10 Avr

L’auteur de bande dessinée Richard Peyzaret dit F’murrr est décédé

Le Génie des Alpages, c’est lui ! F’murrr a débuté cette série dans les pages du journal Pilote en 1973 et l’a poursuivie directement en album chez Dargaud à la disparition du magazine. Il y mettait en scène un berger, Athanase, une bergère, Naphtalène, un bélier, Romuald, et un troupeau de brebis intellos dont vous pourrez trouver tous les noms ici.

© Rita Scaglia / Dargaud

Bien sûr, F’murrr c’est aussi Jehanne d’Arc créé pour Métal Hurlant, Robin des Boîtes pour Fluide Glacial, Les Miroirs de Marguerite pour Le Trombone illustré aux éditions Dupuis, Le Pauvre chevalier chez Casterman, Le Petit Tarot aux éditions Futuropolis, Spirella mangeuse d’écureuils chez Khani…

Maniant l’humour absurde comme personne, F’murrr était un « immense humoriste, tendre et acide, farouche et généreux » comme le soulignent les éditions Dargaud dans l’hommage qu’elles rendent ce soir à l’auteur soulignant qu’il « était aimé et respecté au-delà du seul monde de la bande dessinée, notamment pour sa série Le Génie des Alpages, exemple unique en France d’un humour absurde et métaphysique ».

Ce soir les brebis sont tristes

Eric Guillaud

04 Avr

Akira : ne vous rongez plus les ongles, le tome 3 est arrivé en librairie !

L’éditeur nous avait pourtant assuré qu’il ne serait pas nécessaire d’attendre autant de temps pour le tome 3. Raté ! Il s’est passé dix mois entre le 2e et 3e volet, soit pratiquement autant qu’entre le 1er et le 2e. Mais que se passe-t-il ?

Presque un an entre chaque volume. À ce tarif-là, on risque de devoir patienter jusqu’en 2021 pour arriver à la conclusion de ce chef d’oeuvre de la science-fiction signé Katsuhiro Otomo. L’éditeur avait évoqué la fois précédent un problème technique, il parle cette fois de « nombreuses péripéties et échanges avec les éditeurs japonais » ainsi qu’un « problème chez l’imprimeur ».

Bref, armons-nous de patiente, visiblement cette réédition pilotée depuis le Japon par le patron himself, Otomo, n’a pas l’air d’être facile à gérer. Armons-nous de patiente et ne boudons pas notre bonheur. Même si la plupart d’entre nous connaissons l’histoire, c’est toujours un plaisir de se replonger dans les pages de ce manga absolument mythique.

Pas de changement de maquette sur ce troisième volume qui ressemble en tout point au deuxième. Et toujours une identique volonté de retour aux sources. Exit la couleur, nouvelle traduction, onomatopées sous-titrées, jaquette originale et sens de lecture initial respecté pour une édition que l’on dit définitive,

Bref, vous pouvez éteindre vos consoles vidéo et courir à la librairie la plus proche. La suite ? Très rapidement…

Eric Guillaud

Akira (tome 3), de Katsuhiro Otomo. Editions Glénat. 14,95€

18 Mar

La Ballade des dangereuses, journal d’une incarcération, une BD signée Delphine et Anaële Hermans d’après une histoire vécue par Valérie Zézé

À quelques lettres près, cette histoire-là aurait pu s’appeler La Balade des gens heureux. Encore aurait-il fallu des gens heureux parmi les protagonistes. Valérie Zézé, l’héroïne de Delphine et Anaële Hermans, appartiendrait plutôt à la catégorie dite des dangereuses, ces femmes qu’on enferme pour ne pas avoir respecter les règles de la société…

C’est une histoire vraie que nous racontent les soeurs Delphine et Anaële Hermans, l’histoire d’une femme, Valérie Zézé, professeur de français, qui se retrouve un beau jour embarquée dans une spirale infernale qui pourrait se résumer en trois mots : drogue, vols, prison.

