20 Jan

Edgar P. Jacobs Le Rêveur d’apocalypses : la biographie dessinée de l’un des plus grands auteurs du neuvième art signée Rivière et Wurm

Il y a 75 ans débutaient dans les pages du journal Tintin les aventures d’un duo choc qui allait révolutionner la bande dessinée et embarquer dans un imaginaire mêlant fantastique et réalité plusieurs générations de lecteurs. Ils avaient pour nom Blake et Mortimer et pour créateur Edgar P. Jacobs auquel François rivière et Philippe Wurm consacrent aujourd’hui une biographie bien évidemment dessinée à la manière du maître…

Qui mieux que François Rivière et Philippe Wurm pour s’atteler à un tel projet ? Le premier a rencontré Jacobs de nombreuses fois et publié un recueil d’entretiens avec lui. Quant à Wurm, son trait l’inscrit dans la lignée de Jacobs et de la ligne claire.

Résultat ? Edgar P Jacobs le rêveur d’apocalypses est un très bon livre mêlant bien évidemment la stricte réalité des faits et des propos à une part d’imagination subjective histoire de lier le tout et de le rendre digeste. Et ça marche, l’album se lit d’un trait et nous ouvre les portes d’un univers et d’un auteur, d’un artiste, singulier qui rêvait de devenir baryton et se retrouve à faire de l’illustration publicitaire puis de la bande dessinée dans l’ombre d’un autre géant, Hergé, avant de connaître lui-aussi son heure de gloire avec les aventures de Blake et Mortimer.

Le tout est véritablement captivant, à la fois instructif et divertissant, même pour ceux qui ne connaissent pas spécialement l’œuvre de Jacobs. On y comprend la forte influence du contexte international de guerre froide sur son univers et on partage sa vie au quotidien auprès de sa chère et tendre dans sa maison isolée du monde au sud de Bruxelles.

Pour tout vous dire, le livre de François Rivière et Philippe Wurm a réveillé en moi une envie : relire tout Blake et Mortimer. Je vous laisse…

Eric Guillaud 

Edgar P. Jacobs Le Rêveur d’apocalypses, de François Rivière et Philippe Wurm. Glénat. 22,50€

© Glénat / Wurm & Rivière

16 Jan

Spirou et les petits formats : un récit, trois façons de le (re)découvrir

Publié dans les pages du Parisien Libéré puis dans celles du Journal de Spirou avant de sortir finalement en album, le récit Spirou et les petits formats a connu plusieurs vies que Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault dévoilent et commentent ici pour le plus grand bonheur des amoureux de Franquin et Roba…

Fantasio transformé en statuette. L’inquiétude est grande à Champignac lorsque Spirou découvre ce en quoi son complice de toujours a été réduit. Car Spirou en est certain, ces quelques centimètres appartiennent bien à Fantasio. La ressemblance avec le vrai Fantasio est frappante, le journal qu’il a acheté la veille est dans la poche de son veston et même les empreintes du petit format concordent avec celles du grand Fantasio. De quoi bien occuper notre Spirou…

Les fans de Franquin connaissent bien évidemment cette histoire. Publiée dans Le Parisien Libéré entre septembre 1960 et janvier 1961 puis dans les pages du journal Spirou et enfin en album, Spirou et les petits formats a connu plusieurs formats de parution et plusieurs mises en couleur. Cet album commenté par les deux spécialistes des éditions Dupuis, Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault la présente sous trois versions, la première, recoloriée au début des années 2010 d’après les indications originelles de Franquin, la deuxième avec son format de prépublication en six bandes dans le quotidien français, la troisième enfin, sous forme de fac-similé des planches originales.

Bref, de quoi apprécier une nouvelle fois, pou une pas dire trois nouvelles fois, le génie de Franquin mais aussi de Roba venu prêter main forte au maître débordé et signer du coup ses premières publications professionnelles avant de se lancer dans les aventures de Boule et Bill.

