20 Fév

Craon. Rustine, le festival BD qui regonfle le moral

En tracteur ou à vélo, en auto ou à moto, le festival Rustine vous donne rendez-vous du 22 au 24 février à Craon en Mayenne pour une cinquième édition bourrée de créations et autres curiosités…

extrait de l’affiche

Et de cinq ! Tranquillement mais sûrement, le festival Rustine prend de la bouteille mais garde le cap d’un festival différent, alternatif, ouvert sur la bande dessinée mais aussi la musique, le tatouage, la sculpture, la photo ou encore la peinture.

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À bord de l’Aquarius : une BD documentaire signée Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso

Il faut avoir le coeur bien accroché et pas seulement parce que la mer est parfois très agitée. À bord de l’Aquarius, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso ont assisté au sauvetage de centaines de migrants entassés sur des bateaux de pacotille, une bouée dans un océan de malheurs. Ils nous racontent cette expérience dans un album publié aux éditions Futuropolis…

Raconter l’inadmissible, l’horreur, le malheur des uns, l’indifférence des autres, et au milieu de tout ça, au milieu de l’océan, le courage d’une poignée d’hommes et de femmes réunis sous le pavillon de l’Aquarius avec pour mission de porter secours, c’est l’objet de cette bande dessinée publiée aux éditions Futuropolis et signée par deux Italiens : le journaliste Marco Rizzo et le dessinateur Lelio Bonaccorso.

Et bien sûr, on a beau connaître l’histoire, avoir déjà lu des papiers, vu des images, entendu des témoignages plus poignants les uns que les autres, À bord de l’Aquarius est un documentaire choc. Sur 130 pages, avec un dessin réaliste léger, il décrit le quotidien de l’équipage, 35 personnes en tout, l’organisation à bord du navire et surtout les sauvetages de ces migrants, hommes, femmes, et enfants, parfois en très mauvaise santé, parfois morts pendant la traversée, tous supportant les pires conditions avec l’espoir légitime d’une vie meilleure, loin de la guerre et de la misère.

Ils sont nigériens, syriens, ivoiriens, marocains, irakiens… l’album raconte aussi des tranches de vie basées sur les témoignages, la longue route avant la traversée, le viol des femmes, la cupidité sans limite des passeurs, ceux qu’on réduit à l’état d’esclave ou d’animal, et tous ceux bien sûr qu’on envoie sur des rafiots prêts à couler, un passeport pour la mort…

Dans cet océan de malheur, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso étaient là pour observer et rapporter. Ce qu’ils ont fait et bien fait. Mais ils se sont aussi impliqués, participant ici à un sauvetage, aidant là aux tâches quotidiennes sur le navire. Une implication qui renforce le côté humain du témoignage sans pour autant affaiblir l’approche journalistique voulue par les auteurs.

Un livre courageux qui a été différemment apprécié dans une Italie en proie à un changement radical de politique, notamment migratoire. À ce propos , les auteurs déclarent : « nous avons subi des critiques et des insultes de la part des personnes qui n’ont même pas lu le livre ! Mais on s’y attendait. Nous avons également reçu énormément de compliments et d’éloges pour notre travail, et c’et extrêmement important pour nous, car ça signifie que nous avons fait du bon boulot ». Oui, un très bon boulot !

Eric Guillaud

À bord de l’Aquarius, de Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso. Futuropolis. 19€

@ Futuropolis / Rizzo & Bonaccorso

18 Fév

Deathfix, un polar dans l’univers impitoyable du football signé Nix et Benus

Ça sent le vestiaire, ça sent surtout le sapin ! Avec Deathfix, Nix et Benus nous embarquent pour le côté obscur de la planète football, là où il n’est plus question de la beauté du sport mais d’argent et de petits arrangements entre amis. On range les crampons et on sort les flingues, bienvenue au Moscou Sporting Club…

Quand l’important n’est plus de participer mais d’encaisser le pognon, ça donne Deathfix, un polar qui nous ouvre les portes du Moscou Sporting Club. Ici, comme ailleurs, les matchs se gagnent et se perdent non plus sur le terrain mais dans les bureaux de la présidence du club.

