06 Août

Chronique d’été. 10 BD jeunesse pour la plage

De l’action, de l’humour, de la magie, de l’histoire, du fantastique… dix albums à potasser pendant les vacances. Interro à la rentrée…

On commence avec un album paru en avril dernier, un conte animalier qui aborde le thème de l’abandon mais aussi ceux du divorce et de la différence, avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse. Yeowoo, c’est le nom du personnage principal, est une petite renarde de 5 ans lorsqu’elle est déposée comme un vulgaire colis chez son grand père par des parents démissionnaires et en instance de divorce. Elle y passera toute sa jeunesse et son adolescence avec un grand-père âgé et peu aimant et une tante qui a tout de la vieille-fille. Rien de très fun en somme dans son foyer comme à l’extérieur où elle est largement incomprise par ses camarades de classe, jusqu’au jour où Yeowoo rencontre Paulette, une poule rejetée elle-aussi par sa communauté pour ne jamais pondre d’œufs. (Seizième printemps, de Yunbo. Delcourt. 26,50€)

Après les quatre premiers albums qui retraçaient quatre histoires parallèles avec quatre héros différents, ce cinquième volume réunit tout le monde pour un final qu’on nous promet surprenant. U4 est l’adaptation en bande dessinée de la fameuse saga post-apocalyptique qui a fait un carton en roman avec plus de 350 000 exemplaires vendus. L’histoire ? Un virus baptisé U4 a décimé la population mondiale à l’exception des adolescents. Jules, Yannis, Stéphane et Koridwen sont quatre d’entre eux. Ils ne se connaissent pas mais tous sont des joueurs experts de « Warriors of Time » (WOT), un jeu en ligne, et tous ont reçu un étrange message les convoquant à un rendez-vous à Paris… (U4, de Renders, Lapière et Huelva – 5 volumes parus. Dupuis. 14,50€ le volume)

Perceval, ça vous cause ? Oui bien sûr Perceval le fameux chevalier de la table ronde qui, à la demande du roi Arthur, participa à la quête du Graal. Mais avant d’être un vaillant chevalier, Perceval fut un enfant. C’est cette jeunesse que Brrémaud et Bertolucci retracent dans ce premier volet, d’une histoire complète en quatre tomes, paru en juin aux éditions Vents d’Ouest, un récit truffé d’aventures, d’humour, de magie, de fées et autres créatures au cœur des forêts du sud de l’Angleterre. On avait déjà pu apprécier le talent des auteurs, le scénariste Frédéric Brrémaud et le dessinateur Federico Bertolucci, dans le diptyque Brindille ou la série Love, ce nouvel album ne vient que confirmer tout le bien qu’on pense d’eux. Brillant ! (La légende oubliée de Perceval tome 1/4, de Brrémaud et Bertolucci. Vents d’Ouest. 14,50€)

Coup de chaud sur la planète, la forêt flambe en Gironde, la glace fond au pôle nord. Au point de rendre la vie des ours blancs particulièrement difficile. Pol Polaire et ses deux oursons en savent quelque chose. Il leur est impossible de s’amuser à glisser sur la neige sans se frotter les fesses sur la roche et pire encore il leur devient de plus en plus difficile de chasser le phoque, la glace trop fine se brisant sous leur poids. Et que dire de tous ces détritus échoués sur la banquise et récupérés par L’oncle Bob ? Non franchement la banquise n’est plus ce qu’elle était et Caroline Soucy nous le prouve avec cette série d’histoires courtes drôles faite pour sensibiliser les plus jeunes aux enjeux de l’écologie. (Pol Polaire tome 1, Coup de Chaleur!, de Caroline Soucy. Glénat. 10,95€)

Étrange univers que celui proposé par le duo de scénaristes Beka et le dessinateur Munuera. Étrange univers où les chevaux de traits, les bateaux à vapeur, les biplans, les robots high tech, les amis virtuels et les écrans se côtoient dans un décor qui rappelle le sud des États-Unis au XIXe siècle avec ses champs de coton. Et dans cet univers, Iséa est une pré-adolescente qui ne se sépare jamais de son écran sur lequel elle regarde en boucle le film Cyrano de Bergerac. Un vestige du passé dont elle raffole. Comme elle raffole de sa nounou-robot Debry qu’elle retrouve tous les soirs après l’école. Jusqu’au jour où sa mère la chasse. Iséa décide alors de partir à sa recherche… Un conte aux confins des époques et des genres pour parler d’amour, le tout avec un somptueux dessin.(Les Cœurs de Ferraille tome 1, Debry, Cyrano et moi, de Beka et Munuera.  Dupuis. 13,50€)

