12 Mai

Nuages, une ode à la rêverie signée J. Personne

Les rêves sont-ils faits pour être réalisés ou, comme disait Coluche, pour être simplement rêvés ? Dans ce très bel album paru aux éditions Glénat, J. Personne n’apporte pas forcément de réponse mais encourage à ne jamais renoncer…

Léo a un rêve, un drôle de rêve : celui de voler ! Sans doute l’influence de ses lectures de jeunesse. Et de s’imaginer dans les airs le poing en avant comme tout super-héros qui se respecte, fendant l’air, traversant les nuages, dépassant l’horizon, pour changer la vie, pour changer le monde.

Ce rêve ne le quittera jamais, accompagnant toutes les étapes de sa vie, depuis sa plus tendre jeunesse jusqu’à son dernier souffle. Une vie ordinaire, presque banale, des vacances à la mer avec ses parents, des années à user ses fonds de culotte sur les bancs de l’école, les jeux avec les copains, les premières amoureuses, les premiers baisers, les études à Paris, les petits boulots, le grand amour, le mariage, la paternité… et puis le décès de son père, la maladie de sa mère, son couple qui périclite, le divorce, la vieillesse. Des nuages qui s’amoncellent mais des rêves qui persistent !

Avec une touche de mélancolie et beaucoup de poésie, Nuages nous raconte une vie, LA vie, la vraie, avec le temps qui passe inéluctablement, les moments de bonheur et les autres, les rêves qui se confrontent à la réalité, les histoires d’amour qui finissent mal en général, la vieillesse qui arrive sans prévenir, la mort.

Auteur d’une poignée d’albums, parmi lesquels La famille Yacayoux paru aux éditions Bang ou Soufflement de narines chez Delcourt, J. Personne développe un univers fait de douceur et de poésie, de gravité et de fantaisie. Une histoire touchante qui met des mots (choisis) et des images (splendides) sur des émotions universelles. À lire tout doucement…

Eric Guillaud

Nuages, de J. Personne. Glénat. 25€

© Glénat / J. Personne

Hellboy, une édition spéciale pour les 30 ans du super-héros de Mike Mignola

Personnage culte de la bande dessinée américaine, Hellboy fête ses trente ans à travers un très bel album paru aux éditions Delcourt. 400 pages pour revenir à ses origines…

Au départ était un dessin, un dessin parmi tant d’autres, un monstre aux cornes proéminentes et à la boucle de ceinture assez large pour que Mike Mignola y inscrive ces sept lettres : HELLBOY.

Nous sommes en 1991, Mike Mignola enchaîne les projets chez DC Comics et Marvel, oubliant un temps ce dessin avant d’y revenir, convaincu de ne plus vouloir raconter « des histoires de Batman ».

« J’ai repris ce dessin du monstre avec ce drôle de nom, je l’ai retravaillé, lui ai mis un long manteau et voilà : grosso modo, je tenais mon personnage. »

Une véritable success-story

En 1994 parait la première aventure de ce fameux Hellboy, Seed of destruction pour les Américains (Dark Horse), Les Germes de la destruction pour les Français (Dark Horse France), point de départ d’une success-story qui ne se dément toujours pas après 30 ans de bons et loyaux services, une vingtaine d’albums au compteur chez Delcourt, des adaptations en dessin animé, en jeux vidéos ou pour le cinéma… De quoi faire dire à son auteur :

« J’aime bien l’idée d’avoir une biographie constituée d’une seule et unique phrase : Mike Mignola est le créateur de Hellboy ».

Oui, Mike Mignola est le créateur de Hellboy, aucun doute, un créateur de génie qui a donné naissance à un personnage qui est aujourd’hui entré dans le patrimoine mondial de la bande dessinée, un monstre né pour combattre d’autres monstres sous l’étiquette du Bureau de Recherche et de Défense sur le Paranormal.

Une édition spéciale 30 ans

Afin de marquer le coup à l’occasion de ses trente ans, les éditions Delcourt publient cette édition spéciale qui réunit le premier tome de la série principale, l’intégralité des récits courts ainsi que des peintures et croquis de recherche, dont le fameux premier dessin de Hellboy, tous issus des carnets de l’auteur. Un beau et gros pavé de plus de 400 pages qui ravira les connaisseurs et les autres.

