07 Juil

Pages d’été. Le Spectateur : quand le héros prend la place du lecteur, ou l’inverse, un roman graphique de Théo Grosjean

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et éventuellement rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Vous ne verrez pas le personnage principal de ce récit. Ou presque pas. Ses mains, ses pieds, parfois, son visage dans le reflet d’un miroir. Et c’est tout. Ce que vous verrez, c’est le reste, tout ce qui se passe autour de lui, tous les gens qui gravitent à un moment ou à un autre dans son environnement, son père, sa mère qui se fait écraser sous ses yeux, ses camarades d’école, sa première conquête, un braqueur qui lui tire dessus…

On ne le voit pas parce qu’il est comme nous, spectateur de sa vie. Samuel, c’est son prénom, est muet, et peut-être comme le pensent ses parents, autiste, enfin tout prête à le croire. Jamais un mot, jamais un cri, pas une once d’implication dans sa vie. Il devient même un artiste de grande renommée sans le vouloir. On l’adule, on l’invite sur les plateaux des meilleurs talk-shows à la télévision mais rien ne change, Samuel reste une ombre dans le paysage…

© Soleil / Grosjean

Avec cet album sorti en avril dernier, radicalement différent dans le propos et le dessin de ses albums précédents, Un Gentil orc sauvage et L’Homme le plus flippé du monde, Théo Grosjean nous interroge sur la vie et ce qu’on en fait, en plaçant chacun de nous, lecteur, à la place de Samuel. Nous sommes dans son corps, dans son esprit, nous voyons défiler sa vie qui pourrait être la nôtre, un récit sombre, une expérience narrative qui ne devrait laisser personne indifférent.

Eric Guillaud

Le Spectateur, de Théo Grosjean. Soleil. 18,95€