26 Août

Pages d’été. The Forgotten Man, l’adaptation graphique d’un ouvrage de référence sur la grande dépression

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Certains livres nécessitent du temps, à la fois pour se décider à les ouvrir et une fois ouverts, pour tout simplement les lire. The Forgotten Man est de ceux-là, du moins en ce qui me concerne, un livre épais de 320 pages à la thématique on pe peut plus sérieuse, un récit graphique de prime abord un peu rugueux adapté d’un ouvrage économique lui-même rugueux mais de référence sur la grande dépression américaine, celle qui a causé tant de malheur, brisé tant de vies dans les années 30.

Le livre à l’origine de cette adaptation graphique est signé de l’économiste et éditorialiste Amity Shlaes. ll a été traduit en plusieurs langues, parmi lesquelles l’allemand, l’italien ou encore le chinois, et est aujourd’hui étudié, précise l’avant-propos, dans les écoles et universités américaines. La vision qu’il offre sur la Grande Dépression va à l’encontre du consensus établi dans la culture populaire autour du New Deal, la politique interventionniste mise en place par le président américain Franklin Delano Roosevelt pour lutter contre les effets de la Grande Dépression aux États-Unis.

Amity Shlaes a effectué un important travail de recherche dans les fonds d’archives pour écrire ce livre en privilégiant l’aspect humain, l’individu, plutôt que la théorie. Le fameux homme oublié, The Forgotten Man, est celui qui a enduré la Grande Dépression et n’a pas trouvé le soutien espéré et promis par le New Deal. C’est son histoire et celle de millions d’hommes et de femmes que raconte The Forgotten Man.

Publié en France par l’éditeur Steinkis en février dernier, l’adaptation graphique de l’Américain Paul Rivoche (Mister X, Batman : Black & White…) offre un visage à ces hommes et à ces femmes. C’est dense, parfois un peu compliqué pour nous européens, mais passionnant et riche d’enseignement sur ce qu’était l’Amérique d’hier. Quant au dessin, le trait réaliste en noir et blanc de Paul Rivoche nous embarque immédiatement dans l’ambiance de ces années sombres.

Eric Guillaud

The Forgotten Man, nouvelle histoire de la grande dépression, d’Amity Shlaes et Paul Rivoche. Steinkis. 22€

Steinkis / Shlaes & Rivoche

22 Août

Pages d’été. Sous les bouclettes : un combat contre l’adversité signé Gudule et Mélaka

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Sorti en avril dernier mais logiquement disponible encore aujourd’hui dans toutes les bonnes librairies, Sous les bouclettes raconte une histoire vraie, un drame familial comme on a tous pu en vivre, l’histoire d’une sale maladie qui s’invite à votre table sans y être conviée.

La romancière Gudule est l’héroïne de cette histoire mais la narratrice est sa propre fille, Mélaka, qui va l’accompagner dans la maladie, partageant son quotidien, ses angoisses, assistant à sa lente déchéance physique et psychique.

Alors que son ancien compagnon est mort d’un cancer de l’estomac et qu’elle vient tout juste de retrouver un nouvel amoureux, Gudule s’inquiète de ne plus pouvoir se servir normalement de sa main gauche.

Mélaka pense à un problème musculaire, les médecins diagnostiquent une lésion cérébrale. Le début de la fin ! Hospitalisation, opération, radiothérapie, chimiothérapie… Mélaka raconte ce sinistre quotidien, la maladie dans toute son horreur, mais aussi les petits moments de bonheur, comme des miracles au milieu de la tourmente.

Elle raconte aussi par une succession de flashbacks la vie de Gudule, ex-femme de l’auteur de BD Paul Karali, mère non seulement de Mélaka mais aussi d’Olivier Ka, également auteurs de BD, dévoilant au fil des pages une personnalité attachante et touchante. Ces flashbacks illustrent « Les Solitudes », des textes écrits par Gudule elle-même. Un récit forcément poignant !

