Incontournable pour les fans de BD, de cinéma et les autres…

Eric Guillaud

Le jene acteur 1, de Riad Sattouf. Les Livres du futur. 21,50€

© Les Livres du Futur / Sattouf

08 Déc

Vous adorez la BD ? Devenez membre du jury qui décernera en janvier le Fauve, Prix du Public France Télévisions – Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême !

Vous êtes un lecteur ou une lectrice passionné(e) de bande dessinée, vous habitez en Nouvelle Aquitaine et vous aimeriez devenir juré d’un prix littéraire ? Alors posez votre candidature pour être membre du jury du Fauve – Prix du public France Télévisions qui sera décerné à l’occasion du prochain festival d’Angoulême ! Comment faire ? On vous explique tout ici…

Décerné par des lecteurs et très convoité par les éditeurs, le Prix du public du Festival de la BD d’Angoulême (FIBD) avait été mis en sommeil lors de l’édition 2019. Cette disparition n’aura été que de courte durée. Le 1er février 2020, à l’occasion de la 47e édition du Festival, un jury composé de neuf téléspectateurs décernait le premier prix du public France Télévisions à Chloé Wary pour son album Saison des roses paru aux éditions FLBLB. Rebelote en 2021, malgré la crise sanitaire et l’annulation du festival, le Fauve – Prix du public France Télévisions était remis à Léonie Bischoff pour l’album Anaïs Nin

Cette année encore, France Télévisions s’associe au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême pour ce prix prestigieux et vous offre la possibilité de devenir l’un des neuf membres du jury.

Comment ça fonctionne ?

De la sélection officielle du Festival International de la Bande Dessinée, un comité de journalistes et spécialistes de la littérature de France Télévisions en retiendra une sélection de huit titres.

Ensuite, c’est à vous de voter !

Suite à cet appel à candidatures, 9 téléspectateurs seront sélectionnés et les huit bandes dessinées leur seront offertes en lecture. Ce jury de lecteurs se réunira le vendredi 29 janvier au matin, dans les coulisses du Festival pour délibérer, voter et élire  l’heureux/euse lauréat(e) du Prix du Public France Télévisions ! Il sera décerné lors de la cérémonie de remise des prix du Festival le soir même.

Ne tardez plus, écrivez-nous une lettre bien argumentée et exposez les raisons pour lesquelles vous voulez participer à cette nouvelle aventure. Parlez de vous, de votre passion pour la bande dessinée, aussi bien que de vos derniers coups de cœur littéraires…

Pour poser votre candidature, c’est ici

Sélection officielle Angoulême 2022 : Du Bruit dans le ciel de David Prudhomme

Raconter son enfance, c’est une bonne idée, très partagée dans le milieu de la bande dessinée depuis quelques années. Mais faut-il encore avoir quelque chose à raconter et mieux, une façon de le raconter. De ce côté-là, l’auteur David Prudhomme a tout bon…

Un goût d’éternité. Ou presque ! Juin 2021, David Prudhomme et son fils Joachim rendent visite aux grands-parents installés à Grangeroux près de Châteauroux. C’est ici dans ce petit bout de France un peu perdu que David passe sa jeunesse. À son fils, il raconte les années passées loin du bruit du monde, loin de la révolution permanente, dans un immobilisme d’apparence.

Car oui, même si tout se fait moins brutalement qu’ailleurs, les choses ici aussi évoluent, doucement, presque imperceptiblement. La campagne laisse place à un monde rurbain, avec sa rocade, ses ronds-points, ses lotissements, ses pavillons, ses rues aux noms de chanteurs de variété. Un vrai hit parade !

Même la fameuse base militaire avec son aérodrome, longtemps occupée par une armée américaine qui imprègne fortement le paysage et la géographie des environs, finit en partie par se reconvertir dans le civil.

Avec des avions, toujours, dans les airs et sur le tarmac, pour des transports de troupes ou de matériels, pour des essais ou, plus tard, pour y trouver un refuge le temps de la crise du coronavirus.

© Futuropolis / Prudhomme

Soudain, plus un atterrissage, plus un décollage, plus un avion en mouvement hormis l’Airbus de la Présidence française, à l’entrainement. Du bruit dans le ciel, malgré tout…

Dans ce récit autobiographique, David Prudhomme fait côtoyer l’intime et l’universel, le quotidien dans ce qu’il a de plus ordinaire et la grande histoire du monde, dans ce qu’elle peut avoir de plus sombre, un monde où parfois le temps s’emballe, parfois semble se figer. Un moment. Un silence. Avant que le bruit ne reprenne…

À l’instar d’un Davodeau ou d’un Rabaté, avec qui d’ailleurs il a eu l’occasion de travailler, David Prudhomme appartient à cette catégorie d’auteurs qui manie aussi habilement la plume que le pinceau pour nous parler de la vie, de notre vie, de la société, ddu monde, avec intelligence et humanité, avec lucidité et délicatesse.

Au fil des 200 pages que compte ce livre, pas un moment d’essoufflement de la part de l’auteur, pas une once d’ennui pour le lecteur, David Prudhomme tient fermement les ficelles d’un scénario bâti autour du souvenir, de la nostalgie, un peu, de l’humour, pas mal, et de l’amour, beaucoup. L’amour pour ses proches, pour ceux qui les entourent, pour les gens d’une façon générale. Assurément l’un des plus beaux albums de l’année 2021.

Eric Guillaud

Du Bruit dans le ciel, de David Prudhomme. Editions Futuropolis. 25€

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