Vingt-neuf flagrants délits de vol à son actif avec une méthode simple mais éprouvée : se laisser enfermer le soir venu dans un magasin et se servir. Parfois ça marche, parfois pas. Comme cette fois…

Deux policiers la surprennent dans un magasin, son butin dans une valise : des bouteilles de parfum.

Le récit commence le jour de son incarcération à la maison d’arrêt de Berkendael en Belgique. Valérie Zézé, numéro d’écrou 4827, n’y arrive pas en territoire inconnu. C’est la neuvième fois qu’elle y est incarcérée. Une habituée en somme… mais une habituée qui ne s’habitue pas ! Sur le trajet qui l’emmène vers le prison, Valérie photographie tout ce qu’elle voit…

Emmagasiner un maximum de belles images de l’extérieur, les mettre à l’abri dans ma mémoire. Ce sera mon petit palais, où je pourrais me réfugier

Si elle connaît les moindres recoins de la prison de Berkendael, chacun de ses séjours nécessite une lente et difficile réadaptation à l’atmosphère général, aux gardiennes et aux détenues, au bruit des clefs dans les serrures, à la promiscuité des cellules, il faut se refaire un masque, reprendre les attitudes qui la feront respecter des autres… et surtout faire face au manque.

Pas de coke en prison, juste quelques joints, pas de quoi en tout cas éviter les pétages de plomb !

Cela fait un mois et demi que je n’ai pas consommé de coke. Le manque me prend aux tripes. Ma seule manière de desserrer son emprise est de le transformer en colère

Et puis il y a ce fils resté dehors qui privilégie les visites au parloir à ses études, jusqu’à les arrêter totalement. Une douleur supplémentaire pour Valérie…

C’est le quotidien de cette incarcération que nous raconte La Ballade des Dangereuses, le quotidien et bien évidemment ce qui l’accompagne forcément mais ne se détecte pas, l’intime, les rêves et les angoisses, les joies et les blessures… Un témoignage tout en finesse et en humanité de ce que peut parfois nous réserver la vie. Une histoire touchante au graphisme aussi léger et fragile que la liberté !

Eric Guillaud

La Ballade des dangereuses, Journal d’une incarcération, de Delphine et Anaëlle Hermans d’après l’histoire vraie de Valérie Zézé. La Boîte à bulles. 20€

© La Boîte à Bulles / Delphine et Anaëlle Hermans – Valérie Zézé

28 Jan

Le palmarès 2018 du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD)

Temps froid, très très froid même aujourd’hui à Angoulême où se sont pressés plusieurs dizaines de milliers de fans du neuvième art. Le soleil annoncé pour l’après midi n’a finalement jamais montré le bout d’un rayon. La seule température positive a été enregistrée du côté du théâtre d’Angoulême ou se réunissait ce soir le gratin de la profession pour découvrir et applaudir (enfin normalement!) le palmarès 2018, un palmarès qui fait la part belle aux petits, voire aux très petits éditeurs. Seuls Delcourt et Dargaud parmi les mastodontes s’en sortent pas trop mal…

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Le Fauve d’or à La Saga de Grimr de Jérémie Moreau aux éditions Delcourt

Le Fauve d’Angoulême – prix du public Cultura à Dans la combi de Thomas Pesquet de Marion Montaigne aux éditions Dargaud

Le Fauve d’Angoulême – prix spécial du jury à Les Amours suspendus de Marion Fayolle aux éditions Magnani

Le Fauve d’Angoulême – prix de la série à Happy Fucking Birthday de Megg Mogg &  Owl, Simon Hanselmann aux éditions Misma

Le Fauve d’Angoulême – prix révélation à Beverly de Nick Drnaso aux éditions Presque Lune

Le Fauve d’Angoulême – prix jeunesse à La Guerre de Catherine de Julia Billet et Claire Fauvel aux éditions Rue de Sèvres

Le Fauve d’Angoulême – prix du patrimoine à Je suis Shingo tome 1 de Kazuo Umezu aux éditions Le Lézard noir

Le Fauve Polar SNCF à Jean Doux et le Mystère de la disquette molle de Philippe Valette aux éditions Delcourt

Le Fauve d’Angoulême –  prix de la bande dessinée alternative à Bien Monsieur #8 collectif

