17 Oct

Kiss the Sky : Quand Jean-Michel Dupont et Mezzo tirent le portrait de Jimi Hendrix

Nul besoin d’être un amateur éclairé de rock pour le connaître. Jimi Hendrix fait partie de notre patrimoine mondial musical. Mais derrière l’artiste, il y a l’homme et avant l’homme, l’enfant. C’est cette vie que nous invitent à découvrir ici Dupont et Mezzo. Et c’est franchement passionnant !

Un génie de la guitare ! C’est ainsi que la plupart d’entre nous le connaissons, un génie de la guitare mort à 27 ans dans des circonstances relativement troubles, après seulement quatre ans de carrière internationale. C’est peu, très peu, mais suffisant pour marquer l’esprit et l’histoire du rock. Jimi est une star, une légende, un mythe qui aujourd’hui encore influence nombre d’artistes bien au-delà de la seule musique rock.

Ça c’est pour la face A, le côté visible, connu de tous ou presque. Pour le reste, la face B, à moins d’avoir ingurgité l’une des nombreuses biographies ou la volumineuse fiche wikipedia le concernant, vous pouvez être passé à côté de son histoire, de sa jeunesse réellement misérable et sordide dans le Seattle des années 40/50, de cette mère volage, de ses frères et sœurs abandonnés, de son apprentissage musical sur des guitares d’un autre âge auxquelles il manquait forcément des cordes, de ses treize mois passés dans l’armée pour échapper à la prison, de ses premiers groupes, de ses premières amoureuses, de ses rencontres avec Little Richard, BB King ou encore les Rolling Stones…

C’est cette jeunesse que racontent Jean-Michel Dupont et Mezzo dans ce premier des deux volets prévus. Une biographie ? Plutôt un portrait aiment-ils préciser, affirmant avoir eu une approche subjective montrant le côté lumineux de Jimi Hendrix mais aussi son côté sombre, comme ils l’avaient déjà fait avec une autre figure mythique de la musique, Robert Johnson, dans l’album Love in vain.

Un format carré à l’image des vinyles, des planches en noir et blanc d’une beauté, d’une densité, d’une intensité incroyables et cette histoire sobrement synthétisée et racontée de façon linéaire. Un album à l’esprit rock, très rock complété, comme il se doit, par une bande son de premier ordre dans les dernières pages.

Eric Guillaud

Kiss the sky, de Dupont et Mezzo. Glénat. 24,50€

© Glénat / Dupont & Mezzo

08 Oct

DUO : 110 artistes issus du monde de l’illustration et de la BD réunis autour d’un projet collaboratif international

Il y a une dizaine d’années, Sébastien Mesnard et Gérald Guerlais mettaient en circulation deux carnets avec l’idée que les artistes issus de la BD et de l’illustration se les repassent de la main à la main en y laissant des contributions façonnées en tandem. Les éditions Glénat viennent de les réunir dans un très bel ouvrage tout simplement baptisé DUO…

Ils ou elles s’appellent Zep, Vincent Mallié, Juanjo Guarnido, Benjamin Lacombe, Kim Jung Gi, Arthur de Pins, Bastien Vivès, Benoît Springer, Pénélope Bagieu, Magali Le Huche, Clément Lefèvre, Pierre Poux ou encore Marietta Ren. Ils ou elles sont plus ou moins connu(e)s, originaires de France mais aussi d’Angleterre, d’Allemagne, de Colombie, d’Espagne ou encore des États-Unis, issus du monde de la BD, du jeu vidéo, du cinéma d’animation ou de la communication graphique, et se sont retrouvés autour de ce projet collaboratif international dont le premier objectif était de dépasser l’individualisme ambiant pour proposer une approche collective de la création artistique, une approche sociale qui plus-est, la totalité des bénéfices des ventes de cet ouvrage étant reversés à la fondation EPIC qui œuvre auprès d’associations à travers le monde autour de deux causes majeures : l’enfance et la jeunesse, l’environnement et l’action climatique.