Comme toujours, le couple Pissavy-Yvernault apporte un plus incontestable au livre avec son érudition en la matière et son écriture limpide. Le tout est passionnant, parfaitement documenté et richement illustré, de planches bien sûr mais aussi de croquis, de couvertures, de photos. Pour les amoureux de Franquin, de Spirou, du neuvième art.

Eric Guillaud

Spirou et les petits formats, de Roba et Franquin, commenté par Christelle et Bertrand  Pissavy-Yvernault. Dupuis. 28,95€

© Dupuis / Franquin & Roba

Nord Sud : Deux voyages de christophe Blain en un seul carnet

Initialement publiés en deux volumes distincts, Carnet polaire et Carnet de Lettonie trouvent ici un magnifique écrin pour une réédition bienvenue à quelques semaines de l’exposition consacrée à Christophe Blain à Angoulême…

Nord pour la Lettonie, Sud pour l’Antarctique, ce livre au format à l’italienne réunit deux carnets de voyage, Carnet polaire et Carnet de Lettonie, signés Christophe Blain et respectivement sortis en 1997 et 2005.

L’auteur du Réducteur de Vitesse, d’Isaac le pirate, de Quai d’Orsay et plus récemment du Monde sans fin partage ici ses impressions et sa fascination pour les voyages, les terres lointaines, les paysages enneigés, glacés, la mer, les icebergs mais aussi les hommes et les femmes qui les peuplent, ici des Lettons et Lettones anonymes, là des scientifiques et techniciens de la base Dumont-d’Urville en Antarctique.

En noir et blanc ou en couleurs, au crayon ou à l’aquarelle, les dessins de Christophe Blain sont d’une grande sensibilité et d’une belle humanité. Mais s’ils se passent aisément de commentaires, certains regretteront tout de même la disparition de ce qui faisait le charme des deux albums dans leur version initiale, à savoir des textes et annotations de l’auteur qui accompagnaient chaque dessin et donnaient à l’ensemble un côté carnet de voyage plus affirmé.

Cette réédition s’inscrit dans le cadre de la grande exposition rétrospective qui sera consacrée à l’auteur lors du prochain festival de la bande dessinée d’Angoulême entre le 17 et le 20 mars.

Eric Guillaud

Nord Sud de Christophe Blain. Casterman. 30€ (en librairie le 26 janvier)

© Casterman – Blain

14 Jan

« Je rêve de faire une bande dessinée inadaptable au cinéma » : rencontre avec Pascal Rabaté, auteur et réalisateur atypique

Que ses récits se déroulent pendant la révolution russe, au début de la deuxième guerre mondiale ou dans les années 60, Pascal Rabaté n’a toujours eu qu’une ambition : raconter son époque. Rencontre avec l’un des plus grands auteurs français – et nantais d’adoption – à l’occasion de la sortie de sa nouvelle bande dessinée : Sous les galets la plage…

© éric guillaud

Il y a comme un air de révolte. Et pas seulement dans le titre habilement détourné d’un slogan de mai 68 mais dans le récit en lui-même et assurément dans l’esprit de son auteur. Rien d’étonnant quand on connaît un peu le bonhomme. Pascal Rabaté n’a jamais suivi le même chemin que tout le monde.

Déjà tout petit…

Le dessin ? Plus qu’une évidence, un besoin. « J’ai dessiné avant d’écrire. Comme beaucoup mais moi j’étais dyslexique, ce qui m’a freiné dans la prose. Donc le dessin fut mon premier moyen de communication. Je n’étais pas bon, j’étais juste moins mauvais que les autres ».

La suite ici

11 Jan

Esad Ribic ou comment sublimer le tragique chez les super-héros

Esad Ribic ne rentre dans aucun moule. Ce croate, qui fêtera cette année ses cinquante ans, détonne aussi bien par son style très sculptural que par son parti-pris graphique à la fois majestueux et froid. Et comme il se fait très rare ces dernières années, préférant se consacrant à la réalisation de couvertures, chacune de ses sorties est un mini-événement en soit. Ça tombe bien, il y en deux ce mois-ci !

