05 Mar

De la guerre civile à la dictature : l’Espagne dans la tourmente

Avec la Seconde Guerre mondiale, la guerre d’Espagne fait partie des thématiques prisées dans le neuvième art depuis quelques années. En voici une nouvelle démonstration avec ces deux albums – dont une réédition – parus aux éditions Dupuis. De la guerre civile à la mort de Franco, deux destins, deux histoires humaines au cœur de la grande histoire…

Montpellier, un jour de novembre 1975. Angelita reçoit un appel de son beau-père. Sa mère a fait une crise cardiaque et est hospitalisée à Barcelone. Alors que tout le monde la croyait en Auvergne ! Pourquoi Barcelone, elle qui s’était jurée de ne plus mettre les pieds en Espagne tant que Franco serait vivant ? Mystère ! Angelita est la fille de réfugiés espagnols arrivés en France en 1939. Sa mère et elle ont depuis refait leur vie, son père est mort en déportation, du moins le pensait-elle jusqu’à ce jour…

Inspiré par le propre passé familial du dessinateur Eduard Torrents, Le Convoi nous plonge au cœur des années noires, depuis la guerre civile espagnole jusqu’à la Seconde Guerre mondiale en passant par ce qu’on appelle la retirada, l’exode de près de 500 000 républicains espagnols vers le territoire français à compter de décembre 1938, des réfugiés entassés dans des camps souvent improvisés avant d’être, pour certains, déportés dans les camps de concentration nazis. Dans ce contexte fort et douloureux, Eduard Torrents et Denis Lapière développent une très belle histoire de famille. Initialement publié en deux volumes, en mars et avril 2013, Le convoi est aujourd’hui réédité en intégrale, augmentée d’un dossier historique réalisé par la spécialiste du genre, Christelle Pissavy-Yvernault. Captivant de bout en bout !

Le Convoi, de Torrents et Lapière. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Torrents & Lapière

Pour cet autre album, inédit celui-ci, Eduard Torrents et Denis Lapière sont rejoints par Gani Jakupi, Martín Pardo et Rubén Pellejero, deux scénaristes et trois dessinateurs, rien que ça, pour ce qui devait être à l’origine une saga en six volumes et n’est au final qu’un one shot de 148 pages, Rubén Pellejero étant entre-temps parti sur les aventures de Corto Maltese. Mais peu importe la quantité pourvu qu’on ait la qualité. Et de ce côté-là, pas de souci, Barcelona, âme noire est un petit bijou de fiction qui prend vie au cœur lui aussi des années noires espagnoles.

Au centre de tout, Carlitos, un jeune orphelin de Barcelone, dont la mère a été tuée dans un bombardement pendant la guerre d’Espagne et le père, tueur en série, éliminé par la police de Franco. Recueilli et protégé par un riche ami de la famille, Carlitos fait ses armes dans le marché noir et devient don Carlos, un industriel mais surtout le maître de la pègre barcelonaise sous la dictature franquiste. Jusqu’à ce que tout s’arrête…

Plus que le destin d’un homme, Barcelona, âme noire raconte une ville, un pays, un monde, dans la tourmente, quatre décennies d’histoire, un récit dynamique et intense porté par un graphisme et des décors somptueux, des personnages de caractère et un cadre historique terriblement dramatique mais forcément passionnant !

Barcelona, âme noire, de Jakupi, Lapière, Pardo, Pellejero et Torrents. Dupuis. 27,95€

© Dupuis / Pellejero, Torrents, Pardo, Lapière & Jakupi

Eric Guillaud

27 Fév

Sans cheveux : un témoignage émouvant sur l’alopécie

Longs ou courts, bouclés ou raides, blonds ou bruns… les cheveux sont l’expression de notre identité, de notre personnalité. Autant dire que les perdre est un drame pour beaucoup, peut-être plus encore pour les femmes soumises aux multiples diktats de beauté. Dans ce roman graphique paru chez Glénat, Tereza Drahoňovská, atteinte d’alopécie, raconte son épreuve face à l’alopécie sur des dessins de  Štěpánka Jislová…

Tereza est une jeune femme comme les autres, ne prêtant pas plus attention à son apparence que la moyenne. Jusqu’au jour où ses cheveux se mettent à tomber, par plaques entières. Et pas qu’eux ! En peu de temps, Tereza se retrouve chauve, sans cils, sans sourcils, sans poils.