Résultat, 160 pages, 57 illustrations réalisées par autant de duos, parfois spontanés, parfois arrangés, pour autant de styles, de techniques et d’imaginaires, avec en fil rouge la thématique du partage. Un très beau livre – et une idée généreuse – qui devrait ravir tous les amoureux de l’illustration au sens large.

Eric Guillaud 

DUO, collectif. Glénat. 40€

 

07 Oct

Colorado Train: une adaptation en images et en musique du roman de Thibault Vermot par Alex W. Inker

Vous aimez vous faire peur ? L’auteur Alex W. Inker vous en donne l’occasion avec son nouveau roman graphique adapté du livre de Thibault Vermot tous deux parus aux éditions Sarbacane. Un récit à se réfugier au fond de la couette la plus proche et ne plus en ressortir même pour une envie pressante…

Six albums en six ans et une douzaine de récompenses dans le même temps, parmi lesquels un Grand Prix de la critique pour Servir le peuple, un Fauve Polar SNCF pour Apache, un Prix Fnac France Inter pour Un Travail comme un autre et un Prix Töpffer International pour Panama Al Brown. Si cet homme, à seulement 36 ans, n’est pas un génie de la BD, il n’en est pas loin !

Et ce succès absolument mérité ne l’empêche pas de se remettre à chaque fois en question, que ce soit dans le genre abordé ou le style graphique choisi. Après l’Amérique paysanne des années 20 et la France ouvrière du XIXe siècle, Alex W. Inker nous embarque cette fois dans l’Amérique profonde des années 90, celle des laissés pour compte, des sinistrés de la croissance, pour une histoire de gamins qui tentent de tuer le temps comme ils peuvent jusqu’au jour où un autre gosse du coin disparaît et est retrouvé découpé en morceaux…

© Sarbacane / Alex W. Inker

Vous l’avez compris, Colorado Train est une BD d’horreur, genre mineur en tout cas en Europe, un peu moins aux États-Unis et au Japon, peut-être parce qu’il manque à la BD ce dont le cinéma a su s’emparer et rendre indispensable: la musique. Et la musique pour accompagner un récit d’horreur, c’est incontournable sinon essentiel et son utilisation, souvent proportionnelle à la frayeur recherchée.

© Sarbacane / Alex W. Inker

Pour autant, Colorado Train n’est pas dénué de musique car Alex W. Inker a trouvé la parade, découpé son récit en chapitres et proposé pour chacun d’eux une musique, ici Back to School de Deftones, là Incinerate des Sonic Youth ou plus loin Bullet with Butterfly Wings des Smashing Pumpkins.

Bref, faites chauffer la playlist, pour le reste, laissez-vous immerger dans les atmosphères glauques mitonnées avec délectation par l’auteur qui a abandonné ici ses habituelles bichromies et trichromies pour un noir et blanc bien évidemment plus adapté à l’horreur. Alex W. Inker souhaitait des images qui impriment notre subconscient et hantent nos nuits, c’est réussi ! Merci…

Eric Guillaud

Colorado Train, de Alex W. Inker d’après le roman de Thibault Vermot. Sarbacane. 29€

© Sarbacane / Alex W. Inker

06 Oct

Full Circle : la rencontre de deux géants des comics au service des Quatre Fantastiques

Cette histoire n’a beau faire « que » 64 pages et être la 876745e aventure des Quatre Fantastiques, elle reste un événement car on parle là d’un passage de témoin entre deux géants des comics US à près de soixante ans d’intervalle : Jack Kirby et Alex Ross. Le résultat ? Superbe, époustouflant, incroyable.

Le premier reste bien sûr le ‘king of comics’, celui qui régnait sans contestation possible sur la planète MARVEL dans les années 60 et qui en a défini les plus grands héros, comme les Quatre Fantastiques susnommés mais aussi Captain America, Black Panther, Ant-Man et plein d’autres. Son style très emphatique, coloré et quasi-pop art est pour beaucoup dans la façon dont l’art du comics s’est par la suite développé.

