Le 22 juillet 2011, sur l’île d’Utøya, un homme armé ouvre le feu sur des jeunes venus participer à l’université d’été du Parti travailliste. Un peu plus tôt, une voiture piégée explosait dans le centre d’Oslo. Un seul homme est responsable de ces deux événements, l’extrémiste de droite Anders Behring Breivik. Avec un bilan tragique : des dizaines de morts, des centaines de blessés et des milliers de traumatisés pour la vie. Nora Dåsnes avait 16 ans en 2011. Cette histoire est un peu la sienne, un peu celle de tous les Norvégiens…
Le 11 septembre 2001 à New York, le 22 juillet 2011 à Oslo, le 13 novembre 2015 à Paris… Comme si l’histoire hoquetait, avec à chaque fois son cortège de victimes directes ou indirectes et un pays traumatisé. Au moment des attentats sur l’île d’Utøya et dans la capitale norvégienne en 2011, Nora Dåsnes a 16 ans et s’apprête à rentrer au lycée.
C’est son histoire, son ressenti, sa douleur et son incompréhension face à de tels actes qu’elle raconte aujourd’hui à travers les pages de ce roman graphique qui débute un mois après les faits et met en scène une jeune héroïne prénommée Rebekka.
Comme Nora sans doute, comme beaucoup d’enfants et d’adultes, Rebekka fait beaucoup de cauchemars, de crises d’angoisse et cherche par tous les moyens à comprendre pourquoi ? Pourquoi cette tuerie ? Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ?
J’ai l’impression qu’il manque la fin. La conclusion. J’essaie de la trouver mais… je sais pas si c’est possible.
Entre sa mère, déprimée et scotchée devant les infos en continu, son frère ainé pris d’accès de violence, ses journées au lycée où chacun joue à paraître le moins affecté possible et ses soirées sur internet à espérer trouver des explications à la tragédie, Rebekka ne parvient pas à reprendre le cours normal de sa vie d’ado. Elle ne fait que penser à cette journée, encore et encore.
Je pense aux premières heures quand on savait pas encore qui était sur place, ni si on connaissait quelqu’un, au lendemain matin, à tous ces morts, au fait que personne n’a réussi à l’arrêter.
Rebekka fait partie des traumatisés pour la vie, même si elle n’était pas sur place au moment des faits et ne connaissait aucune des victimes, aucune des personnes présentes sur l’île. Rebekka est ce qu’on pourrait appeler une traumatisée par procuration qui devra comme tant d’autres trouver le chemin de la reconstruction…
Trois couleurs dominent ce récit, le bleu-gris pour le temps présent, le noir pour les cauchemars et le rouge pour les flashbacks sur la journée du 22 juillet 2011. Appels en absence est un récit bouleversant, qui vous serre la gorge, tant le témoignage est fort, tant les interrogations, les doutes, sont palpables, tant enfin, la peur de l’oubli ou pire encore le peur de la répétition de l’histoire est présente.
Après L’année où je suis devenue ado, son premier roman graphique traduit en 11 langues et sélectionné au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2022 dans la catégorie jeunesse 8-12 ans, Nora Dåsnes confirme ici un talent hors norme.
Eric Guillaud
Appels en absence, de Nora Dåsnes. Casterman. 25€ (en librairie le 1ᵉʳ mai)