Les autres prix

PALMARÈS DES PRIX DÉCOUVERTES 
  • PRIX DES ÉCOLES
Bulshido T.1 de Gobei & Thierry Gloris, éditions Dupuis 
  • PRIX DES COLLÈGES 
Le Collège noir T.1 d’Ulysse Malassagne, éditions Grafiteen 
  • PRIX DES LYCÉES 
Bâtard de Max de Radiguès, éditions Casterman 
CONCOURS DE LA BD SCOLAIRE
  • PRIX D’ANGOULÊME DE LA BD SCOLAIRE
Muflon de Pablo Raison
  •  PRIX ESPOIR DE LA BD SCOLAIRE
La Boucle infernale de Nathan Le Marec
  • PRIX DU SCÉNARIO DE LA BD SCOLAIRE 
Xavier de Sami Jemli
  • PRIX GRAPHISME DE LA BD SCOLAIRE 
Georgio, de Chloé Bertschy
JEUNES TALENTS
  • PRIX JEUNES TALENTS
Premier Lauréat : Louisa Vahdat
Deuxième Lauréat : Lisa Herberer
Troisième Lauréat : Thibault Gallet 
  •  PRIX JEUNES TALENTS RÉGION
Thomas Carretero
CHALLENGE DIGITAL
Premier Lauréat : Sophie Taboni et Nicolas Catherin avec Ici tout va bien 
Deuxième Lauréat : Chien-Fan-Liu avec Plongée
Troisième Lauréat : Philippe Rolland avec Electrozz – La Souris électrique 

 

16 Jan

Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2018 : les trois auteurs en lice pour le Grand Prix sont… Corben, Ware et Guibert

Les 1230 auteurs et autrices qui ont participé au premier tour de l’élection du Grand Prix 2018 ont plébiscité les Américains Richard Corben (Monde mutant, La saga de Den…), Chris Ware (Jimmy Corrigan…) et le Français Emmanuel Guibert (Le Photographe, La guerre d’Alan).

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Le deuxième tour se déroulera du mercredi 17 au dimanche 21 janvier selon les mêmes modalités, rappelle le FIBD,  « avec le même collège de votants : à savoir tout auteur ou autrice de bande dessinée professionnel, quelle que soit sa nationalité, dont les oeuvres sont traduites, en français et diffusées dans l’espace francophone et ayant participé au premier tour est admis à voter pour l’élection du nouveau Grand Prix. Le vote s’effectue sous forme électronique, uniquement accessible aux autrices et aux auteurs, via le site dédié ». 

Le nom du nouveau Grand Prix sera annoncé le mercredi 24 janvier 2018 lors de la cérémonie d’ouverture de la 45e édition du Festival.

Eric Guillaud

22 Déc

En attendant Bojangles : une très belle adaptation du roman d’Olivier Bourdeaut signée Ingrid Chabbert et Carole Maurel

enattendantbojanglesQuand une bande dessinée se lit d’un trait d’un seul, avec la même grâce, la même fluidité qu’un pas de danse, c’est que les auteurs ont merveilleusement réussi le pari de nous entraîner dans leur univers. Quand de surcroît il s’agit d’une adaptation de roman, alors ce pari devient un coup de génie. En attendant Bojangles en est un…

Mais pourquoi donc s’embarrasser d’une adaptation ? C’est toujours compliqué une adaptation, il faut respecter l’oeuvre tout en y apportant son propre regard, adapter en s’adaptant, ou l’inverse.

Alors on a demandé à Ingrid Chabbert, la scénariste, qui nous a expliqué le pourquoi du comment : « C’est mon éditrice qui m’a proposé cette adaptation lorsqu’ils ont acheté les droits. Ce n’est donc pas un choix de ma part au départ mais je n’aurais pas accepté cette proposition si je n’avais pas moi même adoré le roman ».

Pas trop de pression ? « Oulala si, une pression énorme !! Le pire étant celle que je m’imposais à moi même. Vu le succès phénoménal du roman, on sait que beaucoup de personnes vont s’y intéresser et donc le juger ».