Né en 1970, Alex Ross s’est, lui, avant tout fait un nom grâce à ses dessins de couvertures et son coup de pinceau hyper-réaliste, en général réalisés à la gouache, faisant de lui l’un des rares dessinateurs de comics avec un profil de peintre. Sa rareté n’a fait qu’augmenter sa valeur ces dernières années et ce Full Circle est d’ailleurs son premier signe de vie (artistique) depuis longtemps. Par contre, attention, on parle là d’artbook et c’est ce qui fait toute la différence.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Car oui, c’est bien là que réside le principal attrait de Full Circle, cette capacité à complètement transcender la notion de ‘simple’ comics, quitte à en faire une sorte d’œuvre d’art que certains trouveront peut-être pédante et figée. Le choix de reprendre l’intrigue d’un épisode précis datant de 1966 (le 51ème de la saga au cas où vous voudriez chercher) n’est pas innocent car c’est à ce moment-là que Kirby et son alors éternel compère Stan Lee ont introduit pour la première la notion de Zone Négative, sorte de dimension parallèle permettant au ‘king of comics’ de se lâcher complètement avec ses pleine pages psychédéliques mélangeant dessin et collages déstructurées si caractéristiques. 

© Panini Comics / Marvel – Ross

Bien que Ross assume complètement le côté hommage de ce exercice de style – même le style de narration semble reprendre les canons des 60’s – il en accentue l’élégance absolue. Comme un pied de nez aux canons modernes et aux productions actuelles parfois hélas affreusement digitales et tristes, on a presque envie de se perdre complètement dans ces panels si détaillés et si réalistes. Après, si le scénario paraît donc très (trop) simpliste et calé sur des rails qu’il ne quitte jamais, nous rappelant qu’en 1966 les comics s’adressait avant tout aux jeunes ados, dans la forme le résultat est donc époustouflant. Une véritable explosion de couleur où chaque planche mériterait d’être affichée en poster, malgré une psychologie réduite donc au minimum et des personnages quelque figés dans leur posture, critique récurrente dans l’œuvre de Ross.

© Panini Comics / Marvel – Ross

Un exercice de style donc, avec des limites que l’on ressent très vite mais qui, visuellement, est d’une telle beauté et d’une telle fougue que l’on en oublie très vite les défauts pour (re)plonger la tête la première dans la zone négative. Et à quand une édition (très) grand format pour rendre justice à sa démesure ?

Olivier Badin

Full Circle d’Alex Ross. Panini Comics/Marvel. 26 euros

03 Oct

Irish Melody : Les Tuniques Bleues de retour avec Kris au scénario

Très attendu par les nombreux fans de la série mais également très attendu au tournant par les gardiens du temple, le nouvel épisode des Tuniques Bleues, 66e du nom, vient de sortir aux Éditions Dupuis avec Lambil au dessin et Kris au scénario. Et alors ?

Irish Meldoy, extrait de la couverture

Et alors ? Et alors ? Zorro est arrivé. Avec son ch’val et son grand chapeau. Zorro, c’est Kris, éclectique scénariste, auteur notamment de Notre Amérique, Un maillot pour l’Algérie, Un Homme est mort, Coupures irlandaises ou encore George Best, twist and shoot. Le brestois a été choisi par les éditions Dupuis pour reprendre les aventures des Tuniques Bleues en compagnie de Willy Lambil au dessin.

Ce choix avait été arrêté du vivant de Raoul Cauvin qui souhaitait se retirer de la série. C’est d’ailleurs lui qui avait annoncé le nom de son successeur en parlant d’un « véritable professionnel ». Professionnel, Kris l’est assurément. C’est même l’un des scénaristes les plus en vue du moment avec des récits qui s’inscrivent souvent dans le passé, il faut dire que l’homme est un fou d’Histoire avec un grand H.