Eric Guillaud

Sous les bouclettes, de Gudule et Mélaka. Delcourt. 18,95€

07 Août

Blindsprings, Sleepless Domain et Awaken, le webcomic débarque chez Hachette Livre

Le groupe Hachette Livre a inauguré début juin son nouveau label Robinson Millenials avec trois titres à la croisée du comics et du manga, trois titres issus de la plateforme Hiveworks…

Hiveworks, quésako ? Hiveworks, explique le groupe Hachette Livre, « est une plateforme spécialisée dans la publication web de bandes dessinées et de romans graphiques née de la collaboration d’une dizaine de passionnés qui partageaient le même rêve : créer un espace de publication gratuit, accessible à tous les internautes, permettant aux artistes de faire connaître leurs œuvres ».

Lancé en 2011, la plateforme compte aujourd’hui 135 titres, publie 210 pages chaque semaine et enregistrerait plusieurs millions de clics chaque mois.

Les trois bandes dessinées qui ont inauguré en juin dernier le label Robinson Millenials du groupe Hachette sont issues de cette plateforme. Toutes les trois ont été réalisées par des femmes et proposent des récits fantastiques à la croisée du manga et du comics. On y rencontre un jeune homme soucieux d’intégrer l’élite des chevaliers (Awaken de Koti Saavedra. 17,95€), une princesse tout juste libérée de 300 années de vie commune avec les esprits (Blindsprings, de Kai Fedoruk. 16,95€) et un groupe de cinq jeunes héroïnes aux pouvoirs magiques en lutte contre d’horribles créatures (Sleepless Domain, de Mary Cagle. 16,95€).

Eric Guillaud

Flic & Fun, les aventures de deux flics mais pas à Miami

Ces deux-là ont longtemps hésité entre l’animation en parcs d’attractions et l’élevage de bovins avant de finalement tenter le concours de la police et d’être reçus. Un sacré coup de bol pour eux, pas vraiment pour nous! Les flics les plus affligeants de la planète BD sont de retour!

Ne vous y trompez pas, les palmiers qui figurent sur la couverture de ce deuxième volet de Flic & Fun paru en juin dernier ne promettent en aucun cas des aventures sous le soleil de Miami mais plutôt sous la grisaille de nos grandes villes hexagonales. Je peux vous le révéler ici sans risquer la garde à vue, il s’agit d’un simple décor de couverture en carton, un faux donc. Retournez l’album, vous comprendrez !

La suite ici

29 Juil

Pages d’été. Les Oubliés de Prémontré, un récit de Stéphane Piatzszek et Jean-Denis Pendanx au coeur de la première guerre mondiale

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Ces deux auteurs-là nous avaient déjà impressionné avec un premier album commun publié aux éditions Futuropolis. Il s’agissait de Tsunami, l’histoire d’une quête sur l’île de Sumatra encore marquée par le raz-de-marée de 2004.

Stéphane Piatzszek au scénario et Jean-Denis Pendanx au dessin reviennent avec un thème et un contexte très différents mais une réalisation toute aussi soignée et une histoire toute aussi captivante. Les oubliés de Prémontré est basée sur une histoire vraie, une histoire funeste, celle d’un hôpital psychiatrique, l’hôpital de Prémontré dans l’Aisne, qui pendant la première guerre mondiale se retrouva aux premières loges des combats ou du moins des mouvements militaires, 1300 malades, hommes, femmes et enfants, qui auraient pu se retrouver livrés à eux-mêmes si il n’y avait eu le courage de certains.

Car, à l’instar de la majeure partie de la population locale, le directeur de l’hôpital, le médecin-chef et plusieurs membres du personnel s’enfuirent à l’approche des troupes prussiennes en marche vers Paris. Mais d’autres restèrent, comme l’économe André Letombe, qui fut très vite confronté à un dilemme sans précédent : comment nourrir 1300 personnes en pleine guerre ?

De fait, beaucoup des malades moururent de faim, des centaines. Alors Letombe eut l’idée de les faire travailler, de proposer leurs services aux paysans du coin en échange de nourriture. C’est ce qui permit d’en sauver une grande partie.

L’histoire de cet hôpital est connue, Piatzszek et Pendanx nous en livrent une version illustrée qui retrace avec précision et humanité ces années noires où la vie humaine n’a plus la même valeur, qui plus-est lorsqu’il s’agit d’aliénés. De quoi faire passer Letombe pour le vrai fou de l’affaire, capable d’une abnégation totale pour sauver le maximum de malades. Mais dans cette histoire vraie, les auteurs ont imaginé une autre histoire, celle de Clément, un jeune-homme tout juste débarqué à l’hôpital pour prêter main forte. Mais pas seulement. Sous ses apparences de garçon tranquille, Clément cache un secret… Une histoire singulière et prenante !