Au plus grand désarroi de l’entraîneur, Gus, venu spécialement de Hollande pour l’amour du football, le vrai, celui qui sent la sueur. Dans cette histoire, Gus est le personnage le plus honnête même si l’homme se retrouve au coeur même de la fraude organisée, avec d’un côté des mafieux chinois qui le harcèlent, de l’autre un président véreux qui menace de le virer s’il n’obtempère pas. Et d’expliquer : « Il y a deux façons de truquer un match. La première, c’est les propriétaires et les présidents des clubs qui s’arrangent entre eux (…) L’autre façon, c’est la mafia qui paye des joueurs et des entraîneurs pour gagner ou perdre des matchs« .

Traité dans un registre humoristique, Deathfix n’en dévoile pas moins avec lucidité l’envers du décor, ces petits arrangements et grandes arnaques qui salissent le monde du sport depuis toujours. Bien sûr, l’histoire se déroule à Moscou mais elle aurait très bien pu trouver corps plus près de nous où, très régulièrement, des affaires similaires font la Une de l’actualité.

Deathfix est la première adaptation au format papier d’un webtoon, un type de BD conçu pour les portables et qui rencontre un grand succès en Corée du Sud. Les éditions Dupuis qui espèrent surfer sur la vague et développer le genre sur le marché franco-belge viennennt de lancer leur propre plateforme de diffusion Webtoon Factory. Elle compte déjà une trentaine de titres.

Eric Guillaud

Deathfix, le polar qui sent le vestiaire, de Nix et Benus. Dupuis. 14,50€

@ Dupuis / Nix & Benus

16 Fév

War is boring, le témoignage d’un correspondant de guerre sur son addiction à l’adrénaline par David Axe et Matt Bors

Comment peut-on dire de la guerre qu’elle est ennuyeuse ? C’est à première vue aussi absurde que de la considérer comme passionnante ou amusante. La guerre pour la majorité des humains, c’est l’horreur absolue. Pour David Axe, c’est une drogue dure. War is boring raconte cette surprenante dépendance…

Etre accro à la guerre, voilà qui n’est pas banal. C’est pourtant ce qui arrive à l’Américain David Axe, correspondant de guerre notamment pour le Washington Times et Esquire. De l’Irak à la Somalie, en passant par l’Afghanistan ou encore le Timor oriental, David Axe a parcouru les endroits les plus dangereux de la planète et les conflits les plus meurtriers avec parfois, entre deux attaques, deux explosions ou deux attentats, de longues périodes d’ennui. Oui, vous avez bien lu, de l’ennui !

« Trois ans en Irak à essuyer des tirs de mortier, de roquette, des explosions à la bombe. Harcelé par tous les ennemis imaginables, du petit criminel aux miliciens, en passant par les kamikazes (…) Le danger ne manquait pas mais, à ma plus grande surprise, j’ai découvert qu’on s’ennuyait en Irak. J’ai passé des mois entiers à chercher une miette d’excitation ».

Et lorsqu’il rentre au bercail, c’est la même chose, en pire. Passée l’euphorie des retrouvailles avec sa petite amie ou sa famille, David Axe ne pense plus qu’à une chose : repartir. « Avais-je choisi la guerre ou m’avait elle choisi? », finit-il par s’interroger.

Ce roman graphique mis en images par le dessinateur de presse Matt Bors raconte les guerres du journaliste mais surtout cette incroyable dépendance au chaos, à la violence du monde.

Une véritable addiction à l’adrénaline bien connue dans le milieu aujourd’hui. Avant David Axe et ce roman graphique, un autre reporter de guerre, Chris Hedges en parlait dans son livre War is a force that gives us meaning où il résume ce mal en quelques mots : “l’adrénaline du combat provoque souvent une dépendance puissante et mortelle, car la guerre est une drogue”.