Alors Les Tuniques Bleues ? Pourquoi pas. Ce mélange d’histoire, d’action et d’humour, le tout saupoudré d’une bonne dose d’anti-militarisme et de réflexions autour de thèmatiques actuelles n’était pas pour lui déplaire, lui que l’on présente souvent comme un scénariste engagé. Une défit ? Un rêve de gosse surtout. Kris a toujours dévoré les aventures de Blutch et Chesterfield qu’il juge drôles et subversives.

Et le résultat me direz-vous ? Une mélodie irlandaise, un récit qui raconte gaiement des faits plutôt tristes comme on peut l’imaginer dans ce contexte de guerre de Sécession qui a vu s’entretuer des frères, et parfois même des frères irlandais. Á ce propos, saviez-vous que le sergent Chesterfield avait des origines irlandaises. C’est en tout cas ce qu’un capitaine – irlandais – lui apprend. Ils seraient même cousins. De quoi changer le cours de l’histoire ? Non mais de quoi alimenter la trame de cette histoire précisément, Irish Melody.

Cinquante-quatre ans d’existence, soixante-six albums en comptant le petit nouveau, des millions d’exemplaires vendus à travers le monde, la série des Tuniques Bleues appartient au patrimoine du neuvième art, pas facile dans ces conditions de reprendre la plume, d’autant que la combinaison Munuera – Beka a également prouvé il n’y a pas si longtemps une certaine agilité à reprendre la série avec forcément une touche un peu plus personnelle au niveau du graphisme (voir L’Envoyé spécial, 65e album).

Bref, avec Kris, Les Tuniques Bleues sont entre de bonnes mains. Un souci de moins dans ce monde de brutes !

Eric Guillaud

Irish Melody, de Lambil et Kris. Dupuis. 11,90€

© Dupuis / Lambil & Kris

30 Sep

Les Aventures de Théodore Poussin : une réédition en attendant la suite…

Depuis des mois, nous attendons tous une nouvelle aventure et c’est finalement une réédition qui arrive, les tomes 12 et 13 réunis en un seul album. Mais pas de panique, il s’agit bien là d’une petite mise en bouche avant la sortie du 14e volet baptisé Aro Satoe. Les amoureux de Théodore Poussin peuvent dormir en paix…

Il nous l’avait promis à la sortie du Dernier voyage de l’Amok en 2018 : « Non, je ne mettrai pas 10 ans cette fois ». Et Frank a tenu sa promesse, l’album, le 14e de la série, est annoncé pour le 27 janvier 2023. Quatre petites années d’attente, c’est encore trop pour certains mais c’est déjà mieux que les 13 années d’absence entre les 12e et 13e volets !

En attendant, les éditions Dupuis ont tout fait pour combler ce vide, avec tout d’abord les Cahiers Théodore Poussin, des albums collector sous jaquette, au tirage limité à 2500 exemplaires, accompagnés d’illustrations inédites et de reproductions de tableaux signés de l’auteur. Avec également, depuis 2020, la réédition des aventures en grand format et en récits complets.

C’est justement dans cette dernière collection que s’inscrit Cocos Nucifera Island, un tome 7 et provisoirement le dernier réunissant les albums de la série mère Les Jalousies et Le dernier voyage de l’Amok, soit les 12e et 13e récits. 

Rien de tel pour se replonger en douceur dans les délicieuses aventures de notre marin dunkerquois à travers l’archipel indonésien et de se préparer à son retour en 2023. Et après ? De nouvelles longues années d’attente ? Pas si sûr car en 2024 Théodore Poussin fêtera ses 40 ans avec, dit-on dans les milieux autorisés, un beau livre concocté par les éditions Dupuis. Qu’on se le dise !

