« La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés ». Cette phrase ne date pas de l’après-guerre mais de 2016, du 29 octobre dernier pour être précis, une phrase extraite du discours de François Hollande sur le site même de l’ancien camp d’internement de Tsiganes de Montreuil-Bellay dans le Maine-et-loire. Il aura donc fallu 70 ans après la libération des derniers tsiganes internés pour que la France reconnaisse enfin leurs souffrances.
Le camp de Montreuil-Bellay n’était pas le seul, il y en avait une trentaine en tout, mais il était le plus grand de France. Plus de 6500 hommes, femmes et enfants y ont été internés « pour le seul motif d’avoir été identifiés comme tsiganes par les autorités allemandes et françaises », précise l’archiviste-historienne Marie-Christine Hubert dans un dossier complet accompagnant l’album.
« On est pas des étrangers, ch’uis français comme toi, plus que toit p’têt ! », lâche un Tsigane au policier venu l’arrêter. Dans cet album en noir et blanc, au trait charbonneux et expressif, Kkrist Mirror raconte le quotidien de ces Tsiganes, la faim, le froid, les humiliations, la mort parfois. Il raconte aussi avec cette grande connaissance qu’il a de ces populations leur obstination à préserver leur identité et leur dignité. Et conserver l’espoir ! L’espoirs d’une libération qui n’interviendra finalement pas en 1945, comme on aurait pu s’y attendre, mais en 1946, quasiment un an après la fin de la guerre. Sous l’occupation comme à la Libération, les Tsiganes étaient encore considérés comme un danger pour la défense nationale et la sécurité publique !
Et ces scènes incroyables que Kkrist Mirror met en images dans sons livre, des collaborateurs et des soldats de l’armée allemande internés aux côtés des Tsiganes à la fin de la guerre.
Préfacé par Serge Klarsfeld, l’album de Kkrist Mirror est non seulement « exemplaire » comme l’écrit l’avocat et président des fils et des filles des déportés juifs de France, mais il est essentiel pour la mémoire collective, pour ce passé qu’on aurait aimé ne jamais voir et qu’on doit aujourd’hui assumer.
Eric Guillaud
Tsiganes, une mémoire française 1940 -1946, de Kkrist Mirror. Éditions Steinkis. 17€