C’est peut-être difficile à comprendre pour nous simples mortels, mais ne restons pas nous-mêmes hypnotisés devant les images de violence diffusées sur nos écrans ? C’est peut-être là que commence cette addiction…

Eric Guillaud

War is boring, de David Axe et Matt Bos. Steinkis. 17€

@ Steinkis / Axe & Bors

12 Fév

Ce que font les gens normaux : une histoire de notre temps signée Hartley Lin

En publiant de ce côté-ci de l’Atlantique le roman graphique Young Frances du Canadien Hartley Lin, les éditions Dargaud ont opté pour un titre plus accrocheur mais du coup beaucoup plus énigmatique. L’histoire est pourtant simple, Hartley Lin raconte la vie normale d’une jeune femme normale qui subit sa vie plus qu’elle ne la choisit…

« Personne n’a jamais rêvé d’être une grande clerc ». Tout est dit dans cette rumination nocturne de Frances. Elle n’a jamais rêvé de ce métier, personne n’a jamais rêvé de ce métier. Pourtant, elle le fait avec dévouement et sérieux. Au point de se faire remarquer par le boss et de franchir les échelons à la vitesse d’un TGV en rase campagne pendant que ses collègues sont tout simplement relégués au placard ou mis à la porte.

Bien sûr, Frances n’est pas responsable du malheur des autres, mais l’est-elle pour autant de sa propre réussite professionnelle ? Pas si sûr. Frances a l’impression d’être une spectatrice de la vie des autres comme de sa vie. Elle ne sait même pas si elle doit accepter cette reconnaissance qui l’empêche de dormir et l’interroge. Voulait-elle vraiment de cette vie de bureau ? Trop normale, presque banale. Et de cette pression quotidienne ? Surtout quand elle pense à Vickie, son amie et colocataire qui, elle, a réussi à faire de sa vie un rêve, ou vice versa.

Il faut dire que Vickie est très différente. Joyeuse, fêtarde, impulsive, elle voulait faire du cinéma et finit par décrocher le rôle de sa vie. Direction Los Angeles, laissant Frances seule avec ses questions existentielles…

« Tu devrais être en train de faire du pop corn ou de ranger tes chaussures, enfin des trucs de gens normaux », lance la jeune actrice à Frances qui oublie de lâcher ses dossiers pour s’amuser.

Réaliste dans l’écriture comme dans le traitement graphique, Ce que font les gens normaux est une petite douceur dans un monde de brutes, un roman à la fois léger et profond sur la vie, ce que nous en faisons, ce que nous pourrions en faire. Mais pas question de donner des leçons ici, Hartley Lin raconte les doutes, les peurs, les angoisses des jeunes adultes face à un monde souvent hostile, avec beaucoup de finesse, de tendresse et d’empathie. Un très bel album qui ne peut laisser indifférent !

Eric Guillaud

Ce que font les gens normaux, de Hartley Lin. Dargaud. 18€

@ Dargaud / Hartley Lin

08 Fév

Les Herbes folles : quand le Lapinot de Trondheim se met au vert en 365 dessins

365 dessins et pas un de plus ! Tout est parti d’un pari un peu fou ou plutôt d’une bonne résolution, ce qui revient un peu au même, de celles qu’on prend en début d’année à la fin d’un repas généralement bien arrosé. Mais quand certains se promettent l’arrêt du tabac ou la reprise du sport, d’autres, comme Lewis Trondheim, s’engagent à faire un dessin par jour pendant un an… Et qu’est-ce qui est sorti de son chapeau ? Un lapin bien sûr…

C’est un tout petit livre, un format à l’italienne n’excédant pas les 16 cm sur 11. Petit mais épais, 365 pages et des poussières. 365 pages pour autant de dessins réalisés par Lewis Trondheim et publiés du 1er janvier au 31 décembre 2018 sur son compte Instagram.

