21 Juil

Pages d’été. Le Signal de l’océan, un plaidoyer pour le respect de la nature signé Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Vous êtes allongé sur la plage ? Les cheveux dans les yeux et le nez dans le sable ? À vous répéter que c’est quand même beau la nature et que c’est doux le bruit de l’océan ? Ça tombe plutôt bien car l’album dont je vais vous parler ici traite justement de l’océan et des conséquences du réchauffement climatique. Loin de moi l’idée de vous gâcher ce doux moment et de vous culpabiliser, l’album ne répond pas à cette logique, il cherche juste à informer à travers une fiction plutôt sympa signée pour le scénario par Joub et Nicoby et pour le dessin par PR Saint-Dizier.

L’histoire commence en 1976 dans un petit village de la côte atlantique. Il aurait pu s’appeler Biscarosse ou Soulac, les auteurs l’ont finalement baptisé Malberosse, un village comme tant d’autres abandonnés à l’appétit féroce de quelques promoteurs immobiliers. Cette année-là est lancé un projet de complexe touristique les pieds dans l’eau. Bien évidemment, quelques années et tempêtes plus tard, ce complexe se retrouve effectivement les pieds dans l’eau, évacué, abandonné. La faute à l’océan ? La faute aux promoteurs et élus de tous bords qui n’ont pas tenu compte de la nature, du réchauffement climatique, du recul du trait de côte.

Vue imprenable qu’ils disaient ! Ça vous fait penser à l’histoire du Signal à Soulac, l’immeuble devenu le symbole d’un littoral grignoté par la mer ? Bingo, d’ailleurs, le titre de l’album y fait directement référence. Autour de cette histoire vraie, le Tarnais PR Saint-Dizier et les Bretons Nicoby et Joub ont imaginé une fiction qui met en scène les principaux acteurs du drame, les promoteurs, les élus, les – rares à l’époque – opposants et bien sûr les vacanciers pour qui l’érosion ne veut encore rien dire.

Je vous le disais plus haut, il n’est pas question dans ces quelques pages de nous culpabiliser, mais bien de nous sensibiliser à la chose avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, les plus pessimistes pensent qu’il est déjà trop tard. Publié avec le soutien du Conservatoire du littoral, Le Signal de l’océan interroge mais apporte aussi quelques réponses dans un dossier de quelques pages en fin d’ouvrage. Il évoque le changement climatique mais surtout le programme Adapto, « une démarche expérimentale de gestion souple du trait de côte ». Un album pour ne pas bronzer idiot !

Eric Guillaud

Le Signal de l’océan, de Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub. Vents d’Ouest. 15,50€

© Vents d’Ouest / Pierre-Roland Saint-Dizier, Nicoby et Joub

Du temps où la Guerre des Étoiles débarquait avec les croissants et le journal du matin

Quand la Guerre des Étoiles se dévorait quotidiennement dans les journaux par épisodes aussi brefs que bourrés d’action, coincés entre Snoopy et Erik le Viking…

À la fin des années 70, en France, on avait Jacques Faizant. Mais aux États-Unis, c’était plutôt Buck Rogers, Garfield, Dick Tracy et donc aussi, Star Wars. On a les icônes pop que l’on mérite non ? En même temps, dès le succès du premier volet de la saga au cinéma, Georges Lucas a énormément misé sur tous les à côtés et il ne pouvait donc pas se passer de ces véritables institutions outre-Atlantique qu’étaient les strips journaliers que l’on retrouvait dans tous les quotidiens américains. D’où la mise en route sur le marché de ces petites histoires indépendantes tronquées en mini-épisodes dès le mois de mars 1979 et dont les dix-huit premiers mois d’existence sont traduits en français et réunis pour la première fois aujourd’hui.

Censées se dérouler dans l’espace indéfini (c’est pratique) entre les films ‘La Guerre des Étoiles’ et ‘L’Empire Contre Attaque’ et présentées ici dans un format à l’italienne des plus agréables à lire, ces aventures font appel à tous les héros de la saga (Luke Skywalker, la Princesse Leia, Han Solo, Chewbacca etc.), soit en groupe soit pour des apartés en solo au ton bien particulier qui donnent justement son charme à l’exercice.

