29 Avr

Valhardi, Jojo, Constant Souci… le patrimoine est de sortie

Pour apprécier et comprendre la bande dessinée d’aujourd’hui, rien de tel qu’un petit retour sur le passé, à la découverte du patrimoine. Jojo, Valhardi et Constant Souci en font assurément partie et ont chacun dans leur style contribué à la richesse du neuvième art…

Jojo est de retour avec sa bouille toute ronde, sa salopette rouge et sa casquette de poulbot bien vissée sur la tête. Ce personnage truculent imaginé par André Geerts, grand amateur de Franquin et Peyo, proche dans l’esprit d’un Fournier, d’un Hislaire ou d’un Frank Pe, a apporté au Journal de Spirou un vent de fraîcheur et de poésie bienvenue dans le milieu des années 80. Chacune de ses histoires met en scène avec une grande sensibilité le monde de l’enfance à travers ce petit garçon que l’on suit dans son environnement familial, il vit avec sa grand-mère, mais aussi scolaire et amical, avec notamment son copain et voisin Gros-Louis.

On n’en est pas encore aux enfants terribles de la bande dessinée, ceux qui feront les 400 coups dans quelques séries à succès, Le Petit Spirou et Titeuf pour ne citer qu’eux, mais les bases sont là. En cinq ans d’existence, Geerts a su « consolider les fondations de sa série », écrit Morgan Di Salvia en introduction, « et ce titre (Un été du tonnerre, ndlr) est sa première réussite totale ».

Après les années 1983-1991, ce deuxième tome de l’intégrale qui lui est consacrée s’intéresse aux années 1991-1998 autour de quatre récits, Un été du tonnerre, Le Serment d’amitié, Mamy se défend et Monsieur Je-sais-tout, enrichis de planches inédites pubiées dans le Journal de Spirou et d’un dossier d’une trentaine de pages pour tout savoir sur le personnage et son créateur. (Intégrale Jojo (tome 2), Geerts. Dupuis. 28€).

Lui aussi fait son retour, lui c’est Jijé, Joseph Gillain de son vrai nom. Dix ans après en avoir confié les rênes à Eddy Paape, Jijé reprend la destinée de Valhardi avec un épisode intitulé Valhardi contre le soleil noir.  Avec le temps et le contexte de guerre froide, notre personnage a quitté le monde des enquêteurs en assurances pour celui des détectives traquant les gangs internationaux. « Autour de lui… », écrit le journaliste Jérôme Dupuis en préface, « le monde n’est plus le même non plus : la société imprégnée de catholicisme, de la guerre, a laissé place aux trente glorieuses, avec son cortège d’avions de ligne, de voitures décapotables et de jolies filles ».

Jijé saura donner le bon coup de volant au bon moment à la belle Simca jaune de Valhardi pour le mettre sur la bonne direction, celle de la modernité. Soleil noir et Le Gang du diamant deviendront des classiques qui inspireront quantité d’auteurs, à commencer par, nous rappelle Jérôme Dupuis, l’immense Yves Chaland et derrière lui toute la jeune génération de Métal Hurlant. (Intégrale Valhardi (tome 4), Charlier, Jijé et Philip. Dupuis. 35€)

On termine avec l’un des premiers albums publiés par les éditions Glénat, un trésor d’éditeur en quelques sortes, une histoire méconnue du grand public signée du prolifique scénariste et dessinateur Greg (Achille Talon, Bernard Prince, Bruno Brazil, Comanche, Luc Orient…) sur une idée de Vicq (Taka Takata) et des décors de Dupa (Cubitus). Que du beau monde pour une série pour le moins éphémère puisqu’elle comptera uniquement cet épisode, Le Mystère de l’homme aux trèfles, prépublié dans le journal Tintin en 1967. Cette édition dans la collection Patrimoine BD des éditions Glénat nous permet de retrouver les planches en noir et blanc, idéal pour apprécier au plus près le génie graphique et narratif de Greg disparu en 1999. (Constant Souci Le Mystère de l’homme aux trèfles, Greg. Glénat. 15€)