À côté des créations originales qui permettent à des auteurs européens d’imaginer leur propre aventure de Mickey, les éditions Glénat proposent depuis quelques années maintenant la réédition des aventures signées par les plus grands dessinateurs de l’univers Disney, de Carl Barks à Romano Scarpa en passant par Floyd Gottfredson, Don Rosa ou, ici, Luciano Bottaro avec Donald et la mission Jupiter, un récit de science fiction inédit en album avec Picsou, Donald, Minnie, Géo Trouvetou… et pas mal d’extra-terrestres très envahissants. (Donald et la mission Jupiter, de Bottaro. Glénat. 15€)

Voici une nouvelle aventure de Michel Vaillant, la onzième de la saison 2 lancée il y a maintenant dix ans par Benéteau, Bourgne, Lapière et Philippe Graton, le propre fils du créateur de la série Jean Graton. Si ce dernier s’est retiré depuis, notre fameux pilote de course poursuit sur sa lancée avec des aventures toujours aussi punchy. Il est cette fois au départ d’une course hors norme, la Cannonball, une course initiée dans les années 70 du siècle passé et consistant à relier la côte est à la côte ouest des États-Unis, près de 5000 kms en circuit ouvert sans itinéraire imposé, sans règle précise. Et face à lui : Pog, un célèbre youtubeur. Mais la menace viendra bien d’ailleurs. Sabotage, attentat à la bombe, la course ne sera pas qu’une affaire de vitesse…  (Michel Vaillant tome 11 Saison 2, Cannonball, de Lapière, Bourgne et Marin. Dupuis. 15,95€)

Vous avez adoré, dévoré, la série Irena, histoire vraie d’Irena Sendlerowa, résistante et militante polonaise qui sauva près de 2500 enfants juifs du ghetto de Varsovie ? Alors vous aimerez Simone. D’abord, parce qu’il s’agit des mêmes auteurs, Jean-David Morvan au scénario et David Evrard au dessin, parce qu’ensuite, comme Irena, Simone se penche sur une figure héroïque de la seconde guerre mondiale, Simone Lagrange, une résistante juive française cette fois, déportée à Birkenau, passée entre les mains du boucher de Lyon, Klaus Barbie, qu’elle retrouvera bien des années plus tard à son procès. Ce premier volet de ce qui est présenté comme une trilogie est en tout point passionnant et bien évidement très pédagogique. On connaît le sérieux de Jean-David Morvan quand il s’agit de s’intéresser à notre passé et en l’occurrence à cette période sombre. Avec Madeleine, résistante une autre série en cours de publication chez Dupuis, histoire là encore d’une héroïne résistante nommée Madeleine Riffaud, l’auteur a obtenu le prestigieux Prix René-Goscinny. C’est dire ! (Simone tome 1, de Morvan et Evrard. Glénat. 15,50€)

Vous ne pouvez décemment pas être passés à côté de la série Raowl ou si c’est le cas vous pouvez encore vous rattraper en achetant les deux premiers albums disponibles à ce jour et partager les aventures de ce prince pas vraiment charmant chargé de sauver les princesses en détresse avec plus ou moins de bonheur. Des aventures délicieusement déjantées aujourd’hui complétées par ce premier album d’une série parallèle baptisée La Méthode Raowl. Elle vous dévoilera en une série de gags d’une page tous ses secrets pour avoir du succès auprès des princesses, battre les sorcières, devenir super fort mais aussi péter en toute discrétion ou frimer sur la plage avec son slip. Du Tebo quoi ! (La méthode Raowl tome 1, de Tebo. Dupuis. 10,95€)

Quelle famille ! Des parents en prison pour avoir cambriolé un musée, une grand-mère qui turbine à la vodka dès le petit déjeuner et une ado, collégienne le jour, voleuse d’objets magiques la nuit. Même son prénom, Héliotrope, elle le doit à la couleur bleue qu’elle a volée et qui lui donne dorénavant une allure singulière. Un visage bleu, une chevelure rousse, un tempérament de feu, Héliotrope nous embarque dans une aventure complètement foldingue où l’on croise des zombies, des sorcières et même des vampires. Au scénario, l’une des pointures du neuvième art, Joann Sfar, et au dessin, Benjamin Chaud jusqu’ici plus connu dans le monde de l’illustration. Vitaminé ! (Héliotrope tome 1, de Sfar et Chaud. Dupuis. 13,95€)