© Delcourt – Russ Manning

Car le format avait de nombreuses contraintes, et surtout celle de son découpage impitoyable : une bande (trois, quatre cases maximum) par jour, avec une pleine page (parfois en couleur) le week-end seulement. Dans ces conditions, difficile voire impossible d’apporter des nuances ou d’aborder des questions plus, disons, métaphysiques (d’où par exemple l’absence étonnante de la notion de ‘Force’) car il faut à tout prix maintenir l’attention du lecteur. En résulte un rythme très particulier car complètement hystérique et où chaque page se doit d’avoir soit sa poursuite de vaisseaux spatiaux, soit sa bataille à coups de pistolets laser (voire, si possible, les deux en même temps !).

© Delcourt – Russ Manning

Assez loin donc de la réappropriation des mythes universels que furent les films, ‘Star Wars’ devient donc ici une sorte de série B survitaminée où les méchants sont très méchants (Dark Vador fait quelques apparitions bien sûr) et les gentils très gentils. C’est donc assez naïf, très pop et ancré dans son époque (on est bien dans la toute fin des années 70) tout en profitant de la patte du dessinateur vétéran Russ Manning, responsable de la série ‘Tarzan’ dans la seconde moitié des années 60. Et ce n’est même pas réservé qu’à ceux qui croient qu’il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… Surtout que l’ajout du chiffre ‘1’ au bout du titre laisse suggérer de futurs tomes à venir.

 Olivier Badin

Star Wars – les strips quotidiens Volume 1, Russ Manning, Delcourt, 39,95€

Pages d’été. Dept. H : un thriller abyssal signé Matt et Sharlene Kindt

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Si vous souffrez de claustrophobie, passez votre chemin, Dept. H est un thriller en milieu hostile, un mystère à huis-clos par 9000 mètres de profondeur, de quoi vous couper le souffle pour l’éternité ou presque.

L’histoire ? Dept. H est le nom d’un laboratoire sous-marin conçu par le professeur Hardy pour étudier les fonds marins. C’est justement là que le professeur est retrouvé mort à la suite de ce qui ressemble à un accident. Mais sa fille, Mia, est persuadé qu’il s’agit d’un meurtre. Elle décide de se rendre dans la base pour enquêter. Sur place, Mia est accueillie par 7 personnes dont son propre frère. L’un d’eux est forcément l’assassin. Mais elle aura peu de temps pour résoudre le mystère, la base a été sabotée et sera inondée sous les 24 heures.

Cette série signée Matt Kindt a été publiée en 24 comics aux États-Unis, elle le sera en 4 volumes de ce côté-ci de l’Atlantique. Deux sont d’ores et déjà disponibles, les deux suivants le seront d’ici avril 2019. Au final, Dept. H offrira près de 700 pages d’un récit au suspense suffocant, une oeuvre singulière qui conforte Matt Kindt parmi les grands auteurs de la bande dessinée américaine. L’auteur de Super Spy, Du Sang sur les mains ou encore de L’histoire secrète du géant nous offre ici des atmosphères à découper au couteau, merveilleusement travaillées par les couleurs de Sharlene Kindt, la femme de l’auteur. C’est beau, c’est fort, c’est sous l’eau. Science-fiction, polar, espionnage, l’auteur y mêle les genres pour mieux nous surprendre. On respire un grand coup et on plonge dans l’aventure…

Eric Guillaud

Dept. H, de Matt et Sharlene Kindt. Futuropolis. 22€ le volume

12 Juil

Quand Hellboy rencontre Richard Corben, ça fait des étincelles !

La dernière entrée de la désormais volumineuse bibliographie de Hellboy s’offre une guest-star de 78 ans dont les traits talentueux réussissent à transformer une ‘petite’ histoire de huit planches en réflexion sur la destinée…

Il y a plusieurs entrées dans l’univers Hellboy. Dont celle-ci, plus axée sur son ‘travail’ au sein du B.P.R.D. (le Bureau de Recherches et de Défense sur le Paranormal en français). Des aventures en général situées entre la fin de la deuxième guerre Mondiale – date à laquelle il a été adopté – et la période actuelle et plus particulièrement dans les années 50. Bon, dans l’absolu, on vous l’accorde, cela ne change pas grand-chose dans les faits : son créateur Mike Mignola est toujours à la manœuvre et signe encore les couvertures (pour attirer le chaland) et ce rejeton né de l’union d’un démon et d’une femme en est toujours le héros principal. Mais tout l’intérêt de ce troisième volume de la série ‘Hellboy & B.P.R.D.’ (à ne pas confondre ni avec les séries ‘Hellboy’ et ‘B.P.R.D.’ tout court attention !) tient en fait en ces huit dernières pages.

