23 Fév

Rencontre avec Ronan Toulhoat, dessinateur du thriller médiéval « Le Roy des Ribauds »

Il est Illustrateur, graphiste, storyboarder, designer… a signé une bonne vingtaine d’albums parmi lesquels Block 109, une uchronie sur la Seconde guerre mondiale, Chaos Team, Les Divisions de fer, ou encore Le Roy des Ribauds dont il vient tout juste de sortir le deuxième tome avec son compère Vincent Brugeas.

Le Roy des Ribauds est un thriller médiéval publié chez Akileos, un genre de Game of Thrones sous Philippe Auguste,  un récit au format comics, reposant « sur un encrage très fort, dense et contrasté », explique Ronan Toulhoat dans une interview accordée au site 9emeart.

Manceau depuis un an, Ronan Toulhoat expose à la librairie Bulle une série de portraits des personnages de la série Le Roy des Ribauds jusqu’au 5 mars.

Marine Rondonnier et Renaud Wagenaar de France 3 Maine l’ont rencontré, un reportage à découvrir ici-même…

21 Fév

L’Art et Le Chat, une expo qui réunit Philippe Geluck, Basquiat, Boudin, César, Klein, Soulages, Warhol…

paris-expo-geluck-le-chat-688x3601Ceci est un chat. Un chat que vous avez peut-être déjà aperçu accroché aux cimaises de quelques galeries parisiennes mais aussi et surtout reproduit dans de beaux albums publiés aux éditons Casterman. Le Chat de Geluck est une star de la bande dessinée franco-belge, une star tout court qui n’a pas à rougir de cette proximité offerte aujourd’hui avec les Beaux Arts.

Une expo au poil

Basquiat, boudin, César, Keith, Haring, Klein, Soulages, Vasarely, Warhol… l’exposition L’Art et Le Chat du Musée en Herbe à Paris présente une trentaine d’oeuvres emblématiques de l’histoire de l’art et l’interprétation qu’en fait Le Chat de Geluck. Avec bien sûr la patte du chat, une bonne dose de rigolade et d’ironie.

« Le Chat doit rester Le Chat dans tous les sujets qu’il aborde : politique, culture, société, arts… », précise Geluck, « Aucun n’échappe à son ironie mordante, parfois féroce. Et pourtant, Le Chat est un tendre qui aime partager ses émotions. Il est un faux candide. Le plus souvent, il soumet un propos à la réflexion du lecteur (spectateur) (…) Il est clair que je n’évoque dans mes détournements que ceux que j’admire, mais ce que je garde souvent secret, c’est la raison pour laquelle je les admire. Au spectateur d’essayer de la décrypter ».

Une expo pour les 3 à 103 ans

Une trentaine d’oeuvres d’art donc et autant de détournements, d’hommages, de clins d’yeux signés Geluck, L’art et Le Chat est une exposition d’initiation à l’histoire de l’art mais pas seulement, c’est aussi une réflexion humoristique et la présentation d’une autre facette du travail de Geluck.

Une expo et un catalogue

Une expo éphémère (jusqu’au 31 août tout de même) et un livre pour immortaliser l’événement, le catalogue de l’expo en fait, 72 pages en couleurs qui nous permettent de faire le tour des oeuvres détournées. La Joconde de Léonard de Vinci, Le Discobole de Myron, la laitière de Vermeer, la cathédrale de Monet, le cri de Munch, Mao de Warhol… C’est beau, c’est drôle, c’est intelligent.

Eric Guillaud

L’Art et Le Chat, de Geluck. Editions Casterman. 14,50 €

L’info en + : L’expo est visible jusqu’au 31 août 2016 au Musée en Herbe rue de l’Arbre sec à Paris. Ouvert tous les jours de 10 à 19h00, nocturne le jeudi jusqu’à 21h00. Des baby-visites ainsi que divers ateliers pour enfants sont programmés certains jours. Toutes les infos ici.