Eric Guillaud

24 Juil

Chronique d’été. « Ce Garçon » ou le joli mois de mai de Maby mis en images par Valentin Marechal

Sous les pavés, la plage ? Pour leur première bande dessinée, Maby et Valentin Marechal grattent la surface et le vernis des apparences pour nous offrir une histoire pleine d’amour et de liberté autour d’un fils débordant d’imagination et d’une mère profondément gaulliste tendance frapadingue, le tout dans le chaudron de mai 68…

C’est la guerre, affirment certains ! Enfin, pour l’instant, c’est surtout la grève générale. Des déchets partout sur les trottoirs de la ville, des autos en panne sèche au beau milieu de la chaussée, les stations de métro fermées, des slogans sur les murs… et partout la radio allumée pour suivre les événements.

Nous sommes en mai 1968 à Paris. Non, ce n’est pas la guerre mais c’est suffisant pour effrayer celle qu’on appelle La Mère bien décidée à fuir la capitale avec ses enfants et attendre le rétablissement de l’ordre républicain pour y remettre les pieds.

Les pieds ou plus exactement LE pied. Car La Mère a une jambe de bois, en plus d’un air peu commode, d’une coiffure outrageusement protubérante, d’une clope collée au bec en permanence et d’un sacré caractère que Jean, son propre fils, a parfois du mal à cerner. Pour lui, La Mère est un mystère. D’elle, il ne sait finalement rien ou presque. Même sa jambe de bois, il n’en connaît pas l’origine. De là à l’imaginer espionne…

Et les jours s’écoulent ainsi, loin du tumulte parisien, jusqu’au moment où Jean surprend dans sa maison un inconnu, une espèce d’ogre au cœur tendre, recherché par la police. Il décide de le cacher dans la cave familiale sans en avertir La Mère…

Dans un contexte historique fort, contexte qu’on devine plus qu’on ne voit, Maby raconte ici sa jeunesse avec une touche de fiction, une petite histoire au cœur de la grande, aussi personnelle qu’universelle, où il raconte comment lui et sa mère que l’on pensait si différents, si lointains, se sont rapprochés et découverts mutuellement dans un acte de résistance à l’ordre établi.

Aucune violence, aucun sensationnalisme dans ce récit, bien au contraire, tout est d’une grande douceur à commencer par la mise en images et en couleurs de Valentin Maréchal. Une très belle histoire, pleine de liberté, d’amour et d’imagination !

Eric Guillaud

Ce Garçon, de Maby et Valentin Marechal. Jungle. 19€

@ Jungle / Maby & Marechal

23 Juil

Marvel lance son Deadpool à l’assaut des mangas

À priori, les mangas et les héros Marvel ne sont pas faits pour cohabiter. À priori. Sauf lorsqu’on s’appelle Deadpool et que de toutes façons, que cela soit face à des super-méchants en plein cœur de New York ou au Japon aux côtés d’une star de télé-crochet, on n’en fait qu’à sa tête…

Deux systèmes de valeurs, deux types de narration et surtout, deux styles graphiques différents. Non vraiment, sur le papier, on ne voyait pas comment les mangas avec leurs personnages stéréotypés aux grands yeux et aux expressions surjouées pouvaient s’accorder avec la norme comics américaine, beaucoup plus ancrée dans le réel et plus sombre. D’ailleurs, on grimace d’abord ici franchement un peu lorsqu’on croise (brièvement) dans ce premier tome (sur deux) les personnages de Captain America, Loki ou encore du docteur Bruce Banners (alias Hulk) méconnaissables et ressemblant désormais aux héros de dessins animés qui occupaient nos mercredi après-midi dans les années 80. Sauf que le vrai coup de génie de cette OPA de la Maison des Idées sur le marché asiatique est d’avoir choisi le très déglingué Deadpool en guise de figure centrale. Et contre toute attente, ça marche.

Déjà, d’une façon purement pratique, il ne se défait ici jamais une seule fois de son masque, pirouette qui lui permet de voir son visage refait à la sauce manga. Autre énorme avantage apporté par le anti-héros : en plus de son humour foutraque, il a pour habitude de briser régulièrement et d’une façon complètement décomplexée le quatrième mur. C’est-à-dire qu’il s’adresse souvent directement aux lecteurs, tout en vannant les autres protagonistes de l’histoire, le scénariste ou même la maison d’édition. Pirouette qui rend non seulement le tout très drôle mais qui, en plus, lui permet de sortir de ses rails et donc de ne pas trop donner l’impression de vouloir à tout prix dans une case sinon trop contraignante pour lui.