Pourtant, les deux premières histoires de ce volume qui en contient trois ne déméritent pas, loin de là. Surtout la première et la plus longue, signée par le dessinateur Stephen Green, avec ses nombreux clins d’œil au film ‘The Thing’ de John Carpenter sur lequel il s’est amusé avec Mignola à greffer des nazis jusqu’en-boutistes (souvenez-vous, nous sommes en 1954 !). Mais le meilleur est pour la fin.

© Delcourt / Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart

Après, peut-être ne sommes-nous pas foncièrement objectifs. Et encore, on reconnaît que le scénario de ce court épisode ‘Le Miroir’ est des plus simpliste et tient sur un timbre-poste. Oui, sauf que c’est le dernier grand prix d’Angoulême qui tient le crayon… Certes, Richard Corben, ancien collaborateur de ‘Metal Hurlant’, n’en est pas à sa première parade d’amour avec Hellboy. Et celle-ci est donc très courte et presque contemplative, le rejeton de l’Enfer se ‘contentant’ de se faire molester par des démons. Mais plus que jamais son trait sombre et mélancolique, cette faculté d’évocation et surtout cette ‘patte’ si particulière où l’on a impression de presque sentir les effluves de pourriture qui semblent sommeiller sous ses chacun de ses personnages donnent au tout une touche presque diaboliquement désespérée qui fait toute la différence.

Olivier Badin

Hellboy & B.P.R.D. 1954, par Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart, Delcourt, 15,95 euros

© Delcourt / Mignola, Roberson, Corben, Green, Reynolds, Churilla et Stewart

11 Juil

L’Âge d’or : l’événement de la rentrée signé Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil

Après les remarquables albums Portugal et Les Equinoxes, le Nantais Cyril Pedrosa sera de retour à la rentrée avec le premier volet de L’Âge d’or, une fable politique au cœur du Moyen-Âge qu’il signe avec sa compagne Roxanne Moreil…

Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa © Chloe Vollmer-Lo

Le dossier de presse est à la mesure de l’album attendu pour le 7 septembre, colossal. Dix-huit pages de présentation et d’interviews côté papier, deux vidéos côté numérique, les éditions Dupuis ont mis le paquet. Il faut dire que le Nantais Cyril Pedrosa a depuis quelques temps le vent en poupe, notamment depuis la parution de ses livres Portugal en 2011 et Les Équinoxes en 2015 dont il a signé à la fois le scénario, le dessin et les couleurs.

Pour L’Âge d’or, Cyril Pedrosa s’est associé cette fois à Roxanne Moreil, sa compagne. Ensemble, ils ont écrit le scénario, une histoire de femme dans « un Moyen Âge de fantaisie, de fiction, qui ressemble à celui des contes de Perrault ou à celui de Johan et Pirlouit », nous explique Cyril Pedrosa.

Si l’histoire présente selon les auteurs tous les aspects d’une vraie aventure de bande dessinée avec « des rebondissements, des enjeux d’action, des cavalcades », elle est aussi l’occasion d’aborder des sujets plus politiques, notamment la place de l’utopie dans notre monde.

Côté dessin, c’est bien évidemment Cyril Pedrosa seul qui s’en est chargé avec une approche très particulière. « Je me suis inspiré des fresques et des tapisseries médiévales que j’ai cherché à réintroduire dans ces doubles pages. J’ai même pensé un temps pouvoir déplier des pages en accordéon comme dans un leporello ».

Après le dessin, la couleur. « La couleur, c’est toujours la bagarre. J’avais vraiment en tête la broderie et l’enluminure, c’est pourquoi j’ai utilisé au maximum des traits colorés qui viennent se détacher sur des fonds sombres. Techniquement, je travaille mes planches à l’encre noir et blanc, puis sur Photoshop je transpose les traits noirs en couleur.. »

L’Âge d’or sera disponible en librairie le 7 septembre prochain, on vous en reparle d’ici là.

Eric Guillaud

10 Juil

Manuel du Dad (presque) parfait : un one-shot signé Nob, bourré de conseils pratiques pour les jeunes papas

Vous adorez les aventures de Dad ? Alors vous adorerez ce hors-série, Manuel du Dad (presque) parfait, conçu par le même auteur, Nob, soucieux ici d’apporter son aide aux jeunes papas avec des conseils pratiques et des solutions à tous les petits soucis qu’un père de famille peut rencontrer au quotidien…

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il sait de quoi il cause le Dad. Avec quatre filles à la maison, oui oui, quatre filles et pas une mère à l’horizon, le quotidien de ce papa poule n’a pas toujours été de tout repos. Quatre albums en témoignent à ce jour aux éditions Dupuis, des aventures toujours pétillantes, drôles mais qui, en même temps, forcent l’admiration.

