27 Juin

Les Gens du bureau ? Mieux vaut en rire, c’est le parti pris de Yann Rambaud dans cet album paru chez Vraoum!

album-cover-large-33463Vous les connaissez forcément, vous les côtoyez tous les jours, vous les détestez souvent, ce sont les gens du bureau…

Oui oui, ceux qui savent toujours mieux que les autres, ceux qui vous demandent comment vous allez sans attendre la réponse, ceux qui font du zèle en espérant être élu employé du mois. Tous plus insupportables les uns que les autres !

Je sais, ce n’est pas très sympathique de vous rappeler à votre souvenir tous ces gens alors que vous êtes certainement chez vous, bien au chaud, tranquilles entre amis ou en famille. Mais ils existent et continuent d’exister même quand vous ne les voyez pas. Ils en profitent même pour évoquer avec d’autres gens du bureau votre incompétence notoire, votre alcoolisme mondain, vos déviances sexuelles et peut-être même votre situation irrégulière ou votre position illégitime dans l’entreprise.

Alors forcément, il y a quelques accidents, un employé qui se pend, un autre qui s’immole. Mais c’est presque rentré dans la norme, dans l’acceptable. Le travail tue et avant ça, il rend fou !

Heureusement, certains ont réponse à tout. « C’était quoi déjà ta solution contre le harcèlement sexuel ? ». Réponse : « Bah, tu fais comme moi : change de sexe. Ça marche direct! ».

Un livre à acheter avant d’être licencié ou placardisé ! On y parle de tout et de rien, du harcèlement, du stagiaire, du N + 1, de la machine à café, de ceux qui ne viennent pas travailler en trottinette… le tout avec un humour noir grinçant mais jubilatoire. À lire si possible sur votre temps de travail entre deux micro-siestes !

Eric Guillaud

Les Gens du bureau, de Yann Rambaud. Éditions Vraoum! 12€

31 Mai

DC Univers Rebirth : on prend les mêmes et on recommence… ou presque !

REBIRTHBonne façon de rebondir sur la plan scénaristique pour certains, arnaque récurrente pour d’autres… Le ‘rebirth’ (ou ‘renaissance’ en bon Français) est un procédé désormais bien rodé de l’industrie des comics. Cette fois-ci, c’est DC (Batman, Superman, Wonder Woman etc.) qui s’y colle…

En langage cinématographique, on appellerait cela un « reboot », un nouveau départ en quelque sorte. Ou alors une sorte de remise à plat de tout ce que vous croyiez comme acquis. Et même si les éditeurs aiment bien alors se cacher derrière un soi-disant souci pédagogique, genre « comme ça on peut remettre les pendules à l’heure et accueillir les néophytes », ce genre d’opération, de construction/destruction, tient parfois à la limite du blasphème, tant tout est mis à bas. Et dans ces cas-là, aucune idole n’est épargnée. Même l’homme de Krypton lui-même qui, ici, est passé à trépas, laissant sa place à son double venu d’une dimension parallèle…

Vous vous sentez perdu ? Ce n’est que le début… Car même si ce copieux volume (près de 600 pages !) a l’intelligence de se découper en vingt-trois histoires, chacune étant consacrée à un personnage ou à une équipe (comme la Justice League ou Suicide Squad) bien précis, il est facile de se perdre dans ce labyrinthe scénaristique assez emberlificoté. Le point de départ de cette remise en cause ? Un super-héros justement, Flash, qui, en remontant le temps pour sauver sa mère assassinée, a perturbé sans le savoir l’espace-temps, entraînant ainsi toute une série de changements remettant complètement en cause un paquet de certitudes, comme Batman découvrant par exemple qu’en fait il n’y a pas un mais trois Joker ou Lex Luthor prenant la place de Superman dans la Justice League.

DC Universe Rebirth

DC Univers Rebirth

En fait, ce Rebirth est pratiquement un univers à part entière, avec ses séries propres et indépendantes où les cartes ont été redistribuées à tout va, ces vingt-trois chapitres étant autant de points de départ de nouvelles sagas.

Ce tour de passe-passe peut paraître assez fumeux, surtout comme tout prologue, le ton y est assez bavard et pas forcément bourré d’action tonitruante. Mais bien servi par une belle brochette de jeunes loups aux dents longues (dont Geoff Johns, ancien scénariste du film ‘Blade’ avec Wesley Snipes et vedette de chez DC), même si ici on reste dans les thématiques propres aux comics (sauver l’univers, tout bousiller sur son passage, des monstres à tout va etc.), le ton y est étonnement adulte et sérieux, loin, très loin de l’esprit manichéen des pionniers. Ici, les héros doutent de tout et surtout d’eux-mêmes, du bien fait de leurs actions ou encore si cette foutue planète mérite vraiment qu’on se batte pour elle.

