Après Sous un Ciel nouveau de Kei Fujii en 2018, Les Montagnes hallucinées de Gou Tanabe en 2019 ou encore Sengo de Sansuke Yamada en 2020, c’est au tour du magnifique diptyque Tomino la maudite de Suehiro Maruo de se voir décerner le Prix Asie de la Critique ACBD. Une oeuvre remarquable parue en français chez Casterman…
« Maruo mériterait d’être traduit. C’est une urgence », écrivait Moebius dans les pages du magazine (A suivre) en 1991 à l’occasion de la prépublication du récit L’Aspirant flûtiste. Depuis, les éditions Casterman et Le Lézard noir se sont chargés de faire connaître son oeuvre en France avec une quinzaine de récits publiés en albums ou en revue.
Trente ans plus tard, après plusieurs prix, notamment le Grand Prix de l’imaginaire en 2011, et deux nominations en sélection officielle au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, le mangaka se voit décerner le Prix Asie de la Critique ACBD 2021. Juste récompense pour une oeuvre forte, à l’esthétique singulière, riche d’influences japonaises et occidentales, notamment surréalistes. D’aucuns reconnaitront notamment dans son univers, savant dosage de fantastique et d’horreur, des références aux films Un Chien andalou de Luis Buñuel ou Freaks, La Monstrueuse parade de Tod Browning.
Dans Tomino la maudite, publié en deux beaux et gros volumes de 300 pages chacun chez Casterman, Suehiro Maruo nous transporte dans le Tokyo des années 30 pour nous raconter l’histoire de deux jumeaux, Shoyu et Miso, abandonnés par leur mère à leur plus jeune âge, adoptés par un foyer, vendus à une baraque foraine qui trimbale des monstres de villes en villes, et finalement séparés par la cupidité des hommes et précisément celle d’Herbert Wang, propriétaire de la baraque et père des jumeaux.
Pas facile de ressortir indemne de Tomino la maudite. Suehiro Maruo nous y brosse, avec son style si particulier, son trait si élégant et lisible, le portrait d’un monde brutal où l’innocence de la jeunesse ne peut résister. Certains pourront trouver le récit déroutant, voire dérangeant, il est surtout éblouissant et captivant. Un chef d’oeuvre !
Eric Guillaud
Tomino la maudite, de Suehiro Maruo. Casterman. 22€ le volume