Le diagnostic de son médecin est net ! Il s’agit d’une pelade et plus précisément dans son cas d’une alopécie, une maladie auto-immune pouvant entraîner la disparition du système pileux dans son ensemble.

Le choc ! Et après le choc, les interrogations. Pourquoi ? Pourquoi elle ? Existe-t-il des remèdes ? Comment vivre la maladie au quotidien ? Comment continuer à vivre tout court, à aimer, à être aimée ?

Dans cette autobiographie, la jeune Tchèque Teresa Drahoňovská nous apporte un témoignage d’utilité publique sur son parcours, ses peurs, ses peines, ses espoirs, ses doutes et au bout du bout l’amitié et l’amour plus forts que tout, plus forts que quelques cheveux ou quelques poils. Un parcours long et sinueux qui l’a invité et nous invite aujourd’hui à la réflexion sur notre société et ses normes de beauté, sur l’apparence et le regard des autres. C’est touchant, parfois drôle, toujours passionnant et éclairant sur une maladie récemment portée sur le devant de la scène médiatique via l’ex-premier ministre Édouard Philippe !

Eric Guillaud

Sans cheveux, de Tereza Drahoňovská et Štěpánka Jislová. Glénat. 19,95€

© Glénat / Drahoňovská & Jislová

 

25 Fév

Bulles d’histoire : dix BD pour remonter le temps

Source d’inspiration inépuisable pour les auteurs et voyage sans fin pour les lecteurs, l’histoire avec un grand H se décline sur tous les modèles, documentaires, biographies ou fictions. En voici une petite sélection forcément subjective mais totalement assumée…

Ce 21 février, Missak et Mélinée Manouchian entraient au Panthéon, l’occasion de remettre en lumière la Résistance et notamment la Résistance étrangère et communiste. Le groupe Manouchian était en effet composé de Polonais, d’Italiens, de Hongrois… et d’apatrides. Pourtant, plus français que certains Français, ses membres ont multiplié les attentats et sabotages contre l’occupant allemand à Paris avant d’être pris dans les filets de la police française, d’être torturés et livrés aux Allemands qui les fusilleront.
Le groupe Manouchian deviendra « célèbre » avant même la fin de la guerre, les Allemands ayant maladroitement espéré discréditer ses actions par une campagne d’affichage voulant le faire passer pour l’armée du crime. C’est tout le contraire qui se produisit, l’affiche rouge ayant certainement convaincu certains à rejoindre la Résistance. C’est l’histoire de cette cellule et de sa figure la plus illustre que raconte l’album de Jean-David Morvan et Thomas Tcherkézian paru aux Éditions Dupuis. Si ce dernier signe ici son premier album avec un dessin déjà très assuré, Jean-David Morvan est lui connu et reconnu pour sa production pléthorique et de qualité et entre autres sa série « Madeleine, résistante » consacrée à une autre héroïne de la Résistance, Madeleine Riffaud. (Missak, Mélinée et le groupe Manouchian, de Morvan et Tcherkézian. Dupuis. 25€)

Madeleine Riffaud justement ! Le deuxième volet de sa biographie est sorti il y a quelques mois aux éditions Dupuis sous la conduite du scénariste Jean-David Morvan et du dessinateur Dominique Bertail, nous offrant là le portrait d’une personnalité exceptionnelle, née en 1924, résistante à 18 ans, grand reporter par la suite, combattante éternelle pour la décolonisation et l’oppression des peuples d’une manière générale, amie de Picasso et Hô Chi Minh, bref un personnage comme seules les grandes heures de l’histoire peuvent en fabriquer, une femme pleine de courage mais surtout d’humilité bien décidée à transmettre dans les pages de cet album son histoire et au-delà, un esprit, celui de l’engagement et de la Résistance. Alliant un graphisme réaliste à la fois délicat et racé et un scénario au cordeau, Madeleine, résistante porte le témoignage du quotidien d’une cellule de résistants dans Paris, le « maquis » de Madeleine Riffaud. Passionnant ! (Madeleine, résistante, de Riffaud, Morvan et Bertail. Dupuis. 23,50€)