Un sacré pari, tenu et remporté haut le crayon par Lewis Trondheim. Non seulement, l’auteur a tenu la cadence mais il réussit au bout du compte à nous embarquer dans une drôle d’histoire où la nature a décidé de reprendre ses droits. Du vert partout, du lierre, des racines, des arbres, des herbes folles… ont envahi les rues de la ville, les appartements et même les frigos.

Et Lapinot dans tout ça ? Le personnage emblématique de Lewis Trondheim a retrouvé Richard pour une déambulation jubilatoire et muette où l’on croise de drôles de bestioles, où l’on lit entre les traits les problématiques environnementales actuelles, où enfin l’amour et l’amitié tiennent une place de choix. Une intrusion du surnaturel dans un monde presque réel. Un bel album, un nouveau souffle pour Lapinot !

Eric Guillaud

Les Herbes folles, Les Nouvelles aventures de Lapinot. L’Association. 19€. 

L’info en +. Pour les fans hyper fans et hyper riches, il existe aussi une édition super luxe avec une couverture blanche, toute blanche, à faire personnaliser avec un dessin de Lewis Trondheim lui-même. Tirage limité à 50 exemplaires numérotés et signés. 350€

@ L’Association / Trondheim

06 Fév

Jeremiah : premier volet d’une somptueuse intégrale en noir et blanc

C’est du lourd, du très lourd même, 2 kg 500 pour l’avoir pesé, 288 pages en noir et blanc pour les avoir comptées, le tout dans un grand format luxe de 340X267, le premier volet de l’intégrale Jeremiah version collector est sorti. Un régal pour les yeux et la tête…

Waouh ! Vous pouvez rester bouche bée mais par les bras ballants. L’ouvrage pèse son poids et ce serait dommage de le laisser lamentablement choir sur le bitume.

Paru dans la collection Niffle / La Grande Bibliothèque, le premier volet de cette intégrale en noir et blanc est un pur bijou, de ceux qu’on aime laisser traîner sur le coin d’une table tel un trophée ou un bel objet de déco.

Mais c’est bien évidemment plus que ça, derrière la beauté de l’objet, il y a une légende, Jeremiah, trente six albums à ce jour, tous signés de la main du maître Hermann, un univers unique qui nous embarque dans un futur post-atomique à la Mad Max, crépusculaire à souhait.

« J’avais lu Ravage de Barjavel », explique Hermann… « un excellent bouquin dont l’action se situe après une guerre atomique… La Terre est ravagée et toute la sauvagerie de l’homme se donne alors libre cours ». Un bon résumé de ce qui attend Jeremiah, son acolyte Kurdy et les lecteurs.

Ce premier volet réunit La nuit des rapaces, Du sable plein les dents, Les héritiers sauvages, Les yeux de fer rouge, Un cobaye pour l’éternité et La secte, les cinq premiers albums publiés entre 1979 et 1982 aux éditions Dupuis.

Bon alors forcément, le prix est un peu élevé, 49€, mais les fans de Jeremiah et Hermann comprendront dès la première page, dès la première rencontre entre Jeremiah et Kurdy, qu’ils ont entre leurs petites mains fébriles une édition historique et l’occasion de mesurer tout le talent de l’auteur dans l’écriture et surtout dans le graphisme avec ces planches grand format en noir et blanc qui révèlent plus que jamais la finesse du trait, une maîtrise absolue du noir et blanc, une précision de tous les instants. Du grand art !