Eric Guillaud

13 Avr

Un dessin de Philippe Druillet sur une série de guitares Fender à tirage ultra-limité

Si vous aimez le rock et la BD, c’est pour vous… Les amoureux de Jimi Hendrix s’en souviennent certainement, Philippe Druillet a réalisé en 1975 la pochette de la réédition posthume d’Electric Ladyland du fameux guitariste américain. Dessin qui a fait le tour du monde et revient aujourd’hui décorer une série à tirage ultra-limité de guitares, une Fender stratocaster et une Fender Telecaster, toutes deux tirées à 27 exemplaires seulement, en plus des 3 épreuves auteur et des 7 exemplaires hors commerce. La reproduction du dessin sur le corps de la guitare est accompagné de la signature de Philippe Druillet et d’un certificat d’authenticité. Tout ça pour le prix de… 4990 pour la Stratocaster, 3990 pour la Telecaster !

Plus d’infos ici

11 Avr

Science sans conscience : le monde scientifique croqué par le caricaturiste et illustrateur Klub

Science sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ? Pas de panique, rangez vos stylos, je ne vais pas vous demander de me rendre votre copie dans trois heures. De toute façon, la réponse n’est absolument pas dans ce livre de Klub, quoique… à bien regarder entre les traits et à bien lire entre les lignes, on y trouverait matière à disserter.

Peut-on se moquer de la science et de ses plus hauts représentants ? Peut-on brancarder les astronomes, médecins, chercheurs en chimie moléculaire et autres génies de la loi de gravitation ? Peut-on mettre en doute les bienfaits des grandes inventions de l’humanité ? Réponse : oui. Surtout quand on s’appelle Klub et qu’on a un talent comme le sien.

Après L’Art n’a qu’à bien se tenir chez Warum? qui s’attaquait à l’univers de l’art contemporain, Science sans conscience prend le parti de nous faire rire autour du monde scientifique en n’oubliant personne, même pas Galilée qui signe ici, oui oui, une préface désopilante. Elle se termine par ces quelques mots clairvoyants : « C’est quand même pas très sympa de se moquer de nous, alors qu’on va probablement sauver le monde de la destruction par un truc qu’on aura nous-même inventé ».

Un album drôle de bout en bout, dos de l’album compris, à lire avant la fin du monde.

Eric Guillaud

Science sans conscience, de Klub. Warum? 15€ 

© Warum? / Klub

10 Avr

L’auteur de bande dessinée Richard Peyzaret dit F’murrr est décédé

Le Génie des Alpages, c’est lui ! F’murrr a débuté cette série dans les pages du journal Pilote en 1973 et l’a poursuivie directement en album chez Dargaud à la disparition du magazine. Il y mettait en scène un berger, Athanase, une bergère, Naphtalène, un bélier, Romuald, et un troupeau de brebis intellos dont vous pourrez trouver tous les noms ici.

© Rita Scaglia / Dargaud

Bien sûr, F’murrr c’est aussi Jehanne d’Arc créé pour Métal Hurlant, Robin des Boîtes pour Fluide Glacial, Les Miroirs de Marguerite pour Le Trombone illustré aux éditions Dupuis, Le Pauvre chevalier chez Casterman, Le Petit Tarot aux éditions Futuropolis, Spirella mangeuse d’écureuils chez Khani…

Maniant l’humour absurde comme personne, F’murrr était un « immense humoriste, tendre et acide, farouche et généreux » comme le soulignent les éditions Dargaud dans l’hommage qu’elles rendent ce soir à l’auteur soulignant qu’il « était aimé et respecté au-delà du seul monde de la bande dessinée, notamment pour sa série Le Génie des Alpages, exemple unique en France d’un humour absurde et métaphysique ».

Ce soir les brebis sont tristes

Eric Guillaud

04 Avr

Akira : ne vous rongez plus les ongles, le tome 3 est arrivé en librairie !