On reste dans le même contexte historique avec la reconstitution chronologique, au jour le jour, quasiment heure par heure, des derniers moments du tyran sanguinaire Hitler. Tout commence le 15 janvier avec le retour du Führer à Berlin, suite à l’échec de l’offensive des Ardennes, et prend fin le 30 avril avec son suicide et celui d’Eva Braun. Entre les deux, 100 jours qui ont couté la vie à tant d’hommes, 100 jours qui ont redonné l’espoir à tant d’autres, l’Allemagne prise en étau, entre les forces alliées et les Soviétiques, lancée dans une folie autodestructrice totale avec des épisodes peut-être moins connus comme l’opération navale Hannibal qui a consisté à évacuer de la Prusse orientale vers l’ouest plus d’un million de soldats et de civils fuyant l’avancée soviétique ou encore la livraison de milliers de Juifs à la Suisse contre 1000 dollars par tête. Et toujours ce rêve fou d’un Reich de mille ans alors que les bombes dévastent les villes allemandes et notamment Berlin, que les civils sont en mode survie et que la Wehrmacht exsangue jette ses dernières forces dans la bataille. (Les 100 derniers jours d’Hitler, de Pécau, Mavric et Andronik, d’après le livre de Jean Lopez. Delcourt. 19,99€)

Trois clichés en noir et blanc avec le même visage, de face et de profil. Et à chaque fois le même sourire qui interroge, nous interroge. Et pour cause, les clichés ont été pris à Auschwitz en 1943. La jeune femme devant l’objectif s’appelle Marie-Louise Moru, dit Lisette, une Morbihannaise de 16 ans. Pourquoi ce sourire ? Est-ce un sourire de défi ? La bande dessinée Le Sourire d’Auschwitz est née de ces interrogations. Journaliste à France 24, réalisatrice de webdocumentaires et scénariste de bandes dessinées, la Nantaise Stéphanie Trouillard continue d’y explorer notre histoire et plus particulièrement la seconde guerre mondiale avec le récit d’une vie brisée avec Renan Coquin au dessin. La guerre, l’occupation, la déportation, la collaboration, la Résistance… C’est ce que raconte Le Sourire d’Auschwitz à travers ces destins brisés avec pour objectif de transmettre l’histoire de la seconde guerre mondiale aux plus jeunes, comme nous l’explique l’autrice dans une interview à retrouver ici. (Le sourire d’Auschwitz, de Stéphanie trouillard et Renan Coquin. Des Ronds dans l’O. 22€)

Après Il était 2 fois Arthur réalisé avec Nine Antico au dessin, le Strasbourgeois Grégoire Carlé nous revient avec un album hanté par l’histoire de son grand-père dans une Alsace annexée par l’Allemagne nazie. Une histoire intime, une histoire de filiation et d’identité dans une des périodes les plus sombres de l’humanité, subtilement mise en images, l’auteur ayant opté pour la couleur directe, une douceur d’aquarelles sur des noirs tranchants qui donnent aux planches un petit côté ancien bien vu. Une merveille plus longuement chroniquée ici ! (Le Lierre et l’araignée, de Grégoire Carlé. Dupuis. 29,95€)

On quitte le XXe siècle pour le XVIIIe et une histoire de pirates, l’un des plus fameux, Olivier Levasseur, dit La Buse, avec à la plume et aux pinceaux, Jean-Yves Delitte, une référence dans l’histoire maritime. Et pour cause, l’homme est peintre officiel de la marine belge, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer et auteur d’une belle collection de bandes dessinées sur ce thème. Nous sommes à la fin de la guerre de Succession d’Espagne qui marque une recrudescence de la piraterie avec des corsaires congédiés et sans travail. Olivier Levasseur, dit La Buse, est l’un d’entre eux. Son heure de gloire arrive avec une prise sans pareille : le Nossa Senhora do Cabo, un vaisseau portugais rempli à ras bord de trésors accumulés par le vice-roi portugais des Indes orientales ! Mais comme il le dit lui-même : trop de richesse, c’est comme l’ivresse, cela finit toujours par apporter des ennuis. La Buse finira sur l’échafaud et son trésor caché deviendra un mythe. (La Buse tome 2 de Jean-Yves Delitte. Glénat.14,50€)

On reste sur les océans avec encore une fois Jean-Yves Delitte, rejoint ici pour le dessin par le jeune Coréen Q-Ha, et un neuvième volet de la collection Les Grandes batailles navales consacré à la seconde guerre de l’opium qui opposa de 1856 à 1860 le Royaume-Uni, la France et les États-Unis à la Chine. Avec, au bout du compte, une Chine vaincue, comme à l’issue de la première guerre de l’opium, soumise à de larges concessions territoriales, Hong Kong revenant à la Grande-Bretagne pour 99 ans, et à l’ouverture au commerce étranger. Un dossier historique de huit pages accompagne ce récit. (Opium war, de Jean-Yves Delitte et Q-Ha. Glénat. 15,50€)