Olivier Badin

DC Univers Rebirth, Urban Comics, 35 euros

DC Univers Rebirth

DC Univers Rebirth

22 Mai

Les Gardiens de la Galaxie : stars de ciné mais pas que…

Capture d’écran 2017-05-22 à 12.43.35Hollywood peut dire merci aux super-héros. Mais le contraire est aussi valable car, grâce au cinéma, certains personnages du neuvième art jusqu’alors moins connus y ont gagné une notoriété redonnant une second jeunesse à leurs œuvres. Comme cette bande bigarrée de mercenaires de l’espace…

Ce n’est pas pour rien qu’à l’excellente exposition actuellement consacrée aux personnages de DC Comics au Musée des Arts Ludiques à Paris les éléments des différentes adaptations cinématographiques de Batman, Superman ou des Avengers prennent désormais autant de place que les planches de BD originales. Après tout, si il y a encore trente ans les futurs fans découvraient comment les Quatre Fantastiques avaient acquis leurs pouvoirs ou les tourments de Matt Murdock alias Daredevil dans les pages de Strange ou Spidey, aujourd’hui c’est le cinéma qui est la nouvelle porte d’entrée toute désignée dans le monde des comics. Il suffit d’ailleurs de voir l’avalanche de films – plus ou moins réussis d’ailleurs – depuis une décennie…marvel2in1_00fc

Reste qu’au milieu de tout ça, Les Gardiens de la Galaxie font un peu figure d’exception. Pourquoi ? Parce que c’est le seul cas, pour l’instant, de héros dit ‘mineurs’ dont le succès au 7e art a dépassé largement leur notoriété sur papier. Pour dire, à l’instar de la Suicide Squad, ce rassemblement hétéroclite de héros venus des quatre coins de l’univers avec chacun leurs fêlures et leur personnalité hors normes était virtuellement inconnu en France jusqu’au carton surprise du film qui leur été consacré en 2014 (plus de deux millions d’entrées) et dont la suite est – déjà – sur les écrans depuis le 26 Avril dernier. D’où l’intérêt de ce recueil qui permet de faire un (petit) tour de la question.

guardians1969Bien sûr, ce volumineux tome (320 pages !) est loin d’être le premier édité en France sous leur seul nom mais il reste une belle porte d’entrée, même si la démarche a aussi ses limites. En gros, on y retrouve seize histoires, parues initialement entre 1960 et 2014, chacune sensée illustrer une de leur facette, soit en revenant aux origines, soit en se focalisant sur certains épisodes clefs de leur histoire. Or même si on retrouve quelques grands noms (notamment le mythique dessinateur Jack Kirby, qui signe leur toute première apparition, Sal Buscema ou encore Mike Mignola), la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, certaines apparaissant clairement ici avant tout pour des raisons historiques.

Et puis on passe d’un épisode très baston pif-paf-pouf à quelque chose de beaucoup plus introspectif sans crier gare, sans que les liens soient toujours très évidents. Mais il y a malgré tout un vrai souci de pédagogie (chaque histoire est précédé d’un rappel historique et sur ses auteurs) et surtout, même si on est à la limite de la surcharge pondérale, alors que les deux films misent avant tout sur l’action à tout va et le second degré, Nous Sommes Les Gardiens de la Galaxie permettent de mesurer l’incroyable richesse et la diversité de la série et comment elle est beaucoup plus profonde qu’elle ne paraît, ce pavé se révélant être bien plus qu’un simple complément de leur avatar cinématographique.

Olivier Badin

Nous Sommes les Gardiens de la Galaxie, Panini Comics / Marvel, 22 euros

21 Mai

Hibakusha : un récit romanesque envoûtant signé Cinna et Barboni chez Dupuis

9Fk0dx1pKktjOZZuLOUmkX6yS09g4WO3-couv-1200Ludwig Mueller n’est pas un nazi, ce n’est pas non plus un opposant, c’est un Allemand qui se fond dans la masse volontairement. Ne pas déranger l’ordre établi est sa priorité, presque sa devise…