Surtout que le scénario est ici volontairement simpliste, une succession de scénettes où le ‘mercenaire disert’ (surnom qu’il a gagné à force de déblatérer sur tout, tout le temps) est surtout là pour en faire des caisses. Et souvent au détriment de ses compagnons du jour – une jeune chanteuse vivant, à l’instar de Venom, avec un symbiote extra-terrestre dévorant tout sur son passage, ou Sakura Spider, sorte de Spider-Woman locale. Le résultat est bourré de clins d’œil – autant du côté des super-héros que des célèbres anime japonais comme Dragonball Z – quitte à parfois perdre le fil. Mais c’est quand même drôle, très drôle même et complètement survolté. Et même dans ce petit format en noir et blanc, Deadpool Samurai se révèle être une bonne tentative (réussie) de convertir les fans de MARVEL aux joies du manga.

Olivier Badin

Deadpool Samurai, de Sanshiro Kasama et Hikaru Uesugi. Marvel/Panini Comics. 7,29€

17 Juil

Chronique d’été. Comme une envie de prendre le large ?

Prix et températures qui s’envolent, guerre qui tonne, épidémie qui joue les prolongations… il y a des moments où on aimerait être ailleurs, embarquer pour l’aventure sous d’autres horizons. En attendant, voici déjà six albums qui vont vous permettre de lever l’ancre sans bouger l’orteil gauche…

On commence par un album paru aux éditions Delcourt en mai dernier. Vent Debout est son nom, un récit inspiré de faits réel et notamment des voyages de Sabine Merz et Jurgen Kantner, deux navigateurs allemands au destin tragique. Kidnappés une première fois par des terroristes au large de la Somalie, libérés contre une rançon, ils reprendront la mer avant d’être finalement assassinés par l’État islamique en 2017 au large – cette fois – de la Malaisie. Mais ce n’est pas là les seuls personnages du livre. Les auteurs, Grégory Jarry, Nicole Augereau et Lucie Castel, mettent en scène trois histoires parallèles, celle de ce couple de navigateurs, celle aussi d’une famille partie à la découverte du monde et celle enfin d’un vieux baroudeur installé en Indonésie. Avec pour point commun entre tout ce beau petit monde : l’amour de la liberté. (Vent debout, de Augereau, Jarry et Castel. Delcourt. 29,95€)

En deux volumes publiés en février et juin de cette année, Un Capitaine de quinze ans n’est autre que l’adaptation en bande dessinée du roman de Jules Verne. Adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision, il ne l’avait bizarrement pas été en BD. C’est chose faite donc, direction le port d’Auckland où le capitaine Hull du brick-goélette Le Pilgrim s’apprête à larguer les amarres avec une cargaison bien singulière à son bord : l’épouse de l’armateur ainsi que son fils et son cousin. Hull est chargé d’emmener tout ce beau monde à Boston. Mais au milieu de l’océan, une pêche à la baleine vire au drame. Les Cinq marins du navire et le capitaine sont projetés à la mer et disparaissent. C’est à DIck Sand, un jeune mousse resté à bord du Pilgrim, que revient alors la lourde charge de ramener tout le monde à bon port contre vents et marées… De l’aventure avec un grand A magnifiquement mis en images par Christophe Picaud. (Un Capitaine de quinze ans, de Picaud et Brrémaud. 2 volumes parus. Vents d’Ouest. 14,50€)

On connait tous cette histoire des révoltés du Bounty magnifiquement portée à l’écran par Lewis Milestone en 1962, avec Marlon Brando dans le rôle du lieutenant Fletcher et adaptée maintes fois en roman, notamment par Jules Verne en 1879 et plus récemment par Sébastien Laurier. Pitcairn en est l’adaptation en BD, une adaptation signée Mark Eacersall, qui s’est récemment fait remarquer avec l’album Tananarive, et le dessinateur hongrois Gyula Németh dont le trait expressif fait ici parfaitement l’affaire. (Pitcairn, L’île des révoltés du Bounty, de Eacersall, Laurier et Németh. glénat. 14,95€)