L’éditeur nous avait pourtant assuré qu’il ne serait pas nécessaire d’attendre autant de temps pour le tome 3. Raté ! Il s’est passé dix mois entre le 2e et 3e volet, soit pratiquement autant qu’entre le 1er et le 2e. Mais que se passe-t-il ?

Presque un an entre chaque volume. À ce tarif-là, on risque de devoir patienter jusqu’en 2021 pour arriver à la conclusion de ce chef d’oeuvre de la science-fiction signé Katsuhiro Otomo. L’éditeur avait évoqué la fois précédent un problème technique, il parle cette fois de « nombreuses péripéties et échanges avec les éditeurs japonais » ainsi qu’un « problème chez l’imprimeur ».

Bref, armons-nous de patiente, visiblement cette réédition pilotée depuis le Japon par le patron himself, Otomo, n’a pas l’air d’être facile à gérer. Armons-nous de patiente et ne boudons pas notre bonheur. Même si la plupart d’entre nous connaissons l’histoire, c’est toujours un plaisir de se replonger dans les pages de ce manga absolument mythique.

Pas de changement de maquette sur ce troisième volume qui ressemble en tout point au deuxième. Et toujours une identique volonté de retour aux sources. Exit la couleur, nouvelle traduction, onomatopées sous-titrées, jaquette originale et sens de lecture initial respecté pour une édition que l’on dit définitive,

Bref, vous pouvez éteindre vos consoles vidéo et courir à la librairie la plus proche. La suite ? Très rapidement…

Eric Guillaud

Akira (tome 3), de Katsuhiro Otomo. Editions Glénat. 14,95€

18 Mar

La Ballade des dangereuses, journal d’une incarcération, une BD signée Delphine et Anaële Hermans d’après une histoire vécue par Valérie Zézé

À quelques lettres près, cette histoire-là aurait pu s’appeler La Balade des gens heureux. Encore aurait-il fallu des gens heureux parmi les protagonistes. Valérie Zézé, l’héroïne de Delphine et Anaële Hermans, appartiendrait plutôt à la catégorie dite des dangereuses, ces femmes qu’on enferme pour ne pas avoir respecter les règles de la société…

C’est une histoire vraie que nous racontent les soeurs Delphine et Anaële Hermans, l’histoire d’une femme, Valérie Zézé, professeur de français, qui se retrouve un beau jour embarquée dans une spirale infernale qui pourrait se résumer en trois mots : drogue, vols, prison.

Vingt-neuf flagrants délits de vol à son actif avec une méthode simple mais éprouvée : se laisser enfermer le soir venu dans un magasin et se servir. Parfois ça marche, parfois pas. Comme cette fois…

Deux policiers la surprennent dans un magasin, son butin dans une valise : des bouteilles de parfum.

Le récit commence le jour de son incarcération à la maison d’arrêt de Berkendael en Belgique. Valérie Zézé, numéro d’écrou 4827, n’y arrive pas en territoire inconnu. C’est la neuvième fois qu’elle y est incarcérée. Une habituée en somme… mais une habituée qui ne s’habitue pas ! Sur le trajet qui l’emmène vers le prison, Valérie photographie tout ce qu’elle voit…

Emmagasiner un maximum de belles images de l’extérieur, les mettre à l’abri dans ma mémoire. Ce sera mon petit palais, où je pourrais me réfugier

Si elle connaît les moindres recoins de la prison de Berkendael, chacun de ses séjours nécessite une lente et difficile réadaptation à l’atmosphère général, aux gardiennes et aux détenues, au bruit des clefs dans les serrures, à la promiscuité des cellules, il faut se refaire un masque, reprendre les attitudes qui la feront respecter des autres… et surtout faire face au manque.

Pas de coke en prison, juste quelques joints, pas de quoi en tout cas éviter les pétages de plomb !