« Je suis juste un homme qui exerce son métier du mieux qu’il peut », dit-il – peut-être – pour se rassurer. Ludwig Mueller n’est pas nazi, certes, mais il travaille pour le régime comme traducteur-interprète japonais. Et son dossier est excellent, « Le parfait aryen digne de confiance » disent de lui ses supérieurs. Alors, pour la deuxième fois, le régime l’envoie au Japon pour traduire des documents hautement confidentiels qu’il croira longtemps porter sur la purification de l’eau et la prévention des épidémies. Qu’il croira ou qu’il fera mine de croire ! Mais peu importe, partir à l’autre bout du monde, loin de sa femme et de son fils, n’est pas pour lui déplaire. La vie de famille ne l’a jamais intéressé, pas plus que les amours fades sans passion. Début 1945, Ludwig Mueller s’installe à Hiroshima où il rencontre une très belle Japonaise dont il tombe éperdument amoureux. Un amour qui a pour elle et lui un goût d’éternité. Mais l’Allemagne capitule et les États-Unis lâchent leurs bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki…

Direction le pays du Soleil levant pour cette très belle histoire d’amour inspirée de la nouvelle Hiroshima, fin de transmission de Thilde Barboni. C’est l’auteure elle-même qui signe l’adaptation du scénario et Olivier Cinna qui en assure la mise en images. Un travail de toute beauté, remarquable. Mais cette bande dessinée n’est pas simplement belle, elle a aussi l’intelligence d’aborder l’histoire avec un grand H sous un angle singulier, celui d’un Allemand (c’est encore assez rare!), qui plus-est en mission au Japon, et de nous interroger sur ce que nous, les hommes, pouvons laisser comme traces de notre passage sur cette planète. Hibakusha évoque aussi, bien sûr, la dévastation d’Hiroshima avec là aussi un angle singulier que nous ne dévoilerons pas ici afin de préserver le suspense. Le mot japonais Hibakusha, titre de l’album, désigne les survivants aux bombardements atomiques. Une fiction ancrée dans notre histoire, envoûtante et étonnante !

Eric Guillaud

Hibakusha, de Cinna et Barboni. Éditions Dupuis. 16,50€

© Dupuis / Cinna & Barboni

© Dupuis / Cinna & Barboni

20 Mai

Trump de A à Z, un abécédaire pour tout savoir du président des États-Unis

9782203149571A comme Anti système, B comme Bernie Sanders l’anti-Trump, C comme Climatoscepticisme, D comme Démagogue, E comme Enfance…

Et on pourrait continuer longtemps comme ça. Sur 96 pages, Hervé Bourhis, entouré d’une bonne trentaine d’auteurs BD parmi lesquels Hervé Tanquerelle, Hugues Micol, Terreur Graphique, Marion Montaigne ou encore Brüno, fait le tour de l’homme, de ses excès, de ses contradictions, de sa violence verbale, de sa bêtise vendu en paquet familial à une Amérique encore sur les fesses – en partie bien sûr – d’avoir pu mettre un tel personnage à la tête du pays.

Faut-il parler de Trump ou l’oublier ? Maintenant que nous avons de notre côté échappé au pire, on peut à nouveau et sereinement se pencher sur ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique. Et pour se remettre dans le bain, ce petit bouquin arrive à point nommé. Au delà des dessins parfois drôles, toujours pertinents, Hervé Bourhis dresse en une série de petits textes très courts le portrait du bonhomme et des gens qui gravitent autour de lui. Il nous rappelle sa vision de l’Europe, de l’éducation, de l’immigration, des médias, des femmes, des pauvres, du monde… et forcément ça fait peur !

Eric Guillaud

Trump de A  à Z, de Bourhis et collectif. Éditions Casterman. 8,95€ (en librairie le 24 mai)

© Casterman / Bourhis et collectif

© Casterman / Bourhis et collectif

10 Mai

Akira : le tome 2 enfin disponible !

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Onze mois. Il aura fallu patienter onze mois pour pouvoir tenir entre nos petites mains fébriles le deuxième tome de la réédition en noir et blanc du cultissime Akira de Katsuhiro Otomo. Un problème technique serait à l’origine de ce retard à l’allumage…

Je vous épargne le détail de ces problèmes techniques, l’important est de pouvoir enfin lire la suite de ce monument du manga, même si bien évidemment on connaît tous déjà l’histoire par coeur.

hormis de légers détails, ce deuxième volume est en tout point identique au premier. Exit la couleur, retour au noir et blanc, nouvelle traduction, onomatopées sous-titrées, jaquette originale et surtout, surtout, sens de lecture initial respecté pour une édition que l’on dit définitive, pilotée par le patron himself, Otomo, depuis le Japon.

Bref, vous pouvez éteindre la télé et reprendre votre activité normale de lecture. La suite ? L’éditeur nous assure qu’il ne faudra pas attendre autant de temps pour le troisième volume. On l’espère !