Aussi talentueux qu’il soit par contre, cela ne l’empêche de se ‘rater’ parfois… Comme avec cette nouvelle adaptation de la série Les Éternels, à l’occasion de la sortie de l’adaptation cinématographique sortie un peu en catimini en France en Novembre dernier. Il faut dire que sur le vieux continent, la série est loin d’avoir l’aura qu’elle a aux Etats-Unis.

 l’origine, Les Éternels est une création du ‘king of comics’ Jack Kirby, la superstar absolue de la maison MARVEL. Kirby était intouchable dans les 60’s (Quatre Fantastiques, Thor, Captain Americaetc.) mais après s’être fâché avec MARVEL, il avait filé à la concurrence avant de revenir finalement quelques années au bercail. Publié en 1976, Les Eternels est peut-être sa dernière grande œuvre. On y découvre une race d’être immortels (ces fameux éternels donc) crées par des extra-terrestres il y a un million d’années dans le but alors avoué de faire évoluer ensuite l’espèce humaine. Mais leur conflit avec les plus génétiquement instables déviants, leurs cousins en quelque sorte, les obligent à se cacher pendant des siècles, jusqu’à ce qu’ils soient redécouverts par hasard.

Pour faire simple, jamais avant ou après Kirby (qui signait ici aussi le scénario) n’a été aussi mystique, jonglant avec des concepts assez complexes tournant autour de l’immortalité, de l’ordre du cosmos et ce genre de choses assez fumeuses. On ne comprenait pas tout mais c’était beau, très beau car rarement le King n’avait été aussi emphatique.

© J.M. Straczynski et Esad Ribic

Et bien avec cette nouvelle mini-série de cinq épisodes tous réunis pour cette version française, c’est un peu la même chose. Le scénariste Kieron Gillen a beau essayer à la fois de réinventer la mythologie tout en y restant fidèle, les longues plages de dialogues assez abscons – avec d’incessantes références antérieures au récit que seuls les initiés comprendront – risquent de décourager même les plus braves. Même le d’habitude très expansif Ribic semble un peu étriqué dans cet univers bavard malgré les couleurs très chatoyantes et où les quelques scènes d’actions ou l’intervention du super-méchant Thanos ne semblent avoir été rajoutés que pour tenter de raviver l’intérêt général.

Non, en fait, si on veut vraiment prendre la pleine mesure du croate, il faut se jeter sur Silver Surfer : Requiem, édité qui plus est en version grand format. Il fallait au moins ça pour s’en prendre plein les mirettes et ainsi assister à la mort de l’un des personnages les plus christiques si l’on peut dire de MARVEL et ancien héraut de Galactus le mangeur de planète.

© Kieron Gillen et Esad Ribic

C’est simple, avec Loki et Thor : Le Massacreur de Dieu, ceci est sûrement LE chef d’œuvre de Ribic, un chant du cygne (littéralement) aux accents tragiques presque shakespeariens et d’une force émotionnelle intense. Presque un comble, tant la critique récurrente qu’on entend à propos du croate est justement le côté parfois trop figé et donc peut-être un désincarné de ses dessins.  Sauf qu’ici, tout a été fait pour magnifier son style majestueux. Il faut dire que le scénario est (volontairement) des plus minimaliste : atteint d’une sorte de cancer et se sachant condamné, le surfeur d’argent décide ici en quelque sorte de solder les comptes et d’aller revoir son monde natal une dernière fois avant de mourir.

© Kieron Gillen et Esad Ribic

Ce n’est pas pour rien que le quatrième de couv’ parle d’une édition « qui met en valeur les (…) peintures de l’artiste ». Parce qu’on parle bien ici de véritables peintures, où cet être impassible au corps intégralement chromé et lancé à travers l’espace sur sa planche cosmique devient des plus émouvants alors qu’il apprend petit-à-petit à accepter son destin. Impossible d’ailleurs de ne pas penser au mythique La Mort De Captain Marvel sorti en 1982 et où le scénariste Jim Starlin avait réalisé un récit introspectif aussi tragique qu’émouvant et où le héros mourait, déjà, d’un cancer.