Alors, pourquoi ne pas se lancer dans des tutos comme on dit chez les Youtubeurs ? Des tutos à l’ancienne, sur papier, avec des gags 100% inédits en une ou deux planches. Aussitôt pensé, aussitôt fait § En 70 pages, Dad nous parle de l’autorité façon 21e siècle, de la corvée, pardon du bonheur d’aider les enfants à faire ses devoirs, des valeurs essentielles à inculquer, des rituels du coucher, des gros mots, des goûters d’anniversaire, de l’esprit de Noël… et de plein d’autres joyeusetés du quotidien. C’est bien vu et toujours aussi drôle. De quoi donner des envies de paternité à certains et d’en faire fuir quelques autres !

Eric Guillaud

Manuel du Dad (presque) parfait, de Nob. Dupuis. 10,95€

09 Juil

Tout beau tout chaud, le quatrième numéro des Cahiers de la BD est sorti !

Relancés en septembre 2017 par Vincent Bernière, notamment rédacteur en chef à Beaux-arts Magazine pour les hors série BD et éditeur freelance chez Delcourt, Les Cahiers de la BD semblent bien partis pour nous accompagner quelques années. Du moins, on ne peut que l’espérer. Le numéro 4 vient de sortir. 200 pages à croquer allongés sur le sable chaud…

Peut-on encore parler d’amour en BD ? Voilà bien une thématique qui devrait attirer l’œil et l’intérêt des férus de BD en cette période estivale. C’est en tout cas le titre du dossier principal de ce magazine tout juste sorti en kiosque et en librairie, la quatrième livraison des Cahiers de la BD nouvelle formule. Vous l’aurez compris, on y parle d’amour, et pas seulement d’amour à la plage, on y parle de sexe et de sa représentation – ou de sa non représentation – dans les BD d’hier et d’aujourd’hui.

On y parle aussi, coupe du monde oblige, du ballon rond dans la bande dessinée. On découvre l’excellent Fabcaro dans une interview fleuve, on se penche sur la couleur jaune, couleur de l’infamie, on découvre la bande dessinée arabe au delà des clichés, on s’instruit, on s’émerveille… et on se félicite du renouveau de ce magazine très complet avec parfois des angles d’attaque singuliers. 200 pages qui devraient occuper vos belles et longues journées d’été. Disponible en kiosque et en librairie au prix de 12,50€ avec deux couvertures différentes signées Greg-leon Guillemin. Cher mais essentiel et collector !

Eric Guillaud

Minivip & Supervip, Bozzetto et Panaccione nous embarquent pour une aventure fantastique et humoristique sur une Terre à bout de souffle

La Terre, dans un avenir plus ou moins proche. Pollution : 99,999 %. Autant dire qu’il ne reste plus grand chose à respirer. De quoi avoir des envies d’ailleurs. Pas pour tout le monde, une colonie d’extraterrestres a décidé de mettre la main sur notre planète. Il faut dire que chez eux, sur la lointaine Sparky, le taux d’humidité flirte avec les 400%…

Bon, autant vous le dire tout de suite, c’est un peu dingo comme histoire mais qui connaît un tant soit peu Grégory Panaccione ne devrait pas être étonné outre mesure. L’auteur de Toby mon ami, Âme perdue, Match, Un Océan d’amour ou encore de la série Chronosquad, s’associe ici avec Bruno Bozzetto pour nous offrir un récit fantastique inspiré du long métrage de ce dernier, Vip mon frère Superman, avec pour personnages centraux deux super-héros, Minivip et Supervip, censés protéger la veuve et l’orphelin des méchants en tout genre et accessoirement de préserver la Terre de potentiels envahisseurs.

Car oui, elle a beau être à bout de souffle notre planète avec ses six milliards d’automobiles et autant de pots d’échappement, elle intéresse encore – visiblement – une bande d’extra-terrestres qui loge pour le moment une planète encore plus hostile, Sparky, où le taux d’humidité avoisine les 400%.

Et la pollution me direz-vous ? Pas vraiment un souci pour nos amis venus d’ailleurs. En fait, cette pollution fait partie de leur plan d’invasion globale. Ils en sont même à l’origine en ayant soufflé il y a quelques décennies l’invention du moteur à explosion aux humains.