20 Fév

Berlin 2.0 ou le modèle économique allemand testé par Mathilde Ramadier et Alberto Madrigal

9782754816311Testé mais pas franchement approuvé ! Le modèle économique allemand recèle quelques petites singularités qui nous rappellent que l’Europe est encore à construire…

C’est pourtant plein d’espoirs que la jeune Margot rejoint la capitale allemande, LA ville où il faut être, celle qui offre dit-on une qualité de vie meilleure et un marché du travail plus dynamique, « plus moderne, plus prometteur, plus créatif » souligne le narrateur dès la première page de cet album paru aux éditions Futuropolis. Et puis Margot en a assez de Paris. Loyers trop chers, pas de boulots, la jeune femme étouffe et ressent un besoin urgent de changer d’air. Direction Berlin où ce sera toujours mieux pense-telle ! Toujours ? Pas vraiment. Si Margot n’a effectivement aucun mal à dégoter un emploi, c’est une autre affaire pour se faire payer correctement. C’est la face cachée du modèle allemand. Pas de couverture sociale, pas ou peu de CDI, un temps de travail à rallonge, pas de salaire minimum à cette époque – nous sommes en 2011 – parfois pas de salaire du tout, Margot déchante mais ne perd pas tout à fait espoir. La ville offre une telle ouverture sur le monde culturel, une telle possibilité de rencontres…

Berlin, ils connaissent ! Le dessinateur d’origine espagnole Alberto Madrigal y vit depuis plusieurs années, la scénariste Mathilde Ramadier y a elle aussi séjourné. C’est d’ailleurs son expérience qu’elle raconte ici sous les traits du personnage Margot. Une expérience loin d’être unique – 20 à 30 000 Français vivent à Berlin – mais une expérience subtilement racontée et dessinée. Berlin 2.0 nous dévoile de façon très intelligente, très sereine aussi, la face obscure du miracle allemand, les boulots non payés, le taux de chômage relativement élevé à Berlin, les start-up qui jonglent avec les stagiaires et les promesses d’embauches… Un album qui remet à leur place pas mal de fantasmes sans pour autant briser le rêve d’une vie berlinoise. Tenté(e)s par une expat de l’autre côté du Rhin ? Alors, cet album est un peu fait pour vous… mais aussi pour tous les autres.

Eric Guillaud

Berlin 2.0 de Mathilde Ramadier et Alberto Madrigal. Editions Futuropolis. 18 €

04 Fév

Polar venu du froid de Victor Santos : tout est dans le titre !

9782344012079-large-polar-tome-1-venu-du-froidAucun doute, cet album au format à l’italienne est bien un polar. Un polar venu du froid. De la neige à perte de vue, du blanc, beaucoup de blanc, un peu de noir et du rouge. Le rouge du sang qui va couler du début à la fin de l’album, surtout à la fin d’ailleurs. Y compris dans le cahier de bonus. C’est dire ! Le gars derrière la gâchette facile est un ancien espion, Black Kaiser qu’il s’appelle. Et quelques petits effrontés ont osé le déranger chez lui en plein repos du guerrier. De quoi le mettre sévèrement en colère…

C’est brutal, violent, sans concession, sans morale, sans espoir, très très noir, un polar hardboiled comme on en fait plus ou presque. Du défoulement total du côté du scénario mais aussi du côté graphique, une mise en page, des cadrages, un trait magnifiques, qui vous rappelleront forcément Frank Miller (Ronin, Elektra, Batman Dark Night…).

Eric Guillaud

Venu du froid, Polar (tome 1) de Victor Santos. Editions Comics Glénat. 15,95 euros 

02 Fév

Regarde les filles : un album de François Bertin avec des femmes, des femmes et encore des femmes

Couv_270326« Vous les femmes, vous le charme, Vos sourires nous attirent nous désarment, Vous les anges, adorables… ». Bon, je ne sais pas si cette intrusion musicale dans cette présente chronique fera plaisir à François Bertin mais oui, je dois l’avouer, son album m’a immédiatement fait revenir en tête cette chanson du grand Julio Iglesias. Pour quelqu’un qui n’écoute que du pop-rock, c’est un peu étrange mais c’est la vérité. Et je ne remercie pas l’auteur. Impossible depuis la lecture de son livre de chasser de ma tête cet air et ces paroles d’un autre siècle.

Je ne le remercie pas. Enfin si, un peu quand même, parce que son album le mérite. François Bertin, transfuge du film d’animation, signe ici une très belle déclaration d’amour en direction de la gent féminine à travers un personnage, Antoine, alias François Bertin, personnage qui cause peu mais n’en pense pas moins. Sur près de 300 pages, on le voit tomber raide dingue amoureux d’une quantité invraisemblable de femmes, à commencer par sa mère, puis d’une speakerine de TF1, puis d’une vraie poupée Barbie en plastique, puis de sa maîtresse (d’école), puis d’une infirmière, puis de la soeur d’un copain, puis d’une inconnue dans la rue, bref de la femme en général, qu’elle soit mère, soeur, amie, amante…