Changement d’époque et d’ambiance avec le quatrième volet de Wild West sorti en début d’année. Thierry Gloris au scénario et Jacques Lamontagne au dessin poursuivent leur chevauchée au cœur de l’Ouest américain avec ses grands espaces, ses saloons, ses indiens, ses bons, ses brutes, ses truands et ses héros de caractère dont font assurément partie Martha Jane Cannary, plus connue sous le nom de Calamity Jane, Wild Bill et Charlie Utter, trois immenses figures de l’Ouest lancés sur les traces d’un tueur fou. Une très bonne série entre fiction et histoire. (La Boue et le sang,  Wild West tome 4, de Lamontagne et Gloris. Dupuis. 15,50€)

C’est un destin incroyable que nous racontent la scénariste Danièle Masse et le dessinateur Alexis Vitrebert dans ce roman graphique paru aux éditions Delcourt, un destin qui se décide en 1809 à Londres dans les bureaux de l’Association africaine. Jean Louis Burckhardt, également appelé Johann Ludwig Burckhardt, obtient l’aval de l’association pour partir à la découverte des terres encore inexplorées de l’Afrique. Après un passage en Syrie où il prend le nom d’Ibrahim ibn Abdullah, apprend l’arabe et redécouvre la cité oubliée de Pétra, l’homme se lance dans son objectif initial : trouver la source du Niger. Une fresque historique au milieu de somptueux décors magnifiés par une mise en couleurs subtile. (L’espion d’Orient, de Masse et Vitrebert. Delcourt. 19,99€)

On termine avec une majestueuse intégrale qui réunit des albums depuis longtemps épuisés, à savoir Congo 40 et Fleurs d’ébène, auxquels vient s’ajouter le court récit Congo blanc, tous parus initialement aux éditions Casterman et évoquant le passé colonial de la Belgique à travers une fiction prenant place dans le Congo belge. Un récit fictionnel, certes, des personnages imaginaires, bien sûr, mais un contexte bien réel et parfaitement documenté, les auteurs illustrant ici les excès de ces colonisateurs blancs, l’hypocrisie générale et les difficiles relations entre Blancs et Noirs. Un bel album au grand format qui permet de profiter pleinement du dessin réalisé à quatre mains et des couleurs originales signées Raives. En bonus, un cahier graphique d’une vingtaine de pages et autant d’illustrations absolument divines. Un voyage dans le temps et l’espace ! (Congo blanc, de Warnauts et Raives. Daniel Maghen. 35€)

Eric Guillaud

21 Fév

Ciao Roma ! Un troisième livre jeunesse pour Mathou en forme d’invitation au voyage

Du soleil en hiver, l’Angevine Mathou est de retour avec un nouvel album jeunesse, un petit livre tout doux qui nous emmène à Rome sur une histoire de Serena Giuliano…

Mathou et Serena Giuliano • © Christophe Martin (photo)

Un petit voyage à Rome ? Mieux, un emménagement. La jeune Nina, sa maman et son chat grognon Bruno viennent d’arriver dans la capitale italienne avec un féroce appétit de découvertes, et pas seulement culinaires.

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Le sourire d’Auschwitz : le destin tragique d’une résistante bretonne raconté en BD

Journaliste à France 24, réalisatrice de webdocumentaires et scénariste de bandes dessinées, la Nantaise Stéphanie Trouillard continue d’explorer notre histoire et plus particulièrement la seconde guerre mondiale avec le récit d’une vie brisée, entre Port-Louis et Auschwitz, un aller simple pour l’enfer, avec Renan Coquin au dessin.

© Stéphanie Trouillard, scénariste de l’album « Le sourire d’Auschwitz » • © Anthony Ravera

Trois clichés en noir et blanc avec le même visage, de face et de profil. Et à chaque fois le même sourire qui interroge, nous interroge. Et pour cause, les clichés ont été pris à Auschwitz en 1943. La jeune femme devant l’objectif s’appelle Marie-Louise Moru, dit Lisette, une Morbihannaise de 16 ans.