Publié en octobre 2020 pour le premier volet, en novembre 2021 pour le second, ce diptyque nous raconte la vie de l’un des pirates les plus célèbres des océans, Edward Teach, plus connu sous le nom de Barbe Noire, Blackbeard en anglais. Quand je vous aurais dit que l’auteur Jean-Yves Delitte est peintre officiel de la Marine, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer, qu’il a réalisé précédemment les aventures de Black Crow, relaté l’histoire du Belem, de la frégate Hermione ou encore, on y revient, de la mutinerie de la Bounty, vous aurez compris qu’on n’a pas affaire là à un marin d’eau douce. Un diptyque essentiel pour tous les amoureux de la mer et de la marine. (Black Beard – 2 tomes parus, de Jean-Yves Delitte. Glénat. 13,90€)

Cette histoire-là est aujourd’hui devenue légendaire et le voilier qui l’a permis un monument historique. C’est dire ! Damien, c’est le nom de ce voilier, a parcouru le monde d’est en ouest, du nord au sud, pendant cinq ans avec à son bord deux mordus de la voile, Jérôme Poncet et Gérard Janichon, deux mordus de liberté aussi, désireux de découvrir notre belle planète et ses populations les plus reculées. Partis de La Rochelle en mai 1969, ils y reviendront en septembre 1973 après avoir parcouru plus de 55 000 miles, remonté l’Amazone, affronté le Cap Horn, abordé le continent Antarctique, traversé les tempêtes, survécu à plusieurs chavirages… « À la fin, il reste un témoignage… », écrit Isabelle Autissier en préface de l’album, un témoignage repris aujourd’hui en bande dessinée qui pourrait faire naître de nouvelles vocations. (Damien, l’empreinte du vent, de Vincent et Janichon. Vents d’Ouest. 25€)

C’était en 2012 sur le ponton du Vendée Globe. Sébastien Destremau décidait de prendre le départ de la future édition. Lui, le néophyte de la course au large, de la navigation en solitaire, sans un sou, s’embarquait dans une aventure au longs cours dont il ne savait s’il verrait le bout. Pourtant, quatre ans plus tard, en novembre 2016 le skipper toulonnais est bien sur le départ de la mythique course autour du monde à bord de son voilier FaceOcéan. Après 124 jours 12 heure 38 minutes et 18 secondes de navigation, de tempêtes, de pétoles, d’avaries, de joies et de frayeurs, Sébastien Destremau remonte le chenal des Sables-d’Olonne, 18e, bon dernier au classement, avec un titre, celui de coqueluche de la huitième édition. De cette aventure hors-norme, le skipper en tire un livre paru en juin 2017 chez Xo Editions, Seul au monde, 124 jours dans l’enfer du Vendée Globe. En 2019, Serge Fino lance une adaptation en bande dessinée, fidèle au roman, sensible et humaine dont le troisième tome est sorti en début d’année … (Seul au monde, de Serge Fino d’après le livre de Destremau – 3 tomes parus. Glénat. 14,50€)

15 Juil

Dark Vador en 10 histoires

La citation est archi-connue mais ô combien appropriée : comme le disait Alfred Hitchcock, « plus réussi est le méchant, plus réussi est le film ».  Le big boss de Star Wars Dark Vador méritait donc bien sa petite anthologie à prix cassé en dix volumes !

Extrait de la couverture de : Le Neuvième Assassin, par Siedell, Fernàndez et Thompson

 Allez, avouez-le, vous aussi vous avez gamin éprouvé un vague sentiment de culpabilité en vous rendant compte que sous son casque teutonique de la Première Guerre Mondiale et avec sa respiration de plongeur sous-marin, Dark Vador était quand même le méchant le plus cool de l’histoire de la science-fiction. Et tout le buzz autour de la dernière série en date de la chaine Disney + consacrée à Ob-Wan Kenobi, où il se taille une part de lion, l’a encore prouvé…

Donc oui, très tôt les éditeurs de comics, et en premier lieu MARVEL qui récupéra en premier la licence, ont compris tout l’intérêt qu’il pouvait tirer d’un personnage aussi hors norme. Donc sur le modèle de la série de dix récits sortis à prix d’amis il y a quelques mois pour célébrer les soixante ans de Spider-Man, leur distributeur français sort aujourd’hui (l’excuse officielle étant la sortie il y a quarante-cinq ans du premier film de la saga) dix histoires individuelles, publiées à l’origine entre 1999 et 2013, chacune au prix défiant toute concurrence de 6,99€.

