Là où se termine la terre est une histoire vécue, celle de Pedro Atias, celle aussi d’un pays, son pays, le Chili, et plus largement du monde, notre monde…
Transmettre. C’est ce qui anime depuis toujours Désirée et Alain Frappier, les auteurs de cet album paru chez Steinkis en janvier. Transmettre la grande histoire du monde en la mêlant à l’histoire intime, celle des hommes, en l’occurence ici celle de Pedro Atias.
En 1948, quand débute ce récit, Pedro Atias n’est qu’un enfant en culotte courte, un enfant qui admire son père, Guillermo Atias, écrivain. Pedro est alors scolarisé à l’Alliance française et apprend « nos ancêtres gaulois », quasiment rien sur son pays, le Chili.
Mais peu importe, l’essentiel pour son père, un intellectuel de gauche, est d’inscrire ses enfants à l’Alliance Française, une école réputée pour la qualité de son enseignement.
« La France jouissait alors d’une image exceptionnelle en Amérique latine. Tout le monde aimait la France… »
Aujourd’hui, Pedro l’exilé vit en France. Mais ses souvenirs le ramène perpétuellement au Chili. Des souvenirs d’enfant, main dans la main avec son père face à la mer, puis des souvenirs d’adolescent qui s’éveille au monde, en découvre le côté lumineux, la coupe du monde de football de 1962, le cinéma, la littérature, et son côté obscur, l’assassinat de Kennedy, la guerre du Vietnam, la guerre froide…
Et puis il y a les souvenirs plus douloureux encore, le coup d’état militaire en septembre 1973, la mort de Salvador Allende, la dictature de Pinochet, la répression contre la gauche chilienne, les tortures, les déportations, les exécutions et disparitions de plusieurs milliers de personnes… et enfin, pour lui, l’exil.
Plus fort qu’un récit documentaire, plus fort qu’un récit historique, Là où se termine la terre nous plonge dans le passé chilien entre 1948 et les années 70. « Depuis longtemps, avec Alain, nous souhaitions raconter une histoire qui se déroule en Amérique latine, en Argentine ou au Chili… », explique Désirée Frappier, « Mais cela nous semblait impossible sans l’aide d’un fil conducteur sensible, capable de nous mener dans les méandres d’une histoire excessivement complexe tout en nous maintenant toujours dans la fragilité de l’intime et du particulier ».
Un récit dense et documenté, au ton souvent nostalgique et grave, emmené par un graphisme et une mise en page d’une très belle sobriété, qui ‘n’est pas sans rappeler le travail d’Emmanuel Guibert (La guerre d’Alan). Passionnant !
Eric Guilaud
Là où se termine la terre, de Désirée et Alain Frappier. Éditions Steinkis. 20€