Eric Guillaud

Théodore Poussin, récits complets tome 7, Cocos Nucifera Island, de Frank Le Gall. Dupuis. 23€

28 Sep

L’heroic fantasy de Michael Moorcock : retour de flamme !

Alors que les nouvelles séries tirées des univers du Seigneur Des Anneaux et Games Of Thrones font un carton en cette rentrée, l’auteur culte britannique Michael Moorcock voit deux de ses sagas revenir sur le devant de la scène en BD, dont une scénarisée par l’une des stars de l’écurie MARVEL, Roy Thomas.

Beaucoup l’ont connu dans les années 80 via des adaptations en jeux de rôles : Michael Moorcock est un auteur culte, à l’œuvre garguantesque entamée à la fin des années 50. Ses écrits les plus connus sont plusieurs sagas ayant en commun d’être centrées autour de ce qu’il a appelé la figure du champion éternel, sorte d’anti-héros écartelé entre les dieux de l’ordre et du chaos au pourtant destin grandiose sur lequel il n’a aucune prise. Anti-héros dont il raconte l’histoire (tragique) de quatre de ses avatars, dont le plus connu est Elric.

Elric est le 428e empereur de Melniboné, race d’êtres supérieurs aussi raffinés que cruels qui ont pendant dix mille ans dominé une Terre alternative avant d’entrer en décadence. Avec sa peau blanche comme l’ébène, ses yeux froids, sa stature longiligne et sa constitution fragile qui l’oblige à recourir quotidiennement à des drogues pour rester en vie, c’est un personnage complexe, à la fois amoureux de sa cousine et grand lettré mais également personnage attaché à son héritage culturel et royal. Mais son ambitieux cousin, Yyrkoon, attend tapi dans l’ombre l’occasion de le détrôner…

© Delirium / Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert

Ce n’est pas la première fois que nous parlons de ce personnage ambivalent ici, même si on attend toujours une réédition officielle en français de sa toute première adaptation en BD signée Philippe Druillet. Il y a cinq ans, une bande de jeunes loups avaient réussi l’exploit pour le compte de l’éditeur GLENAT de complétement le réinventer à l’occasion d’une nouvelle adaptation réussie en le rhabillant d’habits noirs et gothiques, mais tout en restant fidèle à l’œuvre d’origine.         

En décembre dernier, DELCOURT rééditait La Cité Qui Rêve, adaptation qui, elle, datait de 1983, signée par le scénariste Roy Thomas (Thor, X-Men, Avengers etc.) et le dessinateur P. Craig Russell. Sauf que chronologiquement, cette histoire est en fait la troisième d’une saga qui en compte dix. Or aujourd’hui, DELIRIUM réédite l’adaptation de la toute première, Elric De Menilboné, réalisée par la même équipe mais un an après l’adaptation de La Cité Qui Rêve (c’est bon, vous suivez toujours ?) et qui remonte donc au tout début de l’histoire.

© Delirium / Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert

Le constat est toujours le même – par rapport aux choix visuels très cyberpunks de la dernière version en date, celle-ci est plus colorée, plus mélancolique mais aussi plus psychédélique mais aussi moins guerrière. Mais grâce à la mise en page plus soignée de DELIRIUM et un travail plus subtil sur la reproduction, le rendu est ici encore plus flamboyant, surtout lorsqu’étalé en pleine page. On se répète peut-être mais ici, Elric ressemble plus que jamais à un héros wagnérien, superbement tragique.

Or comment éviter la comparaison lorsqu’au même moment, une nouvelle adaptation de la saga d’un autre champion éternel de Michael Moorcock, nommé Hawkmoon, fait surface chez GLENAT, avec aux commandes le scénariste de la saga horror gothic Lord Gravestone et, notamment, le dessinateur de la série Nottinghamsur Robin des Bois ?