Eric Guillaud

Akira (tome 2), de Katsuhiro Otomo. Editions Glénat. 14,95€

17 Avr

Les aventures du héros de Peyo, Benoît Brisefer, en intégrale au Lombard

1507-1Un super-héros qui perd ses supers-pouvoirs au moindre rhume, il n’y avait qu’un Belge pour imaginer un personnage de la sorte. Et quel Belge ! Benoît Brisefer est né sous la plume et le pinceau de Peyo, le célèbre papa des Schtroumpfs.

Alors même que ses fameux Schtroumpfs prennent leur envol dans le journal Spirou avec leur propre série, que le succès de Johan et Pirlouit ne se dément pas, Peyo s’attelle aux aventures d’un nouvel héros baptisé Benoît Brisefer, haut comme trois pommes, un béret noir sur la tête, une veste rouge sur le dos, une écharpe bleue autour du cou et une force herculéenne qui lui permet de venir en aide à la veuve et l’orphelin, aux autres aussi. Enfin quand il n’est pas enrhumé !

Les Taxis rouges, aventure publiée dans le journal Spirou en 1960 et en album en 1962 est la première aventure de ce petit garçon qui joue aux billes le matin et aide la police à arrêter les brigands l’après-midi. Elle partage le sommaire de cette première intégrale parue au Lombard avec Madame Adolphine, Les douze travaux de Benoît Brisefer et un dossier de 32 pages. Le spécialiste Patrick Gaumer y retrace les premiers pas de Peyo dans le cinéma d’animation, la publicité puis la bande dessinée, l’apparition des Schtroumpfs dans la série Johan et Pirlouit, la création de Benoît Brisefer… tout ça en s’appuyant sur nombre de photographies, recherches graphiques, illustrations inédites… De quoi bien profiter du formidable trait de Peyo mais aussi de celui de Will qui signe les décors des deux premières aventures.

Eric Guillaud

Benoît Brisefer (intégrale tome 1), de Peyo, Delporte, Will et Walthéry. Éditions Le Lombard. 25,50€

08 Avr

Et il foula la terre avec légèreté : un plaidoyer pour la planète signé Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau

790470_01A l’image du titre, cet album de Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau est un concentré de poésie, un plaidoyer pour notre planète mise à mal par l’exploitation souvent abusive de ses ressources…

Et il foula la terre avec légèreté n’est pas une nouveauté du mois mais j’ose espérer que la durée de vie d’un livre, surtout tel que celui-ci, ne se compte pas dorénavant en une poignée de semaines. L’histoire est très simple. Ethan travaille pour un groupe pétrolier. Il est ingénieur forage mais ne s’est jusqu’ici jamais déplacé sur le terrain. C’est de son bureau à la Défense qu’il prenait les décisions. C’est donc un première pour lui. Son entreprise l’envoie en Norvège où on vient de découvrir du pétrole. Avant même que l’accord d’exploitation soit accordé, Ethan doit accompagner les premiers physiciens et géologues partis en reconnaissance.

Ethan débarque donc en Norvège, plus exactement à Svolvaer, dans l’archipel des Lofoten, au nord du pays. Un nouvel environnement avec lequel le jeune homme va devoir se familiariser. Il y parvient en allant à la rencontre de ses habitants, des pêcheurs ou familles de pêcheurs pour l’essentiel. Il découvre les hommes mais aussi la nature, omniprésente, immense, sauvage, miraculeusement préservée. Mais pour combien de temps encore ? « Je ne m’attendais pas à autant de richesse », confie-t-il à son épouse restée en France. Impossible de rester impassible devant le spectacle des aurores boréales. Et même s’il se dit encore passionné par son métier, par la recherche scientifique, les avancées technologiques, le progrès… ce voyage commence à mettre à mal certaines de ses convictions.

Il sait au fond de lui même que malgré les mesures de sécurité prises, une marée noire n’est pas impossible. Entre les impératifs de son travail et ses convictions écologiques, Ethan tente de se frayer un chemin au milieu d’un décor splendide, magnifiquement retranscrit par le trait épais de Laurent Bonneau. Une très belle réflexion sur nos choix de vie, sur l’écologie, l’homme… Une oeuvre belle et intelligente à la fois !

Eric Guillaud

Et il foula la terre avec légèreté, de Mathilde Ramadier et Laurent Bonneau. Éditions Futuropolis. 27€

© Futuropolis / Ramadier & Bonneau

© Futuropolis / Ramadier & Bonneau