Eric Guillaud

Hellboy, édition spéciale 30ᵉ anniversaire, de Mike Mignola. Delcourt. 39,95€ (en librairie le 15 mai)

© Delcourt / Mignola

02 Mai

Habemus Bastard : un miracle signé Jacky Schwartzmann et Sylvain Vallée

Lucien n’a pas vraiment la foi, ne connaît pas un mot de latin, n’a jamais dit la messe et pense que la religion est un business comme un autre. Alors pourquoi se retrouve-t-il parachuté à la tête d’une église dans le Jura ? Certainement pas pour sauver les âmes…

Il faut bien le reconnaître, pour aller à Saint-Claude de son libre arbitre, il faut soit être collectionneur de pipes, soit avoir une foi à toutes épreuves. Pour Lucien qui vient tout juste de poser les pieds sur le quai de la gare sous une pluie battante, la raison est tout autre. Car même s’il porte une soutane et se fait appeler Père-Philippe, notre homme espère surtout se trouver une planque pour quelque temps…

Et quoi de mieux qu’une église pour cela ? La paroisse de Notre-Dame-de-L’Assomption a justement besoin d’un curé. Et tant pis s’il n’a jamais officié de sa vie, tant pis si sa religion à lui est celle du flingue, tant pis s’il n’a pas fait vœu de pauvreté et encore moins de chasteté. Se faire oublier tout en profitant de quelques avantages en nature, voilà son programme, son sacerdoce…

© Dargaud / Vallée & Schwartzmann

Sylvain Vallée nous avait bluffé avec Tananarive paru en 2021 sur un scénario de Mark Eacersall (Glénat), il récidive ici avec l’adaptation de cette histoire inédite du romancier Jacky Schwartzmann, un polar en deux tomes qui a tout de la comédie ou l’inverse. Le scénario, est un modèle du genre, les dialogues sont percutants, le décor urbain (Saint-Claude) inhabituel en BD, le graphisme semi-réaliste époustouflant, les couleurs d’Elvire de Cock remarquables, et notre personnage de Lucien qui porte aussi bien la soutane que des tee-shirts du Hellfest et de Black Sabbath est absolument diabolique.

Bref, on se laisse totalement embarquer dans cette histoire qui rappellera à certains la série Soda lancée par Philippe Tome et Luc Warnant il y a une quarantaine d’années maintenant. Sauf que le costume de curé cachait un flic et non un truand comme ici.

Eric Guillaud

L’Être nécessaire, Habemus Bastard (tome 1), de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann. Dargaud. 19,99€ (en librairie le 3 mai)

28 Avr

Caricature et Pussey! : deux nouveaux titres dans la Bibliothèque de Daniel Clowes aux éditions Delcourt

Après Monica, Fauve d’or au dernier Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, les éditions Delcourt poursuivent leur travail de réédition autour de l’œuvre de Daniel Clowes avec Pussey! et Caricature

En lançant La Bibliothèque de Daniel Clowes en 2023, les éditions Delcourt ambitionnaient de réunir sous les couleurs de cette collection le plus grand nombre de parutions traduites de l’auteur, des rééditions mais aussi des nouveautés telles que Monica paru en novembre 2023, titre qui offrit au passage à Daniel Clowes un Fauve d’or au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême.

Avec aujourd’hui sept titres, le pari n’est pas encore gagné mais il est en bonne passe de l’être. Pussey!, sorti en mars, et Caricature, en ce début mai, ont rejoint Comme un gant de velours pris dans la fonte, Ghost World, Patience, Eightball, et donc Monica sur les étagères de nos librairies préférées.

Si les deux albums ont bénéficié d’une nouvelle traduction et d’un nouveau lettrage, et Caricature d’une nouvelle couverture, pour le reste, rien de changé, les inconditionnels de ce grand maître de la bande dessinée indépendante américaine y retrouveront ce qui a fait sa notoriété, à savoir un style graphique inimitable, des personnages esquintés par la vie et un regard aiguisé et sans concession sur la société américaine. Caricature et Pussey!, deux albums que je recommande vivement, une belle porte d’entrée pour découvrir l’univers pas toujours accessible de Daniel Clowes !