© Glénat / Jérôme Le Gris, Didier Poli & Benoit Dellac

Le parallèle est intéressant car si l’on tient là deux adaptations de deux œuvres du même auteur aux thématiques assez proches, le résultat est malgré tout assez différent. Autant Roy Thomas a abouti il y a quarante ans à quelque chose à la fois beau et tragique, autant ici la (jeune) équipe française s’est concentrée sur l’aspect, disons, géopolitique, plus prédominant dans la saga d’Hawkmoon.

L’action se déroule dans un monde calqué sur le nôtre mais où la technologie se mélange à la sorcellerie, aboutissant à une sorte d’univers steampunk moyenâgeux. Le héros, le duc de Köln Dorian Hawkmoon, est l’un des derniers remparts face à l’avancée irrésistible des cruels granbretons (en référence à l’Angleterre, terre d’origine de Moorcock) qui, petit-à-petit, grignotent le vieux continent. Capturé puis torturé, Hawkmoon devient malgré lui un agent infiltré de ses ennemis jurés, se retrouvant obligé d’infiltrer le royaume isolé de Kamarg, ultime poche de résistance que les granbretons veulent à tout prix écraser.

Prévu sur quatre tomes, Hawkmoon est avant tout une histoire de vengeance. Mais c’est aussi un jeu d’échec, où chacun avance ses pions plus ou moins masqués pour assouvir ses envies. Pour le duc de Köln, c’est venger la mort de son père, pour ses rivaux les granbretons, c’est assouvir complètement le monde pour mieux l’assécher. Pour y parvenir, il faut donc mentir, s’allier (momentanément) avec des gens peu recommandables et manœuvrer plutôt que sortir son épée.

Contrairement à Elric, l’élément magique tient plus de la science-fiction qu’autre chose et surtout, ici ce sont les hommes qui sont à la manœuvre, et non des dieux capricieux. D’où une série, écrite à la base en 1967, plus portée sur les intrigues de palais que sur les combats, peut-être moins flamboyante que son (lointain) cousin albinos mais assez moderne et dont l’un des nombreux descendants pourrait, justement, être Games Of Thrones.

Deux histoires, deux princes, deux êtres à la destinée tragique mais un seul auteur trop longtemps snobé en France et enfin en voie de réhabilitation.

Olivier Badin

Elric de Menilboné de Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert. Delirium. 27€     

Hawkmoon – Le Joyau Noir de Jérôme Le Gris, Didier Poli & Benoit Dellac. Glénat. 14,95€

Malik Oussekine, contrecoups de Jeanne Puchol et LF Bollée : l’histoire d’une bavure policière gravée dans la mémoire collective

Des bavures policières, la France en a connu et en connaitra encore mais celle-ci a quelque chose de spéciale et hante notre mémoire collective depuis plus de 35 ans peut-être parce qu’elle symbolise a elle-seule le cynisme du pouvoir envers ses enfants…

Si vous approchez de la soixantaine aujourd’hui, alors il y a des chances que vous ayez battu le pavé en 1986 pour protester contre le projet Devaquet, du nom du ministre délégué chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, un projet de réforme qui visait notamment à instaurer une sélection à l’entrée des universités.

Partout en France, des manifestations monstres d’étudiants ont secoué les grandes villes universitaires ou non, bientôt rejointes par des cortèges de lycéens, des manifestations monstres et une répression brutale dont Malik Oussekine en deviendra le triste symbole. Au mauvais endroit, au mauvais moment, ce jeune étudiant est mort sous les coups de la BAC et notamment de policiers appartenant au peloton de voltigeurs motoportés, le PVM, mis en place sous Charles Pasqua.

Si ce fameux peloton a été dissous, la réforme mise au placard et les policiers responsables de la mort du jeune étudiant jugés et condamnés, la mort de Malik est resté un traumatisme au sein de la population étudiante et plus largement de la population française au point de devenir L’Affaire Malik Oussekine et de refaire surface régulièrement ici dans les médias, là au cinéma ou à la télévision, mais aussi dans des chansons, en littérature et dans certaines universités et villes françaises qui ont voulu donner le nom de Malik Oussekine à des amphithéâtres ou des rues.

