01 Août

Pages d’été. il était cinq fois dans l’Ouest

Rien de tel q’un bon western pour s’évader le temps d’une chevauchée fantastique, d’une ruée vers l’or ou d’une poursuite infernale dans les Rocheuses. En voici cinq assez différents les uns des autres, avec des bons, des brutes et des truands…

On commence par Mauvaise réputation, un récit qui affiche sa singularité dès la couverture avec ce magnifique plan large de trois cavaliers vus de trois-quarts dos, noyés dans ce qu’on pourrait imaginer être une verte prairie. On est bien loin de l’imagerie habituelle des westerns dits classiques, plus proche d’un récit intimiste à l’approche psychologique. Et c’est le cas, Ozanam au scénario et Emmanuel Bazin au dessin nous racontent ici la véritable histoire d’Emmett Dalton, le plus jeunes de la fratrie, celui qui vivra le plus longtemps aussi, mort en 1937 après avoir écrit le livre When the Daltons Rode, adapté au cinéma par George Marshall avec Emmett dans son propre rôle. Absolument rien à voir avec les frères Dalton de Morris bien sûr, Mauvaise réputation est un récit réaliste basé sur l’histoire vraie de ces fameux hors-la-loi qui ne l’ont pas toujours été d’ailleurs. Tous ont été marshals avant de virer bandits. C’est sombre, brutal, un brin mélancolique et fataliste mais surtout magnifiquement mis en images par Emmanuel Bazin qui signe ici son premier livre. Une histoire d’hommes au coeur de la grande histoire, loin de la caricature ! (Mauvaise réputation, de Ozanam et Bazin. Glénat. 15,50€)

Il a le goût, l’odeur et la couleur d’un western mais n’en est pas vraiment un. L’histoire de ce récit publié aux éditions Delcourt, signé Thierry Cailleteau et Luc Brahy, nous embarque dans l’Amérique de la prohibition. Nous sommes en 1922 dans l’état de Virginie. Doyle Doohan, bootlegger, vient de se faire liquider par la mafia pour ne pas avoir accepté de vendre sa gnôle aux Italiens. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait, Julie Doohan, sa propre fille, interrompt ses études à l’université pour reprendre la petite affaire de son père et commence par rendre une petite visite de courtoisie aux Italiens, de quoi déclarer la guerre. Touche à tout, Thierry Cailleteau nous rappelle ici qu’il est l’un des grands scénaristes de la bande dessinée française avec une plume inimitable qui manie aussi bien l’action que l’humour. Un très bon scénario donc mais aussi un dessin qui a de la gueule, autant de gueule que la galerie de personnages qui traversent les deux volumes parus à ce jour. (Julie Doohan, 2 tomes parus, de Cailleteau et Brahy. Delcourt. 14,50€ le volume)

Vous avez aimé la série Chinaman d’Olivier Taduc et Serge Le Tendre ? Alors vous aimerez Le Réveil du tigre des mêmes auteurs, un one shot de 136 pages qui conclut la saga de très belle façon. Sorti au début de l’année dans la collection Aire Libre, ce récit s’offre un petit saut temporel de plusieurs années par rapport à la série mère pour nous entraîner dans les pas d’un Chinaman vieilli et drogué. Jusqu’au jour où son ami se fait descendre devant lui. Assoiffé de vengeance, il se lance à la recherche des assassins en suivant les Pinkertons, fameuse agence de détectives privés dans laquelle vient d’être recrutée Matt Monroe, un jeune métis qui se révèlera être le propre fils de Chinaman. Voulu comme un album de renaissance, de rédemption par les auteurs, Le Réveil du tigre est avant tout un magnifique récit dans une Amérique violente et raciste qui après la ruée vers l’or se lance dans une ruée vers l’or noir. Beau et sombre à la fois ! (Le Réveil du tigre, de Taduc et Le tendre. Dupuis. 28,95€)

Seulement huit petits mois auront été nécessaires pour tenir entre nos mains la suite de cette aventure qui nous emmène dans les Rocheuses en compagnie d’une légende de l’Ouest, Jeremiah Johnson. On avait dit tout le bien qu’on pensait du premier tome à l’époque de sa sortie, on ne fera que se répéter ici, le dessin du Brésilien Jack Jadson est splendide, racé, les couleurs de Nuria Sayago, sobres et efficaces, quant au scénario de Fred Duval et Jean-Pierre Pécau, il est la libre adaptation réussie du livre de Raymond W. Thorp et de Robert Bunker Jeremiah Johnson Le mangeur de foie, qui a lui-même servi à l’écriture du scénario du fameux film de de Sydney Pollack sorti en 1972. C’est aussi à la base une histoire vraie, celle d’un trappeur qui pour venger la mort de sa femme enceinte, une Amérindienne de la tribu des Têtes-Plates, scalpa plusieurs dizaines de Crows avant de, selon la légende, manger leur foie. (Jeremiah Johnson tome 2, de Duval, Pécau et Jadson. Soleil. 14,95€)

On garde les deux scénaristes, Fred Duval et Jean-Pierre Pécau, on change de dessinateur, passant du Brésilien Jack Jadson au Néo-Zélandais Colin Wilson, et on obtient une autre aventure dans un grand Ouest gagné par la fièvre de l’or noir et du cinéma. C’est Nevada, troisième volet de la série. Tout commence sur un plateau de tournage, un saloon pour décor, des cowboys à la gâchette facile pour figurants, un shérif dans le rôle principal qui s’écroule pour de vrai, victime d’une crise cardiaque. Pour le remplacer, une seule solution, un certain Mac Nabb, addicte à l’alcool, au jeu et à la drogue. Celui-ci accepte de reprendre le rôle au pied levé à une condition : rejoindre le lieu du tournage à cheval et passer une nuit avec les indiens navajos histoire dit-il de s’imprégner du vieil ouest. Pour l’escorter, un homme, Nevada Marquez… Un bon scénario, un bon dessin réaliste, une bonne série. (Nevada tome 3, de Duval, Pécau et Wilson. Delcourt. 14,95€)

Eric Guillaud