« Lorsque vous écrivez un roman… », explique Olivier Bourdeaut en préface, « les personnages vivent bien au-delà des mots qui les animent. Leur univers est dans votre imaginaire bien plus large que les scènes de vie que vous décrivez. C’est tout le talent de la scénariste et de la dessinatrice de s’être emparé de mon imaginaire pour le dessiner. J’ignore par quelle magie noire elle sont parvenues à le faire, et je prèfère ne pas le savoir. Le résultat est là : ce qui est occulté ne manque pas, ce qui est ajouté ne jure pas… ».

Qu’elle se rassure, qu’elles se rassurent  même puisqu’elles sont deux à signer ce livre, le résultat est tout simplement magnifique. On rit, on danse, on s’amuse avec les personnages et puis… on se casse la gueule avec eux quand la vie est subitement moins légère, mois folle.

L’histoire ? Pour ceux qui n’auraient pas lu le roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles raconte l’histoire d’un homme et d’une femme qui s’aiment à la folie depuis leur première rencontre et s’aimeront à la folie jusqu’à la mort. En dire plus serait tentant mais je préfère vous laisser la surprise.

En attendant, Ingrid Chabbert et Carole Maurel peuvent savourer le très bel accueil reçu par le livre. « Pour moi, la plus belle des critiques a été la préface qu’Olivier nous a offert », conclue Ingrid.

Si vous avez encore une petite place au pied du sapin…

Eric Guillaud

En attendant Bojangles, d’après le roman d’Olivier Bourdeaut, par Ingrid Chabbert et Carole Maurel. Steinkis. 18€

© Steinkis / Chabbert & Maurel

© Steinkis / Chabbert & Maurel

15 Déc

Tales from the Crypt et The Haunt of Fear, l’esprit pionnier de la BD d’horreur underground des années 50, de nouveau traduits en français

CouvTalesCrypt-1-818x1024Comme (trop) souvent en France, il nous a fallu du temps – oh rien du tout, cinquante ans – pour enfin voir toute une pan de la culture ‘pulps’ traduite dans la langue de Molière. Mine de rien, bien que souvent vendu à l’origine dans des gares pour une modique somme et à destination avant tout d’un jeune public facilement impressionnable, ces courts récits de fantastique ou d’horreur tenant en général sur moins de dix pages ont véritablement façonné une bonne partie de la culture populaire américaine et fait flamber l’imagination de futurs réalisateurs comme Steven Spielberg ou George Lucas. Et accessoirement, ce fut en son temps une industrie florissante, pleine de titres éphémères mais aussi d’autres devenus ‘cultes’ par la suite.

Tales From The Crypts – d’abord intitulé The Crypts of terror avant de changer de nom – est l’une des plus connues mais avant tout à cause de son adaptation télévisuelle à la toute fin des années 80. Bizarrement, la série originelle de comics a été, elle, pendant longtemps oubliée, pas aidée certes par sa disparition prématurée en 1955. Mais après Les Humanoïdes Associés en 1983 puis Albin Michel à la fin des 90’s, c’st depuis 2012 au tour d’Akileos de reprendre le flambeau, avec une anthologie par an de vingt-quatre histoires chacun, avec quatre à ce jour. Même si on aurait aimé un petit top récapitulatif sur le contexte et qui se cachait derrière ces histoires macabres, le premier tome est d’une sobriété exemplaires en reprenant de façon chronologique la saga. On (re)découvre par exemple que le gimmick d’avoir une sorte d’hôte maléfique introduisant chaque histoire – au choix, une ‘ vieille sorcière’, ‘le gardien de la crypte’ ou ‘gardien du caveau’ – n’est apparu au bout de quelques numéros…CouvHauntOfFear-1-370x370