Cela fait un mois et demi que je n’ai pas consommé de coke. Le manque me prend aux tripes. Ma seule manière de desserrer son emprise est de le transformer en colère

Et puis il y a ce fils resté dehors qui privilégie les visites au parloir à ses études, jusqu’à les arrêter totalement. Une douleur supplémentaire pour Valérie…

C’est le quotidien de cette incarcération que nous raconte La Ballade des Dangereuses, le quotidien et bien évidemment ce qui l’accompagne forcément mais ne se détecte pas, l’intime, les rêves et les angoisses, les joies et les blessures… Un témoignage tout en finesse et en humanité de ce que peut parfois nous réserver la vie. Une histoire touchante au graphisme aussi léger et fragile que la liberté !

Eric Guillaud

La Ballade des dangereuses, Journal d’une incarcération, de Delphine et Anaëlle Hermans d’après l’histoire vraie de Valérie Zézé. La Boîte à bulles. 20€

© La Boîte à Bulles / Delphine et Anaëlle Hermans – Valérie Zézé

28 Jan

Le palmarès 2018 du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD)

Temps froid, très très froid même aujourd’hui à Angoulême où se sont pressés plusieurs dizaines de milliers de fans du neuvième art. Le soleil annoncé pour l’après midi n’a finalement jamais montré le bout d’un rayon. La seule température positive a été enregistrée du côté du théâtre d’Angoulême ou se réunissait ce soir le gratin de la profession pour découvrir et applaudir (enfin normalement!) le palmarès 2018, un palmarès qui fait la part belle aux petits, voire aux très petits éditeurs. Seuls Delcourt et Dargaud parmi les mastodontes s’en sortent pas trop mal…

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Le Fauve d’or à La Saga de Grimr de Jérémie Moreau aux éditions Delcourt

Le Fauve d’Angoulême – prix du public Cultura à Dans la combi de Thomas Pesquet de Marion Montaigne aux éditions Dargaud

Le Fauve d’Angoulême – prix spécial du jury à Les Amours suspendus de Marion Fayolle aux éditions Magnani

Le Fauve d’Angoulême – prix de la série à Happy Fucking Birthday de Megg Mogg &  Owl, Simon Hanselmann aux éditions Misma

Le Fauve d’Angoulême – prix révélation à Beverly de Nick Drnaso aux éditions Presque Lune

Le Fauve d’Angoulême – prix jeunesse à La Guerre de Catherine de Julia Billet et Claire Fauvel aux éditions Rue de Sèvres

Le Fauve d’Angoulême – prix du patrimoine à Je suis Shingo tome 1 de Kazuo Umezu aux éditions Le Lézard noir

Le Fauve Polar SNCF à Jean Doux et le Mystère de la disquette molle de Philippe Valette aux éditions Delcourt

Le Fauve d’Angoulême –  prix de la bande dessinée alternative à Bien Monsieur #8 collectif

Les autres prix

PALMARÈS DES PRIX DÉCOUVERTES 
  • PRIX DES ÉCOLES
Bulshido T.1 de Gobei & Thierry Gloris, éditions Dupuis 
  • PRIX DES COLLÈGES 
Le Collège noir T.1 d’Ulysse Malassagne, éditions Grafiteen 
  • PRIX DES LYCÉES 
Bâtard de Max de Radiguès, éditions Casterman 
CONCOURS DE LA BD SCOLAIRE
  • PRIX D’ANGOULÊME DE LA BD SCOLAIRE
Muflon de Pablo Raison
  •  PRIX ESPOIR DE LA BD SCOLAIRE
La Boucle infernale de Nathan Le Marec
  • PRIX DU SCÉNARIO DE LA BD SCOLAIRE 
Xavier de Sami Jemli
  • PRIX GRAPHISME DE LA BD SCOLAIRE 
Georgio, de Chloé Bertschy
JEUNES TALENTS
  • PRIX JEUNES TALENTS
Premier Lauréat : Louisa Vahdat
Deuxième Lauréat : Lisa Herberer
Troisième Lauréat : Thibault Gallet 
  •  PRIX JEUNES TALENTS RÉGION
Thomas Carretero
CHALLENGE DIGITAL
Premier Lauréat : Sophie Taboni et Nicolas Catherin avec Ici tout va bien 
Deuxième Lauréat : Chien-Fan-Liu avec Plongée
Troisième Lauréat : Philippe Rolland avec Electrozz – La Souris électrique 

 

16 Jan

Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2018 : les trois auteurs en lice pour le Grand Prix sont… Corben, Ware et Guibert

Les 1230 auteurs et autrices qui ont participé au premier tour de l’élection du Grand Prix 2018 ont plébiscité les Américains Richard Corben (Monde mutant, La saga de Den…), Chris Ware (Jimmy Corrigan…) et le Français Emmanuel Guibert (Le Photographe, La guerre d’Alan).

