Plongée dans le monde des gangs latinos et de l’univers carcéral pour le créateur de Doggybags, plus désespéré que jamais et en même temps, nouvelle baffe graphique au rythme frénétique.
Tout est parti d’un constat, aussi véridique qu’effrayant : aux Etats-Unis, un mineur peut-être jugé comme un adulte et condamné à la prison à vie. Marqué par la vision d’un documentaire de 2011 consacré à un fait divers sordide (un gamin de douze ans inculpé pour le meurtre de son petit frère), le chef d’orchestre de Doggybags s’est lancé en compagnie de Neyef, avec lequel il signe les dessins, dans cette nouvelle série où l’on retrouve pas mal de ses thèmes récurrents comme la prédestination sociale, la propension irrésistible de l’être humain à céder à la violence ou encore la faillite du système.
Présenté comme un ‘spin off’ de Muthafukaz, la série phare de label 619, dont il reprend certaines des références (la culture mexicaine, le hip-hop), tout est centré ici autour d’un seul et même personnage, Jésus que l’on suit donc tout le long de sa vie depuis ses douze ans, âge auquel il se retrouve en prison et où il doit apprendre à survivre au milieu des différents gangs ethniques, des matons corrompus et des trafics en tout genre.
Forcément, impossible de ne pas penser à la série américaine du début des années 2000 Oz sur les deux premiers volumes (sur six à paraître) qui se passent derrière les barreaux. Comme elle, Puta Madre est sans fard, ni happy end. Les faibles finissent mal, les salauds raflent la mise et les autres font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir. En gros, si Jésus finit assez rapidement par franchir le Rubicon, ce n’est parce qu’il est foncièrement mauvais, c’est parce qu’il n’avait juste pas le choix. « J’étais entré en prison comme un agneau / J’en sortais comme un loup »
Une fois dehors à partir du troisième album, il a beau tenter de reprendre le cours d’une vie (à peu près) normale, très rapidement il est rattrapé par son destin. Et la violence, encore et toujours.
Désespéré ? Sûrement. Mais aussi très documenté et véritable road trip dans une Californie du sud désertée et laissée aux mains des laissés pour compte du rêve américain qui s’entredéchirent entre eux pour survivre. Comme Abel et Caïn, modèle revendiqué de Jésus…
Oliver Badin
Puta Madre, volumes 1 à 3 de Run et Neyef, Label 619, 3,90 euros