Difficile de ne pas établir l’inévitable parallèle avec un autre poids lourd du style, justement réhabilité aussi depuis peu par les éditions Delirium : Eerie et Creepy. Or autant ces derniers, certes parus qinze ans plus tard, étaient très graphiques et transgressifs, autant Tales From The Crypt et son cousin pas si éloigné The Haunt of Fear (qui est lui aussi réédité chez Akileos) paraissent d’abord bien plus sages et policés. Il faut dire qu’on est encore dans l’Amérique très puritaine de la première moitié des années 50 : les femmes se marient et restent au foyer, les hommes se doivent d’être respectables et de fumer la pipe et la violence ne doit jamais apparaître ouvertement mais rester avant tout subjective. Les morts se passent toujours hors champ, les cadavres traînent hors cadres. Or justement, même si pour le néophyte le tout paraîtra d’abord désespérément amidonné et politiquement correct, tout l’intérêt pour le lecteur du XXIe siècle est de lire entre les lignes et de deviner ce que certains de ces dessinateurs devenus mythiques depuis (comme Al Feldtsein, le futur rédacteur-en-chef de Mad Magazine) suggèrent d’une façon insidieuse. Ce qui au final rend peut-être l’ensemble encore plus subversif…

 noter qu’en plus de ces deux titres plus axés ‘horreur’ et ‘fantastique’, Akileos a aussi décidé de ressusciter d’autres classiques du catalogue EC COMICS, dont Shock/Crime SuspenStories (policier), Frontline Combat (aviation) ou Two-Fisted Tales (guerre).

Olivier Badin

Tales from the Crypt (4 volumes) et The Haunt of Fear (2 volumes), Akileos, 27€

01 Déc

Angoulême : le ligérien Olivier Josso Hamel dans la sélection officielle du festival international de la bande dessinée

Chaque année à pareille époque, le festival international de la BD d’Angoulême dévoile la sélection officielle des albums qui concourront dans les différentes catégories de prix. 45 albums dont celui d’Olivier Josso Hamel, le deuxième tome de « Au travail », figurent dans la sélection 2018.

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La suite ici.. 

08 Nov

L’Écorce des choses : Cécile Bidault nous plonge avec émotion et pédagogie dans le quotidien d’une enfant sourde des années 70

Habituellement, les bandes dessinées muettes répondent à une recherche stylistique, l’album de Cécile Bidault paru aux éditons Warum? l’est par la force des choses, son personnage principal, une petite fille, est sourde et muette…

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Pas de bulles ou tout au moins des bulles blanches, vides, figurant les paroles échangées entre son père et sa mère qu’elle ne peut entendre. La petite fille de ce récit souffre de surdité sévère. Pas de bulles mais quelques mots tout de même de cette petite fille, et narratrice, en ouverture de l’album pour nous planter le décor. « Je n’ai jamais pu entendre. Quand j’avais neuf ans, mes parents ont déménagé à la campagne… ». Voilà pour l’essentiel!

C’est à ce moment précis du déménagement que l’histoire commence. Nous sommes en été, la petite fille, déjà isolée par son handicap, se retrouve sans repères, dans une nouvelle maison, un nouvel environnement, coincé entre une mère désemparée et un père au mieux maladroit, tentant de lui faire prononcer des lettres de l’alphabet, au pire complètement absent.

 © Warum? / Bidault

© Warum? / Bidault

Peu à peu, la petite fille explore sa nouvelle maison, le grenier tout d’abord où elle découvre un vieux poste radio qu’elle allume et serre contre sa poitrine pour ressentir les vibrations. Le jardin ensuite et ses alentours. C’est là qu’elle croise un jeune garçon qui va devenir son copain de jeu et partager son quotidien. Les saisons passent ainsi, les  bons moments, les mauvais aussi…

Elle voit qu’il se se dit des choses importantes autour d’elle, à la télévision, chez elle quand son père et sa mère se disputent, mais elle ne peut comprendre. Pire, elle ne peut intervenir.

Et la langue des signes me direz-vous ? Oui bien sûr, sauf que l’histoire se déroule dans les années 70 et que, comme nous le rappelle un bref historique placé à la fin de l’album, la langue des signes était interdite jusqu’en 1976 et qu’il faut attendre 1991 pour que la loi Fabius autorise son enseignement aux enfants sourds. Ça peut paraître dingue aujourd’hui mais c’est la réalité.