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Le deuxième tour se déroulera du mercredi 17 au dimanche 21 janvier selon les mêmes modalités, rappelle le FIBD,  « avec le même collège de votants : à savoir tout auteur ou autrice de bande dessinée professionnel, quelle que soit sa nationalité, dont les oeuvres sont traduites, en français et diffusées dans l’espace francophone et ayant participé au premier tour est admis à voter pour l’élection du nouveau Grand Prix. Le vote s’effectue sous forme électronique, uniquement accessible aux autrices et aux auteurs, via le site dédié ». 

Le nom du nouveau Grand Prix sera annoncé le mercredi 24 janvier 2018 lors de la cérémonie d’ouverture de la 45e édition du Festival.

Eric Guillaud

22 Déc

En attendant Bojangles : une très belle adaptation du roman d’Olivier Bourdeaut signée Ingrid Chabbert et Carole Maurel

enattendantbojanglesQuand une bande dessinée se lit d’un trait d’un seul, avec la même grâce, la même fluidité qu’un pas de danse, c’est que les auteurs ont merveilleusement réussi le pari de nous entraîner dans leur univers. Quand de surcroît il s’agit d’une adaptation de roman, alors ce pari devient un coup de génie. En attendant Bojangles en est un…

Mais pourquoi donc s’embarrasser d’une adaptation ? C’est toujours compliqué une adaptation, il faut respecter l’oeuvre tout en y apportant son propre regard, adapter en s’adaptant, ou l’inverse.

Alors on a demandé à Ingrid Chabbert, la scénariste, qui nous a expliqué le pourquoi du comment : « C’est mon éditrice qui m’a proposé cette adaptation lorsqu’ils ont acheté les droits. Ce n’est donc pas un choix de ma part au départ mais je n’aurais pas accepté cette proposition si je n’avais pas moi même adoré le roman ».

Pas trop de pression ? « Oulala si, une pression énorme !! Le pire étant celle que je m’imposais à moi même. Vu le succès phénoménal du roman, on sait que beaucoup de personnes vont s’y intéresser et donc le juger ».

« Lorsque vous écrivez un roman… », explique Olivier Bourdeaut en préface, « les personnages vivent bien au-delà des mots qui les animent. Leur univers est dans votre imaginaire bien plus large que les scènes de vie que vous décrivez. C’est tout le talent de la scénariste et de la dessinatrice de s’être emparé de mon imaginaire pour le dessiner. J’ignore par quelle magie noire elle sont parvenues à le faire, et je prèfère ne pas le savoir. Le résultat est là : ce qui est occulté ne manque pas, ce qui est ajouté ne jure pas… ».

Qu’elle se rassure, qu’elles se rassurent  même puisqu’elles sont deux à signer ce livre, le résultat est tout simplement magnifique. On rit, on danse, on s’amuse avec les personnages et puis… on se casse la gueule avec eux quand la vie est subitement moins légère, mois folle.

L’histoire ? Pour ceux qui n’auraient pas lu le roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles raconte l’histoire d’un homme et d’une femme qui s’aiment à la folie depuis leur première rencontre et s’aimeront à la folie jusqu’à la mort. En dire plus serait tentant mais je préfère vous laisser la surprise.

En attendant, Ingrid Chabbert et Carole Maurel peuvent savourer le très bel accueil reçu par le livre. « Pour moi, la plus belle des critiques a été la préface qu’Olivier nous a offert », conclue Ingrid.