Eric Guillaud

Caricature, Delcourt. 19,99€ / Pussey!, Delcourt. 13,50€

Pussey! © Delcourt / Clowes

26 Avr

West Fantasy ou Tolkien chez les cowboys !

Jean-Luc Istin est le très prolifique créateur d’Aquilon, vaste monde directement influencé par les écrits de Tolkien, avec au bout du bout un nombre impressionnant de titres chez l’éditeur Soleil. Pour les éditions Oxymore et cette nouvelle série, il reprend les mêmes ingrédients de l’heroic-fantasy pour les mélanger cette fois-ci… au western !

Orcs Et Gobelins, Mages, Guerres d’Arran, Elfes… Autant de titres aux multiples suites (jusqu’à 35 tomes !), tous ancrés dans le même monde imaginaire peuplé de nains, de sorciers, de valeureux guerriers ou encore d’orcs maléfiques, tous inventés par la même personne : Jean-Luc Istin. Dessinateur mais surtout scénariste, ce breton de cinquante-quatre ans a construit depuis le début des années 2000 un univers à part entière aux références assumées, du Seigneur des Anneaux aux jeux de rôles, en passant par des jeux vidéo, style World Of Warcraft. Soit un syncrétisme plutôt malin car permettant de brasser large, bien au-delà du ‘simple’ lecteur de BD occasionnel.

Sa productivité, impressionnante, est facilitée par sa façon quasi-systématique de mener le récit, avec toujours le même type de chapitre introductif pour chaque personnage, beaucoup de dialogues et des dessinateurs efficaces mais ayant tendance à s’effacer un peu trop souvent derrière l’œuvre, devenant ainsi un peu interchangeables. En fait, tout le travail d’Istin s’apparente à celui d’un showrunner à l’américaine, misant tout sur l’efficacité tout en exploitant à fonds le monde dans lequel tout cela évolue une fois posé.

© Oxymore / Istin, Benoit & Nanjan

Alors, ne nous trompons pas : même s’il sort sur un autre éditeur (monté par un… Ex-Soleil) et mise sur un élément inédit (le western donc), West Fantasy se positionne de la même façon. Pour faire un parallèle avec une série télé, c’est un peu comme découvrir tous les quatre ou cinq ans la dernière série en date de la saga Star Trek : c’est la même ambiance, avec les mêmes valeurs disons mais des personnages et des lieux différents.

© Oxymore / Istin, Benoit & Nanjan

Comme tout premier tome digne de ce nom, celui-ci pose donc le décor et les trois premiers personnages principaux, présentés d’abord séparément avant de voir leurs chemins se croiser. Histoire de faire simple, on retrouve les trois sur la couverture, sous un titre lui aussi on ne peut plus explicite : Le Nain, Le Chasseur De Primes & Le Croque-Mort. Histoire de faire toujours simple, d’ores et déjà, il a été annoncé que l’un de ses trois héros réapparaîtra dans le tome suivant, formant ainsi un nouveau trio tout en assurant une continuité de l’œuvre.

© Oxymore / Istin, Benoit & Nanjan

Alors, est-ce que la greffe prend ? Oui, plutôt. Ce qui n’est pas trop surprenant tant, au final, les deux mondes – western et fantasy – ont pas mal de choses en commun : les grands espaces, une civilisation tentant tant bien que mal de domestiquer la nature, l’irruption soudaine de la violence, l’anarchie latente etc. Après, au bout du bout, à partir du moment où l’on fait très vite intervenir la magie, des zombies et autres créatures sortant tout droit d’un donjon malfamé, la partie fantasy finit invariablement par prendre la part du lion. Reste à savoir si les déjà prévues quatre suites réussiront à rétablir la balance…

Olivier Badin

West Fantasy – le Nain, Le Chasseur de Primes & le Croque-Mort de Jean-Luc Istin, Bertrand Benoit et Nanjan. Oxymore. 15,95€