Le parti pris d’une bande dessinée muette place de fait le lecteur dans la peau et la tête de la petite fille. Alors forcément, le récit est troublant, riche en émotions, il est surtout très pédagogique. C’est « une invitations à la tolérance, au respect des différences et à l’ouverture aux autres… », écrit en préface Élodie Hemery, Directeur de l’institut national de jeunes sourds de Paris. Et on pourrait ajouter : sans être ennuyeux une seconde. Car L’Écorce des choses est avant tout un récit qui se lit comme une fiction, une très belle fiction, à la narration subtile et au graphisme délicat ! Lu et adoré.

Eric Guillaud

L’Écorce des choses, de Cécile Bidault. Éditions Warum?. 20€

 © Warum? / Bidault

© Warum? / Bidault

07 Nov

Elric : une nouvelle adaptation épique et grandiose chez Glénat

elric couvElric : enfin une adaptation à la hauteur de la légende de l’heroic fantasy, quarante-cinq ans après le premier coup de maître de Philippe Druillet

On va dire que c’est la faute de cette adaptation en jeu de rôles dans les années 80 qui lui a fait autant de bien que de mal au final. Du bien parce qu’elle a permis de populariser le personnage le plus flamboyant sorti de l’imagination pourtant luxuriante de l’auteur anglais d’heroic-fantasy Michael Moorcock. Mais du mal aussi parce qu’il a perdu au passage une partie de sa superbe car alors trop résumé à ses quelques traits les plus marquants et donc un chouia caricaturé. Car Elric de Melniboné n’est ni un héros ni un chevalier servant sur son blanc destrier mais bien un monarque sadique et égoïste que l’on pourrait plus rapprocher à la limite d’un Vlad Tepes et toute la force de cette nouvelle adaptation bédé est, justement, de lui rendre enfin justice.

 © Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

© Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

C’est loin d’être la première mais ce n’est pas pour rien que l’affiliation graphique avec Philippe Druillet – qui le premier tenta sa chance en 1971 en collaboration directe avec Moorcock – saute aux yeux d’entrée ici. Dès les premières planches du Trône du Rubis, on est propulsé dans un monde noir, acéré de partout, violent et sans pitié au bestiaire démoniaque, celui des Ménilbonéens, race aristocratique régnant sans pitié sur le monde mais en pleine décadence. Albinos et malade mais aussi cruel et raffiné, leur souverain Elric est malgré tout trahi par son ambitieux cousin Yrkoon. Pour se venger, il vend son âme à Arioch le Dieu du Chaos qui lie alors son destin à Stormbringer, épée magique et insatiable buveuse d’âme qui demande toujours de tueries et qui entraînera sa perte. Loin, très loin de l’univers limite Bisounours en comparaison d’un Seigneur des Anneaux ou même d’un Conan, ici on vit et on meurt au gré des désirs des rois et des dieux, sans justice ni pitié…

 © Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

© Glénat / Blondel, Poli, Recht & Bastide

Ils s’y sont pris à trois pour arriver à ce résultat – quatre si l’on compte le scénariste Julien Blondel – mais il est assez bluffant car épique et grandiose à la fois. Si de nombreuses pleines pages accentuent le souffle et la noirceur qui s’en dégagent, c’est bien le refus des auteurs de sombrer dans le manichéisme et leur façon assez subtile de tour à tour sublimer leur héros avant de le jeter dans des abîmes de doutes et de souffrances qui donne toute sa force au récit. Il y a toujours eu quelque chose de très Shakespearien chez ce personnage, notamment son côté maudit, et c’est la première fois où il transpire autant. Même s’ils se sont permis quelques libertés par rapport aux originaux (les fans doivent s’attendre à une belle surprise à la fin du tome 3), ils finissent quand même par sublimer l’œuvre de Moorcock plutôt que de la dénaturer, redonnant à Elric toute sa profondeur et sa complexité. Attendu pour le printemps prochain, le quatrième et dernier tome devrait donc être dantesque !

Olivier Badin

Elric 1. Le Trône de Rubis, 2. Stormbringer et 3. Le Loup Blanc, Glénat BD, 14,95 €