Dans une interview accordée à Thierry Groensteen pour le site neuviemeart de La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, François Bertin explique : « Au départ je voulais mettre en scène des éléments de ma vie, depuis l’enfance jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, mais peu à peu le propos s’est resserré autour de mes rencontres avec des personnages féminins. C’est devenu le fil conducteur du récit. Il y a ma mère, ma sœur, ma grand-mère, mon institutrice, ma prof de dessin, et bien sûr mes amoureuses. Je termine par la rencontre de la femme ultime !« 

Maintenant que j’y pense, Regarde les filles me fait aussi revenir en mémoire la chanson J’aime regarder les filles de Patrick Coutin. « J’aime regarder les filles qui marchent sur la plage, Les hanches qui balancent et les sourires fugaces, Je regarde les vagues qui jouent avec leur corps« . C’est déjà un peu plus rock, un peu plus charnel, plus proche finalement de l’album de François Bertin. Vous me direz, ça ne change pas grand chose sur le fond, quelque soit la petite musique que vous avez à l’intérieur, Regarde les filles est une belle histoire à la narration efficace et au graphisme plutôt soigné. Une belle histoire avec plein de filles. Et ça c’est chouette !

Eric Guillaud

Regarde les filles, de François Bertin. Editions Vraoum. 20€

30 Jan

Angoulême : le palmarès complet du Festival International de la BD 2016

Fauve d'or 2016 Ici de McGuire

Fauve d’or 2016 Ici de McGuire

Le Festival International de la Bande Dessinée s’achève demain dimanche mais la cérémonie officielle de remise des prix s’est tenue ce samedi en fin de journée. Et les heureux élus sont :

Fauve d’Or, Prix du meilleur album : Ici de Richard McGuire (Gallimard)

Fauve d’Angoulême, Prix du public Cultura : Cher pays de notre enfance d’Etienne Davodeau et Benoît Collombat (Delcourt)

Fauve d’Angoulême, Prix spécial du jury : Carnet de santé foireuse de Pozla (Delcourt)

Fauve d’Angoulême, Prix de la série : MS. Marvel tome 1 de Adrian Alphona et G. Willow Wilson (Panini)

Fauve d’Angoulême, Prix Révélation : Une étoile tranquille de Pietro Scarnera (Rackham)

Prix du public Cultura

Prix du public Cultura

Fauve d’Angoulême, Prix jeunesse : Le Grand méchant renard de Benjamin Renner (Delcourt)

Fauve polar SNCF : Tungstène de Marcello Quintanilha (Ça et là)

Fauve Prix du patrimoine : Vater und Sohn – Père et fils de Oser et Plauen (Warum)

Prix de la BD alternative : Laurence 666 (Mauvaise Foi Editions)

Enfin, pour rappel, le Grand prix a été attribué mercredi au dessinateur belge Hermann. Comme le veut la coutume, il présidera la prochaine édition du FIBD, en janvier 2017.
Eric Guillaud

Angoulême : la Tunisienne Nadia Khiari lauréate du prix « couilles-au-cul »

Je dédie ce prix à tous ceux qui privilégient la liberté à la sécurité, ceux qui n’ont pas peur, ceux qui résistent

© MaxPPP - Jean-Baptiste Quentin

© MaxPPP – Jean-Baptiste Quentin

C’est par ces quelques mots que la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari a reçu samedi au Festival off de la BD d’Angoulême le prix « couilles-au-cul » récompensant « le courage artistique d’un auteur ».

Nadia Khiari, 42 ans, s’est lancée dans le dessin satirique depuis la révolution
tunisienne de 2011. Elle est l’auteur des aventures du chat « Willis from Tunis »,
un félin espiègle et moqueur qui ne respecte rien ni personne sauf la liberté.

« Aux pessimistes qui disent que le Printemps arabe est un échec, je dis qu’il
ne faut pas nous sous-estimer. Ca prend du temps. La Révolution c’est long mais
c’est bon« , a dit la lauréate.

Le prix remis dans le cadre du Festival off de la BD d’Angoulême a été créé à l’initiative de Yan Lindingre, rédacteur en chef de Fluide Glacial.

« L’intitulé est volontairement trivial et provoquant mais il permet de rappeler
que le métier des humoristes et en l’espèce des dessinateurs de presse, c’est de
faire rire« , a expliqué Yan Lindingre.

Il existait à Angoulême un Prix Charlie Hebdo de la liberté d’expression, créé au lendemain des attentats de janvier 2015, mais la direction du Festival et Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo, ont indiqué en décembre qu’ils ajournaient la remise de ce prix pour des raisons de sécurité. 