Eric Guillaud

Jeremiah, intégrale N/B, de Hermann. Dupuis / Niffle. 49€

@ Dupuis-Niffle / Hermann

Amer Beton : la réédition d’un chef-d’oeuvre de Taiyou Matsumoto

Dans le monde du manga, voilà un auteur qui tient une place à part, un auteur au trait inimitable. Il s’appelle Taiyou Matsumoto. Cette intégrale a été publiée à l’occasion de l’exposition qui lui était consacrée lors du dernier Festival international de la bande dessinée à Angoulême…

Publié en trois volumes par les éditions Tonkam en 1996 – 1997 avant d’être réédité en un volume en 2007 puis à nouveau en ce début 2019, Amer Beton est ce qu’on peut appeler un petit chef-d’oeuvre du genre, un manga fort et singulier, à la fois par son approche narrative et graphique. À tel point qu’il a été adapté au cinéma par l’Américain Michael Arias en 2006 mais aussi au théâtre.

L’auteur, Taiyou Matsumoto, s’est fait connaître à travers une série de mangas dans l’univers du sport (Straight, God Save the knuckle….). Avec Amer Beton, il décide de mettre ses tripes sur la table et de laisser parler cette colère qui le suit depuis son enfance, passée loin de ses parents. « C’est une oeuvre matricielle, symbole de mon travail », admet-il dans une interview accordée à 20 Minutesavec comme toujours un regard posé sur l’enfance. Ou depuis l’enfance. Cette fois, il le fait à travers les yeux d’un tandem de gamins sans fois ni loi, deux orphelins qui ne possèdent rien et n’ont donc rien à perdre, tout à gagner, un peu de monnaie ici, une montre là.

Ces gamins s’appellent Blanko et Noiro, le Yin et le Yang (autre thème constant de son oeuvre), ils ont fait de la ville de Takara, doux mélange de Tokyo et Osaka, leur terrain de jeu privilégié, un jeu, vous avez bien lu, dont le but serait de survivre au milieu du chaos permanent, de la pauvreté et de la violence. Jusqu’au jour où débarque une bande de yakusa bien décidée à mettre la main sur la région…

Cette très belle réédition parue chez Delcourt / Tonkam nous permet donc de retrouver un auteur et un univers singuliers, influencés par une multitude de courants, de dessinateurs, notamment européens comme Mœbius. De fait, le style de Matsumoto en perpétuel évolution déroge à la règle du manga formaté et lisse.

Plusieurs autres-chefs d’oeuvre de Taiyou Matsumoto viennent d’être réédités à l’occasion de l’exposition visible à Angoulême jusqu’au 10 mars, entre autres Number 5 en intégrale chez Kana et Ping Pong chez Delcourt / Tonkam.

Eric Guillaud

Amer Beton, de Taiyou Matsumoto. Delcourt/Tonkam. 29,99€

À lire : l’excellent dossier sur Matsumoto dans le numéro 6 des Cahiers de la BD

31 Jan

Quand Richard Corben s’allie à d’autres maîtres de l’horreur pour un beau livre terrifiant

Depuis son Grand Prix au festival d’Angoulême en 2018, la France n’arrête pas de (re)découvrir l’œuvre de Richard Corben. Alors même si cette dernière est désormais éparpillée façon puzzle entre plusieurs éditeurs, cette réhabilitation tardive donne droit à quelques pépites. Dont cette édition grand format de toute beauté en noir et blanc, à mi-chemin entre ‘beau livre’ et recueil de BD.

Associer le trait fin et même temps horrifique d’une façon presque grotesque de Corben avec l’écriture ciselée d’Edgar Allan Poe ou de son disciple le plus talentueux Howard Philips Lovecraft est plus qu’une évidence. Partageant le même goût pour le macabre, les abominations indicibles qui se cachent dans les ténèbres et les affres de leurs semblables face à des forces qui les dépassent en tous points, les trois se complètent d’une façon assez étonnante, bien qu’ils n’aient pas vécu à la même époque. Même si les adaptations de Poe avaient déjà été traduites il y a plus de dix ans, c’est la première fois qu’elles sont couplées dans un seul et même volume avec celle dédié au papa de Cthulhu.