Les oubliés de Prémontré, de Stéphane Piatzszek et Jean-Denis Pendanx. Futuropolis. 21€

© Futuropolis / Piatzszek & Pendanx

22 Juil

Pages d’été. La Soutenable légèreté de l’être, l’autobiographie d’une trentenaire hypocondriaque signée Éléonore Costes et Karensac

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Elle va avoir 30 ans, déteste son prénom, est souvent de très mauvaise humeur, fume comme un pompier, dort très mal, a mal partout tout le temps et a peur de tout, surtout des maladies. Oui, vous l’avez compris, en plus de tous ces petits défauts qui la rendent invivable, voire détestable, Éléonore, pardon Lolo, est hypocondriaque tendance un peu beaucoup à la folie, capable de s’imaginer un cancer à la première douleur.

Mais cette fois, elle en est persuadée, elle va mourir. Depuis plusieurs jours, elle a mal au ventre. Pour son médecin, le cancer est dans sa tête, pas ailleurs. Pourtant, Lolo fait un malaise et finit par se retrouver à l’hôpital. Totalement liquéfiée par l’idée qu’on lui découvre quelque chose de grave, Lolo fait le point sur ses trente premières années, sur sa famille, l’amour, la vie…

Publiée dans la toute nouvelle collection Une Case en moins des éditions Delcourt, collection qui a pour vocation de mettre en avant des artistes polyvalents et non issus de la BD, La Soutenable légèreté de l’être est une autobiographie signée Éléonore Lolo Costes, comédienne et autrice parisienne, et Karensac, ex-architecte, aujourd’hui autrice pour les éditions Dupuis (Aubépine) et donc Delcourt.

À la fois drôle et touchant, La Soutenable légèreté de l’être raconte les angoisses d’une trentenaire face à la vie, une trentenaire qui a bien du mal à quitter le monde de l’adolescence. Scénario et dessin fonctionnent parfaitement ensemble avec de bonnes trouvailles narratives. Un album à lire même si on a plus de 30 ans, ça peut réveiller quelques souvenirs…

Eric Guillaud

La Soutenable légèreté de l’être, de Éléonore Costes et Karensac. Delcourt. 15,50€

© Delcourt / Éléonore Costes et Karensac

21 Juil

Pages d’été. Le Signal de l’océan, un plaidoyer pour le respect de la nature signé Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Vous êtes allongé sur la plage ? Les cheveux dans les yeux et le nez dans le sable ? À vous répéter que c’est quand même beau la nature et que c’est doux le bruit de l’océan ? Ça tombe plutôt bien car l’album dont je vais vous parler ici traite justement de l’océan et des conséquences du réchauffement climatique. Loin de moi l’idée de vous gâcher ce doux moment et de vous culpabiliser, l’album ne répond pas à cette logique, il cherche juste à informer à travers une fiction plutôt sympa signée pour le scénario par Joub et Nicoby et pour le dessin par PR Saint-Dizier.

L’histoire commence en 1976 dans un petit village de la côte atlantique. Il aurait pu s’appeler Biscarosse ou Soulac, les auteurs l’ont finalement baptisé Malberosse, un village comme tant d’autres abandonnés à l’appétit féroce de quelques promoteurs immobiliers. Cette année-là est lancé un projet de complexe touristique les pieds dans l’eau. Bien évidemment, quelques années et tempêtes plus tard, ce complexe se retrouve effectivement les pieds dans l’eau, évacué, abandonné. La faute à l’océan ? La faute aux promoteurs et élus de tous bords qui n’ont pas tenu compte de la nature, du réchauffement climatique, du recul du trait de côte.

Vue imprenable qu’ils disaient ! Ça vous fait penser à l’histoire du Signal à Soulac, l’immeuble devenu le symbole d’un littoral grignoté par la mer ? Bingo, d’ailleurs, le titre de l’album y fait directement référence. Autour de cette histoire vraie, le Tarnais PR Saint-Dizier et les Bretons Nicoby et Joub ont imaginé une fiction qui met en scène les principaux acteurs du drame, les promoteurs, les élus, les – rares à l’époque – opposants et bien sûr les vacanciers pour qui l’érosion ne veut encore rien dire.