Si vous avez encore une petite place au pied du sapin…

Eric Guillaud

En attendant Bojangles, d’après le roman d’Olivier Bourdeaut, par Ingrid Chabbert et Carole Maurel. Steinkis. 18€

© Steinkis / Chabbert & Maurel

© Steinkis / Chabbert & Maurel

15 Déc

Tales from the Crypt et The Haunt of Fear, l’esprit pionnier de la BD d’horreur underground des années 50, de nouveau traduits en français

CouvTalesCrypt-1-818x1024Comme (trop) souvent en France, il nous a fallu du temps – oh rien du tout, cinquante ans – pour enfin voir toute une pan de la culture ‘pulps’ traduite dans la langue de Molière. Mine de rien, bien que souvent vendu à l’origine dans des gares pour une modique somme et à destination avant tout d’un jeune public facilement impressionnable, ces courts récits de fantastique ou d’horreur tenant en général sur moins de dix pages ont véritablement façonné une bonne partie de la culture populaire américaine et fait flamber l’imagination de futurs réalisateurs comme Steven Spielberg ou George Lucas. Et accessoirement, ce fut en son temps une industrie florissante, pleine de titres éphémères mais aussi d’autres devenus ‘cultes’ par la suite.

Tales From The Crypts – d’abord intitulé The Crypts of terror avant de changer de nom – est l’une des plus connues mais avant tout à cause de son adaptation télévisuelle à la toute fin des années 80. Bizarrement, la série originelle de comics a été, elle, pendant longtemps oubliée, pas aidée certes par sa disparition prématurée en 1955. Mais après Les Humanoïdes Associés en 1983 puis Albin Michel à la fin des 90’s, c’st depuis 2012 au tour d’Akileos de reprendre le flambeau, avec une anthologie par an de vingt-quatre histoires chacun, avec quatre à ce jour. Même si on aurait aimé un petit top récapitulatif sur le contexte et qui se cachait derrière ces histoires macabres, le premier tome est d’une sobriété exemplaires en reprenant de façon chronologique la saga. On (re)découvre par exemple que le gimmick d’avoir une sorte d’hôte maléfique introduisant chaque histoire – au choix, une ‘ vieille sorcière’, ‘le gardien de la crypte’ ou ‘gardien du caveau’ – n’est apparu au bout de quelques numéros…CouvHauntOfFear-1-370x370

Difficile de ne pas établir l’inévitable parallèle avec un autre poids lourd du style, justement réhabilité aussi depuis peu par les éditions Delirium : Eerie et Creepy. Or autant ces derniers, certes parus qinze ans plus tard, étaient très graphiques et transgressifs, autant Tales From The Crypt et son cousin pas si éloigné The Haunt of Fear (qui est lui aussi réédité chez Akileos) paraissent d’abord bien plus sages et policés. Il faut dire qu’on est encore dans l’Amérique très puritaine de la première moitié des années 50 : les femmes se marient et restent au foyer, les hommes se doivent d’être respectables et de fumer la pipe et la violence ne doit jamais apparaître ouvertement mais rester avant tout subjective. Les morts se passent toujours hors champ, les cadavres traînent hors cadres. Or justement, même si pour le néophyte le tout paraîtra d’abord désespérément amidonné et politiquement correct, tout l’intérêt pour le lecteur du XXIe siècle est de lire entre les lignes et de deviner ce que certains de ces dessinateurs devenus mythiques depuis (comme Al Feldtsein, le futur rédacteur-en-chef de Mad Magazine) suggèrent d’une façon insidieuse. Ce qui au final rend peut-être l’ensemble encore plus subversif…

 noter qu’en plus de ces deux titres plus axés ‘horreur’ et ‘fantastique’, Akileos a aussi décidé de ressusciter d’autres classiques du catalogue EC COMICS, dont Shock/Crime SuspenStories (policier), Frontline Combat (aviation) ou Two-Fisted Tales (guerre).

Olivier Badin

Tales from the Crypt (4 volumes) et The Haunt of Fear (2 volumes), Akileos, 27€