Pourquoi ce sourire ? La bande dessinée Le Sourire d’Auschwitz est née de cette interrogation…

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19 Fév

Dix BD jeunesse pour les vancances d’hiver

À lire sur les skis ou dans son lit, dix albums jeunesse pour rire, vibrer, trembler, rêver… et passer de bonnes vacances.

On commence par un retour qui n’en est pas un, plutôt un changement d’adresse. Seuls, la série phénomène de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann commence une nouvelle vie aux éditions Rue de Sèvres après quinze ans passés chez Dupuis. Mais pas de panique, les aficionados de la série retrouveront tout ce qui fait son sel, son univers, son ton et bien sûr ses personnages, cinq enfants plongés dans un monde appartenant à la quatrième dimension et demie. Et si vous n’avez pas lu les 13 premiers albums ou si vous avez tout oublié, ce nouvel opus vous offre un petit résumé en BD bien utile. (Les Protecteurs, Seuls tome 14, de Gazzotti et Vehlmann. Dupuis. 12,95€)

Après la Coupe du monde, le Tournoi des 6 Nations ! Et le retour, pour la 22ᵉ fois, des aventures des Rugbymen de Poupard au dessin et Beka au scénario. Au programme : des blagues, du rugby, de l’humour, du rugby, de la rigolade et du rugby. Bref, de quoi contenter tous les amoureux du ballon ovale. Et ils sont nombreux ! (Dans le premier quart d’heure, on joue 20 minutes à fond!, Les Rugbymen tome 22, de Beka et Poupard. Bamboo Editions. 11,90€)

Direction le Far West et plus précisément le Kentucky dans les années 30 du siècle passé. Depuis que ses parents sont morts, la jeune Molly Wind a trouvé refuge avec sa sœur dans la ferme de son oncle et de sa tante. Sa passion ? La lecture. Elle ingurgite les romans d’aventure à la vitesse d’un cheval au galop. Mais son rêve, justement, c’est de devenir bibliothécaire et de parcourir les Appalaches sur son cheval préféré, Carson, pour distribuer des livres dans les fermes isolées. Et malgré son jeune âge, le destin va le lui permettre… Une fiction légère avec des méchants pas très méchants et une héroïne très attachante. (Molly Wind, bibliothécaire du Far West tome 1, de Galmès et Gonzállez Vilar. Dupuis. 12,95€)

Pour gagner une guerre, il faut du courage, de l’audace, de la témérité, de l’ardeur, de l’héroïsme, certes, mais avant tout ça, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Et de l’argent pendant la seconde guerre mondiale, il y en avait beaucoup du côté de Dakar, des tonnes de lingots d’or provenant de la Banque de France, une partie du trésor national évacué devant l’avancée des nazis. La France libre tentera de le récupérer. Seul hic, Dakar fait partie de l’Afrique Occidentale française restée sous le contrôle de Vichy. C’est dans ce contexte bien réel que se déroule ce troisième tome de la série La Drôle de guerre de Papi et Lucien, avec bien évidemment beaucoup d’action et d’humour. De quoi découvrir un épisode méconnu de notre histoire en s’amusant ! (Mission Sahara ! La Drôle de guerre de Papi et Lucien tome 3, de Erre et Téhem. Auzou. 12,95€)

Lucas fête aujourd’hui son 13ᵉ anniversaire mais on ne peut pas vraiment dire qu’il est à la fête ! Entre les mauvaises blagues de ses copains de collège et les heures de colle qu’il vient de se prendre, le jeune garçon préférerait être au lendemain et disposer enfin de la précieuse pierre de Gloom qui selon une tradition familiale lui revient à ses treize ans. Et que lui donnera cette fameuse pierre ? Tout ! Elle serait en effet capable d’exaucer tous ses souhaits sans aucune limite et ça tombe bien, il en a déjà plus de 3000 notés dans des carnets comme savoir jouer de la flûte avec le nez, donner vie à sa peluche chat, être le plus fort du monde ou n’avoir que des 10/10. Mais le soir, son repas d’anniversaire ne se passe pas vraiment comme il l’aurait souhaité car, oui, avoir des pouvoirs implique de grandes responsabilités. (Atomick Lucas, de Sourcil et Carità. Jungle. 12,95€)