Eux, de leur côté, ont inventé le Va-et-Vient, un instrument beaucoup plus écologique qui permet de téléporter qui vous voulez ou vous voulez en une fraction de seconde. Nul besoin d’automobiles qui polluent et engorgent les villes, le Va-et-Vient pourrait bien être l’avenir de l’humanité. Totalement drôle mais pas que !

Eric Guillaud

Minivip & Supervip, de Bozzetto et Panaccione. Soleil productions. 27,95€

© Soleil Productions / Bozzetto et Panaccione

06 Juil

Arrêt de jeu : un thriller au pays du ballon rond signé Matz et Lemur

Lucas DiLucca a une coiffure de footballeur, une voiture de footballeur, un corps de footballeur… et ça tombe plutôt bien parce qu’il est footballeur, un très bon footballeur même qui émarge à 750 000 euros par mois. C’est énorme mais il pourrait encore avoir une augmentation substantielle dans un proche avenir pour service rendu…

Autant d’argent pourrait lui faire tourner la tête, le rendre haïssable mais non. En plus d’être riche, Lucas est plutôt pas mal physiquement, plutôt intelligent et plutôt sympathique. Ce qui l’intéresse avant tout, enfin juste après son fils, c’est sa carrière et pour ça il est prêt à pas mal de sacrifices. Pas d’alcool, pas de femmes, des soirées avec une escort-girl de temps en temps pour l’hygiène, des copains fidèles qu’il aide en toutes occasions… et une gagne sur le terrain qui attire le regard et pas seulement le regard des fanatiques du ballon rond. 

Partout où il y a de l’argent, il y a des gars louches et des plans louches. Il a beau le savoir et tout faire pour s’en préserver, Lucas DiLucca se retrouve pourtant embringué dans une sale affaire de match truqué. De quoi le mettre définitivement sur la touche en pleine gloire…

Quelle imagination ! Comme si les matchs de football pouvaient être truqués. Comme si les joueurs pouvaient être corrompus. Heureusement, il s’agit là d’une fiction, une fiction signée Matz pour le scénario et Lemur pour le dessin. On connaissait déjà le talent du premier, scénariste de l’excellente série policière Le Tueur, on découvre la gracieuse touche graphique du deuxième, un auteur espagnol qui réalise ici sa première bande dessinée. Au delà de l’histoire très bien ficelée et survitaminée, Arrêt de jeu nous explique mine de rien la mécanique très complexe de la corruption. Passionnant !

Eric Guillaud

Arrêt de jeu, de Matz et Lem. Casterman. 16,50€

03 Juil

Pas un jour sans soleil de François Ravard : une déclaration d’amour à la côte d’Émeraude dans les pas de Sempé

François Ravard est un Dinardais. Voilà, c’est dit ! L’auteur de ces quelques lignes étant lui-même originaire de cette belle petite station balnéaire d’Île-et-Vilaine, autant avouer qu’on partait avec un a priori des plus positifs et absolument pas objectif. Mais ce Breton d’adoption n’en avait même pas besoin…

Parce qu’à travers ces petites vignettes pleine page sans mouvement mais où chaque petit détail compte, les amoureux de la côte d’émeraude comme on l’appelle retrouveront immédiatement ce côté clair-obscur, toujours à deux doigts à la fois du soleil et de la pluie, et souvent quelque part entre les deux.

On pense bien sûr tout de suite à Sempé (référence d’ailleurs assumée par ce trentenaire originaire de la Normandie voisine) d’un point de vue pictural mais aussi pour l’humour pince sans rire qui croque, mais sans férocité, ses semblables. Mais avec une sensibilité qui lui est propre, peut-être plus solaire et moins empreinte de mélancolie. Réparties en quatre saisons, ces situations un peu ubuesques il les a sûrement observées de lui-même lors de sa promenade du matin, se contentant ensuite d’en accentuer les traits mais avec toujours beaucoup d’affection.

Le résultat ? Autant l’album s’amuse de nos petits travers qu’il est une déclaration d’amour à cette partie là de la Bretagne, sûrement la plus belle (n’est-ce pas ? C’est le Dinardais qui parle là). Une belle parenthèse comme on dit…

Olivier Badin

Pas un jour sans soleil, de François Ravard. Glénat. 15€

L’info en +. Deux expositions accompagnent la sortie de l’album, la première à la galerie Glénat à Paris, la seconde à la galerie Pouces-Pieds à Dinard. Vous pouvez également retrouver les dessins de l’auteur sur sa galerie virtuelle La Galerie d’Alfred.

© Glénat / Ravard