Il y a des héritages qui ne sont pas toujours faciles à assumer. Olivia est petite-fille de pieds-noirs, rien de grave me direz-vous, mais l’image que lui ont renvoyé ses camarades de fac – celle de colons exploiteurs – ne l’a pas vraiment aidé sur ce point.
Mais que sait-elle au juste de ce passé familial ? De cette vie d’agriculteurs dans les Aurès, de réfugiés à Alger et finalement de déracinés à Marseille ? Trois fois rien. Il y a bien eu ces réunions de famille où chacun se noyait en fin de repas dans des souvenirs parfois heureux, plus souvent douloureux. Il y a eu aussi ces albums photos qu’elle consultait enfant, ces noms de village, Bernelle et Corneille, qui revenaient sans arrêt dans les conversations…
Et puis, il y a eu cette grand-mère qui aimait raconter sa vie en Algérie, le travail acharné de son mari pour défricher les terres, le froid l’hiver, la chaleur l’été, les nuages de sauterelles et puis bien sûr la guerre, l’incendie de la ferme, le départ pour Alger, l’exil…
En mourant, la grand-mère a laissé un dossier à Olivia avec tous ses souvenirs. C’est peut-être ce qui a décidé la jeune femme à se lancer dix ans plus tard sur les traces de sa famille en Algérie avec l’ambition d’y retrouver un village, une maison, une rue, une tombe, un coin de photo, une atmosphère, une odeur qui lui parlent de ses origines, de ses racines.
Un titre qui se lit forcément avec l’accent, une couverture qui respire le soleil, L’Algérie c’est beau comme l’Amérique raconte avec simplicité et sensibilité ce voyage au bout de l’intime. L’Algérie, c’est un peu l’Amérique d’Olivia, un pays mille fois imaginé, rêvé, fantasmé. Alors bien sûr on pouvait s’attendre à ce qu’elle aille jusqu’au bout et signe le dessin. Mais c’est un autre qui le fait à sa place. Son nom : Mahi Grand, artiste complet, peintre, sculpteur, décorateur. Et bien qu’il ne connaisse pas spécialement l’Algérie, Mahi Grand s’en sort à merveille, son trait est élégant, ses mises en scènes, particulièrement efficaces. « Le fait qu’il n’ait pas de connexion particulière avec l’Algérie… », précise Olivia Burton, » ni aucun affect pied-noir m’a paru moins un obstacle qu’un atout, il allait pouvoir ainsi poser un filtre sur mes éventuelles errances « .
Et ça fonctionne, le roman graphique d’Olivia Burton et Mahi Grand nous transporte littéralement de l’autre côté de la Méditerranée à la découverte de ce pays à la fois si proche et si lointain. Une belle idée !
Eric Guillaud
L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique, d’Olivia Burton et Mahi Grand. Editions Steinkis. 20 € (en librairie le 21 janvier)