@ Panini Comics/Marvel

Comme toujours dans ces cas-là, il y a boire et à manger. Mais pris dans son ensemble, cette célébration permet de se rendre compte des possibilités quasi-infinies offertes par le seigneur Sith. Déjà, si l’on suit la chronologie Star Wars, entre sa création à la naissance de ses deux enfants (cf La Revanche Des Sith) et sa mort (cf Le Retour Du Jedi), quasiment trois décennies se sont écoulées. Liberté totale donc aux auteurs de situer telle ou telle aventure soit, par exemple, au début de l’expansion de l’Empire ou, au contraire, bien plus tard. Autre avantage : pouvoir faire intervenir d’autres personnages connus du grand public, comme par exemple Chewbacca et Han Solo (Vol. 10, Dans L’Ombre De Yavin) ou le chasseur de primes Boba Fett (Vol. 7 : L’Ennemi De L’Empire). Et dans ces récits plutôt ramassés (en général autour de 120 pages), autant dans certains cas toute l’aventure est centrée autour de Dark Vador, autant dans d’autres il presque comme en retrait mais pourtant omniprésent, preuve de sa puissance absolue.

Cerise sur le gâteau : le panel hallucinant de scénaristes et de dessinateurs qui ont voulu se frotter au Côté Obscur – de la superstar Alex Ross à Dave Gibbons de Watchmen en passant par l’illustrateur culte récemment décédé Ken Kelly – et qui, chacun, apporte leur patte propre au mythe.

 ce prix-là, cela ne refuse pas !

Olivier Badin

La Légende de Dark Vador, dix volumes. Panini Comics/Marvel. 6,99€.

@ Panini Comics / Marvel

06 Juil

En lutte : trois récits de résistance, autant de reflets du monde, consignés par Fabien Toulmé

Il y était parti pour un salon du livre, il n’y verra finalement pas le bout du nez d’un lecteur mais n’échappera pas aux poings levés des milliers de manifestants appelant à la révolution. Beyrouth en plein thawra est le point de départ de ce nouveau récit de Fabien Toulmé qui nous emmène du Liban au Bénin en passant par le Brésil pour des histoires de résistance populaire…

En lutte – extrait de la couverture

S’il manie aussi bien la fiction que le témoignage, l’autobiographie ou le documentaire, c’est bien dans le reportage de terrain que Fabien Toulmé trouve sa raison de vivre, sa vocation d’auteur.

« La bande dessinée que vous vous apprêtez à lire… », explique-t-il d’ailleurs en avant-propos « est née de mon envie de faire du reportage de terrain, pour voir la façon dont vivent les gens aux quatre coins de la planète, pour les écouter me raconter leurs histoires et pour comprendre ce qui les anime et par extension, peut-être ce qui fait notre monde ».

Après Ce n’est pas toi que j’attendais, Les deux vies de Baudouin, L’odyssée d’Hakim ou plus récemment Suzette ou le grand amour, Fabien Toulmé nous emmène ici sur des terrains de lutte avec des hommes et des femmes en résistance contre des rouleaux compresseurs en tout genre.

Le récit commence à Beyrouth où Fabien Toulmé devait se rendre initialement à un salon du livre, salon annulé à cause des immenses manifestations qui secouent alors le pays. C’est la Thawra, la révolution, Fabien maintient tout de même son voyage pour essayer de comprendre la situation. D’observations en rencontres, il tente de comprendre et de nous transmettre ce qui se joue alors dans les rues de la capitale à la lumière de ce qui s’est joué hier pendant la guerre civile.

Autre lieu, autre lutte, Fabien nous emmène ensuite à João Pessoa au Brésil où il a un temps vécu et où il est question d’expulser une communauté, autrement appelée favela, pour construire un pôle touristique. Un processus de gentrification qui ne plait pas à tout le monde. Enfin, direction le Bénin où il rencontre des militantes de la cause féminine, une gageure dans un pays qui est, comme le rappelle l’auteur, 158e sur 189 dans le classement des inégalités hommes-femmes établi par les Nations unies.

Si Fabien Toulmé se met en scène dans ces trois récits, ce n’est que pour mieux laisser la parole aux hommes et – principalement d’ailleurs –  aux femmes qu’il a rencontrés. Et c’est ce qui est passionnant ici, la parole de gens ordinaires en lutte contre des causes à portée locale ou internationale. Trois luttes, autant de reflets du monde, de notre monde, et déjà une suite envisagée dans les dernières pages de l’ouvrage qu’il dessine au moment même où les Ukrainiens se retrouvent eux-aussi en lutte contre un rouleau compresseur, russe cette fois.

« J’aimerais pouvoir ajouter un nouveau chapitre pour parler d’eux et de leur courage ». Mais il faut savoir s’arrêter… pour mieux reprendre. Un très bel album de plus de 330 pages dans lesquelles on retrouve le trait délicatement naïf – ou l’inverse – de l’auteur associé à un propos d’une grande finesse. La marque Toulmé !