Pas de bastons épiques, pas de convulsions scénaristiques et encore moins de coups de théâtre. Juste un dessinateur au sommet de son art et un personnage stoïque face à son destin. Chef d’œuvre !

Olivier Badin

Le Éternels : Seule La Mort Est Éternelle de Kieron Gillen et Esad Ribic. 20,99€.

Silver Surfer : Requiem de J.M. Straczynski et Esad Ribic. 28€.

06 Jan

Nouveauté 2022. Mezkal, un road trip jubilatoire et impétueux de Kevan Stevens et Jef

Quand le rêve américain tourne au cauchemar, mieux vaut tailler la route le plus loin possible et sans se retourner, à l’image du héros de Kevan Stevens et Jef dans ce road trip sous amphétamine. Mais l’ailleurs n’est pas forcément plus enviable…

Entre son boulot qui part en vrille, sa mère qui se suicide et les huissiers qui rappliquent pour l’alléger de sa part d’héritage et qui plus-est lui réclamer 31000 dollars d’impayés…  rien ne va plus pour Vananka Darmont. Alors, autant enfiler le dernier costard qui lui reste, attraper sa guitare et tailler la route…

« Le rêve américain, on m’a proposé de m’le mettre dans le cul. J’ai accepté »

Ce n’est pas très classe mais c’est ainsi qu’il voit les choses. Et il n’a pas franchement tort tant le pays qu’il va traverser n’a rien d’un rêve, tout d’un cauchemar. Direction El Paso, la frontière avec le Mexique. Des milliers de personnes tentent de la passer chaque jour pour rejoindre les États-Unis, lui veut aller de l’autre côté à Ciudad Juárez. Pas vraiment une ville pour faire du tourisme…

« Dès que je suis arrivé dans cette ville, trois opportunités assez cool se sont offertes à moi : me buter, me faire buter ou me barrer le plus rapidement possible ».

C’est la dernière solution qu’il choisit. Direction cette fois le désert mexicain. Et c’est comme ça qu’il débarque chez la jeune et séduisante Leila qui vit avec son frère et son grand-père loin de tout et de tout le monde. Enfin pas tant que ça. Une bande de gus à la mine franchement patibulaire vient rapidement troubler l’amour naissant entre les deux tourtereaux. Pour Vananka, les ennuis ne font que commencer…

Jef au dessin (Corps et Âme, Geronimo) et Kevan Stevens au scénario signent en ce tout début d’année une BD qui a du chien, du mordant, avec de belles dentitions, beaucoup de poussière, de sueur et d’action, mais aussi un peu d’amour et de poésie sauvage dans un monde de brutes épaisses. Près de 200 pages à fond la caisse, un récit coincé entre le cauchemar américain et l’enfer des cartels.

Eric Guillaud

Mezkal, de Kevan Stevens et Jef. Editions Soleil. 26,50€

© Soleil / Stevens & Jef

04 Jan

BD. Résolution n°1 : Lily Cane arrête de fumer

Faire du sport, manger des légumes, ne plus télétravailler en pyjama, ranger sa chambre… En ce mois de janvier, tout le monde y va de sa bonne résolution. Pour Lily Cane, héroïne de cet album paru chez First Éditions, ce sera l’arrêt du tabac, un parcours du combattant raconté par la Nantaise Bénédicte des Mazery et le Dr Dan Belhassen…

C’est décidé. Le tabac ne passera plus par elle. Elle, c’est Lily Cane, la quarantaine, deux enfants, des années de tabagisme, un nombre incalculable de tentatives de sevrage et une décision ferme et définitive prise un beau soir autour d’un verre de vin et de quelques amis fumeurs : la clope, c’est fini !

