Lucien n’a pas vraiment la foi, ne connaît pas un mot de latin, n’a jamais dit la messe et pense que la religion est un business comme un autre. Alors pourquoi se retrouve-t-il parachuté à la tête d’une église dans le Jura ? Certainement pas pour sauver les âmes…
Il faut bien le reconnaître, pour aller à Saint-Claude de son libre arbitre, il faut soit être collectionneur de pipes, soit avoir une foi à toutes épreuves. Pour Lucien qui vient tout juste de poser les pieds sur le quai de la gare sous une pluie battante, la raison est tout autre. Car même s’il porte une soutane et se fait appeler Père-Philippe, notre homme espère surtout se trouver une planque pour quelque temps…
Et quoi de mieux qu’une église pour cela ? La paroisse de Notre-Dame-de-L’Assomption a justement besoin d’un curé. Et tant pis s’il n’a jamais officié de sa vie, tant pis si sa religion à lui est celle du flingue, tant pis s’il n’a pas fait vœu de pauvreté et encore moins de chasteté. Se faire oublier tout en profitant de quelques avantages en nature, voilà son programme, son sacerdoce…
Sylvain Vallée nous avait bluffé avec Tananarive paru en 2021 sur un scénario de Mark Eacersall (Glénat), il récidive ici avec l’adaptation de cette histoire inédite du romancier Jacky Schwartzmann, un polar en deux tomes qui a tout de la comédie ou l’inverse. Le scénario, est un modèle du genre, les dialogues sont percutants, le décor urbain (Saint-Claude) inhabituel en BD, le graphisme semi-réaliste époustouflant, les couleurs d’Elvire de Cock remarquables, et notre personnage de Lucien qui porte aussi bien la soutane que des tee-shirts du Hellfest et de Black Sabbath est absolument diabolique.
Bref, on se laisse totalement embarquer dans cette histoire qui rappellera à certains la série Soda lancée par Philippe Tome et Luc Warnant il y a une quarantaine d’années maintenant. Sauf que le costume de curé cachait un flic et non un truand comme ici.
Eric Guillaud
L’Être nécessaire, Habemus Bastard (tome 1), de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann. Dargaud. 19,99€ (en librairie le 3 mai)