Selon eux, une telle récompense était susceptible de mettre en danger son récipiendaire. Yan Lindingre a indiqué « être tombé de son siège » en apprenant cette décision. « Toute proportion gardée, nous pensons au contraire qu’un prix Nobel de la paix n’a jamais nui à son récipiendaire si ce dernier subit des menaces dans son pays », a-t-il dit.

Eric Guillaud avec AFP

Une interview de la dessinatrice ici

Old Pa Anderson : retour aux heures sombres de la ségrégation raciale américaine avec Hermann et Yves H.

1840193-gfIl y a du Clint Eastwood dans cette histoire, du Clint Eastwood et du Hermann bien évidemment, père et fils associés. C’est leur nouvelle réalisation commune, Old Pa Anderson, un récit sombre et puissant qui nous ramène un gros demi-siècle en arrière du côté du Mississippi, un Mississippi ségrégationniste, farouchement raciste, où il ne fait absolument pas bon d’être noir.

Old Pa Anderson, le personnage principal de ce récit en sait quelque chose. Sa femme qu’il vient d’enterrer est littéralement morte de chagrin, morte de n’avoir rien pu faire contre les assassins blancs de sa petite-fille, Lizzie, tuée il y a huit ans. Pour Old Pa, le temps de la vengeance est venu. Et tant pis s’il est juste « un nègre du Mississippi » comme lui rappelle un ami, un nègre qui n’aura jamais la justice de son côté. Aujourd’hui, il est prêt à tout pour venger sa petite-fille et sa femme, y compris à perdre la vie…

La vengeance, terme récurent dans le cinéma de Clint Eastwood, l’est aussi dans l’oeuvre  d’Hermann. Elle trouve bien évidemment ici une justification dans le contexte sombre et violent de la politique de discrimination raciale de l’Amérique des années 50. A ce propos et en réponse à certains qui le jugent réactionnaire, Hermann a tout récemment déclaré au journal Le Monde, alors qu’il venait d’être couronné Grand prix du festival d’Angoulême : « Je me situe plutôt au centre politiquement, avec des colères de gauche et des colères de droite, mais jamais à l’extrême gauche ni à l’extrême droite. Je suis en fait un instinctif d’une simplicité naïve qui répond à ses impulsions, et surtout pas un intellectuelJ’aimerais tellement que le monde soit mieux qu’il est. »

Un très bel album, fort, émouvant, carré, judicieusement complété par un cahier de témoignages sur la ségrégation. À lire et relire !

Eric Guillaud

Old Pa Anderson, de Hermann et Yves H. Editions Le Lombard. 14,45 €

28 Jan

Sorties de secours : le récit poignant d’une fin de vie par Joyce Farmer

bf57a50a0385901d332a950d8f4b56fcNe me demandez pas pourquoi ce livre s’appelle Sorties de secours, je n’en sais rien. Tout juste pouvons-nous imaginer qu’il s’agit là d’une allusion à la mort comme soulagement à la vieillesse. Dans sa version américaine, l’album s’appelait Special Exits et lors d’une précédente édition française chez Actes Sud Vers la sortie. 

Quoiqu’il en soit, ce livre de Joyce Farmer est un petit chef d’oeuvre qui se déguste tranquillement, quelque pages par jour, histoire de faire durer le plaisir. L’auteure, très impliquée dans la BD underground américaine féministe, proche de Robert Crumb, a notamment créé la série Tits & Clits, participé à un comics sur l’avortement et publié cette histoire au drôle de titre sur la vieillesse, la dépendance, la maladie, la mort.

Et l’amour ! Surtout l’amour. C’est ce qui lie encore Lars et Rachel au crépuscule de leur vie. L’amour qui les retient dans leur maison, qui les pousse à refuser toute séparation, même dans les pires moments, à repousser tout placement dans une maison de retraite ou toute hospitalisation, à fuir les médecins aussi… Derrière Lars et Rachel, il y a les parents de Joyce Farmer. Elle a assisté à leur lente et douloureuse dégénérescence.

«Quand vous prenez soin de quelqu’un pendant cinq ans, vous faites le deuil avant même qu’il parte, parce que vous voyez comment une personne se détériore, et vous ne lui souhaitez pas rester en vie au-delà d’un certain point », déclare l’auteure. 

Dans une veine graphique très underground, Sorties de Secours reste pourtant très actuel par sa thématique. Un travail remarquable, un récit poignant qui a fait pleurer Robert Crumb et ne devrait pas vous épargner. Pour ma part, Sorties de Secours m’a bouleversé comme rarement une BD a pu le faire.

Eric Guillaud

Sorties de Secours, de Joyce Farmer. Editions Delcourt. 21,50€.

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