Supers pouvoirs toujours avec un autre album et un autre contexte, Girl on fire, des Américains Andrew Weiner et Williams Britney, d’après une chanson de la chanteuse de Rob Alicia Keys, raconte l’histoire de Loretta Wright, lolo pour les intimes, 14 ans, une jeune fille comme toutes les autres jusqu’au jour où un policier braque une arme sur son frère James. Terrorisée, elle parvient à le neutraliser par la simple force de l’esprit. Ce pouvoir télékinétique qu’elle va devoir apprendre à contrôler intéresse pour le moins le dealer du quartier qui voit là l’occasion d’étendre son domaine. Mais la jeune Lolo n’est pas de cet avis et le combat qu’elle va entreprendre la mènera vers le monde des adultes. (Girl on Fire, d’Andrew Weiner et Williams Britney, d’après l’œuvre d’Alicia Keys. Glénat. 19,95€)

Bienvenue au collège St Joseph. Un établissement en tête des classements, aime répéter sa directrice. Oui, mais à quel prix ! La discipline est ici de fer et ceux qui ne s’y plient pas se retrouvent envoyés dans les sous-sols de la bâtisse où les attend un sacré parcours du cancre, une enfilade de salles de punition qui sont autant d’épreuves à passer. Et quand ils en sortent, les élèves deviennent des Reformatés, des élèves modèle, des moutons. De quoi calmer les plus récalcitrants ? Pas vraiment…  (Sous l’école, Le Monde des cancres tome 1, de Barys, Phillips et Cunha. Dupuis. 13,50€)

Sorti il y a quelques mois, Robfox et le voyage du souvnhir nous embarque dans un univers de cyber-fantasy animalière avec au centre un étrange personnage, moitié renard, moitié robot, qui va de village en village pour proposer ses services avec la fierté de toujours honorer ses contrats. Jusqu’au jour où on lui demande de noyer dans la rivière la plus proche un souvnhir abandonné par un faune. Mais si pour certains, cette petite bestiole est source de catastrophes, pour d’autres, elle aurait le super pouvoir de remémorer à n’importe qui des choses oubliées… Un univers très coloré et bourré de fantaisies. (Robfox et le voyage du souvnhir, de Pothier et Joubert. Delcourt. 19,99€)

Pour son tout premier album, la jeune autrice Anne Quenton nous offre une savoureuse relecture du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling avec un personnage de Mowgli féminin et rebaptisé Moogli. Et ce n’est pas le seul changement. L’univers mis en place ici s’inscrit dans un monde post-apocalyptique dans lequel les humains ont pratiquement disparu et les animaux anthropomorphisés ont pris l’ascendant. Moogli, petite d’homme élevée par une famille de loups, a du mal à trouver sa place et l’adolescence sera pour elle l’occasion de partir à la recherche de ses racines humaines. Une belle histoire et un très beau dessin pour cette aventure prévue en trois volumes. (La Meute, Jungle book tome 1, de Quenton. Dupuis. 14,50€)

On termine avec le deuxième tome de Donjon Bonus, un album grand format qui nous immisce dans les coulisses de l’une des aventures graphiques les plus folles de la bande dessinée franco-belge, imaginée par Lewis Trondheim et Joann Sfar en 1998. Cinquante-cinq albums à ce jour, huit sous-séries, deux scénaristes mais une bonne quinzaine de dessinateurs et un imaginaire totalement débridé. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la saga sans jamais oser le demander est là ! 160 pages réunissant les storyboards originels des premiers tomes, des recherches graphiques, le tout avec échanges entre les auteurs et commentaires. Et l’aventure continue… (Création et parchemins, Donjon Bonus tome 2, de Sfar et Trondheim. Delcourt. 39,95€)

Eric Guillaud

17 Fév

Le Lierre et l’araignée : de la Résistance à la Wehrmacht, Grégoire Carlé retrace la guerre de son grand-père alsacien

Après « Il était 2 fois Arthur  » réalisé avec Nine Antico au dessin, le Strasbourgeois Grégoire Carlé nous revient avec un album hanté par l’histoire de son grand-père dans une Alsace annexée par l’Allemagne nazie. Une histoire intime, une histoire de filiation et d’identité dans une des périodes les plus sombres de l’humanité…

Nous avons tous, un jour ou l’autre, interrogé nos grands-parents sur leur vie pendant la seconde guerre mondiale. Avec plus ou moins de réussite à l’arrivée. Secrets de famille, tabou, honte, pudeur… les raisons de ne pas étaler une vie enfouie sous des décennies passées sont multiples.