@ Panini Comics / Corben & Margopoulos

Première bonne surprise : leurs œuvres respectives étant tombées dans le domaine public, l’éditeur a eu la bonne idée de joindre à chaque histoire le poème ou la nouvelle originale lui correspondant. Ce qui permet d’abord de mesurer le travail d’adaptation réalisé par Corben et son compère Rich Margopulos mais aussi de voir comment le dessinateur, surtout dans le cas de Poe, a su faire prendre à des textes pourtant écrits au XIXème siècle des accents parfois assez étonnants et plus proches de ses obsessions personnelles, comme la science-fiction apocalyptique sur Le Ver Conquérant ou le mythe du vampire sur La Dormeuse. Ce qui permet d’aboutir à des choses très graphiques ou, au contraire, à un résultat où l’horreur est avant tout suggérée mais rarement montrée. Bizarrement, du corpus assez conséquent de Lovecraft, le duo n’a retenu que des textes fragmentaires ou des poèmes peu connus, peut-être par peur de passer après toute la horde qui s’était déjà attaqués à L’Appel de Cthulhu par exemple. D’ailleurs, la nouvelle illustrée la plus connue de toutes (Dagon) est la moins réussie, comme si engoncé dans des vêtements trop contraignants, ils n’avaient pas pu se lâcher autant qu’ils le voulaient.

Certes, les sorties ou ressorties actuelles estampillées ‘Corben’ ne manquent pas et quantités d’entre elles valent leur pesant d’hémoglobine (on pense notamment à l’excellente intégrale des épisodes qu’il a dessiné pour la saga Hellboy tout juste sorti chez Delcourt) mais parmi elles, L’Antre de L’Horreur occupe une place spéciale, aussi pour ses fans que pour les amateurs d’horreur gothique de la grande époque. Un vrai travail de maître(s) !

Olivier Badin

 L’Antre de L’Horreur de Richard Corben et Rich Margopoulos, d’après l’œuvre d’Edgar Allan Poe et Howard Philips Lovecraft, Panini Comics, 32€

@ Panini Comics / Corben & Margopoulos

30 Jan

Les fantômes de Knightgrave : une intégrale choc signée Eric Maltaite et Stéphan Colman

Les mots on un sens, une intégrale regroupe comme on peut s’y attendre tous les livres publiés d’une même série, achevée ou en cours. Avec Choc, les éditions Dupuis vont plus loin en réussissant dans le même recueil non seulement les deux albums publiés à ce jour mais aussi un troisième qui ne le sera qu’en mars prochain…

Publier l’intégrale d’un triptyque, en l’occurrence Les Fantômes de Knightgrave, avant même que le troisième album soit sorti, voilà qui n’est pas commun. Mais on ne va pas s’en plaindre, bien au contraire, puisque ce tirage annoncé comme unique par l’éditeur nous permet non seulement de découvrir la fin de l’aventure mais encore de profiter pleinement du trait d’Eric Maltaite, fils de Willy Maltaite, dit Will, celui-là même qui dessina longtemps la série Tif et Tondu et lui donna avec Maurice Rosy son méchant de service, Choc, un être machiavélique reconnaissable à sa queue-de-pie et son visage dissimulé sous un heaume.

C’était au milieu des années 50. Aujourd’hui, Eric Maltaite et Stéphan Colman ont donc repris le personnage pour lui offrir une aventure à lui, un genre de spin-off comme on dit dans le milieu, avec tout le talent qu’on leur connaît et la folle envie de répondre à deux interrogations qui les hantent depuis l’enfance, nous dit Jean-Louis Bocquet en préface, « Comment devient-on Monsieur Choc ? Qui se cache derrière ce masque ? ».

270 pages pour détricoter l’histoire, tenter de lever un peu le coin du voile ou plus exactement du heaume, nous offrir une très belle aventure et une fin en apothéose, avec la participation exceptionnelle de… 🤭🤫😬 ! Vous le saurez en la lisant.

Eric Guillaud

Choc, Les Fantômes de Knightgrave, de Maltaite et Colman. Dupuis. 48€

@ Dupuis / Maltaite & Colman