Eric Guillaud 

En lutte, Les reflets du monde, de Fabien Toulmé. Delcourt. 24,95

@ Delcourt – Toulmé

04 Juil

Vacances : 10 BD à lire sous le soleil exactement

Polar, fantastique, autobiographie… voici rien que pour vous une petite sélection de bandes dessinées à glisser dans la valise la plus proche et à lire les doigts de pied en éventail sur votre plage ou au sommet de votre montagne préférées…

Freiner, respirer, se détendre et lire, c’est l’été, bientôt l’heure des grandes migrations, le moment largement venu de préparer sa pile de livres à emporter. On vous y aide avec ces dix bandes dessinées dans des styles très variés…

La suite ici

30 Juin

Spirou, L’espoir malgré tout : suite et fin de la saga menée de main de maître par Émile Bravo

Unanimement saluée par la presse, les professionnels et le public, couronnée d’un Fauve Prix de la série lors du festival d’Angoulême 2022, la saga d’Émile Bravo trouve son dénouement dans un quatrième album qui parie sur l’espoir, malgré tout…

Spirou et Fantasio responsables du déraillement d’un train allemand convoyant une unité de blindés ? Ils auraient pu. Ils en étaient chargés. Mais même en temps de guerre, la chose reste inconcevable de la part de ces deux personnages. Et pourtant, un train va effectivement dérailler et tomber au fond d’un ravin devant leurs yeux emplis d’effroi. Tout ça grâce à un concours de circonstance et à la finesse du scénario d’Émile Bravo qui sauve ici l’honneur des deux personnages sans pour autant les mettre à contre-courant de l’histoire.

Les Allemands en déroute, les Alliés défilant dans Bruxelles, ce cinquième album est placé sous le signe de l’espoir. La victoire n’est plus qu’une question de temps et Spirou fait tout pour rester humain, face à l’ennemi nazi, face aussi aux collaborateurs d’hier devenus par enchantement des résistants de la première heure.

Rester humain, c’est bien là son objectif, aujourd’hui comme hier. Au début de la guerre et donc au début de cette très belle saga, Émile Bravo lui faisait dire dans un dialogue avec Fantasio : « Tu sais bien qu’une guerre est un abattoir. Nous aurions pour devoir de retourner à la barbarie ? Tuer nos semblables, tu te rends compte ? »

Après cinq années de guerre, d’horreurs en tout genre, Spirou n’a pas changé, il reste un fanatique oui mais un fanatique de la vertu, un héros ordinaire plongé dans l’extraordinaire avec pour mission d’aider les autres, pas un super-héros, pas un super-résistant, juste un super-humaniste.

À l’instar du Journal d’un ingénu, cette saga permet à Émile Bravo d’apporter certaines réponses concernant le personnage. Qu’a-t’il fait pendant la guerre ? Comment s’est-il comporté et positionné ? Aurait-il pu être résistant ? Dans la vraie vie, le journal Spirou a continué de paraître pendant la guerre jusqu’à son interdiction par les Allemands en septembre 1943.

Est-ce cette interdiction ou autre chose, quoiqu’il en soit, les éditions Dupuis ne seront pas inquiétées par l’épuration et pourront rapidement reprendre la publication du journal, avec un héros-titre aussi irréprochable que le Spirou de Bravo.

Une saga magnifique, une fiction à haute valeur de témoignage sur les heures les plus sombres de notre histoire contemporaine.

Éric Guillaud

Spirou, L’espoir malgré tout, d’Émile Bravo. Dupuis. 13,50€

@ Dupuis / Bravo

28 Juin

Copra de Michel Fiffe ou la réinvention baroque et inattendue des comics de super-héros

Après le très étonnant festival de ‘body horror’ qu’était Panorama, DELIRIUM reprend une nouvelle fois son bâton de pèlerin et publie pour la première fois en France LE chef d’œuvre du ‘renégat’ Michel Fiffe, son Suicide Squad à lui (les références y sont légions) avec sa vision, forcément torturée et bizarre, d’une équipe de super-héros.

Il n’est pas si étonnant que ça d’apprendre qu’en 2012 Michel Fiffe a dû auto-publier les premiers épisodes de cet OVNI. Le postulat de départ est pourtant presque classique – une équipe de super-héros foutraques employés en sous-marin par le gouvernement tombe dans un traquenard dans une mission foireuse et se retrouve bombardés ennemis publics numéro un. Mais aussi bien dans le fonds que dans la forme, rien ne l’est vraiment.