« Appels en absence » de Nora Dåsnes : un récit bouleversant sur les attentats du 22 juillet 2011 en Norvège

Le 22 juillet 2011, sur l’île d’Utøya, un homme armé ouvre le feu sur des jeunes venus participer à l’université d’été du Parti travailliste. Un peu plus tôt, une voiture piégée explosait dans le centre d’Oslo. Un seul homme est responsable de ces deux événements, l’extrémiste de droite Anders Behring Breivik. Avec un bilan tragique : des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers de traumatisés pour la vie. Nora Dåsnes avait 16 ans en 2011. Cette histoire est un peu la sienne, un peu celle de tous les Norvégiens…

Le 11 septembre 2001 à New York, le 22 juillet 2011 à Oslo, le 13 novembre 2015 à Paris… Comme si l’histoire hoquetait, avec à chaque fois son cortège de victimes directes ou indirectes et un pays traumatisé. Au moment des attentats sur l’île d’Utøya et dans la capitale norvégienne en 2011, Nora Dåsnes a 16 ans et s’apprête à rentrer au lycée.

C’est son histoire, son ressenti, sa douleur et son incompréhension face à de tels actes qu’elle raconte aujourd’hui à travers les pages de ce roman graphique qui débute un mois après les faits et met en scène une jeune héroïne prénommée Rebekka.

Comme Nora sans doute, comme beaucoup d’enfants et d’adultes, Rebekka fait beaucoup de cauchemars, de crises d’angoisse et cherche par tous les moyens à comprendre pourquoi ? Pourquoi cette tuerie ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?

J’ai l’impression qu’il manque la fin. La conclusion. J’essaie de la trouver mais… je sais pas si c’est possible.

Entre sa mère, déprimée et scotchée devant les infos en continu, son frère ainé pris d’accès de violence, ses journées au lycée où chacun joue à paraître le moins affecté possible et ses soirées sur internet à espérer trouver des explications à la tragédie, Rebekka ne parvient pas à reprendre le cours normal de sa vie d’ado. Elle ne fait que penser à cette journée, encore et encore.

Je pense aux premières heures quand on savait pas encore qui était sur place, ni si on connaissait quelqu’un, au lendemain matin, à tous ces morts, au fait que personne n’a réussi à l’arrêter.

Rebekka fait partie des traumatisés pour la vie, même si elle n’était pas sur place au moment des faits et ne connaissait aucune des victimes, aucune des personnes présentes sur l’île. Rebekka est ce qu’on pourrait appeler une traumatisée par procuration qui devra comme tant d’autres trouver le chemin de la reconstruction…

Trois couleurs dominent ce récit, le bleu-gris pour le temps présent, le noir pour les cauchemars et le rouge pour les flashbacks sur la journée du 22 juillet 2011. Appels en absence est un récit bouleversant, qui vous serre la gorge, tant le témoignage est fort, tant les interrogations, les doutes, sont palpables, tant enfin, la peur de l’oubli ou pire encore le peur de la répétition de l’histoire est présente.

Après L’année où je suis devenue ado, son premier roman graphique traduit en 11 langues et sélectionné au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2022 dans la catégorie jeunesse 8-12 ans, Nora Dåsnes confirme ici un talent hors norme.

Eric Guillaud

Appels en absence, de Nora Dåsnes. Casterman. 25€ (en librairie le 1ᵉʳ mai)

25 Avr

Borboleta de Madeleine Pereira : pour que la mémoire du Portugal ne s’envole pas

Il y a cinquante ans aujourd’hui, la révolution des Œillets renversait la dictature salazariste au Portugal. Madeleine Pereira, issue de l’immigration portugaise, née en France, ne l’a pas connue, ne l’a pas subie, mais tente ici, dans ce qui est son tout premier album, d’en cerner les contours et de rétablir une connexion avec un pays, un peuple et une culture qu’elle aime…

Quarante-huit ans ! La dictature au Portugal est la plus longue que l’Europe ait connue au XXe siècle. Dépassant de loin celles instaurées par Hitler, Mussolini ou même le voisin espagnol, Franco. Et malgré tout, cette dictature-là est la moins connue de toutes, la moins enseignée dans les écoles.