Enfin bientôt. Pour Lily, direction le cabinet du docteur Harry Danani dont la méthode de sevrage tabagique serait vraiment originale. Pas question de la, de vous, de nous culpabiliser, le sevrage est ici pratiqué et décrit avec une approche scientifique qui commence par s’intéresser au mécanisme de la dépendance psychologique et physique.

Au fil de ses rendez-vous médicaux et d’un quotidien oscillant entre une belle détermination et quelques phases de découragements, Lily Cane partage avec nous les différentes étapes du sevrage jusqu’aux premiers bienfaits.

Mieux que le tabac froid, ce livre sent le vécu. Rien de moins étonnant puisque derrière les personnages fictifs de Lily Cane et du Dr Harry Danani se cachent Bénédicte des Mazery et le Dr Dan Belhassen, les auteurs du livre. Un récit autobiographique ou presque donc, conçu pour aider d’autres fumeurs en informant mais aussi en amusant. Personnellement, je ne fume plus depuis de longues années mais aucun doute que ce livre peut avoir pour certains l’effet d’un patch.

Eric Guillaud

Lily Cane arrête de fumer, de Dan Belhassen, Bénédicte des Mazery. First Editions. 15,95€

© First Éditions / Belhassen & des Mazery

31 Déc

2021 : une année en BD

À quelques heures de fêter 2022, petit retour en arrière. Douze mois, autant de BD qui ont marqué l’année 2021.

Janvier. Demain peut-être

Mieux vaut tard que jamais ! Plus encore lorsqu’on a le talent d’Amaury Bündgen qui publie en ce début d’année sa toute première bande dessinée, un récit de science-fiction influencé par le manga, le comics et la bande dessinée européenne. L’homme a 48 ans et visiblement un bel avenir dans le milieu…

> Ion Mud, d’Amaury Bündgen. Casterman. 25€ 

Février. Un Spirou cinq étoiles

La couverture annonce la couleur, Pacific palace est un album de toute beauté. Mais ce n’est pas là la seule qualité du livre, Christian Durieux nous a concocté une histoire comme il en a le secret, belle et sensible. Une aventure de Spirou et Fantasio comme vous n’en avez jamais lue…

> Le Spirou de Christian Durieux. Pacific Palace, Dupuis. 16,50€

Mars. Tombé du ciel

Attention talent ! Fabien Roché atterrit sur la planète BD avec une enquête méticuleuse sur le premier humain, une femme, ayant été touché par une météorite. Une histoire vraie, un album renversant…

> La météorite de Hodges, par Fabien Roché. Delcourt. 18,95€

Avril. Beau comme un poème !

Yslaire fait son retour chez l’éditeur de ses débuts avec un livre hommage à l’un des plus grands poètes français, Baudelaire, dont on célèbre en ce mois d’avril le bicentenaire de la naissance…

> Mademoiselle Baudelaire, d’Yslaire. Dupuis. 26€

Mai. Un peu d’histoire

Elle s’appelait Louise Pikovsky, avait 16 ans, pensait que l’avenir lui appartenait. Mais en janvier 1944, elle est déportée et gazée à Auschwitz. En 2010, une correspondance entretenue avec une de ses professeurs est retrouvée au fond d’un placard. Elle est à l’origine de cette bande dessinée…

> Si je reviens un jour – Les Lettres retrouvées de Louise Pikovsky, de Lambert et Trouillard. Des Ronds dans L’O. 20€

Juin. Le temps des amours

Depuis 2014, date de son premier album paru chez Delcourt, Fabien Toulmé construit une œuvre singulière et forte qui nous raconte le monde et l’intime. Avec ce nouvel opus, l’auteur évoque l’amour, le couple, l’engagement, à travers l’histoire et la rencontre de deux générations, une grand-mère et sa petite fille. En voiture Suzette…

> Suzette ou le grand amour, de Fabien Toulmé. Delcourt. 29,95€

Juillet. Coup de chaud !

