Lorsqu’on est assis sur un trésor de guerre comme la maison Marvel peut l’être, on aurait tort de se priver. D’où une nouvelle série thématique de ses meilleurs récits, décennie par décennie, avec en première ligne un volume consacré à cette période charnière que furent les sixties…
Donc, même si les éditions et les rééditions se multiplient au point qu’il est parfois assez dur de s’y retrouver, l’éditeur américain profite de son quatre-vingtième anniversaire (en tous cas, si l’on se réfère à sa première existence sous le nom de Timely Comics) pour sortir des recueils thématiques sensés réunir, à défaut des meilleures histoires (notion de toutes façons trop subjective et donc sensible), les plus représentatives, toutes séries confondues. Le tout, décennie par décennie, des années 40 aux années 2000 et donc déclinées en sept volumes. Avec à chaque fois, en guise de fil rouge, un héros bien précis.
Si les volumes consacrés aux 40s et aux 50s ont plus un intérêt historique qu’autre chose avec leur style rétro très daté et leurs scénarios souvent bien trop manichéens, on attaque vraiment les choses sérieuses avec celui dédié aux 60s, avec Spider-Man en guise de fil conducteur. D’abord parce qu’on est là dans le deuxième âge d’or de la bande dessinée et qu’outre-Atlantique, la guerre froide, la peur atomique et l’essor de la conquête spatiale ont donné naissance à un public certes toujours avant tout juvénile mais plus exigeant et qu’il faut toujours plus impressionner.
@ Panini Comics/Marvel – Stan Lee, Jack Kirby & Steve Ditko
Cela dit, le vrai plus de ce volume-ci est son casting légendaire. À part une, toutes les histoires ont droit à des scénarios signés Stan Lee. Et au dessin, ce sont les trois têtes d’affiche du panthéon Marvel qui se partagent le gâteau : Steve Ditko, Jack Kirby et Roy Thomas. Niveau casting, pas vraiment de super-héros d’arrière-garde non plus avec, donc, Spider-Man mais aussi les Quatre Fantastiques, Daredevil, Docteur Strange (dans un épisode psychédélique à souhait car se passant dans une autre dimension), les X-Men etc.
Réalisées entre 1964 et 1968, toutes ces histoires ont en commun de voir Spidey rencontrer voire combattre tous ses copains supers. Elles aussi restent marquées par le sceau de leur époque, avec un manichéisme qui a encore la peau dure. Mais au-delà des actes de bravoure obligatoires et des postures héroïques commencent malgré tout à poindre une forme plus subtile de pessimisme et des thématiques plus adultes, comme l’acceptation de soi-même, assumer son choix d’être différent etc. Après, une remise dans le contexte et un peu d’explication sur pourquoi tel épisode a été choisi plutôt qu’un autre aurait été apprécié, laissant les philistins hélas un peu hors-jeu. Mais tout fan de comics digne de ce nom ne peut jamais refuser a priori un 8765èmerencard avec Messieurs Kirby, Ditko et Lee, jamais. Surtout dans une aussi belle édition…
Olivier Badin
Décennies, Marvel dans les années 60 par Stan Lee, Jack Kirby & Steve Ditko, Panini Comics/Marvel, 35 euros
@ Panini Comics/Marvel – Stan Lee, Jack Kirby & Steve Ditko