Madeleine Pereira est née en France, vit à Angoulême, mais ses racines familiales sont portugaises. Elle-même ne connaissait pas grand-chose à cette histoire avant qu’elle décide d’utiliser son art, la bande dessinée, pour recueillir des témoignages, ici des membres de sa famille, là des amis de son père, et les réunir dans cet album baptisé Borboleta, papillon en français.

À travers ces témoignages, Madeleine Pereira retrace l’histoire de sa famille et au-delà celle de tout un pays. Elle raconte aussi son parcours personnel et intime, depuis la jeune fille refusant tout signe d’appartenance à la communauté franco-portugaise jusqu’à la jeune femme curieuse et fière de ses origines. 

Avec un dessin faussement naïf et un découpage très simple, Madeleine Pereira nous invite à remonter le temps, partager la vie de ces hommes et femmes qui ont accepté de témoigner, de raconter leur parcours, le poids de la dictature, le départ pour la France, la difficile intégration, et parfois, après des décennies d’exil, le retour au pays.

Eric Guillaud

Borboleta, de Madeleine Pereira. Sarbacane. 24€

© Sarbacane / Pereira

21 Avr

Une Vie en dessins : un nouveau volume consacré à la belle chevauchée de Willy Lambil et Raoul Cauvin aux côtés des Tuniques bleues

Après François Walthéry, Yves Chaland, Frank Pé ou encore Tome et Janry, c’est au tour de Willy Lambil et Raoul Cauvin de recevoir les honneurs de la très belle collection de monographies Champaka Brussels des éditions Dupuis…

Raoul Cauvin et Willy Lambil ont commencé leur carrière comme lettreurs aux éditions Dupuis. Une entrée par la toute petite porte, comme nous le rappelle dès les premières pages de ce très beau livre l’auteur Didier Pasamonik. C’était au début des années 50. Ils y feront la carrière qu’on leur connait aujourd’hui, le premier comme scénariste, le second comme dessinateur. Avec un bébé en commun, un beau bébé qui va bientôt fêter ses 65 ans : Les Tuniques bleues.

Sa recette magique, un mélange d’aventure, d’humour et d’antimilitarisme,  a permis à la série de connaître un immense succès. Elle compte aujourd’hui 67 volumes et enregistre 21 millions d’albums vendus. Inutile de préciser qu’elle a marqué plusieurs générations de lecteurs et inspiré quantité d’auteurs. Et pourtant, comme le rappelle également Didier Pasamonik, Cauvin et Lambil sont restés « largement ignorées des cercles académiques ».

Mais qu’importe, Lambil et Cauvin appartiennent avant tout à leurs fans et ils sont nombreux ! Didier Pasamonik est visiblement l’un d’eux. Ce neuvième volet de la série Une Vie en dessins leur rend en tout cas un bel hommage.

Avec plus de 250 pages d’illustrations, de planches originales, de dessins de couvertures, de photographies et d’extraits d’entretiens, Didier Pasamonik remet en perspective le travail de ces deux immenses signatures de la bande dessinée franco-belge et nous permet d’apprécier au plus près le fabuleux coup de crayon de l’un, l’écriture de l’autre, et le génie d’une série qui aura incontestablement marqué l’histoire de la bande dessinée.

Eric Guillaud

Une Vie en dessins tome 9, Lambil et Cauvin. Dupuis / Champaka Brussels. 69€ (en librairie le 26 avril)

© Dupuis – Champaka Brussels / Lambil et Cauvin

08 Avr

Doc Savage, le Bob Morane américain est de retour en BD

Enfin une réédition digne de ce nom des premières adaptations en bande dessinées des aventures d’un héros XXL sorties à l’origine dans la seconde moitié des années 70 avec le grand John Buscema au dessin…

