Depuis qu’il a découvert que la bande dessinée ne s’arrêtait pas à Tintin ou Astérix et pouvait se décliner en autobiographie, le Strasbourgeois Timothée Ostermann n’a de cesse de raconter le quotidien, les gens ordinaires, en se mettant lui-même en scène histoire, assure-t-il, de mieux parler des autres. C’est encore ce qu’il fait ici avec cet album drôle et touchant sorti en août dernier…
Voilà une autobiographie qui devrait rappeler pas mal de souvenirs aux étudiants qui sont passés par la case de l’assistant pédagogique, du pion pour faire plus simple. Timothée Ostermann est de ceux-là. L’auteur, qui avait déjà partagé avec nous son expérience dans un supermarché Leclerc à travers un roman graphique intitulé Voyage en tête de gondole, reprend ici la plume et les pinceaux pour nous plonger dans l’univers d’un lycée professionnel situé quelque part en Moselle, un lycée qu’on peut aisément deviner dans un quartier assez défavorisé, « bien loin du bahut de campagne petit bourgeois de blancs », pour reprendre les mots du personnage principal.
On serait tenté de rire dans un premier temps à l’écoute et à la vue de la bande d’ados qui animent les couloirs, en se disant que Timothée Ostermann a volontairement grossi le trait et caricaturé la vie quotidienne dans cet établissement. Mais finalement, l’album est plus profond que ça et montre comment une partie de la population, et notamment au sein même de l’éducation nationale, est laissée sur le bas-côté de la route avec, pour les aider à s’en sortir, des jeunes venus parfois d’un autre milieu mais tout aussi précaires, comme Timothée Ostermann, alors artiste à mi-temps.
L’album met le doigt sur les inégalités sociales qui rongent notre société, sur la misère dans toute sa « splendeur », économique, sociale et culturelle, qui favorise l’émergence du racisme, de l’extrémisme et du complotisme.
Pas de panique, on a quand même le droit de rire de certaines situations pour le moins cocasses. Un auteur à suivre de très près notamment pour son graphisme très personnel et son sens de la narration.
Eric Guillaud
L’artiste à mi-temps, de Timothée Ostermann. Sarbacane. 28€