C’est surtout le trait qui secoue, d’abord : atypique, presque enfantin par moments mais avec ses choix d’angles complètement biscornus et surtout sa mise en couleur à même le papier, le résultat prend un malin plaisir à prendre le contrepied totale d’une industrie où la standardisation à marche forcée et la mise en couleur par ordinateur a fini par tout uniformiser. Fiffe, lui, a repris les choses là d’où elles étaient parties. Â sa façon, il rend ainsi hommages aux maîtres comme Steve Ditko (le papa de Spiderman en 1962) dont il retrouve le sens de l’épuré à l’extrême. Oui, le résultat risque d’en déboussoler certains mais la patte, unique, est là.

@ Delirium / Fiffe

Même traitement de cheval avec la narration ou même dans le cadrage. Il n’y a pas de règles. Fiffe peut ainsi passer sept pages à illustrer une course-poursuite endiablée sans ajouter une seule ligne de dialogue ni même un seul bruitage, tout comme il peut aussi sans vergogne ‘tuer’ l’un de ses personnages principaux quasiment sans prévenir, comme pour mieux rappeler au lecteur que c’est lui le maître du jeu. Ces ‘héros’ n’en sont d’ailleurs pas vraiment, ont des sales gueules, un passé parfois troubles, des super-pouvoirs pas tout le temps si supers et ne semblent pas comprendre qu’ils sont ballotés par le destin.

Copra de Michel Fiffe

Facile de comprendre le coup de cœur de Laurent Lerner de DELIRIUM pour l’œuvre de Michel Fiffe : dans une industrie de comics où à part quelques rares exceptions les petits nouveaux sont condamnés à trop souvent à vivre dans l’ombre des géants d’hier, Fiffe lui trace sa voie et montre qu’avec les mêmes ingrédients, une autre voie est possible. La preuve avec ces deux premiers volumes, traduits pour la première fois en français alors que la série originale, elle, est toujours en cours de publication sur le continent Nord-Américain.

Olivier Badin

Copra de Michel Fiffe, volume 1 & 2. Delirum. 24€

22 Juin

Une vie en dessins : Tome et Janry à l’honneur de cette très belle collection de monographies

Dans la Série Une Vie en dessins, voici plus exactement deux vies en dessins, un très beau livre des éditions Dupuis associées à Champaka consacré au tandem longtemps indissociable Tome & Janry, animateurs de la série Spirou pendant de longues années et créateurs de l’enfant terrible de la bande dessinée, Le Petit Spirou…

Bien sûr, Franquin restera Franquin et sa griffe primordiale dans les aventures de Spirou et Fantasio et plus largement dans l’histoire de la bande dessinée franco-belge mais Tome et Janry ont eux aussi imprimé de très belle façon les aventures du héros en costume de groom.

Tout d’abord, en en reprenant les rênes au début des années 80 pour quatorze albums, moins que Franquin mais plus – pour l’instant – que tous les autres auteurs s’étant risqués à l’entreprise, quatorze albums qui ont marqué les lecteurs de l’époque avec des personnages rajeunis qui nous embarquaient pour des péripéties à travers le monde, de New York à Moscou en passant par l’Australie. Ensuite, en imaginant un nouvel héros qui allait très très vite connaître un immense succès, Le Petit Spirou, le vieux Spirou en somme mais quand il était petit.

Dix-huit albums au compteur, des titres qui nous font encore rire, Dis bonjour à la dame !, Tu veux mon doigt ? ou T’as qu’à t’retenir !, et surtout une galerie de personnages de génie pour des gags bien évidemment irrésistibles, autant de regards à la fois tendres et critiques sur notre société et ses tabous. Une BD jeunesse assez révolutionnaire à l’époque !

Dans cet ouvrage co-édité par Dupuis et Champaka sont réunis plus de 200 planches originales scannées, nombre d’illustrations couleur et bien évidemment des extraits d’interviews des auteurs, le dessinateur Janry et le scénariste Tome décédé en 2019. Un très beau livre, un travail de présentation remarquable et une collection qui s’étoffe sans fautes de goût avec des volumes consacrés à Chaland, Walthéry, Frank Pé, Hubinon, Batem et donc aujourd’hui Tome & Janry.

Eric Guillaud

Une Vie en dessins, de Tome & Janry. Dupuis – Champaka Brussels. 55€

© Dupuis – Champaka / Tome & Janry

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