Publié une première fois en 2016, sous le titre inversé de Contrecoups, Malik Oussekine, cet album de Puchol et Bollée nous permet de revivre l’affaire et plus largement de nous replonger dans le contexte particulièrement tendu de l’époque. Une nouvelle édition qui est, comme l’écrivent en préface les auteurs, plus actuelle que jamais, « que ce soit au regard des événements sociaux que la France a pu connaître depuis, ou des questionnements liés à la police en général ». Pour ne jamais oublier !

Eric Guillaud

Malik Oussekine, contrecoups, de Puchol et Bollée. Casterman. 19€

© Casterman – Puchol & Bollée

27 Sep

À vos râteaux ! Le témoignage en BD d’une transition écologique à l’échelle d’un foyer

Parce que la transition écologique est l’affaire de toutes et tous, les Nantais Pauline Bardin et Édouard Bourré-Guilbert ont troqué la fourchette pour un râteau, histoire de produire eux-mêmes ce qu’ils avaient envie de manger. Accompagnés au dessin de Nicolas Gobbi, ils témoignent dans cette bande dessinée de leur expérience, en espérant faire des émules…

Bien évidemment, passer du rayon légumes d’un supermarché au potager, de l’achat facile et parfois compulsif à la culture raisonnée, ne s’improvise pas ! Il faut le pouvoir, posséder un bout de terre peut par exemple faciliter les choses. Il faut surtout le vouloir. Pauline Bardin et Édouard Bourré-Guilbert, installés depuis quelques années sur Nantes, l’ont voulu et s’en sont donné les moyens. Lectures, rencontres, stages, expérimentations…ils sont aujourd’hui incollables sur le sujet et partagent leur expérience à travers ce roman graphique paru chez Steinkis.

La suite ici

25 Sep

Ténébreuse livre second : suite et fin du somptueux conte signé Mallié et Hubert

Il ne nous aura pas fallu un an pour tenir entre nos mains la suite de ce magnifique récit paru dans la collection Aire Libre des éditions Dupuis. Une affaire rondement menée pour un résultat des plus bluffants et un réel bonheur de lecture…

Il était une fois un prince charmant qui libéra une belle princesse des griffes d’une monstrueuse créature…

Enfin ça, ce fût été le scénario idéal. En ce qui nous concerne ici, le prince charmant est un simple chevalier, déchu qui plus-est, et la belle princesse retenue contre son gré, une princesse, certes, mais volontairement recluse dans un château abandonné histoire de se protéger de son père et de sa mère, avec une grosse bestiole pour animal de compagnie.

Alors forcément, lorsque Arzhur, le fameux chevalier déchu, débarque, tue son animal pour la libérer, l’histoire est bien mal emmanchée pour qu’il y ait des remerciements et que tout ça se termine par un mariage et une poignée d’enfants.

© Dupuis – Mallié & Hubert

Toutefois, les deux jeunes gens vont se rendre compte qu’ils peuvent s’aider mutuellement à combattre les ombres du passé et reprendre en main leur destinée. De quoi faire un petit bout de chemin ensemble…

Alliance magique que celle-ci, entre le regretté Hubert à qui l’on doit déjà quelques beaux scénarios dont le très primé Peau d’homme avec Zanzim au dessin, et Vincent Mallié qui nous avait déjà ébloui avec Le Grand Mort, Les Aquanautes et deux volets de La Quête de l’oiseau du temps.

Ce diptyque est d’une beauté graphique et d’une intelligence scénaristique exemplaires. Une immersion dans le monde médiéval avec un conte qui prend à rebrousse-poil les codes du genre pour nous parler de la femme, de la famille, d’émancipation… Tout simplement magnifique !

Eric Guillaud

Ténébreuse, livre second de Mallié et Hubert, couleurs de Bruno Tatti. Éditions Dupuis. 20,95€

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