Quand le crime devient une affaire de famille, la tragédie n’est jamais loin, en l’occurrence au bout des 300 pages de ce récit très noir et poisseux magnifiquement mis en images par Sean Phillips dont le trait sombre est ô combien mis en valeur par les couleurs du fiston Jacob Phillips…

> Un Été cruel, de Ed Brubaker et Sean Phillips. Delcourt. 29,95€

Août. Complètement rock’n’roll

Scénario, dessin, dialogues, découpage, couleurs, Valhalla Hotel est typiquement le genre de bouquin qui vous nettoie le cerveau. Peu de bla-bla, beaucoup d’action et d’humour. Jouissif !

> Valhalla Hotel, de Perna et Bedouel. Glénat / Comix Buro. 14,95€

Septembre. Les héros font leur rentrée

Ce n’est pas la première fois qu’un héros de papier survit à son créateur, ce n’est pas non plus la première fois que Corto Maltese repart à l’aventure depuis la disparition d’Hugo Pratt. Alors pourquoi tant d’amour et de haine autour de cet « album événement » sorti chez Casterman et signé Martin Quenehen et Bastien Vivès ?  Réponse ici…

> Corto Maltese, Océan noir, de Vivès et Quenehen. Casterman. 22€

Octobre. Un conte pour les grands

Libérer une princesse ! Qui pourrait refuser une telle mission surtout lorsque la princesse en question est d’une beauté incroyable. Arzhur n’a pas refusé, il s’est même empressé d’aller à son secours. Mais la vie n’a parfois rien d’un conte de fée…

> Ténébreuse, de Mallié et Hubert, couleurs de Bruno Tatti. Éditions Dupuis. 19,95€

Novembre. La tête dans les étoiles

Les pieds sur Terre, la tête dans l’imaginaire, le scénariste Pat Perna, accompagné du dessinateur Fabien Bedouel, revisite l’histoire de la conquête de la Lune façon fake news avec pour objectif une bonne dose de divertissement et un brin de réflexion…

> Kosmos, de Pat Perna et Fabien Bedouel. Éditions Delcourt. 27,95€

Décembre. La révolte gronde

Son parcours est jalonné de petits et grands chefs-d’œuvre, des albums qui ont marqué le neuvième art sans forcément faire d’éclats, plutôt insidieusement, comme une évidence. Il revient avec Sous les galets la plage, une histoire d’amour entre un jeune homme de très bonne famille et une voleuse de résidences secondaires, deux héros en révolte contre la France cadenassée des années 60…

> Sous les galets la plage, de Pascal Rabaté. Éditions Rue de Sèvres. 25€

Eric Guillaud

27 Déc

Sélection officielle Angoulême 2022 : Sous les galets la plage, de Pascal Rabaté

Son parcours est jalonné de petits et grands chefs-d’œuvre, des albums qui ont marqué le neuvième art sans forcément faire d’éclats, plutôt insidieusement, comme une évidence. Il revient avec Sous les galets la plage, une histoire d’amour entre un jeune homme de très bonne famille et une voleuse de résidences secondaires, deux héros en révolte contre la France cadenassée des années 60…

Les Pieds dedans, Un Ver dans le fruit, Ibicus, La Marie en plastique, Les Petits ruisseaux ou encore La Déconfiture : en un peu plus de 30 ans de carrière, Pascal Rabaté a signé une bonne quarantaine d’albums qui, à l’instar d’un Davodeau ou d’un Prudhomme, s’intéressent le plus souvent aux gens vrais, aux gens ordinaires, dans un contexte lui-aussi souvent ordinaire. Parce que le quotidien, si on y regarde bien, est aussi source d’aventure humaine.

En détournant pour le titre de l’album un fameux slogan de mai 68, Pascal Rabaté donne le ton de son nouvel album dès la couverture. Sous les galets la plage est un gentil coup de pied dans la bienséance d’une société pré-soixante-huitarde, bloquée sur ses principes. La femme au foyer, l’homme au turbin ou à la guerre, les enfants dans le droit chemin, ni artistes, ni homos, les cheveux bien coupés, de belles études et un beau mariage.