Grégoire Carlé, lui, n’a pas eu le temps de le faire. Si, durant son enfance, il a partagé avec son grand-père de longues parties de pêche dans la montagne et des promenades en forêt, ce n’est que bien plus tard qu’il a ressenti le besoin, l’urgence comme il dit, de recueillir sa parole, ses souvenirs. Malheureusement, le grand-père meurt à ce moment-là.

Un rendez-vous manqué qui est un de ses plus grands regrets, avoue Grégoire Carlé. Commence alors pour lui un long cheminement intime, cherchant dans ses souvenirs les moindres bribes de témoignage de ce grand-père disparu, avant d’élargir ses recherches aux proches, aux livres, aux archives publiques et privées, une enquête de deux ans nécessaire pour atteindre la rigueur historique visée par l’auteur.

© Dupuis / Carlé

Et d’écrire l’histoire de ce grand-père, sa jeunesse dans une Alsace annexée par l’Allemagne nazie avec l’objectif de la défranciser, de la décléricaliser, de la germaniser, de la nazifier, en un mot ou presque de la mettre au pas. L’araignée nazie tissait sa toile !

Le grand-père ne s’y est pas laissé prendre, fondant avec quelques autres le réseau de résistance Feuille de lierre, participant à quelques actions d’éclats avant d’être finalement arrêté, interné au camp de Schirmeck puis incorporé de force dans la Wehrmacht comme des dizaines de milliers d’Alsaciens et Mosellans. Les fameux « malgré-nous ». L’humiliation suprême !

© Dupuis / Carlé

C’est cette histoire d’homme entré en résistance au péril de sa vie que raconte aujourd’hui l’album de Grégoire Carlé. C’est aussi l’histoire d’une filiation et d’une transmission entre un grand-père et son petit-fils. Et au final, un regard intime sur une époque sombre pour l’humanité et peut-être plus encore pour cette région meurtrie jusqu’au plus profond de son identité.

Pour mettre en images ce récit intime aux résonances universelles, où la folie des hommes côtoie la beauté de la nature, un sacré contraste, Grégoire Carlé a opté pour la couleur directe, une douceur d’aquarelles sur des noirs tranchants qui donnent aux planches un petit côté ancien bien vu. Une merveille !

Eric Guillaud

Le Lierre et l’araignée, de Grégoire Carlé. Dupuis. 29,95€

14 Fév

L’œil d’Ódinn : en route pour le Ragnarök

Lorsque l’un des meilleurs dessinateurs, jadis dévoué à la cause de Conan le barbare, s’attaque à la mythologie scandinave, cela donne un résultat épique et sanglant, mais aussi de toute beauté où les femmes, une fois n’est pas coutume, mènent la bataille jusqu’au bout du monde…

De tous les dessinateurs qui se sont penchés sur le berceau de Conan le barbare depuis le début 2000, avec Cary Nord l’argentin Tomás Giorello fut sûrement celui qui a réussi le mieux à renouer avec une certaine authenticité et le côté animal sans foi ni loi du cimmérien, propulsant ainsi la série à des hauteurs pas atteintes depuis la grande époque de John Buscema dans les années 70. Donc forcément, on a gardé un œil sur lui. Autant dire que l’excitation était à son comble lorsqu’on a appris qu’il avait signé chez l’éditeur Bad Idea, récemment passé sous la coupe de Valiant, pour un one-off ancré dans la mythologie scandinave et un monde d’heroic fantasy rappelant fortement celui crée par Robert E. Howard.

Clairement, le tout, scénarisé par ce grand habitué de l’écurie Valiant qu’est Joshua Dysart (Harbinger, Bloodshot etc.), a été taillé sur mesure pour Giorello. D’ailleurs, plusieurs dessins prennent une pleine page, histoire de sublimer un peu plus son trait qui a pris, ici, une épaisseur supplémentaire, souligné par une mise en couleur à l’ancienne et chaleureuse. Même si l’héroïne est ici une jeune fille, difficile de ne pas voir de nombreux parallèles avec le monde de Conan. D’ailleurs, ce n’est pas une coïncidence si le personnage borgne d’Odin (d’où le titre, utilisant l’orthographe d’origine du nom) rappelle beaucoup le portrait d’un Conan vieillissant réalisé par Giorello pour la série King Conan, récemment rééditée dans son intégralité dans un sublime omnibus chez Marvel.

© Bliss / Giorello, Dysart & Rodriguez

De plus, l’histoire fait ici écho à de nombreuses thématiques chères au créateur de Conan, comme la prédestination ou l’incompréhension de son entourage face à son propre potentiel. Jeune paysanne, Solveig a plusieurs visions terrifiantes où le père des dieux, Odin, lui apparaît, la sommant de partir en quête, mais sans qu’elle ne réussisse vraiment ce qu’il attend d’elle. Elle décide donc d’aller à la recherche de réponses, accompagnée par un vieux guerrier et une sorcière.  

© Bliss / Giorello, Dysart & Rodriguez

Si ces visions apocalyptiques, où le dessinateur ne lésine pas sur la violence mais sans qu’elle ne soit jamais gratuite non plus, sont flamboyantes, elles ne prennent jamais le pas sur la psychologie des personnages. Aidé par un Dysart qui sait éviter les clichés, Giorello ne cède pas à la facilité,  c’est-à-dire se lâcher complètement graphiquement grâce au tapis rouge déroulé, quitte à zapper à tout le reste. Non, il n’oublie jamais ses personnages et fait même preuve, oui, d’une sensibilité inattendue teintée de féminisme, les femmes (Solveig bien sûr, mais également les valkyries qui la rejoignent) étant dans le récit les seules à sembler vouloir aller vers la lumière.

Seule source de frustration : la fin un peu abrupte qui semble appeler une suite, même si lors de son passage à Paris en début d’année, l’argentin nous a confié avoir déjà démarré son travail sur une nouvelle série pour Bad Idea, mais cette fois-ci dans un style plus science-fiction…

Olivier Badin

L’œil d’Ódinn de Tomás Giorello, Joshua Dysart & Diego Rodriguez. Valian/Bliss. 25€

13 Fév

Bobigny 1972. Une date-clé de l’histoire des droits des femmes en France racontée en BD

C’est le genre de procès qui vous change une société, un procès historique qui fut une étape décisive vers la loi Veil encadrant la dépénalisation de l’avortement en France. La Nantaise Carole Maurel au dessin et la Marmandaise Marie Bardiaux-Vaïente au scénario nous le racontent dans une BD parue aux éditions Glénat

© France 3 Pays de la Loire / Eric Guillaud

On pouvait espérer l’affaire réglée une fois pour toutes avec la promulgation de la loi historique portée par Simone Veil et votée le 17 janvier 1975, une loi qui autorisait l’interruption volontaire de grossesse avec peut-être, pour ambition première, d’endiguer les avortements clandestins et moins de reconnaître cette liberté comme un droit fondamental des femmes.

Mais le monde est ainsi fait qu’aujourd’hui encore, près de cinquante ans après, l’IVG est toujours confrontée à de nombreux obstacles et la France n’est pas à l’abri d’un revirement brutal, comme on a pu déjà le vivre de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis.

La constitutionnalisation pourrait être une réponse, un rempart, mais en attendant, le combat continue sur tous les terrains, y compris sur celui de la bande dessinée. 

Activiste féministe confirmée, la scénariste Marie Bardiaux-Vaïente travaille quasi exclusivement sur la thématique de l’injustice, mais elle ne l’avait jamais abordée sous l’angle de la lutte pour les droits des femmes, c’est chose faite avec Carole Maurel au dessin.

Bobigny 1972 raconte un événement clé dans l’histoire de l’avortement, le procès de la jeune Marie-Claire Chevalier, 15 ans, jugée pour avoir avorté. Son avocate, Gisèle Halimi, trouva là une tribune idéale pour porter la lutte pour l’avortement libre et gratuit au plus haut niveau.

Nous avons rencontré Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel pendant le festival d’Angoulême fin janvier, interview…

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08 Fév

« J’y vais mais j’ai peur », quand la navigatrice Clarisse Crémer se fait autrice de BD et raconte son Vendée Globe

Dans neuf petits mois, le Vendée Globe s’élancera à nouveau des Sables d’Olonne. Sur la ligne de départ, une quarantaine de skippers et skippeuses, parmi lesquelles très certainement Clarisse Crémer, arrivée 12e de la précédente édition. Avant de reprendre la mer, la navigatrice nous raconte son parcours dans une bande dessinée parue chez Delcourt.

© Delcourt / Crémer & Bénézit

« J’y vais mais j’ai peur « . C’est avec ces mots que Clarisse Crémer a dit oui. Oui à Ronan Lucas, directeur de la Team Banque Populaire. Oui pour être sur la ligne de départ de la plus belle course autour du monde, une course à la voile, en solitaire, sans escale, et sans assistance.

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