Au départ, La Querelle des arbres n’était qu’un mini récit sélectionné en 2005 au Concours Jeunes Talents du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Il est aujourd’hui un beau et gros roman graphique de plus de 200 pages publié aux éditions Casterman. Un récit romanesque à dimension politique et écologique…
Settimo Orsù a un corps de bûcheron. Il l’est ! Ou du moins l’était-il dans sa Corse natale, avant la Grande Guerre. Changement de décor et d’ambiance, l’homme a troqué le bord de la Méditerranée pour les rives du Mékong. Avec pour mission d’encadrer des coolies (travailleurs agricoles locaux) sur une exploitation forestière, la Plantation de la Souche. Nous sommes en 1920, l’Indochine est française. Et les colons, les longs nez comme on les appelle ici, ont tout loisir d’exploiter les ressources du pays avec la bénédiction « forcée » du peuple autochtone réduit à l’état de quasi-esclavage.
Un job tranquille ? Pas vraiment. À son arrivée, Settimo est accueilli par des policiers qui vont rapidement le mettre au parfum et tenté de le mettre dans leur poche. Car un des coolies, qui se fait appeler « Corbeau de cendre », multiplie les articles diffamatoires contre la nation française dans une feuille de chou distribuée sous le manteau. L’Indochine est française, oui, mais pas pour le bonheur de tous !
En ayant pris soin d’éviter tout manichéisme et de diluer leur documentation dans le quotidien, Renaud Farace et Amaya Alsumard nous offrent une belle fiction au cœur de l’Indochine coloniale, avec une ambiance « juste » comme ils disent, mais sans prétention aucune de faire de La Querelle des arbres une bande dessinée historique.
Son titre, d’ailleurs, suffit à lui-seul à nous en donner le ton général. Si l’histoire permet effectivement de mettre en exergue le colonialisme dans toute sa splendeur avec la violence, le mépris ou dans le meilleur des cas l’indifférence des colons envers la population locale, et ce même si certains comme la patronne Alexandra de la Souche affiche une certaine bienveillance, il permet aussi de nous raconter une aventure au souffle romanesque, l’émancipation d’un peuple sur fond de légendes.
Une belle brochette de personnages, des décors bien évidemment somptueux, une histoire dense, mais rondement menée, un dessin de caractère et des couleurs au service de l’histoire… La Querelle des arbres pourrait mettre tout le monde d’accord !
Eric Guillaud
La Querelle des arbres, de Renaud Farace et Amaya Alsumard. Casterman. 30€