Je vous le disais plus haut, il n’est pas question dans ces quelques pages de nous culpabiliser, mais bien de nous sensibiliser à la chose avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, les plus pessimistes pensent qu’il est déjà trop tard. Publié avec le soutien du Conservatoire du littoral, Le Signal de l’océan interroge mais apporte aussi quelques réponses dans un dossier de quelques pages en fin d’ouvrage. Il évoque le changement climatique mais surtout le programme Adapto, « une démarche expérimentale de gestion souple du trait de côte ». Un album pour ne pas bronzer idiot !

Eric Guillaud

Le Signal de l’océan, de Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub. Vents d’Ouest. 15,50€

© Vents d’Ouest / Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub

Du temps où la Guerre des Étoiles débarquait avec les croissants et le journal du matin

Quand la Guerre des Étoiles se dévorait quotidiennement dans les journaux par épisodes aussi brefs que bourrés d’action, coincés entre Snoopy et Erik le Viking…

À la fin des années 70, en France, on avait Jacques Faizant. Mais aux États-Unis, c’était plutôt Buck Rogers, Garfield, Dick Tracy et donc aussi, Star Wars. On a les icônes pop que l’on mérite non ? En même temps, dès le succès du premier volet de la saga au cinéma, Georges Lucas a énormément misé sur tous les à côtés et il ne pouvait donc pas se passer de ces véritables institutions outre-Atlantique qu’étaient les strips journaliers que l’on retrouvait dans tous les quotidiens américains. D’où la mise en route sur le marché de ces petites histoires indépendantes tronquées en mini-épisodes dès le mois de mars 1979 et dont les dix-huit premiers mois d’existence sont traduits en français et réunis pour la première fois aujourd’hui.

Censées se dérouler dans l’espace indéfini (c’est pratique) entre les films ‘La Guerre des Étoiles’ et ‘L’Empire Contre Attaque’ et présentées ici dans un format à l’italienne des plus agréables à lire, ces aventures font appel à tous les héros de la saga (Luke Skywalker, la Princesse Leia, Han Solo, Chewbacca etc.), soit en groupe soit pour des apartés en solo au ton bien particulier qui donnent justement son charme à l’exercice.

© Delcourt – Russ Manning

Car le format avait de nombreuses contraintes, et surtout celle de son découpage impitoyable : une bande (trois, quatre cases maximum) par jour, avec une pleine page (parfois en couleur) le week-end seulement. Dans ces conditions, difficile voire impossible d’apporter des nuances ou d’aborder des questions plus, disons, métaphysiques (d’où par exemple l’absence étonnante de la notion de ‘Force’) car il faut à tout prix maintenir l’attention du lecteur. En résulte un rythme très particulier car complètement hystérique et où chaque page se doit d’avoir soit sa poursuite de vaisseaux spatiaux, soit sa bataille à coups de pistolets laser (voire, si possible, les deux en même temps !).

© Delcourt – Russ Manning

Assez loin donc de la réappropriation des mythes universels que furent les films, ‘Star Wars’ devient donc ici une sorte de série B survitaminée où les méchants sont très méchants (Dark Vador fait quelques apparitions bien sûr) et les gentils très gentils. C’est donc assez naïf, très pop et ancré dans son époque (on est bien dans la toute fin des années 70) tout en profitant de la patte du dessinateur vétéran Russ Manning, responsable de la série ‘Tarzan’ dans la seconde moitié des années 60. Et ce n’est même pas réservé qu’à ceux qui croient qu’il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… Surtout que l’ajout du chiffre ‘1’ au bout du titre laisse suggérer de futurs tomes à venir.

 Olivier Badin

Star Wars – les strips quotidiens Volume 1, Russ Manning, Delcourt, 39,95€

Pages d’été. Dept. H : un thriller abyssal signé Matt et Sharlene Kindt

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Si vous souffrez de claustrophobie, passez votre chemin, Dept. H est un thriller en milieu hostile, un mystère à huis-clos par 9000 mètres de profondeur, de quoi vous couper le souffle pour l’éternité ou presque.