Aux côtés de The Phantom, The Shadow, Green Lama et quantités d’autres, Doc Savage fait partie de ces héros caractéristiques aux aptitudes intellectuelles et physiques quasi-surhumaines ayant dédié sa vie à défendre la veuve et l’orphelin apparu dans les années 30 aux Etats-Unis dans les pages de pulps, ces magazines bon marché regorgeant d’aventures bon marché. Dixit son créateur Lester Dent, Savage était censé être un mélange de Tarzan pour ses qualités physiques, de Sherlock Holmes pour son sens de la déduction et d’Abraham Lincoln pour a droiture. Grâce à des fonds illimités et l’équipe de scientifiques qui l’entoure, il a voué sa vie à combattre l’injustice, niché dans au 86ème étage d’un luxueux gratte-ciel new-yorkais.

Savage est l’archétype même du héros sans peur et sans reproches, sorte de super-héros avant l’heure malgré son absence de pouvoir. Le tout pourrait forcément paraître un peu caricatural vu avec nos yeux du XXIème siècle mais il a cette naïveté et ce charme désuet propres aux héros de cette époque, féconde pour l’imaginaire où une Amérique dévastée par la Grande Dépression de 1929 avait terriblement besoin de s’évader.

La France le découvre à la fin des années 60, dans des versions édulcorées et plus « adaptées au jeune public » de ses aventures , d’abord parues dans le Journal De Mickey puis ensuite en poche via l’éditeur Marabout, où l’on retrouvait déjà son pas si lointain que ça cousin européen, Bob Morane.

De l’autre côté de l’Atlantique, au même moment, grâce au succès-surprise de Conan, Marvel commence à réfléchir à ressusciter d’autres héros de l’ère pulp. Suite à de nombreux courriers de lecteurs, l’éditeur de comics achète les droits de Doc Savage et publie ses premières aventures dès 1972 avec, déjà, le grand John Buscema (Thor, Conan, Les 4 Fantastiques etc.) aux pinceaux pour la couverture. Les lecteurs français, eux, découvrent le personnage dans les pages du magazine Titans en 1976.

Les quatre longues aventures réédités ici (une soixantaine de pages chacune) sont parues en France dans l’éphémère revue La Planète Des Singes, chez le même éditeur. Si le contexte a été modernisé, l’action se passant désormais dans les années 70 plutôt que dans les années 30, les bases restent les mêmes : Savage est un colosse à sang froid, homme aussi cérébral que physique, presque dénué d’affect et accompagné d’une bande hétéroclite stéréotypée (l’avocat snob toujours prompt aux bons mots, la brut au look simiesque, l’intello à lunettes faisant de grandes phrases etc.) lui obéissant au doigt et à l’œil. Les méchants sont assez caricaturaux et pour les combattre, Savage a droit à un attirail semblant sortir d’un film de James Bond, avec sous-marin de poche, hélicoptère etc. Clairement, le tout était à destination du jeune public et cela se sent.

Mais c’est justement tout ce qui fait le charme de ces aventures légèrement teintées de fantastique et n’hésitant pas à emmener les lecteurs aussi bien dans les bas-fonds de ‘Big Apple’ qu’au milieu du Pacifique dans une île inconnue. Il y a ce côté un peu foufou et épique, justement très proche de l’esprit d’un Bob Morane.

Et puis surtout, il y a dans ce premier volume (un second est déjà prévu) le grand, le très grand John Buscema aux dessins, assisté par le tout aussi talentueux Tony Dezuniga pour la finition. Son trait iconique, sa façon instantanément reconnaissable de tisser les traits ou de donner à chaque mouvement une dynamique quasi-féline est indissociable de la légende Marvel, sublimé ici par le très beau travail de reproduction de ces planches en noir et blanc. Pour les amateurs de comics 70s mais aussi du ‘Big John’, c’est quasi-indispensable.

À noter que le tout sort en tirage limité sur un petit éditeur marseillais, déjà responsable de quelques belles rééditions dans le même genre, comme Voltar ou Red Sonja.

Olivier Badin

Doc Savage – L’Intégrale 1875-1976 de Doug Moench, John Buscema et Tony Dezuniga. 38€. Neofelis.

Neofelis / Doug Moench, John Buscema & Tony Dezuniga

RSS