Sous les galets la plage brise la chaîne. Les héros de Rabaté ont envie de vivre, d’être heureux, amoureux. D’un côté, Albert, jeune-homme bien sous tous rapports, promis à un bel avenir dans l’armée comme papa, de l’autre Odette, née de la collaboration horizontale, voleuse opportuniste.

Rien dans leurs gènes, dans leurs origines ne les rapproche, ils vont pourtant se croiser, s’aimer et se révolter contre l’ordre établi.

Nous sommes à Loctudy dans le sud du Finistère en 1962. C’est la fin de l’été, les résidences secondaires se vident de leurs occupants, une aubaine pour Odette et son gang qui se sont fait une spécialité de visiter les maisons inoccupées et d’en repartir avec meubles, bibelots et autres marchandises.

De son côté Albert profite avec ses amis de l’absence de ses parents pour vider la cave à vin de la maison et traîner tard sur la plage. C’est là qu’ils font la rencontre d’Odette, une rencontre qui aura pour Albert le parfum de la liberté, de l’amour et de la révolte…

À l’image des deux protagonistes représentés en couverture, ce nouvel opus de Pascal Rabaté ne peut que laisser le lecteur avec un incroyable sentiment de plénitude, comblé par le graphisme épuré, élégant, par les couleurs très légères qui ne font ici que mettre en valeur le trait précis en noir et blanc de l’auteur, par les ambiances sombres magnifiquement rendues, par les personnages forcément attachants, les dialogues exquis et bien évidemment l’histoire en elle-même qui laisse entrevoir un joli mois de mai 1968 entre les cases. Dans les esprits, dans les corps, déjà, la révolte gronde…

Eric Guillaud

Sous les galets la plage, de Pascal Rabaté. Éditions Rue de Sèvres. 25€

© Rue de Sèvres / Rabaté

23 Déc

Sélection officielle Angoulême 2022 : Les Fleurs de cimetière de Baudoin

Alors qu’il approche des 80 printemps, Edmond Baudoin revient avec un volumineux album de près de 300 pages à L’Association dans lequel il retrace sa vie, ses amours, ses emmerdes… Son chef-d’œuvre ? Peut-être bien, même si lui-même ne croit pas au chef-d’œuvre

« La vie elle-même est un brouillon de vie »; fait dire Edmond Baudoin à son personnage dans les pages de ce live. Il explique ainsi qu’il ne croit pas au chef-d’œuvre. Certes, sa vie n’est peut-être pas un chef-d’œuvre, on en a connu des plus extraordinaires, des plus extravagantes, des plus flamboyantes, mais c’est sa vie, une vie d’homme, une vie d’auteur, figure importante du neuvième art même s’il reste peu connu du grand public, avec des livres souvent intimistes au trait noir épais, charbonneux, aux thèmes existentiels, à l’approche exigeante et poétique. Baudoin est un artiste, libre, un poète du trait et de l’écriture.

Dans ce nouvel opus, baptisé Les Fleurs du cimetière, du nom de ces fameuses tâches de peau qui apparaissent avec l’âge, Baudoin nous parle de sa jeunesse, de ses parents, de son frère Piero qu’il adorait, de sa famille, de ses amours, de l’amour en général, de ses voyages, de son travail d’auteur, de la vieillesse, du corps qui change, de la maladie, de la vie, de la mort. Des pensées, des confidences très intimes, parfois même un peu crues mais jamais déplacées.

Les 288 pages que comptent cet album paru en juin dernier peuvent effrayer par leur densité, par le mélange d’illustrations, de textes et de bandes dessinées, par les multiples typographies, les ratures qui parsèment les textes, mais passée la surprise, plus on avance dans les pages, plus il est difficile de décrocher tant ce que nous raconte Baudoin parle forcément à chacun de nous. Sa vie effectivement n’est pas un chef-d’œuvre, peut-être un brouillon, mais quel brouillon !

Eric Guillaud 

Les Fleurs de cimetière, de Baudoin. L’Association. 30€

© L’Association / Baudoin

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