L’histoire ? Dept. H est le nom d’un laboratoire sous-marin conçu par le professeur Hardy pour étudier les fonds marins. C’est justement là que le professeur est retrouvé mort à la suite de ce qui ressemble à un accident. Mais sa fille, Mia, est persuadé qu’il s’agit d’un meurtre. Elle décide de se rendre dans la base pour enquêter. Sur place, Mia est accueillie par 7 personnes dont son propre frère. L’un d’eux est forcément l’assassin. Mais elle aura peu de temps pour résoudre le mystère, la base a été sabotée et sera inondée sous les 24 heures.

Cette série signée Matt Kindt a été publiée en 24 comics aux États-Unis, elle le sera en 4 volumes de ce côté-ci de l’Atlantique. Deux sont d’ores et déjà disponibles, les deux suivants le seront d’ici avril 2019. Au final, Dept. H offrira près de 700 pages d’un récit au suspense suffocant, une oeuvre singulière qui conforte Matt Kindt parmi les grands auteurs de la bande dessinée américaine. L’auteur de Super Spy, Du Sang sur les mains ou encore de L’histoire secrète du géant nous offre ici des atmosphères à découper au couteau, merveilleusement travaillées par les couleurs de Sharlene Kindt, la femme de l’auteur. C’est beau, c’est fort, c’est sous l’eau. Science-fiction, polar, espionnage, l’auteur y mêle les genres pour mieux nous surprendre. On respire un grand coup et on plonge dans l’aventure…

Eric Guillaud

Dept. H, de Matt et Sharlene Kindt. Futuropolis. 22€ le volume

12 Juil

Quand Hellboy rencontre Richard Corben, ça fait des étincelles !

La dernière entrée de la désormais volumineuse bibliographie de Hellboy s’offre une guest-star de 78 ans dont les traits talentueux réussissent à transformer une ‘petite’ histoire de huit planches en réflexion sur la destinée…

Il y a plusieurs entrées dans l’univers Hellboy. Dont celle-ci, plus axée sur son ‘travail’ au sein du B.P.R.D. (le Bureau de Recherches et de Défense sur le Paranormal en français). Des aventures en général situées entre la fin de la deuxième guerre Mondiale – date à laquelle il a été adopté – et la période actuelle et plus particulièrement dans les années 50. Bon, dans l’absolu, on vous l’accorde, cela ne change pas grand-chose dans les faits : son créateur Mike Mignola est toujours à la manœuvre et signe encore les couvertures (pour attirer le chaland) et ce rejeton né de l’union d’un démon et d’une femme en est toujours le héros principal. Mais tout l’intérêt de ce troisième volume de la série ‘Hellboy & B.P.R.D.’ (à ne pas confondre ni avec les séries ‘Hellboy’ et ‘B.P.R.D.’ tout court attention !) tient en fait en ces huit dernières pages.

Pourtant, les deux premières histoires de ce volume qui en contient trois ne déméritent pas, loin de là. Surtout la première et la plus longue, signée par le dessinateur Stephen Green, avec ses nombreux clins d’œil au film ‘The Thing’ de John Carpenter sur lequel il s’est amusé avec Mignola à greffer des nazis jusqu’en-boutistes (souvenez-vous, nous sommes en 1954 !). Mais le meilleur est pour la fin.

© Delcourt / Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart

Après, peut-être ne sommes-nous pas foncièrement objectifs. Et encore, on reconnaît que le scénario de ce court épisode ‘Le Miroir’ est des plus simpliste et tient sur un timbre-poste. Oui, sauf que c’est le dernier grand prix d’Angoulême qui tient le crayon… Certes, Richard Corben, ancien collaborateur de ‘Metal Hurlant’, n’en est pas à sa première parade d’amour avec Hellboy. Et celle-ci est donc très courte et presque contemplative, le rejeton de l’Enfer se ‘contentant’ de se faire molester par des démons. Mais plus que jamais son trait sombre et mélancolique, cette faculté d’évocation et surtout cette ‘patte’ si particulière où l’on a impression de presque sentir les effluves de pourriture qui semblent sommeiller sous ses chacun de ses personnages donnent au tout une touche presque diaboliquement désespérée qui fait toute la différence.

Olivier Badin

Hellboy & B.P.R.D. 1954, par Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart, Delcourt, 15,95 euros

© Delcourt / Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart